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USUAL SUSPECTS (1995)-Le coup le plus rusé du diable

USUAL SUSPECTS (1995)-Le coup le plus rusé du diable dans Un oeil dans le rétro petepostlethwaitusualsuspects-300x127

Kobayashi (Pete Postlewhaite) en mauvaise posture face à McMannus (Stephen Baldwin) et Keaton (Gabriel Byrne). Mais qui manipule qui?

 

Résumé: Une nuit, dans le port de San Pedro, en Californie, l’explosion d’un cargo fait une trentaine de morts. Il n’ y a que deux survivants: un marin hongrois gravement brûlé et un petit escroc boiteux de New-York. Tandis que le hongrois est expédié à l’hôpital, le boiteux, Roger « Verbal » Kint (Kevin Spacey) est interrogé par la police et par un agent des douanes new-yorkais, Dave Kujan (Chazz Palminteri). Il va alors lui raconter une étrange histoire où lui-même et 4 autres bandits, réunis par hasard, vont se faire manipuler par un criminel légendaire, Keyser Söze.

Contexte: Il s’agit du deuxième long-métrage réalisé par Bryan Singer, après le toujours inédit Public Access (1993). Le scénario est signé Christopher McQuarrie, un ancien détective privé reconverti dans le cinéma, futur réalisateur de Way of the Gun (2000) et Jack Reacher (2012). Le montage et la musique sont tous les deux effectués par John Ottman. Ce dernier, après l’échec de sa première réalisation, Urban Legend 2, en 2000, ne s’occuppe plus que de composer de la musique de films (Les 4 Fantastiques 1 et 2, Esther, Walkirie, X-Men 2, Gothika ou Superman Returns). Côté interprétation, on retrouve des acteurs peu connus à l’époque du grand public car abonnés aux seconds rôles ou aux films indépendants: Stephen Baldwin (frère d’Alec, William et Daniel), Gabriel Byrne (le futur Satan de La Fin des Temps), Chazz Palminteri (Coups de feu sur Broadway), Kevin Pollack (Des Hommes d’honneur), Pete Postlewhaite (Au Nom du Père), Kevin Spacey (Jeux d’adultes) et le quasi débutant Benicio Del Toro (Permis de Tuer). Le film a coûté 5 millions de dollars. Après sa présentation hors-compétition à Cannes, en 1995, il devient un véritable phénomène et un gros succés (25 millions de dollars de recettes aux States soit 5 fois son budget, 2 millions d’entrées en France). Il remporte 2 oscars en 1996: Meilleur Second Rôle Masculin (Kevin Spacey) et Meilleur Scénario Original (Christopher McQuarrie). Depuis, le film est entré dans la légende , devenant culte pour toute une génération. Grâce à ce succés, Singer s’est fait connaître et a pu réaliser, entre autres, les deux premiers X-Men. 

Décryptage: Ce qui fait la force de ce film, c’est d’abord la grande qualité de son scénario. Dès le début, on est pris par l’histoire et notre intérêt ne faiblit jamais. La structure est habile (des flash-backs durant un interrogatoire). On est scotché à ces 5 malfrats (Verbal, Keaton, McMannus, Fenster et Hockney) et à leur aventure. Mais rapidement, l’intrigue se complexifie. Il ne faut louper aucune image, aucune ligne de dialogue. Chaque danger rencontré par nos 5 anti-héros en amène un autre qui débouche lui-même sur un autre. C’est une construction en poupées russes. On a l’impression d’avoir tout compris dès le départ mais en fait, plus on avance, plus on est perdu et plus l’histoire se révèle être autre chose que ce qu’elle paraissait de prime abord. Tout cela est renforcé par le personnage de Keyser Söze, un génie du crime légendaire (existe-t-il vraiment?) que personne n’a jamais vu mais que la rumeur décrit comme un psychopate machiavélique, déterminé et impitoyable. Une sorte de Marque Jaune ou de Professeur Moriarty des temps modernes, que certains assimilent au Diable en personne. Mais peut-être n’est-il qu’une rumeur ou une légende urbaine? Qui sait? En tout cas, les dangers qu’il fait courir aux protagonistes de cette histoire sont bien réels!

Les personnages sont incroyablement bien campés et les dialogues sont juste formidables. McQuarrie s’est servi de son vécu d’enquêteur privé et ça se sent. Tous les protagonistes sonnent justes et sont authentiques. Il y a aussi de l’émotion, par moments: l’histoire d’amour entre Keaton (incarné par un magnifique Gabriel Byrne) et l’avocate Eddie Finneran. Mais quelquefois, c’est au coin d’un dialogue que cette émotion affleure. Par exemple, quand, à San Pedro, McMannus (Baldwin), juste avant de faire le « gros coup » lance: « Il doit pleuvoir à New-York. » New-York représente là sa vie passée et sa sécurité qui s’est envolée. Quant aux acteurs, ils sont TOUS incroyables et livrent là des interprétations de haute volée. Petit hommage à feu Pete Postlewhaite qui campe un inquiétant avocat, sardonique à souhait.

Outre son formidable scénario qui nous étonne jusqu’à la fin, le film est réalisé de main de maître par Bryan Singer. Chaque mouvement de caméra, chaque cadrage, chaque entrée de personnage dans le champ, traduit quelque chose et nourrit à la fois le suspense de l’histoire et la paranoïa qui s’installe dans l’esprit du spectateur. Même un plan en plongée anodin sur une tasse à café a un sens caché. C’est tout simplement miraculeux pour un deuxième film. Même si Singer n’a rien perdu de son talent (comme le démontre l’excellent Walkirie), il n’a jamais vraiment retrouvé l’état de grâce de sa réalisation sur Usual Suspects. Il est bien secondé par le travail du monteur/compositeur (superbe thème principal) John Ottman et du directeur de la photo Newton Thomas Sigel.

Bref, Usual Suspects est un chef d’oeuvre, un polar noir bourré de chausses-trappes et de retournements de situations innattendus jusqu’à cette fin qui reste l’une des plus célèbres de l’histoire du cinéma.

The Usual Suspects de Bryan Singer, en dvd Zone 2 chez MGM Video.

(ATTENTION!!! A NE LIRE QU’APRES VISION DU FILM!)

Car bien sûr, comme pour Sixième Sens ou Fight Club, ce qui fait tout le sel de ce film, c’est son rebondissement final, à la fois inattendu…et prévisible!    

Mais en fait, il y a deux fins. D’abord une qui est fausse. L’agent Kujan, en écoutant l’histoire de Verbal, déduit que Keaton  est Keyser Söze et qu’il se cache derrière toute cette histoire. Pour lui, Verbal est un faible manipulé par Keaton, qui a monté sa propre mort et fait en sorte que Verbal aille raconter tout ça à la police.

Et puis survient la vraie fin, le véritable Keyser Söze n’est autre que Verbal lui-même, qui n’ayant pu fuir à tant, est arrêté et raconte une histoire fausse de A à Z à la police. Tous les éléments proviennent du panneau d’affichage qui se trouve derrière Kujan durant l’interrogatoire. Car Kujan est obsédé par Keaton qu’il veut coincer depuis des années. Voyant cela, Verbal lui sert une histoire qui amène à la conclusion que c’est Keaton qui a tout combiné. Comme ça, il sera tranquille.

Et c’est là que le film bascule dans la catégorie des oeuvres bênies des dieux. Pendant tout le film, jusqu’au coup de théâtre final, le point d’ancrage du spectateur est Verbal, homme faible et principal témoin de toute l’affaire. On le prend en pitié et on s’identifie à lui. L’interprétation de Kevin Spacey est, à ce niveau, extraordinaire tant on croit en son personnage de minable boiteux influençable. Mais à la lumière de la fin, on se rend compte que le véritable point d’ancrage du spectateur est l’inspecteur Kujan. Comme lui, on veut connaître la vérité. Comme lui, on a pitié de Verbal et on croit en son témoignage. Comme lui, on soupçonne Keaton. Pourquoi? Parce que l’histoire nous influence dans ce sens! En fait, l’inspecteur Kujan est un « spectateur » et Verbal un « réalisateur ». Verbal raconte, plante les personnages et le décor et (comme Singer) nous livre de faux indices. Et le film devient la mise en abyme de notre état de spectateur: manipulé et passif quand on se croyait plus malin. Ce sont toujours les menteurs racontant les plus belles histoires et flattant notre intelligence qui gagnent à la fin.

14 avril, 2012 à 15 h 35 min


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