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VIDEODROME (1982)-Nouvelle chair
« Je vois à l’intérieur des images, des couleurs,
qui ne sont pas à moi, qui parfois me font peur.
Sensations, qui peuvent me rendre fou… »
Téléphone, « La Bombe Humaine »
Résumé: Max Renner (James Woods) est le patron d’une petite chaîne de télévision, Civic TV, spécialisée dans le porno et la violence. C’est un homme cynique toujours en quête d’un programme qui sera plus violent, plus porno. Un jour, un de ses techniciens capte, depuis la Malaisie, une chaîne de télé pirate, Vidéodrome, montrant une femme se faisant torturer et ce dans un style proche du snuff movie. Renner, fasciné, veut immédiatement en savoir plus et décide d’enquêter afin d’acquérir ce programme. Ce qu’il va découvrir va le conduire dans un cauchemar sans retour…
Décryptage: Voilà sans conteste l’un des films les plus fascinants et les plus réussis de David Cronenberg. Le cinéaste canadien y poursuit le travail et la réflexion entamés sur Chromosome 3 (1979) et qu’il portera à son paroxysme dans La Mouche (1986). Il traite, dans ses films, de la relation entre l’esprit et la chair. Dans Chromosome 3, le personnage de Samantha Eggar somatisait physiquement son mal-être mental et donnait naissance à une progéniture monstrueuse. Le corps humain, chez Cronenberg, se modifie sous l’effet du psychisme de ses protagonistes et engendre la création d’une « nouvelle chair ». Dans Vidéodrome, sous l’effet de pulsions sexuelles refoulées, Max Renner est victime d’hallucinations où il violente sa petite amie. Cette dernière (incarnée par Deborah Harry, la chanteuse du groupe Blondie) est elle-même une adepte du sado-masochisme. Elle veut que Max la brûle avec une cigarette. Celui-ci, d’abord réticent, se laissera convaincre. Il lui fera aussi, avec une aiguille, des trous dans le lobe de l’oreille. Les fantasmes influent donc sur le corps humain.
Mais Cronenberg va pousser le bouchon encore plus loin. Sous l’effet du programme Vidéodrome, le corps de Max va muter. Une fente apparait sur son ventre qui va lui servir de réceptacle pour cacher une arme (fantastiques effets de maquillage du génial Rick Baker). Mais Max est transformé en magnétoscope humain par le patron, sans scrupules, de Vidéodrome. Il suffit de lui insérer une cassette VHS dans la fente pour le programmer et lui faire accomplir des meurtres. Métaphore évidente de l’Homme moderne qui subit les images bruts des médias et dont l’esprit est facilement influençable et malléable. Car le film est une véritable réflexion (un réquisitoire?) sur le pouvoir des images en général et de la télévision en particulier. Ces images peuvent être dangereuses.
Cronenberg nous montre la manipulation de l’esprit par une bande de fachos, qui se cachent derrière Vidéodrome, afin de « réveiller » le peuple américain qui est trop léthargique à leur goût. Ils rendent responsables des gens comme Max de cette décadence. C’est trés ironique: le pornocrate sans scrupules nous semble bientôt plus sympathique que le big boss de Vidéodrome qui s’avérera, au propre comme au figuré, encore plus pourri de l’intérieur que notre « héros ».
Un « héros » incarné par un James Woods génial de cynisme mais aussi bouleversant quand il découvre qu’il a été le dindon de la farce. L’acteur a un visage d’une expressivité hallucinante, passant de la concupissence à la détresse la plus totale en un battement de cils! Max Renner est un personnage fasciné par le sexe et la violence qui va choisir (car il a le choix) de céder à ses pulsions les plus noires. Un personnage terriblement humain et faible, en définitif. Un homme captivé par les images au point d’y pénétrer pour participer à l’action. Cronenberg brouille notre perception du réel et on ne sait plus si on est face à la réalité ou non. A l’image du professeur Oblivion qui ne communique que par VHS interposées avec les autres, car c’est pour lui la seule réalité. On ne verra ce personnage qu’à travers un écran TV pendant tout le film. Ce qui nous vaut une idée complètement barrée mais incroyablement pertinente: la Mission Cathodique (!) du professeur qui dispense une dose quotidienne de nourriture et de télévision (!) aux pauvres.
Quant à la fin du long-métrage, elle reste ouverte: Max a-t-il vécu tout ça ou a-t-il tout halluciné? Les images l’ont-elles rendu fou? Et quant est-il de nous? C’est ce que semble nous demander Cronenberg à travers ce court film (84 minutes) sombre, pessimiste, froid, clinique et..assez gore (comme d’hab chez Cronenberg!). Un film d’horreur psychanalytique dont lui seul a le secret. Un film hallucinant et trés visionnaire. Et malheureusement toujours d’actualité, 30 après sa sortie.
Vidéodrome de David Cronenberg, avec James Woods et Deborah Harry, en DVD Zone 2 chez Universal Video.
N.B: en 1999, Cronenberg, en adaptant le roman Existenz de Christopher Priest, fera un quasi-remake de Vidéodrome mais situé dans l’univers virtuel du jeu vidéo. Et malheureusemnt, le résultat est beaucoup moins convaincant que Vidéodrome…
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