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OBSESSION (1975)- Déjà-vu

 

OBSESSION (1975)- Déjà-vu dans Un oeil dans le rétro 18453778_jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-20051011_040803-300x200

Michael Courtland (Cliff Robertson) face au fantôme d'un amour décédé....

 

Résumé:  Nouvelle-Orléans, 1959, Michael Courtland, un riche promotteur immobilier, perd sa femme et sa fille à la suite d’un enlèvement raté. 15 ans plus tard, Courtland rencontre à Florence, une étudiante, sosie de sa femme décédée. Le jour de leur mariage, la jeune fille est enlevée. Le cauchemar recommence…

Décryptage: En 1974, le réalisateur Brian DePalma, qui sort tout juste du tournage de Phantom of the Paradise, rencontre le scénariste Paul Schrader, futur auteur du script de Taxi Driver et futur réalisateur de American Gigolo. Schrader avait écrit, un an auparavant, un article élogieux sur l’un des films de DePalma, Sisters (1973). Les deux hommes sympathisent et discutent cinéma et notamment d’un réalisateur qu’ils vénèrent tous deux: Alfred Hitchcock. La conversation roule alors sur l’un des chefs d’oeuvre de Sir Alfred: Sueurs Froides (1958), Vertigo en v.o. DePalma et Schrader se demandent alors si on ne pourrait pas utiliser les thèmes de Vertigo pour en tirer un autre film, radicalement différent. Ils décident d’écrire un scénario. Le premier titre en sera Déjà-vu (en français) mais le studio (Columbia) a peur que le public ne le comprenne pas et boude le film. Il est retitré Obsession. Ce thème de la duplication (içi de Vertigo) est au coeur du film et est sa raison d’être. D’autant que ce n’est pas la première fois (ni la dernière) que DePalma s’amuse avec Hitchcock: ainsi Sisters proposait déjà des références à Fenêtre Sur Cour et Psychose.

Le thème du double est donc au centre de Obsession. Tout d’abord le film est un double de Vertigo. DePalma ne cessera de commenter cet état de fait pendant son film. Ainsi la discussion entre Courtland et la jeune Sandra dans l’église San Minatio à Florence, porte sur une fresque que la jeune femme restaure. La peinture laisse apparaître une autre oeuvre en dessous. Sandra s’interroge: doit-elle restaurer la plus récente ou la détruire afin que la plus ancienne reste? Sous-entendu: avons-nous le droit de copier Vertigo ou devons-nous ne pas y toucher? DePalma, qui plaide pour la liberté artistique, a déjà sa réponse.

Bien sûr, cette scène porte aussi sur l’intrigue du film. Un homme qui a perdu sa femme il y a 15 ans, en trouve le sosie parfait. Doit-il vivre avec le souvenir de son ancienne épouse ou épouser la jeune femme? Est-ce de la nécrophilie? On rejoint Vertigo, à ce moment. Mais DePalma oriente son oeuvre vers la tragédie familiale, ce que n’était à aucun moment le monument de Hitch. DePalma, traumatisé par le divorce de ses parents qu’il a lui-même précipité étant enfant, développe la thématique de la famille brisée. Une thématique qui reviendra souvent dans sa carrière (Pulsions, L’Esprit de Caïn). Le héros de son film est un homme brisé qui vit avec le souvenir d’une morte. Un amour qui le mène à l’obsession. Mais DePalma a aussi un autre angle d’attaque: la trahison du père (qu’il a vécu enfant). Ce thème est aussi trés présent dans sa filmographie (Furie, Mission:Impossible). De Palma l’avoue, il s’identifie à « l’enfant vengeur » dans ses histoires. Et il punit souvent le père. Obsession ne dérogera pas à la règle et ce de la façon la plus terrible qui soit.

Car les films de DePalma sont souvent des pièges pour leurs personnages principaux. Obsession n’est rien d’autre que l’histoire d’un homme qui va revivre son traumatisme passé et à qui une seconde chance est offerte.  La plupart des protagonistes « depalmesques » sont des personnes qui répètent tragiquement les mêmes erreurs (on pense à John Travolta dans Blow Out) et qui finissent traumatisés à vie par les actes qu’elles ont commises (Travolta toujours mais aussi Nancy Allen dans Pulsions ou Amy Irving dans Carrie). DePalma traumatisent ses personnages qui ne sont que des pantins effectuant une danse préétablie et qui, ne retenant rien de leurs erreurs, courent à leur propre perte. Si Obsession semble se finir sur un happy-end, il ne déroge pas à la règle. Le personnage de Courtland (émouvant Cliff Robertson), déjà marqué par un évènement tragique, se retrouve face à une révélation qui, non seulement est un nouveau traumatisme, mais qui conduit un autre personnage vers la folie. Un effet « double traumatisme » terrible et dérangeant…

Quant au film lui-même, il est à l’image de son réalisateur: excessif, romantique, manipulateur et limite putassier. Car DePalma cultive l’amour du style pour le style, le cinéma pour le cinéma et se soucie comme d’une guigne de raconter une histoire linéaire avec des personnages consistants.  Avec un sens du commercial et une vulgarité parfois gênante mais toujours jouissive (et qui trouvera son apothéose avec le terriblement vulgaire, virtuose, sexuel et génial Body Double), DePalma est là pour montrer qu’il est un génie de la mise en scène et qu’il ne fait que du cinéma, dans sa forme la plus totale et la plus primaire. Ils utilise souvent des effets grossiers (écrans partagés, ralentis, plans-séquences, caméras subjectives) pour épater la galerie et plonger les spectateurs dans une sorte de piège esthétique qui fascine l’oeil et l’esprit mais qui ne propose aucune leçon ni engagement politique ou culturel. Obsession n’y fait pas exception. Le film baigne dans un romantisme exacerbé, parfois délétère, aux allures de rêve (ou de cauchemar) éveillé. La photographie de Vilmos Zsigmond est, de ce point de vue, d’une beauté surnaturelle et vaporeuse. Entre La Nouvelle-Orléans et Florence, on assiste à un ballet filmique dont le gothisme et le romantisme éxagérés font penser furieusement à Edgar Poe, sentiment renforcé par cet amour perdu puis retrouvé par-delà la mort. Au niveau des figures stylistiques, DePalma met un peu la pédale douce par rapport à d’autres de ses films, hormis un ralenti final de toute beauté et une caméra tournoyante qu’on lui a beaucoup reprochée, alors qu’elle fait référence de la plus belle et de la plus triste des façons à une scène du début du film.

Avec Obsession, DePalma a inauguré une trilogie dans son oeuvre: celle des personnages principaux revivant un traumatisme et qui doivent vivre avec leur culpabilité. Les deux autres films sont Pulsions a/k/a Dressed To Kill (1980) et Blow Out (1981). C’est aussi la trilogie de pratiquer l’art pour l’art pour ce cochon de DePalma, et dans le cochon, tout est bon!

Obsession de Brian DePalma, avec Cliff Robertson, Geneviève Bujold et John Lithgow, en DVD Zone 2 chez Wild Side dans une copie somptueuse sortie le mois dernier.

17 août, 2012 à 11 h 49 min


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