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RESERVOIR DOGS (1991)-Regarde les hommes tomber

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The Reservoir Dogs! Une bande à part...

 

 

Résumé: Joe Cabot (Lawrence Tierney) et son fils « Nice Guy » Eddie (Chris Penn) montent le braquage d’une banque, afin de voler des diamants qui sont au coffre. Ils engagent six truands qui ne se connaissent pas, autrement que par leurs surnoms: Mr White (Harvey Keitel), Mr Orange (Tim Roth), Mr Blonde (Michael Madsen), Mr Pink (Steve Buscemi), Mr Blue (Eddie Bunker) et Mr Brown (Quentin Tarantino). Mais le coup va foirer. Il semble que les flics étaient prévenus. Qui a trahi? Le réglement de comptes aura lieu dans un entrepôt désaffecté…

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Pink (Steve Buscemi) et White (Harvey Keitel) à flingues tirés...

 

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Contexte: Début des années 1990. Un jeune employé de vidéo-club, cinéphile et cinéphage, rêve de tourner ses propres films. Il écrit un scénario, True Romance, qu’il réussit à vendre aux enchères, pour 4000 dollars. Le réalisateur Tony Scott (Top Gun, Le Dernier Samaritain) le réalisera en 1993. Notre jeune scénariste écrit un autre script, Reservoir Dogs, une sorte de variation sur L’Ultime Razzia (1956) de Stanley Kubrick, et qu’il souhaite réaliser lui-même, en amateur. Mais son ami et producteur Lawrence Bender, réussit à faire parvenir le scénario à l’acteur Harvey Keitel (Duellistes, Thelma & Louise) qui en tombe fou amoureux. Keitel décide de co-produire le film et se voit attribuer le rôle de Mr White. Du coup, le film devient un produit indépendant, nanti d’un budget de 4 millions de dollars. Le tournage dure un mois, durant l’été 91. Rapidement monté, il sort à la fin de l’année et obtient des critiques élogieuses ainsi qu’un succés d’estime. Mais c’est sa présentation au Marché Du Film de Cannes, en mai 1992, qui apporte une notoriété à son auteur, Quentin Tarantino. Deux ans plus tard, il brandira fiérement une Palme d’Or, obtenue pour son second long-métrage…

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L'inquiétant et fascinant Mr Blonde (Michael Madsen)

 

 

Décryptage: Reservoir Dogs est donc un « petit » film. Vu son budget, Tarantino va droit à l’essentiel. Ainsi, ce qui frappe le plus, c’est qu’il ne montre jamais la scène du braquage commis par les hommes de Joe Cabot. Dicté par les circonstances budgétaires, ce choix va pousser Tarantino à repenser les enjeux de son script et la structure de son récit. Le film sera donc morcelé en deux parties: avant et après le braquage. Mais Tarantino va aller plus loin. En effet, le film fait un aller-retour incessant entre ces deux périodes en bouleversant la chronologie. Ainsi, la scène où l’on voit Joe Cabot attribuer leurs surnoms aux membres de son équipe n’est montrée que dans le dernier quart d’heure du long-métrage. Car Tarantino fonctionne sur le fantasme du spectateur et en joue. Cette scène des surnoms, on l’attendait tous pendant 75 minutes. Comment ces mecs se sont-ils retrouvés affublés de pseudos évoquant des couleurs (Blue, Brown, Blonde, Pink, Orange et White)? Tarantino arrive à créer une mythologie, tout en frustrant le spectateur pendant une bonne partie du film. Ainsi, la révélation de l’identité de la taupe arrive au bout d’une heure. Ensuite, nous avons un long flash-back qui en détaille les « origines ». Cette scène, on ne l’attendait plus vraiment. Tout à coup, Tarantino suspend sa scène centrale de l’entrepôt pour créer une autre icone « mythologique »: le flic infiltré. Les autres flashs-backs nous montrent comment deux autres membres de l’équipe ont été recrutés. Et Tarantino ne choisit pas ces deux personnages au hasard. Il s’agit des deux dont les actions entraîneront le dénouement. Et des deux qui s’opposeront ouvertement, n’ayant pas la même « méthode de travail ».

Mais revenons un instant sur la frustration et le désir que Tarantino provoque chez le spectateur. Le film s’ouvre sur la désormais scène culte du restaurant où huit bonhommes discutent d’une chanson de Madonna et des mérites du pourboire à filer aux serveuses des restaurants. On ne sait ni qui ils sont, ni ce qu’ils font mais Tarantino sait nous intéresser à eux; on a envie d’en savoir plus. Il aurait pu ouvrir son long-métrage sur une fusillade (deux fusillades post-braquages nous seront montrés en flash-back plus tard). Non, il l’ouvre sur cette longue scène de discussion à table (une de ses marques de fabrique, ce genre de scène, en début ou non de film!) et embraie sur…la scène où White transporte Orange, griévement blessé, en voiture. Comment est-on passé de cette scène de discussion « paisible » à ce « drame »? Ou comment créer du suspens avec trois fois rien, juste en jouant sur la structure du récit. Cet état de fait se maintient pendant tout le reste du film. Si Tarantino avait raconté son film dans « l’ordre », peut-être aurions-nous eu moins de plaisir à le suivre….Peut-être…. 

Mais Reservoir Dogs est un film tellement réussi qu’on en doute! Les dialogues sont ciselés au mot près et sont de véritables tirades comiques. Le suspens et la tension sont constants. La réalisation de Tarantino est parfaitement maîtrisée. La violence éclate de façon soudaine et brusque (à noter une scène de torture hypnotisante et terrible, désormais culte). Quant aux acteurs, ils sont tous excellents (mention spéciale à Michael Madsen dont la cool attitude apparente semble cacher les plus noirs instincts). Ils ont du plaisir à jour ces rôles et à se donner la réplique; cela se ressent à l’écran. Ils plaisantent comme de vieux amis. Ils jubilent à jouer les truands de cinéma. Le plaisir du cinéma! C’est exactement ce qui anime Tarantino. Une séquence de Reservoir Dogs le prouve. Il s’agit du moment où le flic infiltré doit apprendre une anecdote et savoir la raconter en public, pour pouvoir être crédible aux yeux des malfrats. Cette scène a un double niveau de lecture. Sur le plan « making of », on voit carrément l’acteur répéter son rôle!  Sur le plan narratif, un flic apprend une histoire et la raconte en public. Pour être crédible, il doit s’auto-persuader de l’avoir vécue. On le voit en « représentation », seul, dans son appartement puis devant son supérieur et enfin devant les truands. Mais Tarantino pousse loin le délire. Ensuite, il y a un flash-back où on voit ce type vivre la situation qu’il raconte. Un flash-back mensonger donc, qui nous montre une histoire qui n’a jamais eu lieu! C’est comme si il y avait un film dans le film. Le flic se projette (et se fantasme) en truand dans un film issu de son imagination. Et les autres qui l’écoutent, se font leur film dans leur tête en écoutant le « narrateur ». Comme si, ils étaient assis dans une salle de cinéma (d’ailleurs, ils sont assis dans un bar) et se tapaient un bon film! Exactement comme nous devant Reservoir Dogs! D’ailleurs, une fois présenté, le personnage du flic joue au truand, y prend plaisir même (il se prend pour un héros de cinéma). Mais il prend aussi plaisir (il suffit de regarder le sourire et le regard de l’acteur qui l’incarne) à regarder ses « complices », comme un spectateur devant un film de gangsters. Tarantino met en scène sa propre jubilation à faire du cinéma et le plaisir des spectateurs devant son film, à travers une mise en abyme géniale. La route vers Pulp Fiction est toute tracée…

Reservoir Dogs de Quentin Tarantino, en dvd zone 2 chez Metropolitan.

27 janvier, 2013 à 17 h 23 min


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