PASSION-Femmes fatales
N.B: Passion est le remake de Crime d’Amour (2010), dernier film réalisé par le regretté Alain Corneau. L’auteur de cette chronique n’a pas vu ce film et ne peut donc axer sa critique sur la comparaison entre l’original et le remake.
Christine (Rachel McAdams) est la directrice d’une grande agence de publicité. Elle a pour première assistante Isabelle (Noomi Rapace). Les deux femmes semblent amies et travaillent ensemble dans la plus grande confiance. Mais bientôt, la jalousie, la frustration et la lutte pour le pouvoir vont les voir s’affronter. Jusqu’au meurtre…
Après les échecs successifs et les ratages artistiques qu’étaient Mission To Mars (2000), Femme Fatale (2002) et Le Dahlia Noir (2006), on pensait que Brian DePalma était fini, dans le sens où il n’arrivait plus à surprendre le spectateur et ses propres fans (dont je fais partie). Mais, en 2007, il nous livrait Redacted (Lion d’Argent du meilleur réalisateur à la Mostra de Venise), formidable brûlot anti-guerre en Irak, en même temps que dénonciation de la violence masculine faite aux femmes (une constante chez lui). Le film surprenait par sa forme (filmage au camescope numérique, vidéos type Youtube, reportages de guerre) et rendait compte parfaitement des mutations numériques de l’époque contemporaine, en proposant des vidéos à la première personne qui sont devenues monnaie courante sur le Net. Certainement l’un des films les plus pertinents de son auteur et qui se concluait sur une dernière image terrible, immense abîme de désespoir et de culpabilité. On attendait donc la suite. Cette suite, la voici. Il s’agit du remake d’un film français. Alors DePalma est-il revenu au top ou régresse-t-il?
Le résultat est plutôt déconcertant. Disons-le tout net, le film est globalement une déception. Néanmoins, ceci posé, force est de reconnaître que Passion est un ratage fascinant, qui comporte de brillantes idées et des moments trés réussis. Mais c’est le long-métrage pris dans son ensemble qui n’arrive pas à convaincre. Car c’est à un film double, schyzophrène, auquel nous avons affaire. Et cela tombe bien, vu que le thème du double est une récurrence dans le cinéma de DePalma. Mais içi, cela provoque une dichotomie dans l’esprit du spectateur, qui se retrouve le cul entre deux chaises.
La première moitié du film est ainsi centrée sur les rapports de force entre les deux protagonistes principales, campées par les excellentes Rachel McAdams et Noomi Rapace. Nous voyons la lente dégradation de leur relation, qui va finir par déboucher sur un mélange fascination/répulsion, amour/haine. Tout de suite, on voit ce qui a intéressé DePalma là-dedans. En effet, l’idée de filmer deux femmes de pouvoir qui s’affrontent, a du le réjouir. DePalma, dans ses films, n’a cessé de questionner la place des femmes dans la société et leur rapport aux hommes. Içi, le cinéaste se délecte, visiblement, à mettre en scène ces deux femmes qui éclipsent complètement les hommes. La gente masculine dans Passion? Un collaborateur/amant lâche et vénal, un séducteur relou et un flic complétement à côté de la plaque et remarquablement inefficace. Si on rajoute à cela, la propre secrétaire de Isabelle, lesbienne et amoureuse de sa patronne (la scène où elle voit Isabelle et son amant au restaurant est triste car vu à travers ses yeux), et on obtient un film ouvertement féministe, comme Carrie ou Pulsions avant lui. Ceux qui taxent DePalma de mysoginie, n’ont jamais rien compris à son oeuvre, mais ça, c’est pas nouveau! En plus de cela, DePalma se moque ouvertement des pubs sexistes proposées par les publicitaires (mais içi conçue par une femme!): la « caméra-cul » est à se tordre, la soi-disante vulgarité qu’on reproche à DePalma est volontaire, car içi c’est la dimension satirique et parodique qui prime. Malheureusement, ces situations, aussi bien filmées soit-elles, finissent par provoquer un ennui chez le spectateur qui ne comprend pas où DePalma veut en venir. Il ne se passe pas grand-chose et on se demande si le film ne va pas alors sombrer dans un drame psychologique chiant comme la mort. Et là, DePalma sort son sac à malices et…change de film!
La deuxième partie de Passion débute par un crime. Ce crime est filmé en spilt-screen (écran partagé) avec d’un côté un spectacle de danse et de l’autre un meurtre en caméra subjective, du point de vue du meurtrier. Pas de doute, on est bien chez DePalma! La scène questionne le regard du spectateur/voyeur et le procédé fournit, sur la plan narratif, un alibi à l’un des personnages. On voit où DePalma veut en venir: le rapport entre réel et irréel, fiction et réalité, ce qu’on voit….et ce qu’on croit voir. Et là, le film bascule, au risque de perdre les spectateurs en route. Passion se pare alors d’une atmosphère fantastique aux allures de cauchemar éveillé. DePalma recycle certaines de ses thématiques (théme du double, culpabilité intérieure d’un personnage s’exprimant à travers le rêve, témoin d’un meurtre qui ne fait rien pour l’empêcher) et figures de style (spilt-screen, caméra subjective, scéne finale en long crescendo). De Palma arrive même à recaser une évasion « mentale » à la Body Double (séquence trés brève mais trés réussie). On le voit, on a bien dévié de la situation de départ! Mais là ou DePalma se plante, c’est qu’il n’arrive pas à faire le lien entre ces deux parties et que son film ne raconte pas grand-chose. Certes, c’était déjà le cas de certains de ses chefs-d’oeuvre, tels Obsession, Pulsions ou même Blow Out, mais ces derniers proposaient une expérience sensorielle et émotive tout du long et refléter la condamnation d’un personnage à revivre un traumatisme initial. Passion ne propose que deux moitiés de film (dont une plus réussie que l’autre) qui ont du mal à cohabiter ensemble. Et la réalisation de DePalma, aussi élaborée soit-elle, finit par tourner en rond. Passion est donc un film fascinant mais vain. Vain mais fascinant. Quel talent ce DePalma! Note: 10/20
Passion de Brian DePalma, avec Rachel McAdams et Noomi Rapace, en salles depuis le 13 février.
2 Commentaires pour “PASSION-Femmes fatales”
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waouh j’ai adoré.
23 juin, 2013 à 1 h 32 minLe film ou ma critique? lol Moi, je suis un fan de DePalma et le film n’a pas comblé toutes mes attentes mais il reste suffisament déroutant pour intriguer….J’ai beau l’avoir trouvé moyen, j’ai déjà envie de le revoir!
23 juin, 2013 à 15 h 49 min