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Un bon cochon-à propos de BABE, LE COCHON DEVENU BERGER (1995) et BABE, UN COCHON DANS LA VILLE (1998)
En 1983, un ancien instituteur, devenu écrivain pour enfants, publie un roman intitulé Babe, The Gallant Pig ou l’histoire d’un petit cochon devenu….chien de berger! Ce roman devient immédiatement un best-seller et assure la célébrité de son auteur: l’anglais Dick King-Smith. Peu de temps après, un jeune cinéaste australien culte (Mad Max 1 et 2, à l’époque) lit le livre, en tombe amoureux et décide d’en faire un film. Il s’appelle George Miller et mettra une douzaine d’années à réaliser son rêve.
Déjà, en ce début des années 80, les effets spéciaux sont encore trop rudimentaires pour figurer des animaux qui parlent dans un film. Car Miller est intraitable: il veut faire un film en live et non un dessin-animé. Ce n’est qu’en 1992, qu’il met le projet à éxécution. Les immenses progrés faits dans les sfx (en 1991, est sorti Terminator 2, véritable révolution dans les effets numériques) et les promesses à venir (Steven Spielberg entame le tournage de Jurassic Park, qui sortira l’année d’après) décident Miller à se lancer dans Babe. Il démarche le studio Universal qui accepte de financer le film que Miller et son équipe boucleront pour seulement 25 millions de dollars (une misère à l’échelle du blockbuster américain). George Miller décide, néanmoins, de ne pas réaliser le film lui-même et en confie la réalisation à son ancien assistant Chris Noonan, avec qui il signe l’adaptation en scénario. Miller se contente de jouer les producteurs et de superviser le projet pour aider Noonan, sans interférer dans la réalisation (ce qu’il avait pourtant fait dans une autre de ses productions, le thriller Calme Blanc, en 1989). Le film prend beaucoup de temps dans son élaboration. Diverses techniques sont employées pour donner vie aux animaux de la ferme: animaux dressés, animatroniques (confectionnés par le Jim Henson’s Creature Shop) et « doublures » numériques. A l’écran, le résultat est bluffant. On ne distingue pas les vrais des faux animaux. Du moins à l’époque! Maintenant, avec l’évolution technique, le film fait un peu daté mais sa magie est intacte!
Babe sort durant l’été 1995 aux Etats-Unis et remportent un grand succés. Il atteindra les 60 millions de dollars de recettes sur le territoire américain et remporte un vif succés dans le reste du monde (1, 5 millions d’entrés en France, ce qui n’est pas si mal). Mieux, le film devient un phénomène de société et remporte le Golden Globe du Meilleur Film (catégorie Comédie) en janvier 1996. Il est même nommé à l’Oscar du Meilleur Film (mais c’est le lourdaud Braveheart qui gagnera le trophée)! Comment expliquer le plébiscite de ce petit film sorti de nulle part et l’engouement qu’il a suscité au sein du public familial?
Babe, Le Cochon Devenu Berger est un conte. Cela se voit à la forme narrative. Nous avons la voix-off d’un narrateur qui nous raconte l’histoire. Cette voix-off n’est pas trop envahissante et est vraiment utilisée avec parcimonie durant le récit. A cela est couplée l’utilisation astucieuse d’un trio malicieux de petites souris qui introduit (quelquefois en chantant) brièvement chaque chapitre de l’histoire. Car le film est découpé en chapitres. On a vraiment l’impression de tourner les pages d’un livre pour enfants! D’autant que du côté visuel, Chris Noonan se fend de jolis gravures tout droit sorties d’un conte illustré: la ferme des Hoggett avec son style délicieusement anachronique en est un exemple parfait (tout comme ce plan du fermier Hoggett rentrant des champs, dans sa cariole, sous un magnifique crépuscule). Un Chris Noonan qui imprime du rythme à son histoire et qui filme ses animaux comme de vrais acteurs (d’ailleurs, ils sont les personnages principaux). Ce n’est pas la moindre des prouesses de ce film.
Un film qui se révèle être un conte initiatique. C’est l’histoire d’un petit cochon qui veut devenir chien de berger, et d’un fermier (le facétieux et taciturne James Cromwell) qui veut y croire. Babe est décrit comme un coeur pur par le narrateur. Et à coeur pur, rien n’est impossible. C’est la morale de ce petit conte. Contre l’adversité, contre les voix discordantes, il faut croire en ses rêves et lutter contre les préjugés qui enferment les gens dans des petites cases préétablies. Car pourquoi diantre un cochon ne pourrait-il pas devenir chien de berger? Cette question-là et sa résolution ont trouvé un écho favorable dans le public. Et sans que Miller et Noonan n’aient recours à la mièvrerie du style Disney. Le film est même souvent drôle (le personnage de Ferdinand le canard qui se prend pour un coq, le vol du réveil), voire trépidant (l’attaque des chiens errants). Et il n’est pas interdit de penser que George Miller se soit reconnu dans le message de l’histoire de King-Smith, lui que tout le monde traitait de fou, dans son Australie natale ou à Hollywood, quand il montait des projets tels que Mad Max ou Babe. Des films qui ont fait leurs preuves, des rêves devenus réalité pour un George Miller devenu un grand cinéaste.
Le succés de Babe appelait, pour Universal, une suite. Mais un miracle, comme celui-ci, peut-il se reproduire et est-ce que cette suite plaira au public? Contre toute attente, Miller va accepter. D’abord parce qu’il a une bonne histoire en tête (il s’agit d’un scénario original, King-Smith n’ayant jamais écrit de suite à Babe). Ensuite, parce que Universal (succés du premier opus oblige) lui alloue un budget un peu plus confortable. Miller pourra se permettre des choses qu’il n’avaient pas pu expérimenter trois ans plus tôt. Mais la raison la plus importante est que Miller, d’une façon trés inconsciente et non-avouée, s’est finalement senti frustré de ne pas avoir réalisé Babe lui-même. De plus, l’envie de filmer à nouveau devait le démanger (Lorenzo, sa précédente réalisation, datant de 1991). On le voit: le studio veut un succés, Miller veut refaire du Cinéma avec un grand C! Tout cela, peut-être, au détriment du petit cochon préféré des spectateurs. Babe, Un Cochon Dans La Ville va s’avérer être une des suites les plus curieuses jamais faites.
L’histoire, de par sa forme, reprend pourtant les aspects du conte initiatique (la voix-off du narrateur et le chapitrage avec les souris sont repris). Après un accident du fermier Hoggett, que Babe a produit maladroitement, ce dernier est immobilisé. Pour payer les factures, sa femme décide de prendre l’avion et d’emmener Babe à un concours de chiens de berger dont le premier prix est une grosse somme d’argent. Suite à un quiproquo, ils n’y parviendront jamais et resteront coincés dans une grande ville, vivant de périlleuses aventures. Adieu verts paturages et bonjour ville inhumaine! Le décor de cette suite est beaucoup plus sombre et agressif, comme pour créer un contraste avec le premier film. D’ailleurs le film lui-même est beaucoup plus sombre et adulte. On se demande parfois si on est vraiment dans un film pour enfants! En fait, ce film est entièrement construit autour de la mise en scène virtuose de George Miller. Un George Miller déchaîné qui enquille des scènes de poursuites échevelées (les chiens errants poursuivant Babe, l’évasion finale et le restaurant) qui rappelle le burlesque, des séquences d’une émotion à fleur de peau et teintées d’une poésie macabre (un chien fait une expérience de mort imminente, la capture des animaux dans la maison est un véritable climax émotionnel à elle seule, d’une noirceur qui a du effrayer le studio, et bercée par une musique déchirante), ainsi que des moments complètement gratuits où Miller asséne au spectateur qu’il n’est plus devant le premier film (comme quand Babe répète sa « formule magique » à moutons aux chiens errants et se voit interrompu et obligé de prendre la fuite!)
On le voit, sur le plan strictement cinématographique, nous avons un trés grand film. Mais voilà, on y perd la fraîcheur du premier et surtout, on se demande si c’est bien le même univers! Babe 2 est un film passionnant, rien que pour ça! Mais Miller n’abandonne ni l’humour bon enfant (certains personnages et certaines situations sont à se tordre), ni l’émotion sincère: dans une scène Babe devient même une figure christique en sauvant de la noyade son ennemi! Toujours la même morale: un coeur pur peut changer (sauver?) le monde. D’autant que Babe bâtit une nouvelle société à la fin du film. Mais le tout baigne dans une profonde mélancolie (voir à ce titre le magnifique personnage de l’orang-outang) qui ne rime pas forcemment avec film pour enfants. Et c’est cela qui a perdu le film. Certains critiques ont déploré la noirceur du film, en oubliant de souligner son brio, et sont passés à côté. De plus, le film est sorti en même temps que 1001 Pattes du studio Pixar. Résultat des courses: Babe, Un Cochon Dans La Ville a fait un flop retentissant. Universal annule un troisième volet que Miller voulait faire (accrochez-vous: Babe, Le Cochon Dans L’Espace!), scellant par-là même la mort cinématographique du cochon le plus populaires des 90′s.
Babe, The Galant Pig et Babe, A Pig In The City, en dvd zone 2 chez Universal.
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