MUD-Mississippi flowing
Ellis (Tye Sheridan) est un jeune adolescent de 14 ans, qui vit sur les bords du Mississippi avec ses parents. Ces derniers vont se séparer, chose que vit mal Ellis qui sera obligé de quitter sa maison au bord de l’eau. Son père vit de la pêche. Ellis a un ami, Neckbone (Jacob Lofland, véritable sosie de River Phoenix dans Stand By Me). Avec lui, il fait des promenades en bateau. Un jour, sur une île déserte, ils trouvent deux choses: un hors-bord perché dans les arbres et… Mud (Matthew McConaughey), un étrange vagabond. Ellis se lie d’amitié avec Mud, sous le regard quelque peu méfiant de Neckbone. Mais Mud cache un lourd secret….
Il est des films dont on tombe instanément amoureux. Mud est de ceux-là. Dès les premières images, on sait tout de la vie de Ellis, on a l’impression de le connaître depuis des années. Une véritable empathie se crée dans l’esprit (et le coeur) du spectateur pour ce jeune garçon, volontaire et au grand coeur. Il est incarné, à la perfection, par Tye Sheridan. Un jeune acteur que l’on suivra avec intérêt. Le film de Jeff Nichols est un récit initiatique. Ellis affrontera une situation qui le fera évoluer et lui montrera un autre aspect (plus rude, hélas) de la vie. Par petites touches, Nichols va amener des éléments qui se mettent tout doucement en place (le film dure 2h10 mais n’est jamais ennuyeux). On passe tour à tour de la chronique adolescente au thriller, en passant par la love-story tragique. Et sans jamais qu’aucun de ces éléments ne fagocite les autres. Le récit de Nichols (aussi scénariste) est trés subtil et trés cohérent. C’est un modèle de scénario. Il n’y a aucun élément superflu, aucune fausse note. Chaque scène, chaque dialogue sert le récit. Un véritable petit miracle!
Comme dans ses deux précédents long-métrages, les excellents Shotgun Stories (2009) et Take Shelter (2011), Nichols donne dans la chronique sociale d’un milieu. Ici, il s’agit des travailleurs pauvres qui vivent au bord du Mississippi. Aucun misérabilisme chez Nichols, simplement la peinture juste et humaniste de gens ordinaires. Et son style de mise en scène est en adéquation avec ce qu’il filme. Nichols est un cinéaste classique, au sens le plus noble du terme. Le digne héritier de cinéastes tels que John Ford ou Clint Eastwood. Sous son apparente simplicité, sa réalisation s’est se montrer lyrique, puissante (la scène de l’affrontement final est remarquablement découpée) mais aussi plus délicate dans les moments les plus intimes. Nichols sait tirer le meilleur parti de ses splendides décors naturels. Il filme ses acteurs au plus près et sait les diriger parfaitement. A ce titre, Matthew McConaughey est immense dans le rôle de Mud. Tour à tour enfant sauvage immature, vagabond mystique, amoureux passionné, homme d’action, il éclabousse l’écran de sa présence et de son jeu absolument génial. Et quel plaisir de retrouver cette vieille baderne de Sam Shepard dans un rôle qui lui va comme un gant!
Sur le plan thématique, le film est trés riche. Il y a les questions des rapports père/fils (déjà à l’oeuvre dans Shotgun Stories). Ellis est un peu déçu par son père, sans le détester pour autant. Bien sûr, Mud remplira, un temps, le rôle d’un père de substitution et d’un père idéal. Mud, lui-même orphelin et élevé par Tom (Sam Shepard), sans compter Neckbone élevé par son oncle Galen (Michael Shannon) qui fait office de papa poule préoccuppé, malgré un comportement de queutard (il semble avoir un fantasme avec sa tenue de plongée!). Enfin, il y a King (Joe Don Baker) qui veut venger son fils… On le voit, c’est une question qui préocuppe beaucoup Nichols. Et puis, il y a l’amour. L’amour qui rend dingue et vous fait faire des choses regrettables. Il est judicieux de remarquer le parallèle et la grande similitude entre les amours déçus de Mud et Ellis, comme si l’histoire était condamnée à se répéter. Mud est amoureux fou d’une femme (incarnée par la sublime Reese Whiterspoon, une actrice talentueuse et trop souvent sous-estimée) qui semble ne pas l’aimer…mais en fait, ce sont juste deux personnes qui s’aiment mais ne peuvent vivre ensemble sans s’abimer l’un l’autre. Deux personnes qui dialoguent à distance, via Ellis, et ne peuvent s’avouer leur attachement mutuel. La seule scène où ils se revoient, est brève mais d’une émotion qui vous fait chavirer le coeur, et sans aucun dialogue. Et puis, il y a l’histoire contrariée d’Ellis avec une fille de trois ans plus âgée que lui. Là, ça fera mal. Rarement chagrin d’amour n’aura été si bien rendu. Et Ellis, comme Mud, de devenir une figure romantique « tragique ». Un jeune adolescent qui n’hésite pas à faire le coup de poing contre des hommes plus âgés pour protéger des femmes!
Mud est un film à mi-chemin entre Stand By Me et le western (parce que les armes finiront par parler). On a l’impression d’être à la fois dans un récit initiatique à la Stevenson et dans une chanson de Springsteen. C’est incroyable. C’est un film tour à tour émouvant, drôle, attachant. Un véritable bijou cinématographique. Certainement l’un des plus beaux films de l’année écoulée. Reparti injustement bredouille de Cannes l’an passé, même pas nommé aux Oscars et sortant, en France, avec un an de retard (on applaudit bien fort les distributeurs!), ce film mérite qu’on le voit! Alors, foncez! Note: 20/20
Mud, de Jeff Nichols, avec Matthew McConaughey, Tye Sheridan, Jacob Lofland, Sam Shepard, Michael Shannon et Reese Whiterspoon, en salles depuis le 2 mai.
Un commentaire pour “MUD-Mississippi flowing”
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Au début c’étais un peu long à démarrer mais par la suite, j’ai adoré.
12 mai, 2013 à 15 h 02 min