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JEU D’ENFANT (1988)-Tuer n’est pas jouet

JEU D'ENFANT (1988)-Tuer n'est pas jouet dans Un oeil dans le rétro jeu-d-enfant-chucky-02-g-300x200

Voulez-vous jouer avec Chucky?

Résumé: Une nuit, l’étrangleur Charles Lee Ray (Brad Dourif) est pris en chasse par l’inspecteur Mike Norris (Chris Sarandon). Blessé par ce dernier d’une balle dans le ventre, il se réfugie dans un magasin de jouets. Avant de rendre l’âme, il s’empare d’une poupée Brave Gars et prononce une curieuse incantation vaudou. La foudre s’abat alors sur lui et la poupée. Puis Norris retrouve le cadavre de Ray, à côté de la poupée. L’étrangleur est mort. Quelques jours plus tard, Karen Barclay (Catherine Hicks) offre à son fils Andy (Alex Vincent) une poupée Brave Gars. Des choses étranges vont alors se produire….

Décryptage: Autant le dire d’emblée, Jeu d’Enfant (Child’s Play en anglais) n’est pas un chef d’oeuvre du genre, comme le Halloween de John Carpenter ou même Les Griffes De La Nuit de Wes Craven. Pourtant, à l’instar de ces derniers, ce film a popularisé un autre psycho-killer à la Michael Myers ou Freddy Kruger: la poupée Chucky. Néanmoins, il ne serait pas juste de se souvenir de Jeu d’Enfant juste pour cela. Sans être donc un classique de l’horreur, il demeure une série B trés bien faite et assez effrayante, par moments.

Le scénario original est dû à Don Mancini (qui écrira les cinq séquelles du film, réalisant même les deux dernières). Le producteur David Kirschner achètera le scénario à Mancini, le fera retravailler par John Lafia (futur réalisateur du numéro 2) et Tom Holland. Ce dernier se voit offrir la réalisation du film. A l’époque, il était auréolé du succés d’une autre série B culte des années 80: Fright Night (1985) dont le titre français était « Vampire….Vous Avez Dit Vampire? » .Un solide artisan donc qui, malheureusement, ne confirmera pas par la suite les espoirs que ses deux premiers films avaient placé en lui. La maquilleur Kevin Yagher (Cocoon, Freddy 2 et 3, Hidden) est chargé de la création et de l’animation de Chucky (dont la voix est doublée par Brad Dourif…avec son célèbre rire démoniaque!). A noter que le design original de la poupée Brave Gars est dû à David Kirschner. L’implication du producteur se retrouve aussi dans le nom du psychopathe Charles Lee Ray, qu’il a lui-même choisi, se basant sur les trois tueurs qui le terrifiait enfant: Charles Manson, Lee Harvey Oswald et James Earl Ray (l’assassin de Martin Luther King).  Bref, tout ce petit monde ne le sait pas encore mais Jeu d’Enfant va devenir un film culte tout comme son personnage de bad guy.

Sur la réalisation de Tom Holland, il faut en souligner l’efficacité. Assez classique, elle est pourtant trés bien pensée en terme de suspense et de tension. Holland filme simplement mais le fait bien. Certaines scènes sont de petits modèles quant à la gestion de la tension. On pense notamment à celle où la mère d’Andy découvre le « secret » de la poupée Chucky. Tout simple et tout bête: Karen avise l’emballage de Chucky dans la cuisine, le prend, le regarde…et les piles tombent sur le parquet. Durant ces instants, on peut voir Chucky à l’arrière plan, assis sur un fauteuil du salon, comme pour nous rappeler la menace qu’elle incarne. Karen repasse alors au salon, attrappe Chucky, le retourne, ouvre le compartiment à piles: il n’y en a pas! La poupée retourne sa tête et lance sa phrase fétiche de publicité. Karen lache la poupée, en criant. Chucky tombe sous le canapé. Tout doucement, Karen se baisse, soulève le drap….Sans aller plus loin, on voit que c’est trés bien géré. Holland a aussi recours à la caméra subjective, hommage évident à Halloween et autres slashers. La petite séquence de cache-cache dans la maison d’Eddie Caputo est ainsi trés amusante. D’autant que Holland iconise Chucky dans la scène finale en filmant ses pieds qui avancent et son ombre menaçante où on voit qu’elle tient un couteau. D’ailleurs la scène finale est assez longue et trés réussie, deux plans citent d’ailleurs Shining ou Halloween. On a connu pire référence. Ajoutez à cela la tentative de meurtre de Norris dans sa voiture, plus un ou deux petits meurtres sympas et le résultat s’avère bien foutu. De la belle ouvrage!

Si l’histoire en elle-même n’est pas des plus originales et demeure assez conventionnelle dans son déroulement (mais le film reste palpitant), l’atmosphère, elle, est franchement tordue voire malsaine. Tout d’abord, le choix d’une poupée innofensive comme figure du Mal est assez pertinente. Censée représenter l’innocence de l’enfance et non la violence des adultes, elle est ici le réceptacle de l’esprit pourri et machiavélique d’un tueur sans pitié. Il y a déjà là un décalage. Si on pousse un peu plus loin, on peut aussi y voir la critique d’une société de consommation qui pousse les gamins à devenir des consommateurs décérébrés dès leur plus jeune âge. Dans le film, les poupées Brave Gars ont leur propres dessins animés, mais aussi leur marque de céréales! Le petit Andy, en bon fan, mange ses céréales,  habillé….en costume Brave Gars (la célèbre salopette!). Donc on poursuit l’analogie avec cette poupée possédée. Nous avons là des adultes (les fabricants de jouets) qui se cachent derrière un symbole de l’enfance, dans un but « maléfique » (!): vendre un maximum de produits dérivés pour s’enrichir tout en façonnant l’esprit des enfants…

Mais il y a un autre aspect ,plus inquiétant, dans Jeu d’Enfant. Il se manifeste dans les rapports entre Andy et Chucky. Il y a quelque chose de déroutant dans certaines scènes. Andy est un enfant sans père (Karen est-elle veuve? Mère célibataire? on ne saura jamais). C’est un enfant solitaire en manque d’une figure paternelle. Chucky va devenir « son ami pour la vie », comme il est dit dans la publicité Brave Gars. Et pendant une bonne moitié du film, nous avons un Andy qui parle avec sa poupée, laquelle semble lui murmurer à l’oreille pour lui demander des choses bizarres. Et le gosse, Chucky sous le bras, prend le métro seul et se rend dans un ghetto sordide parce que Chucky lui a demandé. Sauf que nous n’avons pas entendu Chucky lui parler vraiment. Andy est-il schyzophrène? On se doute que non mais Holland nous amène quand même à nous questionner. Oui, il est trés dérangeant de voir ce gosse se trimballer avec une poupée que lui seul peut entendre. D’ailleurs Andy sera interné, à un moment dans un institut spécialisé pour jeunes enfants. Sauf qu’on dirait une prison avec barreaux aux fenêtres et chambres miteuses juste meublées d’un lit. Assez horrible! Le film continue donc de montrer les mauvais traitements des adultes envers les enfants, ou leur indifférence: quand Andy est seul dans un train de banlieue ou dans les rues, personne ne bronche ni ne s’inquiète de lui, alors qu’il devrait être à l’école.

La relation Andy/Chucky demeure assez ambigue jusqu’à la fin. La poupée a besoin du gamin pour un sombre dessein (c’est assez perturbant quand on y réfléchit bien….une sorte d’abus psychique). Elle tente aussi de lui rappeler leur amitié pour l’empêcher de la détruire (mensonges des adultes, toujours). Le dernier plan du film montre Andy inquiet….ou regrettant son ami, malgré ses agissements criminels? Décidemment, Jeu d’Enfant est un série B assez étrange…

Jeu d’Enfant (Child’s Play), de Tom Holland, en DVD Zone 2 chez MGM/UA

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Chucky et Andy: amis pour la vie?

Le film aura 4 suites:

Chucky, La Poupée De Sang (Child’s Play 2) de John Lafia, en 1990: une sympathique séquelle, trés réussie et bourrée d’humour noir.

Chucky 3 (Child’s Play 3) de Jack Bender, en 1991: bâclé, poussif et raté.

La Fiancée de Chucky (Bride Of Chucky) de Ronny Yu, en 1998: le meilleur épisode, une comédie fantastique incroyable! 

Le Fils de Chucky (Seed Of Chucky) de Don Mancini, en 2004: assez réussi, voire délirant mais doté d’un acte central assez mou.

La Malédiction de Chucky (Curse Of Chucky) de Don Mancini, en 2013: une excellente suite/reboot très étonnante, très méchante et très jouissive! 

Big up, Kainy!!!!!^^

13 mai, 2013 à 16 h 24 min


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