ANNO DRACULA-God save the Queen
1888. L’Empire britannique est sous la domination des vampires, depuis le mariage de la reine Victoria avec le comte Dracula. Ce dernier est devenu Prince Consort et Lord Protecteur du Royaume-Uni. Mais c’est bien lui qui dirige l’Empire. Les Non-Morts ont afflué en masse en Angleterre et notamment dans sa capitale, Londres. Mais dans les brouillards de cette dernière, un assassin a émergé. Surnommé Scalpel d’Argent, il tue et mutile des prostituées vampires, dans le quartier de Whitechapel. Charles Beauregard, un agent secret, est chargé de mener l’enquête par les membres du trés mystérieux et puissant Diogen’s Club. Beauregard n’est pas un vampire, même si sa fiancée, Pénélope, voudrait qu’ils passent aux ténèbres ensemble. Sur sa route, Charles croisera une séduisante vampire, Geneviève Dieudonné, qui le secondera dans son enquête, tandis que le vent de la révolte se lève et souffle contre Buckingam Palace.
Voici enfin, vingt ans après sa parution originale, la traduction française d’un des plus célèbres romans fantastiques anglais contemporains, véritable best-seller, enscensé par la critique anglo-saxonne. Grâce soit rendue aux éditions Bragelonne qui nous le présente içi dans une version » collector » avec fin alternative, extraits de l’adaptation en scénario pour un film qui ne s’est jamais fait, un article et une nouvelle inédite de l’auteur ainsi que de nombreuses notes explicatives passionnantes de ce dernier. Kim Newman est bien connu des fans de Wardhammer, vu qu’il en a écrit de nombreux romans sous le pseudonyme de Jack Yeovil. Né en 1957, c’est un passionné de littérature et de cinéma fantastique, un véritable érudit en la matière (il est aussi critique de cinéma). Anno Dracula est son projet le plus ambitieux et le plus excitant. Et, autant l’avouer, c’est une grande réussite.
Il serait fastidieux de recenscer ici toutes les références de ce roman. Sachez que vous y croiserez les docteurs Jekyll et Moreau, le Professeur Moriarty (Holmes est mentionné aussi), le docteur Fu Manchu, Mycroft Holmes, l’inspecteur Lestrade, Lord Raffles, Rupert d’Hentzau, etc. Bien sûr, au vu du résumé, vous aurez compris que Jack l’Eventreur est aussi de la partie. Certaines figures historiques sont aussi présentes: Oscar Wilde, le préfet Charles Warren, l’inspecteur Abberline, John Merrick… Newman fait aussi beaucoup d’allusions à des romanciers populaires, de toutes les époques: Sheridan Le Fanu, Stevenson, Doyle, HG Wells mais aussi, plus contemporains, Robert McCammon, Tim Powers ou bien encore Stephen King. On le voit, il brasse large! Newman semble posséder une immense culture fantastique populaire. Son érudition est phénoménale.
Mais son roman n’est pas qu’une compilation habile de références et citations littéraires. Tout d’abord, il convient de souligner la formidable reconstitution du Londres victorien. Des bas-fonds de l’East End aux salons de la bonne société, des troubles politiques dûs à la montée de mouvements d’extrême gauche, des répercussions liées aux crimes de l’Eventreur en passant par les conditions de vie effroyables des pauvres et les ambitions politiques des lords ainsi que les progrés scientifiques et médicaux, tout y est. C’est un tableau précis et incroyablement détaillé. Mais ce n’est pas un roman historique, comme vous l’avez compris.
Anno Dracula est une uchronie fictionnelle sur le roman Dracula de Bram Stoker. Que se serait-il passé si Van Helsing et ses acolytes avaient échouer à anéantir Vlad Tepes? Newman nous présente une Angleterre victorienne dominée par les vampires, avec un grand brio. Car l’aspect social est toujours présent. Si un pauvre devient vampire, il reste pauvre. Et pour survivre, certains monnaient leur sang auprès des vampires. Plus horrible, on voit des mères qui proposent aux vampires de s’abreuver du sang de leurs enfants contre rétribution. Quant aux vampires, ils ne sont pas tous immortels, certains meurent de maladies (liées au sang), d’autres parce que leurs corps sont trop jeunes pour supporter une transformation (la mort d’une petite fille vampire est ainsi bouleversante). On voit bien que la situation est complexe d’autant que dans les rangs de ceux qui veulent renverser le règne de Dracula, il y aussi des vampires. De jeunes vampires convertis aux idées de gauche et qui veulent renverser l’ordre établi, aux côtés de simples mortels! Car les Non-Morts sont divisés entre eux. Il y a une lutte des classes chez eux aussi. Il faut distinguer les Anciens qui sont des vampires extrêmement vieux et puissants, responsables de leur lignée et les Ressuscités, des vampires plus jeunes et fraîchement convertis. Mais certains Anciens commencent à se montrer décadents, voire incapables d’appréhender les changements qui bouleversent le monde, à l’image de Dracula lui-même. On ne verra la Comte qu’à la fin, dans un palais de Buckingam désolé au milieu d’une vision de mort, de saleté et de décadence innommable. Le symbole d’un despote vieux et rongé par la pourriture, qui reste une figure du Mal absolument terrifiante.
Quant aux personnages, ils sont trés attachants à l’image de Charles Beauregard et Geneviève Dieudonné. Lui, l’espion anglais froid, taciturne, traumatisé par la mort de sa première épouse et prisonnier des conventions de son époque. Elle, une Ancienne d’origine française, née au 14 ème siècle, devenue vampire à l’âge de 16 ans et qui garde pour l’éternité son visage et sa séduction juvénile bien qu’elle soit plus vieille et plus mûre intérieurement. Geneviève se nourrit de sang mais éprouve une empathie réelle pour les mortels. Elle soigne les nécessiteux (humains et vampires) dans le quartier de Whitechapel. Elle semble être un mélange entre la sensibilité d’une jeune fille médiévale et la sauvagerie d’une créature de la nuit. Contre toute attente, elle et Charles tomberont amoureux. La naissance de leur amour (regards croisés, mains qui se frôlent) est délicate et touchante. Il faut aussi ajouter le portrait saisissant de Scalpel d’Argent. Son identité nous est révélée dès le début. C’est un médecin, le seul survivant de la troupe de Van Helsing. Un homme hanté par la mort d’une femme, qui hait les vampires et qui vit dans une montagne de souffrance, de solitude et de frustration sexuelle. Bref, Newman arrive à nous décrire un Jack l’Eventreur qui serait presque authentique et crédible. Troublant. Note: 17/20
Anno Dracula de Kim Newman aux éditions Bragelonne.
A noter qu’il s’agit du premier volet d’une trilogie! Le second tome, Le Baron Rouge Sang, sortira le 27 septembre prochain, chez le même éditeur.
3 Commentaires pour “ANNO DRACULA-God save the Queen”
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excellent blog, le livre m’a touché. Merci
25 mai, 2013 à 8 h 23 minMerci à toi! Pour Anno Dracula, la suite arrive le 27 septembre….
25 mai, 2013 à 9 h 17 minje suis impatient de voir la suite,merci pour l’info j’étais pas sur de la date. super
15 juin, 2013 à 10 h 16 min