PACIFIC RIM- Mecha Psycho
Année 2020. Surgis d’une faille spatio-temporelle qui s’est ouverte dans l’océan Pacifique, des monstres géants, les Kaijus, ravagent les côtes Pacifique. Les hommes, pour riposter, construisent des robots géants (les Jaegers) afin de les combattre.
Guillermo Del Toro est un cinéaste précieux. Les amateurs de fantastique le savent. L’homme nous a livré des chefs d’oeuvre (L’Echine Du Diable, Le Labyrinthe de Pan, Hellboy 2) à la sensibilité éxacerbée et qui reflète la personnalité, généreuse et humaniste, de leur auteur. Les deux Hellboy sont d’ailleurs, pour lui, l’occasion d’un autoportrait trés touchant (Hellboy c’est Del Toro!). Mais le cinéaste mexicain est aussi un brillant formaliste à l’univers visuel incroyable ( voir le génial Blade 2 ou les bestiaires des Hellboy ou du Labyrinthe de Pan). Il aime les monstres. Pacific Rim est l’occasion pour Del Toro de rendre hommage aux films de Kaiju Eiga japonais (Godzilla, Gamera, etc) qu’il adore ainsi qu’à l’univers des mangas à la Evangelion. Pacific Rim, sous ses allures de blockbuster, est un film incroyablement délicat et émouvant doublé d’un spectacle ébouriffant.
Alors oui, il y a des combats entre des robots géants et des monstres géants venus d’ailleurs. Les scènes de combat, Del Toro choisit de les filmer, le plus souvent, de nuit et sous la pluie. Après tout, la plupart des films fantastiques se déroulent souvent de nuit, alors pourquoi pas un Kaiju Eiga? (déjà, en 2008, une bonne partie de l’excellent Cloverfield se déroulait de nuit). La pluie, le vent, la neige, les cendres donnent un sentiment d’apocalypse au spectateur et accentuent le gigantisme des Jaegers et des Kaijus. Ces éléments les iconisent un peu plus. Del Toro met en scène ses affrontements de façon classique. Ce sont des manos à manos. Mais jouissifs! On tremble pour les Jaegers et leurs pilotes. Le design de chaque Jaeger ou Kaiju est différent. On notera un Kaiju bedonnant (typiquement Del Torien!) ou un autre qui déploie ses ailes et entraîne un Jaeger dans le ciel, devant une lune pleine. Iconique et magique! On est dans l’hommage aux Kaijus japonais et à leur drôle de poésie kistch. Chaque catégorie de Kaiju traduit l’amour de Del Toro pour les monstres. Il y a là un plaisir enfantin à faire du cinéma et une naïveté touchante et confondante. Cela se propage au spectateur. D’autant que les combats sont bien découpés (on est trés loin de Michael Bay!). Mais s’il n’y avait que ça!
Le miracle Pacific Rim est ailleurs. La grande idée du film concerne les pilotes des Jaegers. Ils sont deux par robot, chacun contrôlant un hémisphère du « cerveau » du robot. Il faut que les deux soient en symbiose et ne forment qu’un seul esprit. La première fois qu’ils pilotent ensemble, ils doivent partager leurs souvenirs afin de ne former plus qu’un. On peut parler d’âme soeur à ce niveau. Déjà, c’est la continuité du fantasme de gosse qui anime Del Toro: devenir une créature gigantesque (nous aurons même un savant un peu zinzin mais sympa qui rentre dans le cerveau d’un kaiju!). Il y a une âme derrière les robots (celle des pilotes), tout comme il y en a une derrière ce blockbuster (celle de Del Toro). Mais au coeur de ce gros film, et grâce à ce procécé de pilotage, nous avons une formidable idée psychologique voire psychanalytique. Le pilote Raleigh Becket (Charlie Hunam) est traumatisé par la mort de son frère, qui était son co-pilote durant un affrontement avec un kaiju. Nous avons un personnage amputé d’une part de lui-même et victime d’un traumatisme. Et comment va-t-il sortir de ce traumatisme? En retrouvant un équipier, une femme, Mako Mori (la merveilleuse Rinko Kikuchi) et en le guérissant de son propre traumatisme. Un traumatisme qui est lié à l’enfance. Dans une scène, qui sonne comme un hommage à Satoshi Kôn (Millenium Actress, Paprika), Becket est projeté dans le souvenir de Mako et doit l’aider à en sortir et à y faire face. Une séquence éprouvante et émouvante sur le plan humain et qui reste remarquablement spectaculaire: une petite fille poursuivie dans une ville en ruines, par un Kaiju. Tout Pacific Rim est résumé dans cette scène bénie des Dieux: gigantisme et émotion. Un condensé de l’esprit Del Toro!
Ajoutez à cela des relations père/fils et père/fille (il faut souligner la remarquable prestation de Idris Elba) qui culmine dans un climax d’une émotion puissante et ravageuse et vous obtenez un rêve de blockbuster: spectaculaire, jouissif mais aussi sensible, émouvant, drôle et humain. Finalement, Pacific Rim est loin des standards hollywoodiens. Il s’éloigne du formatage en vigueur dans le cinéma américain actuel. Le film est incroyablement mâture et adulte. Mais visiblement, il est perçu comme l’exact contraire! Dommage, car, répétons-le, c’est un miracle dans la mouvance des blockbusters actuels. Un film fort, qui s’adresse autant à l’adulte qu’à l’enfant qui sommeille en nous. Un grand film fantastique, qui risque de devenir maudit vu sa contre-performance au box-office. Vous savez ce qu’il vous reste à faire, soldats! Courez-y! Note: 17/20
Pacific Rim de Guillermo Del Toro, avec Charlie Hunnam, Rinko Kikuchi, Idris Elba et Ron Perlman, en salles depuis le 17 juillet.
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