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JOE-Un homme à part

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Le jeune Gary (Tye Sheridan, formidable jeune acteur découvert dans le Mud de Jeff Nichols) n’a pas de chance dans la vie. Vivant dans la misère la plus totale, il est affublé d’un père alcoolique, véritable épave pathétique mais dangereuse. Gary reste pour sa mère et sa jeune sœur. Il va rencontrer Joe Ransom (Nicolas Cage), un ancien repris de justice devenu travailleur forestier. Joe embauche Gary et se prend d’affection pour lui. mais les ennuis rôdent autour d’eux comme une meute de loups affamés…

Le film de David Gordon Green (dont le premier film, Mean Creek, sorti en 2004, était déjà un coup de maître) est un véritable coup de poing dans la gueule. Ce n’est pas un film facile, ni grand public. C’est sombre, violent, réaliste. Cela sent la sueur, l’alcool, le tabac et le sexe facile. C’est une véritable plongée dans l’autre Amérique, celle des pauvres et des perdants. Le rêve américain a viré au cauchemar et tous les personnages semblent vivre dans un Enfer perpétuel, sans aucun espoir d’en sortir. Pourtant, le film n’est pas misérabiliste. Le réalisateur possède un style ample et la beauté de ses images tranche avec la violence de son récit. C’est un film dont on ne sort pas indemne et qui laisse un sale goût dans la bouche.

Les deux personnages principaux de cette histoire sont complexes et très bien écrits. Le jeune Gary veut se sortir de la merde dans laquelle il croupit. Les rapports qu’il entretient avec son ivrogne de père sont ambigus. L’homme est violent, il cogne son fils et lui vole son argent. Pourtant, par moments, il arrive à être touchant voire drôle. Quant à Gary, il ne semble pas le haïr vraiment. Il est capable de cogner (il corrige facilement un type sur un pont) mais il ne fait rien contre son père. Pire (ou mieux), il essaye de l’aider en lui trouvant du travail. Ce garçon aime son père, malgré tout. Mais il va se trouver un père de substitution en chemin.

Et là, on touche au génie. Le père de substitution en question n’est pas un héros sans reproches, loin de là. C’est même un pauvre type! Joe Ransom boit et fume trop. Joe Ransom fréquente les putes d’un bordel clandestin.  Joe Ransom est très violent quand quelqu’un le cherche. Joe Ransom a dressé sa chienne, qu’il adore, à tuer. Joe Ransom, victime de violences policières jadis, déteste les flics, les méprise et ne leur obéit pas (ce qui nous vaut des scènes très drôles de contrôle routier), Joe Ransom est têtu et trop fier pour dire à une femme qu’il tient à elle. Cela fait beaucoup de défauts! A priori, ce n’est pas un modèle. Pourtant, Joe est en manque d’affection, il en marre que les flics le fasse chier pour un oui ou un non, et surtout, c’est un bon patron, soucieux de ses employés. Au contact de Gary, il va découvrir que peut-être tout n’est pas perdu et qu’il y a de l’espoir. Plus qu’un fils putatif, Gary représente ce qu’était Joe avant qu’il ne devienne un type qui se laisse couler: un jeune homme plein de vie et d’espoir, encore pétri d’idéalisme. Joe est incarné par un magistral Nicolas Cage, qui retrouve là un rôle à sa démesure. Tour à tour pathétique, héroïque, violent, doux, le comédien livre une des plus belles performances de sa carrière.

Joe est un film qui déjoue les clichés, on le voit. Soulignons aussi que les « méchants » de l’histoire ne sont pas des types indestructibles. L’un, l’ennemi juré de Joe, est un minable, un lâche et un pervers qui ne sait même pas se battre! Quant au père de Gary, même dans un moment ignoble, il est capable d’un signe d’humanité troublant face à un de ses frères de malheur. Bienvenue dans un monde où l’on tue pour un peu d’argent et une bouteille d’alcool, où la pauvreté peut amener un homme à « vendre » sa famille….. Pourtant, au bout de ce tunnel sombre, il y a une lueur d’espoir. Au bout de deux heures assez éprouvantes, David Gordon Green nous ramène à la lumière et nous fait sortir des ténèbres. Alors oui, on pourra lui reprocher une mise en place un poil trop longue et quelques menues longueurs mais Joe est un drame profond et habité, un voyage avec des gens que la crise n’a pas épargnés et qui survivent comme ils peuvent.  Note: 17/20

Joe, de David Gordon Green, avec Nicolas Cage et Tye Sheridan, en salles depuis le 30 avril.

3 mai, 2014 à 9 h 41 min


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