GODZILLA-Monstres et cie
1998. Roland Emmerich, auréolé des succès des pas terribles Stargate et Independance Day, se lance dans le remake de Godzilla. La créature est d’origine japonaise; elle est apparue dans une série de films, les Kaiju Eiga (films de monstres), qui ont remporté un vif succès dans l’archipel nippon ainsi que dans le reste du monde au point que Godzilla est devenu une icône mondiale. Les films de la série Godzilla présentent des affrontements titanesques entre monstres sur fond de critique du nucléaire (traumatisme de Hiroshima et Nagasaki). Les films dégagent un profond plaisir enfantin ainsi qu’une certaine poésie. Les Américains, au bout de 40 ans, se disent qu’il faut qu’ils en fassent absolument un remake (le carton de Jurassic Park est passé par là). C’est donc Roland Emmerich qui est engagé. Et on a eu le désastre que l’on sait. Pompant, sans vergogne ni aucun talent, tout le cinéma de Spielberg (Jurassic Park, notamment) ou des films comme Aliens, Emmerich livre un film ridicule, aux personnages caricaturaux, qui ne propose qu’un pathétique dinosaure (pour le coup, rien à voir avec le vrai Godzilla), sorte de T-Rex super-géant qui casse tout dans des scènes molles et manquant d’ampleur. Véritable insulte à son matériau d’origine, le film s’attire la colère de nombreux fans de Godzi et, malgré un certain succès, ne fait pas le carton escompté. C’est dire si la mise en route d’un nouveau remake par la Warner avait tout pour nous refroidir jusqu’à ce que le nom du réalisateur tombe: Gareth Edwards.
En 2010, Edwards avait frappé un grand coup avec le superbe Monsters, l’un des films de monstres les plus originaux de la décennie écoulée. Le film narrait une histoire d’amour touchante, sorte de road movie sentimental, avec comme toile de fond, des monstres géants d’origine extra-terrestre qui perturbent notre monde. L’élément fantastique était relégué au second plan. C’est une situation donnée et ce n’est pas l’intrigue principale. C’est juste un contexte. Edwards s’intéressait aux conséquences que peuvent avoir la présence des monstres sur notre vie et nous les montrait de façon parcimonieuse. Très ingénieux, le film propose un univers crédible et permet au spectateur d’être en osmose avec les personnages. L’arrivée de Gareth Edwards sur Godzilla avait donc de quoi nous émoustiller.
Et que dire, face à un pareil spectacle? Ce qu’a réussi Edwards est tout simplement miraculeux. Il applique la même formule gagnante que dans Monsters. A ce niveau-là, c’est même une leçon de mise en scène et d’utilisation des effets spéciaux! Tout le projet de réalisation éclate dès le premier plan du film(après le générique d’ouverture). Edwards filme un enfant qui sort de sa chambre et court dans un couloir. Il le filme à sa propre hauteur, quasiment au ras du sol. C’est le point de vue de l’enfant qui prévaut dans le film tout entier. Les humains, face aux monstres géants, ont des réactions d’enfants: yeux écarquillés, bouches ouvertes, regards tournés vers le ciel. Une scène (celle du Golden Gate) est d’ailleurs vue, en partie, à travers les yeux de gosses qui sont dans un bus scolaire. Mais Edwards ne s’arrête pas là. Constamment, il relie les humains aux monstres. On ne compte plus les mouvements de caméra qui passent des monstres aux humains, au sol. L’histoire des humains est au premier plan. Nous sommes des enfants face à ces dieux géants. Ainsi, un combat entre deux de ces créatures est d’abord filmé frontalement avant qu’on en voit la suite sur un écran de télévision que regarde un petit garçon comme s’il regardait ses dessins animés du samedi matin. Il faut noter l’utilisation intelligente des flashs d’infos TV. Et puis il y a tous ces plans de monstres vus de derrière une vitre ou d’une porte qui se referme: ne pas tout montrer, installer un contexte crédible, mythifier les créatures et rester à hauteur d’homme…ou d’enfant.
Edwards réussit, à peu près, sur tous les tableaux. Bien sûr, le scénario est simple (mais pas simpliste), les personnages un peu archétypaux (même s’ils restent humains et crédibles) et le message écologiste évident (Fukushima et les dérives du nucléaire). Mais quel spectacle, bon dieu! Quelle réalisation! Le film regorge de purs moments de suspense (la scène sur le pont ferroviaire entre le Muto et les deux soldats est anxiogène à souhait et se déroule dans un silence oppressant) ou d’instants de grâce (le saut en parachute et la vision subjective de Godzilla par l’un des parachutistes). La réalisation de Edwards est fluide, dynamique et, surtout, aucunement hystérique: du grand cinéma classique. Et comme les personnages, nous redevenons des enfants le temps d’une projection. Cela n’a pas de prix. Les effets spéciaux sont extraordinaires. Quant à Godzilla, il est MAGNIFIQUE et respecte la créature des films japonais originaux.
Et comment ne pas être en phase avec le personnage principal? Un petit garçon qui va devenir le héros qu’il voulait être étant enfant. Le symbolisme est évident quand il donne une figurine de militaire qui lui appartenait à un petit garçon. Ne plus rêver d’être un héros mais le devenir. Et l’homme en question échangera un regard, lors d’une scène incroyable, avec l’autre héros du film, le roi lézard en personne. Il y a comme un passage de relais et une compréhension universelle qui passe entre eux avant que la poussière n’engloutisse le monstre.
Godzilla 2014, ce n’est que du cinéma, du grand cinéma de divertissement qui nous ravit les yeux et le cœur. On ressort avec la joie d’être redevenu, le temps de deux heures, un enfant. Un grand merci à Gareth Edwards!
Note: 17/20
Godzilla, de Gareth Edwards, avec Aaron Taylor-Johnson, Ken Watanabe, Sally Hawkins, David Strathairn, Juliette Binoche et Bryan Cranston (très émouvant, au passage), en salles depuis le 14 mai.
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