THE ROVER-L’homme de nulle part
Dix ans après la « chute » (une sorte de catastrophe mondiale dont on ne saura rien de plus précis), un homme (Guy Pearce) arrive dans un relais perdu du désert australien, au volant de sa voiture. Mais il va se faire voler celle-ci par une bande de braqueurs. L’homme, déterminé à récupérer son bien, se lance à la poursuite des voleurs. Il emmène avec lui le frère blessé d’un des braqueurs, un retardé mental (Robert Pattinson), pour qu’il lui montre le chemin…
Il y a trois ans, le réalisateur australien David Michôd avait frappé un grand coup avec son premier long-métrage Animal Kingdom. Faux film de gangsters et vraie tragédie familiale, Animal Kingdom avait révélé un réalisateur/scénariste doué pour les ambiances poisseuses et sachant remarquablement gérer la tension dramatique de son récit. Le voir revenir avec un film à la Mad Max avait de quoi séduire. Et le début de The Rover est juste formidable. Michôd, sans jamais rien expliquer de la catastrophe qui a plongé le monde dans le chaos, dépeint un univers apocalyptique crédible sans discours superflu et sans voix-off de narrateur. En cinq minutes, on sait où on est. On est déjà scotché aux basques de son « héros ». Celui-ci est un homme taciturne, frustre et fermé. Il est incarné à la perfection par un Guy Pearce minéral à souhait mais dont chaque regard peut exprimer une menace sourde et diffuse.
Le début est donc bluffant: vol de la voiture, poursuite et prise d’otage du frère du chef des braqueurs. Tout cela est non seulement extrêmement fluide mais la tension est palpable à chaque plan. Tout le film est filmé de main de maître, à ce niveau. La réalisation de Michôd est ample et il sait tirer le meilleur parti du désert australien et de ses longues routes abandonnées. Michôd sait aussi resserrer son cadre sur les personnages quand il le faut (lors des moments de discussions et de violence). Bref, il donne à son film une allure de cauchemar. Un cauchemar écrasé par le soleil et la chaleur où les hommes sont prêts à défendre les armes à la main le peu qu’ils possèdent. Michôd nous gratifie aussi de scènes bizarres voire malsaines (l’achat de l’arme, la vieille femme sur son fauteuil) voire émouvantes (la visite chez la femme médecin). Après ce début fracassant et terrassant, on se dit qu’on tient un chef d’œuvre du genre.
Malheureusement, Michôd semble ne pas savoir comment meubler son histoire minimaliste. Le milieu du film est assez ennuyeux et la tension retombe. On se surprend même à bailler. Il ne se passe plus rien. Pourtant, la réalisation est toujours aussi parfaite. Et les acteurs sont remarquables. Pattinson joue enfin avec talent, incroyable! Dans un rôle d’homme-enfant à la fois candide et imprévisible (voire violent), il est littéralement bluffant. Le problème est qu’on ne croit pas, à l’écran, à ce duo improbable. Quelque chose ne fonctionne pas. L’alchimie entre les deux acteurs est parfaite mais leurs scènes dialoguées sont assez longues et redondantes. L’ennui guette le spectateur qui se dit que tout cela va se traîner vers une fin paresseuse.
Et c’est là que Michôd se réveille et nous sort de notre torpeur! L’acte final retrouve le niveau du début. Tout cela se finit par un règlement de comptes tendu et bouleversant entre deux frères (là, on retrouve l’auteur d’Animal Kingdom). Mais c’est la toute fin qui emporte l’adhésion. Le personnage de Guy Pearce, qui était jusqu’ici un homme borné qui veut simplement récupérer sa voiture, devient plus humain et son obstination plus compréhensible (une scène du milieu du film trouve alors un autre éclairage). Ce final nous serre la gorge et on ne peut s’empêcher de se dire: « Toute cette violence simplement pour… ».
The Rover est un film qui sort des sentiers battus, qui est une véritable expérience émotionnelle, un film singulier donc précieux mais qui souffre de longueurs inutiles. Michôd le fait durer 103 minutes là où 80 ou 85 auraient suffi. Néanmoins, on continuera de suivre la carrière de ce réalisateur atypique. Note: 13/20
The Rover, de David Michôd, avec Guy Pearce et Robert Pattinson, en salles depuis le 4 juin.
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