RESPIRE-A bout de souffle
Charlie, jeune lycéenne de 17 ans, vit une vie plutôt calme. Elle semble un peu distante et rêveuse, mais malgré sa discrétion, elle est bien intégrée dans son lycée et fait partie d’une joyeuse bande d’amis. Un jour, débarque une nouvelle élève dans sa classe: Sarah. Les deux jeunes filles deviennent rapidement les meilleures amies du monde, malgré leur différence de caractère (Sarah étant beaucoup plus extravertie). Mais rapidement, Charlie va tomber dans un piège, celui d’une personne manipulatrice, qui va lui empoisonner doucement son existence: son amie Sarah.
Après le touchant et réussi Les Adoptés (2011), Mélanie Laurent réussit ici un coup de maître pour son deuxième long-métrage. Rares sont les jeunes cinéastes qui transforment et transcendent leur coup d’essai. Et rares sont ceux, dans le cinéma français, à proposer quelque chose qui sort des sentiers battus et qui soit un acte de cinéma. Mélanie Laurent fait partie de ces exceptions. Il va falloir désormais compter avec elle. Avec ces deux films, on voit qu’elle possède un style, une manière de filmer et un regard qui lui sont propres.
Respire est donc un piège, celui qui se referme sur la jeune Charlie. La première partie est filmée en plans larges et moyens, la seconde en plans beaucoup plus serrés, comme pour rendre compte de l’étouffement dont est victime Charlie. Belle idée aussi que d’en faire une asthmatique, ce qui renforce cette idée d’étouffement et nous vaut une séquence assez éprouvante lors d’un cours d’EPS. Mélanie Laurent nous fait ressentir toute la souffrance et le désarroi de Charlie. Elle est bien aidée par la remarquable composition de Camille Japy, à la fois froide, distante mais aussi très fragile et sensible. Plus généralement, Mélanie Laurent a un don pour filmer l’adolescence et sans aucun cliché. Le début est, à ce titre, formidablement filmé. La scène est banale: Charlie se lève alors que ses parents s’engueulent. Mélanie Laurent reste sur son personnage. Elle filme ses pieds, son visage, mais ne dévoile pas entièrement les parents. Comme pour montrer que Charlie souffre de la situation mais qu’elle se barricade en elle-même pour se protéger. Dès les premières images, Mélanie Laurent gagne son pari.
Le traitement réservé au personnage de Sarah est aussi très subtil. Elle est atteinte de perversité narcissique. Mais loin d’en faire une « méchante » caricaturale, Mélanie Laurent complexifie le personnage. Il y a une raison à son comportement, quelque chose qui la pousse à détruire l’autre. C’est un personnage en grande souffrance. Lou de Laâge, son interprète, est elle aussi extraordinaire: à la fois « femme fatale » séductrice et vénéneuse, amie sincère, personnage en manque d’affection puis véritable garce. La jeune actrice est bluffante. On a envie de la gifler, puis de lui pardonner, puis de la gifler…comme Charlie.
Le film recèle quelques belles idées de mise en scène: la révélation du secret de Sarah en un plan séquence élégant, une menace de mort lors d’une fête juste avant un ralenti et un plan final absolument tétanisant. Le travail sur le son est aussi intéressant, comme cette vibration de téléphone portable perçue comme une véritable menace. Mélanie Laurent aime le cinéma. Cela fait bien plaisir de voir quelqu’un qui a un vrai sens de la caméra. On peut trouver quelques défauts au film: la mère de Charlie (bouleversante Isabelle Carré) est elle-même victime et dépendante d’une personne manipulatrice, le père de Charlie. C’est peut-être un peu redondant comme situation. Néanmoins, mère et fille traversent la même épreuve et n’arrivent pas à s’aider mutuellement. Cela éclaire aussi le comportement passif de Charlie devant Sarah, puis sa « rébellion ».
Respire n’est pas un film confortable. C’est un film assez sombre qui inquiète et bouscule le spectateur. C’est une histoire d’amitié qui vire à l’obsession. Ce drame psychologique touche en plein cœur. L’émotion qui découle de ce film n’est pas artificielle. C’est juste et sincère. Mélanie Laurent a mis beaucoup d’elle dans ce film et s’y est investi avec passion. Cela se sent à chaque plan. Elle va jusqu’au bout de sa démarche. C’est un film que l’on n’oublie pas, comme cette respiration finale qui nous hante véritablement… Note: 18/20
Respire, de Mélanie Laurent, avec Camille Japy, Lou de Laâge et Isabelle Carré, en salles depuis le 12 novembre.
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