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WHITECHAPEL-Du sang sur la Tamise

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Entre la fin août et la fin novembre 1888, cinq prostituées furent les malheureuses victimes de celui que la presse baptisa Jack l’Eventreur (Jack The Ripper). Toutes les cinq furent assassinées dans le quartier pauvre de Whitechapel, à Londres. D’autres crimes furent imputés à l’Eventreur mais ces cinq-là sont les seuls dont on soit sûr qu’ils étaient commis par le même assassin. Pourtant, il y eut peut-être un deuxième tueur en série, à la même époque, à Whitechapel. Il s’agit du Tueur au Torse (The Torso Killer). Il a fait au moins deux victimes, deux femmes dont on a retrouvé seulement les torses, amputés de tous leurs membres. L’une d’elles fut même retrouvée sur le chantier des nouveaux locaux de Scotland Yard. Comme Jack, il ne fut jamais attrapé. Mais son modus operandi était différent, ce qui fait dire aux spécialistes qu’il y avait bien deux tueurs.

La romancière Sarah Pinborough a choisi de se pencher sur le Tueur au Torse pour ce roman. Pendant qu’il enquête sur les meurtres de Jack l’Eventreur, le médecin légiste Thomas Bond va autopsier le corps de la première victime du Tueur au Torse. Il découvre, horrifié, l’existence d’un deuxième tueur. Veuf et insomniaque, le docteur Bond s’adonne à l’opium dans des fumeries de Whitechapel. C’est là qu’il va croiser le chemin d’un étrange homme en noir qui épie les drogués pendant qu’ils dérivent. Le docteur Bond va alors entamer un voyage vers l’horreur la plus totale…

Ce roman est un voyage au bout de la nuit. Sans retour. Il nous donne à contempler l’humanité dans de qu’elle peut avoir de plus effrayant. Sarah Pinborough donne vie au quartier de Whitechapel avec un réalisme saisissant. Tout sonne juste, que ce soit au niveau des décors ou des personnages. Son style est vif mais aussi lyrique et poétique par moments. Elle ne nous épargne aucune vision d’horreur. Tout cela sent la violence, le meurtre et le sexe facile dans les fragrances d’opium. La misère de Whitechapel est ici rendue avec une grande précision et une foule de détails. Et puis, il y a les descriptions des victimes des meurtres. Elles sont froides et ultra-réalistes. On ressent du dégoût et de la pitié. Et le pire c’est que l’auteur s’est basée sur la description de crimes réels. Elle n’a rien inventé. Glaçant…

C’est un roman écrit dans un style parfait. Et l’histoire? Tout simplement magistrale! Remarquablement construite, elle est très originale et on tourne les pages avec délectation. Le roman nous donne plusieurs points de vue: celui du docteur Bond (qui a réellement existé et enquêté sur l’Eventreur), l’inspecteur Moore, un étrange coiffeur polonais (que les ripperologues connaissent bien) souffrant d’hallucinations, une jeune servante dissimulant un lourd secret, et, via un journal intime datant de 1886, un jeune dandy anglais parti en Europe pour fuir un chagrin d’amour. Sans oublier, l’étrange homme en noir des fumeries d’opium… Tout ces gens se croisent dans une danse macabre des plus terribles. La mort semble suivre tous les protagonistes de ce roman. L’ambiance est gorgée de suspense. Mais elle est aussi poisseuse, sombre, sans aucun espoir. Le portrait du docteur Bond est remarquable. Traumatisé par la mort de son épouse, c’est une âme en peine qui se perd dans l’ombre de l’opium. Hanté et obsédé par toutes ces femmes assassinées, il se met en chasse pour leur rendre justice. Il va croiser le Mal absolu sur sa route. Le docteur Bond est un personnage complexe et terriblement attachant. Faillible et humain, tout simplement. C’est un témoin du mal. Bravo à Sarah Pinborough de l’avoir pris comme héros et de nous l’avoir fait si proche de nous.

Whitechapel est certes un thriller qui démarre comme une enquête classique. Mais il bascule dans le surnaturel en cours de route. En dire plus serait criminel mais vous serez surpris et effrayé. Jack l’Eventreur n’est qu’une ombre dans ce roman. On sent sa présence mais on ne le verra jamais. Sarah Pinborough s’intéresse au Tueur au Torse et à l’horreur sans nom qu’il cache. Ce livre n’est donc pas une énième thèse sur l’identité de Jack. Ce dernier n’est qu’une conséquence d’un mal beaucoup plus terrible….

Bref, un roman diabolique, original et sans concessions! Sarah Pinborough s’impose comme un auteur de grand talent. Sachez enfin qu’un deuxième tome sur cette histoire paraîtra bientôt. Les nuits seront longues et sans sommeil, blanches mais teintées de rouge sang… Note: 18/20

Whitechapel (Mayhem en anglais), 2013, de Sarah Pinborouh, l’Ombre de Bragelonne, 2014, 359 pages.

20 janvier, 2015 à 14 h 37 min


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