CAPRICE-Le théâtre de la vie
Clément (Emmanuel Mouret), instituteur, est comblé jusqu’à l’étourdissement: Alicia (Virginie Efira), une actrice célèbre qu’il admire au plus haut point, devient sa compagne. Tout se complique quand il rencontre Caprice (Anaïs Demoustier), une jeune femme excessive et débordante qui s’éprend de lui. Entretemps, son meilleur ami, Thomas (Laurent Stocker), se rapproche d’Alicia…
En trois comédies sentimentales très réussies, Changement D’Adresse (2006), Un Baiser s’il vous plait (2007) et Fais-Moi Plaisir! (2009), Emmanuel Mouret avait imposé un style décalé, subtil et un tantinet burlesque. Après s’être égaré dans un film à sketch inégal (L’Art D’Aimer) et un mélo pas très inspiré (Une Autre Vie), il revient au style qui lui va le mieux et nous enchante à nouveau.
Son dernier film est un délicieux marivaudage où Mouret nous amène à réfléchir sur l’amour et ses illusions. Le film est un brillant aller-retour entre fantasme et lucidité. Clément est-il amoureux de Alicia pour ce qu’elle est ou parce que c’est son actrice préférée? En bref, nous idéalisons peut-être trop la personne que nous aimons, nous en fabriquons une image rêvée mais sommes-nous attirés par cette image ou par la personne en elle-même? Mouret ne nous sert pas une énième variation sur l’actrice imbue d’elle même et coupée du monde. Son Alicia est une femme sensible, attentionnée, généreuse et sincère. Virginie Efira livre une brillante prestation où son émotion contenue éclate à chaque plan. Emmanuel Mouret la filme magnifiquement, telle une héroïne d’un mélodrame hollywoodien. D’ailleurs sa réalisation est toujours classique, élégante et précise. L’homme possède un regard attentionné sur ses personnages dont on se sent proche. Il a aussi toujours ce sens du gag et du détail incongru (la tasse de café et l’urne, la jambe cassée) qui font mouche, tout comme ses dialogues fins et ciselés, drôles et touchants. Il est l’un des rares à bien parler d’amour dans le cinéma français.
L’illusion théâtrale et fictive (de la vie?) est ainsi filée dans beaucoup de scènes. La plus belle étant ce baiser passionné entre Alicia et Clément…juste avant qu’elle ne monte sur scène embrasser son partenaire de la même façon! Le personnage de Caprice (la tornade Anaïs Demoustier) est très intéressant. Elle vit la même chose que Clément, d’où un effet miroir entre les deux histoires d’amour. Elle connait très peu Clément mais elle se déclare amoureuse de lui. Elle l’idéalise et en fait l’objet de sa passion. Mais est-elle éprise de cette image qu’elle s’est forgée ou du « vrai » Clément? Les scènes entre eux sont drôles mais se teintent d’une certaine tristesse. D’ailleurs, dans son dernier tiers, le film devient mélancolique à l’orée des choix que les personnages ont à faire. Une certaine amertume s’installe. La fin demeure belle, magnifique et comme teintée de regrets que l’on tait. Et comme ultime pirouette finale, l’effet de mise en abîme avec la fiction revient, comme pour signaler un mensonge que l’on trouve confortable. L’indécision règne jusqu’au bout. La jolie Caprice aura changé la vie de beaucoup de personnes!
Le film perd légèrement de son rythme dans sa deuxième moitié. L’histoire entre Thomas et Alicia semble de trop, Mouret a du mal à la rattacher au reste. Pourtant, elle est originale car silencieuse, les deux personnages étant constamment gênés par la présence de l’autre. Le film recèle des petits moments de grâce et de drôlerie. La première scène entre Clément et son fils est très drôle et résume bien cette opposition fiction/réalité qui va suivre. Mouret y commente sa place à part dans le cinéma français, comme une note d’intention espiègle.
Alors laissez-vous charmer par ce film, vous ne regretterez pas ce caprice! Note: 16/20
Caprice de et avec Emmanuel Mouret, avec aussi Virginie Efira, Anaïs Demoustier et Laurent Stocker, en salles depuis le 22 avril.
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