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LE TOUT NOUVEAU TESTAMENT-Notre père qui êtes odieux…

Dieu père, mère et fille

Dieu père, mère et fille

 

Dieu (Benoît Poelvoorde) est un salaud. Il vit à Bruxelles, tout en haut d’un immeuble, reclus dans son appartement et terrorisant sa femme (Yolande Moreau) et sa fille (Pili Groyne). Cette dernière découvre, un jour, que son père n’a crée les hommes que pour tromper son ennui et qu’il s’amuse à les tuer ou à les faire s’entretuer par pur plaisir sadique. Révoltée, elle plante l’ordinateur de son père, balance leurs date de décès aux hommes par SMS et se sauve du domicile familial pour venir sur Terre. Son père, furieux et désormais impuissant, se lance à ses trousses.

Au vu de la bande-annonce, on aurait pu craindre une comédie bien lourde servant la soupe à Benoît Poelvoorde, une sorte de one-man show pas drôle et indigeste. Si effectivement la prestation du comédien belge est sans surprise mais drôle (Dieu est un beauf alcoolo, misogyne, braillard et violent), Jaco Van Dormael n’en fait pas le personnage principal de son film. Les séquences comiques avec ce dieu ridicule n’occupent qu’une petite partie du long-métrage. Néanmoins, Dieu est ici vu comme un petit fonctionnaire aigri qui détruit la vie des gens à distance, sans remords. Sa confrontation avec un prêtre, qui découvre avec effarement le vrai visage de celui qu’il a adoré pendant des années, est franchement hilarante. Mais le cinéaste belge préfère s’attacher à la fille de Dieu (la petite Pili Groyne, véritable révélation du film) et à l’humanité.

Le film du réalisateur belge est pétri d’humanisme et d’espoir, tout en restant lucide sur les défauts de l’humanité. On s’attache au sort de six personnages que la fille de Dieu va rencontrer. Leur portrait respectif est assez réussi et à contre-courant des stéréotypes habituels. Il est difficile d’oublier la jeune femme manchote, l’obsédé sexuel frustré et timide, le cadre dépressif qui s’ignore ou le type dénué de sentiments qui ne sait pas vivre. La bourgeoise insatisfaite (Catherine Deneuve) est plus clichée mais reste drôle (surtout quand elle se choisit un nouveau mari atypique). Car ces personnages savent désormais combien de temps il leur reste à vivre. Leur rapport à la vie va changer. Comment occuper sa vie désormais? Différentes pistes sont explorées: ne rien changer, tout changer, partir, rester, vivre sans entraves et jouir pleinement de la vie, devenir un assassin et se prendre pour l’instrument du destin, claquer son argent en prostituées, changer de sexe pour ses derniers jours, faire exprès de survivre à des accidents volontaires et stupides…Des choix incongrus et iconoclastes que Van Dormael file jusqu’au bout, sans limites scénaristiques…et sans tabous. Il y a parfois, derrière la joliesse, une certaine noirceur chez lui.

Dans un style poétique et lumineux, il alterne les scènes comiques et les scènes mélancoliques avec rythme et élégance. Van Dormael est un rêveur. Etre réaliste ne l’a jamais intéressé. Comment oublier le rêve de cette jeune femme qui pleure sa main perdue? Son histoire d’amour étrange et décalée avec le personnage de François Damiens? Ce couple qui se rencontre et se retrouve sur fond de film porno, dans une scène touchante? Ce petit garçon solitaire et toujours malade? Ce type qui jette son attaché-case à la poubelle dans un geste furieux? Ces gens attendant la mort sur une plage? Ici, tout est délicat, surréaliste et jamais tire-larmes. Van Dormael croit en l’humain. Dieu est mort et l’homme doit croire en lui-même et essayer de changer le monde tout seul. La nouvelle religion de la fille de Dieu est basée sur l’Homme, sans aucun dogme.

Malheureusement, le film a quelques défauts qui le font trébucher. Van Dormael est un rêveur naïf et comme tous les naïfs, il est parfois maladroit. Pour souligner le ridicule de Dieu, il abuse d’une musique de tuba qui surligne trop l’effet comique du personnage. Le fait qu’il y ait pas mal de narration en voix-off est un peu redondant aussi et le film est parfois répétitif dans certains effets. Quant à l’épilogue, il est un peu raté. Van Dormael fait intervenir une déesse bienveillante pour aider les hommes à changer le monde. Cela contredit un peu le « message » gentiment athée du film. Van Dormael, dans une dernière maladresse, voulait simplement peut-être apporter un peu de fantaisie à cette  »nouvelle » humanité. Le réalisme, décidément, ce n’est pas pour lui! Et il très drôle de constater qu’il se met à faire des erreurs de débutants alors que son premier film, Toto Le Héros, était quasi-parfait. En tout cas, son Tout Nouveau Testament demeure un film singulier et attachant, sans cynisme aucun.  Note: 13/20

Le Tout Nouveau Testament, de Jaco Van Dormael, avec Pili Groyne, Benoît Poelvoorde, Yolande Moreau, Catherine Deneuve et François Damiens, en salle depuis le 2 septembre.

6 septembre, 2015 à 9 h 31 min


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