PREMONITIONS-Un film peut en cacher un autre
La bande-annonce de ce film ne laissait pas grande place à l’originalité: des flics déboussolés font appel à un voyant (Anthony Hopkins) pour attraper un tueur en série qui semble toujours avoir un coup d’avance sur eux. L’auteur de ces lignes se déplace donc au cinéma pour aller voir un film distrayant, bien parti pour être le navet de la semaine sur un thème éculé. Et, ô surprise, il se retrouve face à un film bien différent de ce que à quoi il s’attendait…
Le film remplit haut la main son statut de film du samedi soir. Il y a beaucoup de suspense et de rebondissements. Le réalisateur brésilien Afonso Poyart, dont c’est le premier film hollywoodien, signe un thriller efficace, sans temps mort et assez élégant dans sa mise en forme. Bien sûr, il suit un schéma narratif classique et déjà-vu mais le film reste agréable et assez prenant. Il y a des défauts, certes, dans la réalisation et le montage. Poyart abuse un peu trop des visions surnaturelles de son héros, qui sont parfois fatigantes à regarder, à cause d’un montage trop cut. Même problème pour une scène de poursuite en voitures qui ne restera pas dans les annales. Mais alors qu’est-ce qui fait que ce film est différent des autres films de tueur en série?
Ce qui fait, ici, toute la différence ce sont le scénario et les personnages ainsi que l’émotion qui en découle. On ne l’aurait pas dit à la vue de la bande-annonce mais le scénario de Solace (titre original) s’avère bien écrit, surprenant et nous amène dans une direction inattendue. Le film glisse du suspense classique au suspense psychologique et à un questionnement intime chez le spectateur. Le mobile du tueur est original et fait complètement basculer le film, une fois révélé. Il nous fait réfléchir sur un sujet de société important, interroge la notion de libre arbitre, nous parle de deuil, de responsabilités à prendre et arrive même à nous rendre perplexes sur le sens de la vie et de la mort. Pas mal pour un simple thriller du samedi soir! On garde certaines questions en nous, au sortir de la salle.
Les personnages sont très bien écrits et interprétés, chose assez rare dans le thriller lambda actuel. L’inspecteur de police, campé par un excellent Jeffrey Dean Morgan ( le Comédien de Watchmen, le bad guy de The Proposition) n’est pas qu’un simple faire-valoir. C’est un flic obsédé par ses enquêtes mais miné par un problème personnel. Il reste néanmoins chaleureux et amical. Le docteur en criminologie est un personnage féminin fort, à la fois sensible et déterminé. Elle est interprétée par la formidable Abbie Cornish , la révélation du Bright Star de Jane Campion. Quant au voyant extra-lucide, ce n’est pas un énième vieux bougon qui reprend du service. C’est un personnage tragique, hanté par la mort de sa fille unique, solitaire, cartésien mais doué d’un don qui peut s’avérer pesant. Anthony Hopkins est magistral, tout simplement. Dès les premiers plans, il rend son personnage crédible et traverse le film comme un fantôme, le regard perdu. A 80 ans, il n’a rien perdu de son charisme! Notons aussi la très bonne prestation de Colin Farrell.
Solace comporte des effets chocs et une atmosphère parfois sombre, qui met mal à l’aise. Mais c’est aussi un film lumineux et très émouvant. Il y a souvent une grande douceur chez Poyart, dans sa façon de filmer les visages, les gestes ou les objets du quotidien. Il y a aussi une scène incroyable où le personnage d’Anthony Hopkins veut montrer à Abbie Cornish que son don peut faire du mal. Juste en filmant le visage magnifique de ses deux acteurs, Poyart livre une scène bouleversante. Solace est un thriller à la fois classique et tragique. Si le climax est un poil convenu, l’épilogue reste vraiment dans le cœur du spectateur. Curieux film! Note: 13/20
Solace, de Afonso Poyart, avec Anthony Hopkins, Jeffrey Dean Morgan, Abbie Cornish et Colin Farrell, en salles depuis le 9 septembre
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