KNOCK KNOCK-La fête des pères
Evan (Keanu Reeves) est un homme heureux: un boulot d’architecte, une belle maison, une épouse aimante et deux enfants mignons à souhait. Lors d’un week-end, il doit rester seul chez lui pour terminer un boulot urgent pendant que sa petite famille part au bord de la mer. Dès le premier soir, on frappe à sa porte. Il s’agit de deux jeunes filles égarées (et court vêtues!). Il pleut, elles ont froid, Evan leur propose d’entrer et d’appeler un taxi. Malheureusement pour Evan, cette bonne action va se retourner contre lui…
Evacuons le d’emblée: Knock Knock n’est pas un thriller sexuel à la Basic Instinct. Le sexe y est un sujet important: on en parle beaucoup, on s’y adonne une fois dans le premier tiers du film et la tension sexuelle de cette première partie est indéniable. Mais le film est plus un home invasion où un homme est séquestré par des inconnues chez lui. On a plus affaire à un suspense classique en huis-clos, où le sexe est juste l’un des sujets du film. Si vous voulez voir des scènes de cul à trois pendant 1 heure 30, passez votre chemin! Il y a une seule scène de ce type, elle dure une minute et, grâce au montage et à la réalisation, on suggère plus qu’on ne montre vraiment. Pour autant, Knock Knock est-il un film ennuyeux et faussement racoleur?
La réponse (du moins, pour l’auteur de ces lignes) est non. Le réalisateur Eli Roth (Hostel 1 et 2, The Green Inferno) nous propose un thriller habile, tendu, au suspense permanent, déstabilisant et bourré d’humour noir et sarcastique en diable. C’est donc un huis-clos (aéré de quelques moments en extérieur) remarquablement réalisé par un Eli Roth qui ne cherche jamais à péter plus haut que son cul. Par ce mélange de suspense claustrophobique et d’humour noir, il évoque parfois le ton d’un Roman Polanski qui se serait éclaté avec un sujet pareil.
Remake d’un obscur film d’exploitation des années 1970, Knock Knock s’amuse à dynamiter le gentil modèle de la famille américaine. Eli Roth multiplie les mouvements de caméra sur les photos de famille et les objets du quotidien pour monter la culpabilité du personnage principal et le décalage entre ses pulsions sexuelles et sa vie de famille. Eli Roth pratique l’art de la dissonance avec talent. Certains plans sont comme des fausses notes sur la partition d’un bonheur familial idéal. On pense à ce plan où l’une des jeunes filles marche dans le couloir de la maison en bousculant doucement du doigt les cadres des photos de famille accrochées au mur. La tension sexuelle de la première partie est aussi assez drôle. Dans le salon, on assiste à une danse où Evan essaye d’échapper à tout contact physique avec les deux filles, lors d’une simple discussion, alors que son esprit s’échauffe. Le film va, bien sûr, basculer dans un thriller où deux tarées séquestrent un homme chez lui, pour le punir.
Mais pour le punir de quoi? Le film cultive, avec justesse, une certaine ambiguïté morale. Que veulent les deux jeunes filles? Incarnées à la perfection par Ana de Armas et Lorenza Izzo, elles sont tout à la fois innocentes, tentatrices, garces, drôles et pathétiques. Ce pauvre Evan (Reeves est formidable dans son rôle d’homme normal quelque peu lâche) a juste cédé à la tentation. Pourquoi le punir alors qu’elle l’ont tenté et qu’elles semblent y avoir aussi pris du plaisir? Ont-elles été des victimes avant d’être des bourreaux? Peut-être…Elles symbolisent aussi peut-être un ordre moral puritain déréglé qui punit mais qui s’adonne aussi aux pires turpitudes. Elles sont clairement hypocrites mais elles soulèvent aussi le problème inhérent à l’homme moderne: un bon père de famille souvent bridé, qui a des pulsions et qui reste misogyne. D’ailleurs, elles demandent souvent à Evan où est passé le vrai Evan…. Il serait cruel de révéler tous les ressorts du film. Sachez juste que Knock Knock conserve jusqu’au bout son ambiguïté morale (le sujet de la pédophilie est aussi évoqué) et s’achève d’une façon bien cruelle pour son personnage principal, mis face à ses responsabilités. Le film devient un petit conte assez méchant mais à la morale pernicieuse.
Note: 16/20
Knock Knock, de Eli Roth, avec Keanu Reeves, Ana de Armas et Lorenza Izzo, en salles depuis le 23 septembre
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