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CARNETS NOIRS-On reading

Carnets_noirs

1978. John Rothstein, écrivain célèbre de 80 ans qui vit désormais en reclus, est assassiné par l’un de ses fans, Morris Bellamy. Le jeune homme est en colère contre l’écrivain car, à ses yeux, ce dernier a trahi son personnage-culte, Jimmy Gold, dans le dernier tome de ses aventures. Bellamy vole l’argent de l’écrivain et ses carnets de notes.

2010. Un adolescent de 13 ans, Peter Saubers, va faire une découverte qui va changer sa vie et surtout celle de sa famille, au bord de l’implosion.

2014. Bill Hodges, ancien flic à la retraite, est contacté par une jeune adolescente inquiète pour son grand frère.

 

Après Mr Mercedes, voici le deuxième tome de la trilogie Bill Hodges. Ce dernier a monté une agence d’enquêtes privées centrée sur la recherche de personnes ou d’objets disparus et baptisée Finders Keepers (« qui trouve gagne », titre original du roman par ailleurs). Il est secondée par Holly, jeune femme Asperger courageuse et têtue, qu’il avait rencontrée lors de l’affaire du Tueur à la Mercedes. Nous retrouvons avec plaisir nos vieilles connaissances. Mais Bill Hodges est un peu en retrait sur cette affaire. Il n’est pas impliqué personnellement et il n’est qu’une composante d’une histoire débutée 35 ans plus tôt.

Les deux personnages principaux de cette histoire sont Peter Saubers et Morris Bellamy. Le premier est un adolescent responsable et grand dévoreur de romans. Il aime tout particulièrement John Rothstein et sa série sur Jimmy Gold. Avec ce personnage, King convoque Stevenson et nous embarque dans une histoire de trésor perdu et retrouvé. Mais l’esprit aventureux du jeune garçon doit céder la place au sens des responsabilités. Cette partie est un roman initiatique subtil et émouvant sur un jeune garçon qui veut aider sa famille, une famille dévastée par la crise économique. Après Mr Mercedes, King enracine encore plus fort son roman dans l’Amérique en récession et nous peint le portrait de personnages qui luttent pour leur survie mais sont au bord du renoncement. Simple, sans pathos et terriblement réel. Il ne faut pas longtemps à King pour nous attacher à cette famille. D’autant qu’il fait le lien avec Mr Mercedes, via la répétition d’une scène traumatique…

Avec Morris Bellamy, King, après Misery, semble renouer avec la thématique du fan cinglé qui harcèle l’écrivain célèbre (situation que l’auteur a vécu personnellement). Ceci est pourtant évacué avec le premier chapitre, confrontation terrible et mordante entre Bellamy et Rothstein. King va plutôt s’attarder à brosser le portrait et la trajectoire de son personnage. Bellamy est-il une ordure? Pas vraiment, c’est juste un pauvre loser minable qui confond fiction et réalité et fait des conneries sous l’emprise de l’alcool. Nous sommes ici dans un roman noir à la Westlake/Stark. Tout ceci est désespérant (King arrive à créer de l’empathie avec ce pauvre Morris) et bardé d’humour noir. Tous les malheurs de Morris nous le font plaindre (viols carcéraux, officier de probation vicelard, mère peu aimante,…) mais il y a un commentaire acerbe et ironique où King se livre à son sport favori: gratter le vernis du rêve américain et en montrer les disfonctionnements.

Enfin, le roman est une déclaration d’amour à la lecture. La lecture nous aide à mieux appréhender le monde et à nous adoucir la vie quand celle-ci est trop dure. Mais à qui appartient un livre? A son auteur? Ou à son lecteur? Et chaque lecteur a-t-il le droit de s’arroger ce titre de propriété par rapport aux autres? Bellamy est un égoïste qui est capable de priver les autres de manuscrits inédits juste pour pouvoir les lire seul. King fustige les collectionneurs privés qui privent les autres d’œuvres inestimables. La lecture se doit d’être un partage et l’histoire appartient à la fois à l’auteur et à TOUS ses lecteurs. A travers ce roman tour à tour drôle, ironique, émouvant et trépidant, King fait encore étalage de son savoir-faire narratif en liant les destins et les actes de ses « héros » avec fluidité. A ce titre, la dernière partie est d’une précision chirurgicale au niveau du suspense. On lui pardonnera aisément quelques facilités (comme le portrait un peu caricatural de la sœur de Peter). Et au dernier chapitre, nous entrevoyons les prémices du dernier opus de la trilogie Bill Hodges, qui risque de prendre un tournant pour le moins inattendu…

Note: 4/5

Carnets Noirs (Finders Keepers), de Stephen King, 430 pages, éditions Albin Michel

13 mars, 2016 à 14 h 13 min


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