10 CLOVERFIELD LANE-A l’intérieur
Une jeune femme, Michelle (Mary Elisabeth Winstead), quitte son petit ami et décide de tout plaquer. Elle met quelques affaires dans un carton et quitte la ville, à bord de sa voiture. La nuit, elle est victime d’un accident et fait une sortie de route. Elle se réveille dans une sorte d’abri anti-atomique. Le maître des lieux, Howard (John Goodman) lui explique que les Etats-Unis ont été victimes d’une attaque chimique ou nucléaire, que l’air extérieur est devenu nocif et qu’il faut qu’ils restent à l’abri dans ce bunker. Michelle découvre aussi un autre « captif » de Howard: Emmett (John Gallagher Jr). La tension commence à monter entre eux trois. Et si Walter était complètement taré?
Evacuons d’emblée le lien avec le Cloverfield (2008) de Matt Reeves. 10 Cloverfield Lane n’en est pas la suite ni le préquel. Si vous n’avez pas vu ou si vous n’avez pas aimé Cloverfield, vous pouvez quand même aller voir 10 Cloverfield Lane. L’histoire du film est complètement indépendante. Quant à savoir si les deux films se passent dans le même univers, c’est une possibilité mais ce n’est pas le plus important. Le plus important c’est que 10 Cloverfield Lane est un film dont on ne savait rien, il y a encore 3 mois. Fin janvier, JJ Abrams et son équipe de chez Bad Robot ont balancé un premier teaser mystérieux et addictif. Et, ô miracle, la bande-annonce suivante n’en dévoile pas plus! Un gros miracle en ces temps où les studios dévoilent toutes les scènes spectaculaires de leurs blockbusters dans les bandes-annonces. Maintenant 10 Cloverfield Lane est-il seulement un produit superbement marketé par Bad Robot ou est-ce un vrai bon film?
Ni l’un, ni l’autre, il s’agit tout simplement de l’une des meilleures séries B de ces dix dernières années. Car oui, c’est une série B et il n’y a rien là de péjoratif. Le film a beau être distribué par Paramount, c’est un petit film dont le budget tourne autour des 10 millions de dollars (une misère à l’échelle hollywoodienne, le budget cantine de Batman V Superman!). Mais c’est un petit film diablement efficace. Le scénario est remarquable. Du début à la fin, le spectateur est mené par le bout du nez. Constamment, des rebondissements et des revirements de situation amènent le film dans une autre direction. A tel point qu’on en oublie toutes nos idées préconçues.
Ensuite, le film est un huis-clos entre trois personnages. Là encore, l’écriture du script est juste remarquable. D’une part, l’évolution de la situation initiale est remarquablement gérée et progresse lentement, tout comme la tension qui gagne le spectateur. D’autre part, les trois personnages sont remarquablement écrits et caractérisés. Ce ne sont pas des stéréotypes mais des personnes normales avec leurs zones d’ombres….et leurs secrets. La confession partagée entre Michelle et Emmett est l’une des scènes les plus émouvantes et justes vues sur un écran, les personnages étant séparés par un mur…et éclairés différemment. Le personnage de Hoawrd n’est pas un psychopathe caricatural. Il apparaît tour à tour menaçant, inquiétant, dissimulateur mais aussi compréhensif, protecteur et attentionné. John Goodman y trouve là un rôle à la démesure de son talent. Les deux autres acteurs sont eux aussi prodigieux. Ils sont le cœur de la réussite du film.
Le réalisateur Dan Trachtenberg accomplit aussi un travail remarquable. Niveau gestion de l’espace, découpage, interaction entre les protagonistes, c’est du grand art! Sa réalisation est précise et minutieuse et fait monter le malaise insidieusement. On suivra la suite de sa carrière avec grande attention. Trachtenberg amène sa petite série B vers un dénouement très surprenant avec une grande maîtrise. Son style peut rappeler celui de Spielberg, niveau efficacité. Et puis le portrait de cette anti-héroïne qui doit apprendre à choisir et à s’engager est réellement émouvant. Mary-Elisabeth Winstead y trouve là son meilleur rôle à ce jour.
On pourra peut-être reprocher au film de ne pas assez développer certains aspects, comme le « secret » d’un des personnages. Mais tout passe quasiment par l’image et les regards. A ce titre, le début est exemplaire: comment présenter le personnage principal et son dilemme en seulement quelques plans et sans dialogues…10 Cloverfield Lane s’impose haut la main comme un classique des années 2010 et une métaphore brillante des dérives d’une Amérique paranoïaque qui vit repliée sur elle-même.
Note: 4/5
10 Cloverfield Lane, de Dan Trachtenberg, avec John Goodman, Mary-Elisabeth Winstead et John Gallagher Jr, en salles depuis le 16 mars.
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