BATMAN V SUPERMAN, L’AUBE DE LA JUSTICE-Dieux en un
18 mois après les évènements de Man Of Steel. L’humanité semble partagée au sujet du Superman: est-il un dieu protecteur et bienveillant ou une divinité destructrice et dangereuse? Un homme, en particulier, pense que Superman est l’ennemi de la planète, un homme témoin de l’affrontement entre Superman et Zod et des morts humaines qui en ont découlé. Cet homme s’appelle Bruce Wayne, c’est un milliardaire. Mais il est aussi un justicier solitaire connu sous le nom de Batman. L’affrontement entre deux conceptions de la justice peut commencer…
Le programme de ce Batman V Superman était chargé: être à la fois un Man Of Steel 2, un reboot de Batman, une lutte entre deux super-héros et l’introduction à un univers plus vaste, celui de la Ligue des Justiciers. Peut-être est-ce tout cela à la fois qui finit par écraser le film. A trop vouloir en faire, on finit par aller trop vite et sacrifier des éléments importants. Seulement voilà, Batman V Superman est loin d’être raté. C’est même un assez bon film de super-héros. Alors pourquoi exactement balance t’on entre euphorie et déception?
Déjà, il est utile de mentionner que la version vue en salles et qui dure 2h30 est un compromis entre DC/Warner et le réalisateur Zack Snyder qui rempile trois ans après Man Of Steel. Snyder a évoqué en interview un director’s cut plus complet et plus violent. Donc, nous ne jugeons pas la vraie version du réalisateur. Mais comme nous n’avons pas vu le fameux director’s cut, nous devons bien juger ce que nous voyons à l’écran.
Le film s’ouvre sur une énième version du meurtre des parents de Bruce Wayne. En soi, elle n’est pas très réussie. Snyder filme ça au ralenti et en y greffant une musique trop mélodramatique. On a vu mieux. Au bout de deux minutes à peine, on commence à avoir peur. Et puis, arrive la scène où le jeune Bruce subit une élévation/communion avec des chauves-souris. Après ce magnifique moment, le film ne va pas trop décevoir pendant une heure. Il va faire monter la sauce, en parallèle, entre Batman et Superman jusqu’à leur rencontre.
Batman apparait comme un justicier vieillissant et adoptant des méthodes violentes. Trop violentes, même au goût de son Alfred de majordome (Jeremy Irons, excellent) qui n’hésite pas à le tancer comme un petit garçon. Persuadé d’agir pour le bien de l’humanité, Batman s’enferme dans sa violence et sa noirceur. Il devient pessimiste et ne croit plus en grand-chose. Ben Affleck livre une solide interprétation du personnage même si elle reste moins intéressante que celle d’un Michael Keaton ou d’un Christian Bale. Quand Batman se bat, Snyder filme un combattant masqué sournois, véloce, rapide et surnaturel. La première fois qu’on le voit, il est collé au plafond comme un vampire. Des femmes, immigrées clandestines asiatiques qu’il vient pourtant de sauver, le compare à un démon et ont peur de lui. C’est un chevalier déchu qui flirte avec le mal. Il va devoir retourner vers la lumière.
La lumière semble venir de Clark Kent/Superman. Ce dernier a choisi la Terre et ses habitants mais maintenant, il a du mal à se faire accepter. Malgré ses exploits où il sauve des innocents (magnifiques images qui assoient un peu plus la dimension christique du personnage), certains ne voient pas en lui un sauveur mais quelqu’un capable de détruire le monde. Il doit même répondre de ses actes devant une commission sénatoriale. Le film nous remontre aussi la fin du film précédent, mais vue sous les yeux de Bruce Wayne. Un simple mortel qui assiste, impuissant, à la mort de ses semblables et au combat de dieux qui détruisent tout sur leur passage. On a enfin à l’écran les conséquences désastreuses que peuvent avoir les actes des super-héros. Le film questionne aussi brillamment la question de la divinité et de la mort que les religions peuvent amener bien involontairement. Henry Cavill livre une fois de plus une brillante interprétation de son personnage, à la fois tourmenté par son statut mais aussi porteur de beaucoup d’espoir et de foi en l’humanité (l’antithèse de Batman). La notion de divinité contestée est aussi portée par le personnage de Lex Luthor qui apparait comme un petit enfant, traumatisé par un père violent, et terriblement revanchard envers Dieu et la Providence. Dommage que son interprète, Jesse Eisenberg, le joue alors comme un névrosé caricatural et geek, l’orientation initiale du personnage étant plutôt pertinente.
Toute la première partie de Batman V Superman est donc réussie et propose des thématiques passionnantes, tout en glissant ici et là des séquences d’action réussies (dont une mettant en scène Batman dans le désert). A ce stade, nous avons un film de super héros riche, intéressant, bien écrit, adulte et fun. On attend alors le final apocalyptique et c’est là que le film déraille avant de se remettre sur la bonne voie à la fin.
Le gros problème du script de Batman V Superman vient du cahier des charges du studio. On le sait, depuis 2008, Marvel est très en avance sur DC avec sa série des Avengers. Du coup, Warner décide d’accélérer la vapeur pour produire le pendant DC des Avengers, la Ligue des Justiciers. Retardé dès le début parce que Christopher Nolan refusait que son Dark Knight intègre cet univers, le studio profite de la suite de Man Of Steel pour faire une introduction à la Ligue. Du coup, et c’est là le problème, Batman V Superman dévie de son concept initial et se transforme en prologue d’un autre film, Justice League of America. Adieu le face à face inspiré entre Batman et Superman et bienvenue dans un film qui affiche sans vergogne son intention mercantile. Au programme: une Wonder Woman certes guerrière et magnifique mais dont on aurait pu se passer (au passage, pourquoi un thème à la guitare électrique pour un personnage d’amazone immortelle?), un Lex Luthor mégalomane qui décide de dominer le monde, un Doomsday réussi mais qui atterrit dans le film comme une merde et qui se paye des origines nébuleuses (en clair, sa « fabrication » est bâclée) et surtout, surtout, trois introductions pas très réussies de trois futurs Justiciers, via des fichiers informatiques et des vidéos ultra cheaps (celle présentant Aquaman est assez ridicule, le personnage ressemblant plus à un voisin irascible dérangé par du bruit et qui sort sur son palier avec un balai). On se retrouve dans le comic-book movie lambda pas très inspiré. Et puis la love story entre Clark et Lois est toujours aussi touchante mais Lois Lane (formidable Amy Adams) est vite reléguée à l’arrière-plan. La deuxième partie se retrouve clairement coincée entre les aspirations de Zack Snyder et les ambitions commerciales du studio.
Heureusement, le combat entre Batman et Superman s’avère bien jouissif mais un poil trop court. Batman a aussi droit à une superbe séquence d’action dans un hangar (une scène de poursuite en Batmobile est elle, par contre, foirée car montée trop cut). Et le climax où trois super héros affrontent un super vilain surpuissant est absolument dantesque, Znyder iconisant à mort ces dieux (ou demi-dieu pour Batman) qui s’affrontent pour notre plus grand plaisir et rappelle le final hallucinant de Man Of Steel. Wonder Woman, même si elle n’a aucun rôle majeur dans le scénario, s’avère avoir un sacré potentiel!
Lors de l’épilogue final, nous retrouvons enfin le film de départ. Toutes les problématiques des deux super-héros du titre trouvent leur solution: rédemption, sens du devoir et du sacrifice, trouver sa place dans le monde, accepter l’autre. Mais c’est surtout dans leurs origines et leur rapport à la famille (surtout à la figure de la mère) que les deux personnages finissent par se rejoindre et se comprendre. Le final est émouvant et vous prend à la gorge. Et il est bien sûr riche de promesses pour la suite. Nous espérons que sur son film suivant, Znyder aura enfin les coudées franches! En l’état, on peut toujours savourer ce film imparfait et boiteux mais sincère et galvanisant…en attendant le director’s cut en DVD/Blu-Ray!
Note: 3/5
Batman V Superman-Dawn Of Justice, de Zack Snyder, avec Ben Affleck, Henry Cavill, Amy Adams, Jesse Eisenberg, Jeremy Irons, Diane Lane, Laurence Fishburne et Holly Hunter, en salles depuis le 23 mars.
Prochaine étape du DC Universe: cet été avec Suicide Squad de David Ayer, centré sur les ennemis de Batman.
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