L’ULTIME DEFI DE SHERLOCK HOLMES- Etude en rouge sang
1922. Le docteur Watson se décide à mettre par écrit une enquête de Sherlock Holmes qu’il avait soigneusement cachée jusque là. Watson enferme son manuscrit dans un coffre à la banque et précise par une lettre que ce dernier ne devra être rendu publique que…50 ans plus tard!
1972. Le fameux manuscrit est enfin ouvert, lu et rendu publique. Mais son contenu est tellement scandaleux qu’il provoque une vive polémique. Ce fameux manuscrit narre l’affrontement, en 1888, de Sherlock Holmes et de Jack l’Eventreur. Mais la solution apportée à l’énigme de l’éventreur est si choquante qu’elle risque de perturber l’ordre et l’opinion publique.
Ce roman n’est pas une nouveauté. Il date de 1978 et il avait fait sensation dans le milieu holmésien de l’époque. Il est ici réédité par Rivages-Fleuve Noir, qui l’avait déjà édité au début des années 1990. Un plus large public, holmésien ou non, va pouvoir le (re)découvrir. Et ce n’est que justice vu la qualité du bouquin en question!
Certes, Michael Dibdin n’est pas le premier, ni le dernier, à confronter Sherlock Holmes à Jack l’Eventreur. L’année dernière encore, paraissait « Nous ne sommes qu’ombre et poussière » de Lyndsay Faye (Pocket éditions), un sympathique pastiche holmésien à l’atmosphère et au personnages bien dessinés mais dont le dénouement (largement prévisible) demeure assez galvaudé. La solution apportée par Dibdin est, elle, surprenante. Il serait criminel d’en dire plus mais dans ce roman, Holmes trouve un adversaire à sa taille, beaucoup plus diabolique et retors que ses crimes sauvages ne le laissaient présager. Ainsi le roman, et fait assez rare dans le cadre dans le cadre de la « sherlockerie », est avant tout le portrait saisissant d’un psychopathe perturbé. Tout ce qui touche à la personnalité du tueur de Whitechapel est empreint d’un grand réalisme et fait froid dans le dos. Tout ceci est digne du profilage d’un expert criminologue et nous offre une perturbante description d’un sociopathe ordinaire. Mais chut, laissons le lecteur le découvrir!
Mais le roman possède un autre intérêt. C’est un formidable jeu d’esprit entre la fiction et la réalité. Ainsi, le livre que nous tenons entre nos mains est bien un écrit de Watson. Car Holmes et Watson sont bien des personnages réels. Ils ont simplement croisé la route d’un médecin-écrivain, A.C.D, collègue et ami de Watson qui s’est offert de romancer les écrits de Watson sur les affaires traitées par Holmes pour les faire connaître du grand public. Revers de la médaille: suite à leur immense succès, ces nouvelles ont fini par rendre, au fil des années, Holmes et Watson complètement fictifs aux yeux d’un public qui les prend pour des personnages littéraires! Les crimes de l’éventreur étant bien réels, on finit par se demander où commence vraiment la fiction…ou la réalité! Mais bon, nous tenons bien entre nos mains un récit de Watson et non de A.C.D. A moins que…allez savoir!
Le portrait de Holmes est irrésistible. C’est bien le Sherlock que l’on connaît, intelligent, cocaïnomane, sarcastique et méprisant mais là, ses défauts sont accentués et le personnage (qui passe son temps à brimer méchamment Watson et Lestrade) apparaît un tantinet insupportable mais c’est un génie et il est le seul à pouvoir stopper le monstre de Whitechapel. Il y a donc beaucoup d’humour et de malice dans ce roman. Mais ceci tranche avec l’atmosphère pesante qui règne à Whitechapel et avec l’horreur des crimes de l’éventreur, qui sont ici décrits dans leur exacte réalité. L’écriture de Dibdin est précise, concise et l’auteur possède un sens du suspense efficace et redoutable. Tout au plus, pourra-t-on regretter que Dibdin ne s’attarde pas un peu plus sur la vie des habitants des bas-fonds londoniens.
Que dire de plus? Les fans de Sherlock Holmes y retrouveront leurs héros préférés ainsi que moultes références au Canon Holmésien de A.C.D. On a même droit au récit, par Holmes lui-même, d’une affaire inédite et qui n’a aucun rapport avec l’éventreur. Et enfin, le jeu de piste bascule, dans son dernier tiers dans des évolutions narratives insoupçonnées où la paranoïa côtoie l’émotion la plus intense. Néanmoins, on ne peut s’empêcher de fermer ce livre avec un léger doute….Brillant!
L’ultime défi de Sherlock Holmes (The last Sherlock Holmes story) de Michael Dibdin, 285 pages, Rivages-Fleuve Noir, 2016
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