PREMIER CONTACT-Palindrome
Douze mystérieux vaisseaux extraterrestres prennent place en douze endroits différents de notre planète. Visiblement, leurs occupants cherchent à communiquer avec nous. Aux Etats-Unis, l’armée et la CIA chargent la linguiste Louise Banks (Amy Adams) et le physicien Ian Donnelly (Jeremy Renner) de rentrer en contact avec les extra-terrestres. Sous la supervision du colonel Weber (Forest Whitaker), ils s’attellent à la tâche et progressent vers une vérité insoupçonnée….
Arrival (titre original de ce film) est certainement le film de science-fiction le plus étrange et déroutant de ces dernières années. C’est un film fragile et courageux mais pas exempt de défauts (quelques longueurs et redondances). Néanmoins, il vaut le coup d’œil car il est original et différent. On pourrait le rapprocher des récents Interstellar et Midnight Special, dans le genre « SF intimiste ». Sauf que le film creuse un sillon qui lui est propre, en proposant un voyage statique. En allant voir ce film, vous n’irez pas dans l’espace, vous n’assisterez pas à des batailles spatiales ou à l’invasion belliqueuse de la Terre, vous n’aurez pas pour héros des stéréotypes cools et rigolards. Non, vous allez rester sur Terre (mais pénétrer dans un vaisseau extra-terrestre) et vivre une rencontre particulière. C’est un film lent, aux enjeux multiples mais pas forcément visibles du premier coup, aux antipodes de ce qui se fait d’habitude. La bande-annonce le vend assez mal et le grand public, dont vous qui me lisez, risque d’être globalement déçu, tant le film est anti-commercial au possible.
Imaginez un film où les enjeux sont la communication et le langage et où le problème principal pour les protagonistes est de traduire l’étrange langage des « aliens » ainsi que d’arriver à comprendre leurs motivations. Voilà, il n’y pas d’explosions, ni de twists spectaculaires toutes les cinq minutes. Pourtant, Denis Villeneuve bâtit une œuvre élégante et passionnante, pour ceux qui ne sont pas réfractaires et daignent s’y abandonner. Le film baigne dans une lumière particulière. C’est assez sombre au début mais la photographie s’éclaircit au fur et à mesure que la compréhension qui se fait jour. Nous sommes placés sur le même rang que les personnages du film. Le film est haletant et l’atmosphère à la fois inquiétante, pesante et douce. Les rencontres entre les humains et les « aliens » sont impressionnantes par le protocole mis en place, la configuration du vaisseau, l’allures des « aliens » et leur mode de communication. Une paroi de verre sépare les deux races, comme un écran de cinéma ouvert sur un autre monde (pour eux comme pour nous). Une menace semble planer mais peut-être est-elle illusoire? On s’attache alors à la quête de sens des héros. La réalisation de Denis Villeneuve (Prisonners, Sicario) est ample, réfléchie, élégante, majestueuse. Par moment, l’atmosphère semble écraser les personnages et les spectateurs mais c’est un effet voulu. On a vraiment l’impression de vivre de façon crédible une rencontre du troisième type.
Villeneuve et son scénariste, Eric Heisserer, s’inspirant du roman L’Histoire De Ta Vie de Ted Chiang, offrent un suspense constant….sur rien. Juste la communication et le langage des « aliens ». Et pourtant, malgré un petit ventre mou à mi-parcours, on reste scotché et fasciné par ce qui se passe. Il faut souligner l’interprétation, toute en sensibilité, de Amy Adams, comédienne magnifique, qui prouve, après Big Eyes, qu’elle possède un solide sens dramatique. Son personnage de Louise Banks est le point d’ancrage du spectateur. Comme elle, nous sentons tour à tour la menace, la joie ou le chagrin. Ce personnage est important car l’histoire qu’il vit le ramène à son intimité. De son trauma, exposé dans l’introduction, de ses doutes et de ses questions, Louise Banks va puiser en elle les ressources pour éclaircir le mystère. L’universalité de ce film, c’est de nous ramener à la sphère intime et donc de nous y impliquer grandement. Notre rapport au temps, à la mort, à la vie, aux autres est ainsi questionné. Et c’est cela qui surprend car on ne s’attendait pas à un film sacralisant la vie (et l’amour) et nous parlant de la nécessité de faire son deuil des disparus. Derrière le « film d’extraterrestres », il y a autre chose. Le film de Denis Villeneuve possède un cœur qui bat et nous achemine vers une fin douce, contemplative et inespérée.
Enfin, le film prône la nécessité de communication et d’entente entre les peuples, en des temps où les politiques de repli sur soi et « va-t-en guerre » semblent revenir en force. Que les Etats-Unis nous envoient un tel film, juste après l’élection de Donald Trump, est assez paradoxal, même si totalement involontaire. En attendant, ce Premier Contact envoûtant et surprenant, nous invite à nous poser et à prendre conscience de la fragilité de nos existences. Et si vous voulez un argument moins gnangnan, sachez que le film ne dure que 116 minutes (1H56 donc) là où la plupart des gros films de SF ou de « divertissement » durent maintenant 2H30 au minimum. C’est pas si mal! Et comme il serait cruel de vous en dire plus sur ce film (très dur d’en parler à ceux qui ne l’ont pas vu), je mets un point final à ma chronique.
Note: 4/5
Arrival de Denis Villeneuve, avec Amy Adams, Jeremy Renner et Forest Whitaker, en salles depuis le 7 décembre.
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