ROGUE ONE-Un nouvel espoir?
Après Le Réveil de la Force (épisode 7 de la saga Star Wars), Disney poursuit sa série de films Star Wars, licence qu’elle a rachetée à George Lucas. Cette fois, ce n’est pas à un épisode « officiel » de la saga auquel nous avons droit (le film n’est pas la suite de l’épisode 7 sorti l’an passé) mais à un spin-off indépendant, qui sert d’introduction à l’Episode 4 (Un Nouvel Espoir). Rogue One nous raconte comment les plans de l’Etoile de la Mort ont été dérobés à l’Empire par l’Alliance Rebelle, ainsi que la première victoire militaire de cette dernière sur l’Empire. Le film s’attache au pas de Jyn Erso (Felicity Jones), jeune voleuse dont le père Galen (Mads Mikkelsen) est le concepteur de l’Etoile de la Mort. Elle va se retrouver partie prenante dans une mission suicide pour tenter de voler les fameux plans de l’arme de destruction massive de l’Empire.
Après un sympathique mais un peu limité épisode 7, on attendait beaucoup de Rogue One. Il faut dire que la réalisation a été confiée au talentueux Gareth Edwards, réalisateur de l’étrange Monsters (2010) et du magnifique Godzilla de 2014. Edwards est un réalisateur aux partis-pris esthétiques courageux et originaux, qui arrive à mythifier et densifier l’arrière-plan et le contexte de ses films, tout en mettant l’humain au premier-plan. Cette approche ne lui vaut pas que des fans et c’est dommage. Son arrivée sur un épisode de Star Wars est attendue avec ferveur par ses admirateurs et avec crainte par ses détracteurs. En l’état, Rogue One est peut-être le film qui réconciliera les deux. Quant aux fans de Star Wars, le film devrait globalement leur plaire, ce que les premières réactions enthousiastes montrent (c’était beaucoup plus mitigé pour Le Réveil de la Force).
Autant le dire tout de suite, Rogue One s’impose, de par sa maestria visuelle et son ambiance adulte, comme le meilleur Star Wars depuis L’Empire Contre-Attaque en 1980. Le style de Edwards fonctionne ici à plein et s’adapte parfaitement à cet univers. La réalisation est à rapprocher du style de cinéastes tels que Paul Verhoeven ou JohnMcTiernan, pour son mélange de violence frontale et de rigueur esthétique. Rogue One est à la fois un film de mercenaires, un space-opera et un film de guerre. Edwards enchaîne des mouvements de caméra et des plans absolument magnifiques, voire iconiques et utilise aussi un style de caméra portée toujours lisible et qui donne l’impression tangible d’être dans le film. C’est peut-être la première fois que l’on ressent aussi bien physiquement l’univers Star Wars. Le climax de 45 minutes est, à ce titre, l’un des plus passionnants vus dans un space-opera. Il se passe à la fois sur terre et dans l’espace, on navigue d’un point de vue à l’autre avec fluidité, Edwards tente des acrobaties visuelles affolantes pour changer de scènes. Sublime! Et la tenue visuelle du reste du métrage confine à la perfection. La méthode est la même que sur Godzilla mais l’action y est plus frénétique. Le travail sur le cadre et les arrière-plans est sidérant et s’appuie sur une 3D immersive à souhait (même si moins aboutie que celle de Godzilla). Edwards a donné une identité visuelle forte à son film. Il préserve sa vision personnelle de Star Wars et rien que pour ça, le film vaut le coup. D’autant qu’il conjugue à la perfection effets visuels numériques et décors réels. On est loin du remplissage numérique de la Prélogie!
Les scènes de guerre sont assez violentes. Le film baigne d’ailleurs dans une atmosphère sombre et sans concessions, du moins à ce niveau. Les rebelles de l’Alliance ne sont pas toujours montrés sous leur meilleur jour. Certains peuvent paraître lâches quand d’autres sont des assassins sans pitié n’hésitant pas à exécuter des ordres parfois limites, voire à tuer l’un des leurs pour avoir une chance de fuir (excellente interprétation de Diego Luna, à ce propos). Mais ils ont face à eux un ordre fasciste et meurtrier qui pratique le génocide à grande échelle. Edwards nous montre de manière palpable les ravages d’une arme de destruction massive et l’inéluctabilité de la mort qui en découle et qui s’approche lentement des protagonistes qui se tenaient à l’écart. Les combats terrestres sont violents. On se croirait dans des scènes de guerre dignes d’un Samuel Fuller ou dans les affrontements de la guerre en Irak (terrorisme urbain à l’appui). Edwards case aussi des instants de pause méditatives (comme cet engin émergeant lentement des brumes de l’arrière-plan et que seul un aveugle remarque!). Enfin, il redonne au personnage de Dark Vador son aura maléfique. L’espace de deux scènes, il redevient cette machine à tuer sans pitié, ce monstre inhumain qui cache ses blessures sous son armure. Sa deuxième apparition fait appel au film d’horreur et Vador devient le monstre qui surgit et tue en un clin d’oeil. Côté « méchants », Ben Mendelsohn est incroyable de magnétisme maléfique dans le rôle de Orson Krennic.
Mais voilà, Rogue One est loin d’être parfait. Disney était concentré sur l’épisode 7 et a laissé tranquille Edwards une bonne partie du temps. Mais le studio s’est finalement réveillé et a exigé des réécritures de script et des reshoots. Et cela se ressent, hélas. Déjà, le film souffre d’ellipses maladroites dans sa narration (dont l’une arriverait presque a saboter la magnifique scène finale sur la plage) et bon nombre de séquences aperçues dans la bande-annonce ne sont pas présentes. Le scénario est aussi parfois à la traîne, entre répétitions et lenteur. Quant aux personnages secondaires, ils sont victimes d’un manque de caractérisation handicapant. On s’attache à eux mais pas suffisamment. Le personnage de Forest Whitaker est même carrément inutile et caricatural! Inutiles aussi les mentions d’une créature capable de rendre fou l’esprit d’un homme, et puis en fait, non, ça nous fait perdre trop de temps! Inutiles aussi toutes les saillies humoristiques pénibles d’un robot pourtant très bien désigné (on pense au Géant de Fer de Brad Bird). Inutiles enfin toutes ces références à la Force devenue tout à coup super importante pour des personnages qui ne sont même pas des Jedis. Caricatural est aussi le métissage ethnique des gentils face aux méchants blancs de l’Empire (pourquoi les mystiques sont toujours asiatiques dans les films de SF?). La relation entre Jyn et son père est touchante et déchirante mais franchement quand donc Star Wars va s’affranchir de ses relations parents/enfants qui commencent à faire figure imposée et finissent par lasser? Voilà le genre de menu défauts qui arrivent à plomber Rogue One et à sortir le spectateur de l’expérience immersive de Gareth Edwards.
En l’état Rogue One est un film hautement réussi sur le plan visuel mais dont le studio a massacré le potentiel à coup de décisions et de mémos pour faire plus commercial. Néanmoins, il constitue peut-être un petite lueur d’espoir pour la franchise. Il faudra juste que Disney laisse les coudées franches à Ryan Johnson (Looper) pour l’épisode 8. Rendez-vous l’année prochaine!
Note: 3/5
Rogue One de Gareth Edwards, avec Felicity Jones, Diego Luna, Ben Mendelsohn et Mads Mikkelsen, en salles depuis le 14 décembre
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