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Promenade hivernale

 

Neige-jardin-lecoq-14-décembre-2009

 

Pour mon camarade holmésien Keneda Neo. Y a pas de malaise, vieux!

 

Il faisait froid, il faisait gris, en ce triste lundi. Triste? Le mot est peut-être fort. Disons « mélancolique ». C’est un joli mot, « mélancolique ». Il colle bien à ce lundi froid et gris, et il nous rappelle un virus hivernal maudit. Toi, tu étais content, il t’avait épargné. Le virus hivernal, pas le lundi. Le lundi n’épargne jamais personne. Il est sans pitié. C’est à la fois un recommencement et une fin, un renoncement et du chagrin. Bref, c’est pas toujours gai, un lundi. Quoique, le dimanche est parfois plus terrible…Enfin, bref.

Tu marchais dans les rues, désertes et engourdies par le froid, de cette ville déserte et engourdie par le froid. C’était le lendemain du Jour de l’An. C’était encore les vacances pour les écoliers. Pour un jour. Le lendemain, le couperet de la rentrée s’abattrait, sans pitié et meurtrier. Ses victimes préférées? Les cancres, les élèves moyens, les rêveurs et ceux que leurs cons disciples harcèlent, parfois, juste pour rire et tuer le temps, à défaut de tuer quelqu’un, ou alors lentement, à petit feu…Tu repensais à certaines de tes rentrés à toi. Elles étaient loin. Elles dataient du siècle dernier. Certaines te sont pénibles, au souvenir. Comme celles du collège avec certains profs idiots et certains camarades crétins. Les deux semaines de vacances, sans eux, avaient été un tel bonheur…Et puis, entamer la semaine avec deux heures de maths dans un préfabriqué où le chauffage était en panne, en ce début janvier…Mais qu’est-ce qu’ils croyaient, ces cons-là? Qu’on attendait ça avec impatience? Sans dec! Heureusement, dans ton souvenir, il y a aussi des rentrées plus rieuses, à l’école (innocence de l’enfance, peut-être) et au lycée (esprit potache, sans doute). Alors, tu marches dans le froid, bien emmitouflé dans ta grosse parka, les gants sur les mains et la capuche rabattue sur ta tête, alouette. Et tu penses aux gosses qui rentrent demain. Et tu as une pensée compatissante pour les cancres qui n’ont pas fait leurs devoirs, pas révisé pour le contrôle d’histoire du mercredi matin et pour les rêveurs, dont tu étais, qui regarderont par la fenêtre, pendant les cours, s’ennuyant et pensant à d’autres mondes, d’autres aventures, à leurs amours secrets ou tout simplement à un livre, un film ou une revue porno lue en cachette….

Tu pris par le parc municipal, près des facultés où les cours reprendraient aussi demain. Mais tu n’eus aucune pensée pour les étudiants. Tu t’en foutais. Tu as été étudiant mais c’est oublié, maintenant. Une affaire entendue et dont rien de significatif n’est vraiment sorti. Le parc municipal est désert. Le froid polaire en a chassé tout le monde, même les vieux qui promènent leurs chiens et nourrissent les canards sur le plan d’eau. De toutes façons, le plan d’eau est gelé. La volaille se réchauffe comme elle peut. Les arbres sont nus. Les pelouses sont givrées de blanc. Et le silence. Un silence étrange. Pas un bruit. On entend pas les voitures circulant sur le boulevard, on entend pas les oiseaux chanter, on entend pas de rire d’enfants. C’est un jour bizarre. Tu presses le pas, on commence à cailler sévère….

Tu rentres au chaud, quelques minutes, dans une librairie. Tu regardes les livres qui sont là depuis un mois, vu que les nouveautés ne sont pas encore arrivées. Tu furettes, tu finis par trouver des auteurs que tu ne connaissais pas. Cela réchauffe l’esprit, c’est ça qui est bien dans ce genre d’endroit. La librairie est déserte, deux ou trois clients et deux ou trois employés (ça sent les congés pour ceux qui ont bossé non-stop pendant les fêtes). Deux semaines auparavant, c’était pourtant la cavalcade et la foule des grands jours. Tu ressors dans le froid et la grisaille. Tu te rends aussi compte que tu viens de changer de temps. Tout à l’heure, tu utilisais l’imparfait et le passé simple, maintenant tu t’es mis au présent. En relisant, tu verras que c’était pire: tu avais déjà mêlé le présent au passé dès le début! Présent de narration donc pour une aventure tristement banale. Mais le passé semble plus proche quand on se le remémore, non? L’impression de le revivre, fugacement. Une brève étreinte dans le noir, un baiser rapidement, trop rapidement, échangé….

Dehors, c’est l’enfer pour les sans-abris. Hiver comme été, c’est toujours l’enfer pour eux. Mais là, c’est pire. Donc, tu ne te plains pas du froid car toi, tu ne couches pas dehors. Mais que faire pour eux, quand t’es pas bénévole, quand tu n’es qu’un impuissant de plus dans cette société inhumaine? A part donner quelques pièces et un sourire à ceux que tu croises…Aider son prochain, pas toujours facile. Tu te souviens des gens que tu n’as pas aidé alors que tu aurais du. Pas glorieux. Mais bon, y a aussi ceux que tu as aidé et que tu as perdu de vue. C’est la vie, mesdames et messieurs. Tu espères qu’ils vont bien et qu’ils sont heureux. Certains souvenirs réchauffent le cœur. Et je repense à ce petit couple de jeunes qui étaient à la rue…

Le froid se fait plus vif. Tu décides de rentrer. La ville est silencieuse et vide. En y réfléchissant, ce n’est pas désagréable. C’est même joli. Les choses, les lieux, les gens, sont plus nets et ont plus de contours. En attendant le bus, tu ne penses à rien de précis. Bientôt, il sera là et tu rentreras chez toi. Après, devant ton ordi, tu écriras sur cette promenade hivernale peu palpitante. Tu espères que les gens comprendront, un peu. Voilà, tu mets le point final. Meilleurs vœux à tous.

Texte dédié à tous ceux qui souffrent et qui sont malheureux. Je ne vous connais pas mais je pense à vous.

Aux enfants d’hier, aujourd’hui et demain.

A la mémoire de Carrie et de George. Merci pour tout. Vous êtes partis trop tôt.

4 janvier, 2017 à 15 h 33 min


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