» Catégorie : Cinéma
QUELQUES MINUTES APRES MINUIT-Le géant de bois
Commentaires » 0Connor (Lewis MacDougall) est un jeune garçon dont la vie n’est pas très gaie. Sa mère (Felicity Jones) est atteinte d’un cancer en phase terminale et il se fait harceler à l’école. De son imagination, va surgir un monstre qui va l’aider.
Juan Antonio Bayona revient, neuf ans après L’Orphelinat, au film fantastique. Il choisit cette fois d’illustrer l’adaptation filmique d’un célèbre roman de Patrick Ness, A Monster Calls, dont l’auteur signe lui-même le scénario. Cette histoire d’un enfant perturbé qui se crée un « ami » imaginaire, a visiblement plus qu’inspiré le réalisateur espagnol. C’est simple, sur le plan visuel, le film est une vraie réussite. Déjà, le monstre, auquel Liam Neeson prête sa voix chaude et caverneuse (il faut voir le film en VO!), est magnifique. Entièrement numérique, il impressionne. Ce monstre est en fait l’arbre principal du cimetière de la ville où habite Connor. Les séquences où il prend vie et se met en marche sont incroyables (ah, le reflet dans la flaque d’eau…). D’autant que la créature est formidablement bien intégrée aux décors du film, en intérieur ou en extérieur. Et Bayona utilise des artifices astucieux pour « ritualiser » ses apparitions (les objets qui se déplacent comme attirés à la manière d’aimants par le monstre). Bayona réussit des plans incroyables à ce niveau. Tout cela est de très bon augure pour le Jurassic World 2 qu’il a accepté de réaliser.
Tout le film bénéficie d’une réalisation parfaite. Bayona a quasiment une idée par plan, même sur les scènes intimistes. Impossible d’oublier la façon dont il isole constamment son jeune héros dans le cadre, les regards que lui jette son bourreau scolaire, l’utilisation pertinente des reflets (on pense à Spielberg). Il faut aussi revenir au monstre dont les apparitions soulignent les états d’âme du personnage (scène de la bibliothèque scolaire) et à sa présence à l’arrière-plan ou sur le bord du cadre. La scène du cauchemar au cimetière est aussi spectaculaire à souhait. Soulignons aussi la présence de scènes d’animation joliment désuètes pour illustrer les histoires que le monstre raconte à Connor et qui bénéficie aussi d’un style de réalisation parfait. Toute la mise en scène de Bayona est éblouissante. Trop peut-être au regard de ce le film raconte…
Car la belle mécanique finit par tourner à vide et le film par manquer d’émotion. Le monstre n’existe que dans la tête de Connor. C’est en fait son subconscient qui le taraude. Et là, l’ennui et la lourdeur s’invitent dans le film. Les histoires du monstre, ses dialogues avec Connor, tout cela aboutit à des leçons de morale vite redondantes et pénibles: accepter la mort, ne pas juger les gens trop vite, ne pas faire de bêtises pour exister au yeux des autres…Les coutures du script sont grosses, chaque effet semble être surligné. On finit par rester extérieur au film et a ne plus avoir d’empathie pour Connor. Le film s’achemine, sur un rythme assez lent, vers une scène finale lacrymale, déjà vue, clichée et dont on se doutait qu’elle arriverait. Certains personnages secondaires sont trop vite expédiés comme la petite brute du collège ou le père de Connor, qui se cache derrière de fausses excuses pour ne pas le recueillir ( en plus, son fils est d’accord pour le rejoindre, où est le problème?). Seule la grand-mère, incarnée par Sigourney Weaver, suscite l’intérêt. A Monster Calls finit par devenir l’exemple typique du film fantastique qui se croit plus intelligent que le genre qu’il illustre. C’est une leçon de vie, ma bonne dame, un récit initiatique psychologique où il y a peu de place pour le merveilleux, les aventures extraordinaires ou même une réflexion plus pertinente que le sermon qu’on nous sert ici. A ce niveau, un film comme Le Labyrinthe De Pan est beaucoup plus subtil, abouti et habité. La magie n’opère pas à 100%. Dommage.
Note: 2,5/5
A Monster Calls, de Juan Antonio Bayona, avec Lewis MacDougall, Sigourney Weaver, Felicity Jones et Liam Neeson, en salles depuis le 4 janvier.
ROGUE ONE-Un nouvel espoir?
Commentaires » 0Après Le Réveil de la Force (épisode 7 de la saga Star Wars), Disney poursuit sa série de films Star Wars, licence qu’elle a rachetée à George Lucas. Cette fois, ce n’est pas à un épisode « officiel » de la saga auquel nous avons droit (le film n’est pas la suite de l’épisode 7 sorti l’an passé) mais à un spin-off indépendant, qui sert d’introduction à l’Episode 4 (Un Nouvel Espoir). Rogue One nous raconte comment les plans de l’Etoile de la Mort ont été dérobés à l’Empire par l’Alliance Rebelle, ainsi que la première victoire militaire de cette dernière sur l’Empire. Le film s’attache au pas de Jyn Erso (Felicity Jones), jeune voleuse dont le père Galen (Mads Mikkelsen) est le concepteur de l’Etoile de la Mort. Elle va se retrouver partie prenante dans une mission suicide pour tenter de voler les fameux plans de l’arme de destruction massive de l’Empire.
Après un sympathique mais un peu limité épisode 7, on attendait beaucoup de Rogue One. Il faut dire que la réalisation a été confiée au talentueux Gareth Edwards, réalisateur de l’étrange Monsters (2010) et du magnifique Godzilla de 2014. Edwards est un réalisateur aux partis-pris esthétiques courageux et originaux, qui arrive à mythifier et densifier l’arrière-plan et le contexte de ses films, tout en mettant l’humain au premier-plan. Cette approche ne lui vaut pas que des fans et c’est dommage. Son arrivée sur un épisode de Star Wars est attendue avec ferveur par ses admirateurs et avec crainte par ses détracteurs. En l’état, Rogue One est peut-être le film qui réconciliera les deux. Quant aux fans de Star Wars, le film devrait globalement leur plaire, ce que les premières réactions enthousiastes montrent (c’était beaucoup plus mitigé pour Le Réveil de la Force).
Autant le dire tout de suite, Rogue One s’impose, de par sa maestria visuelle et son ambiance adulte, comme le meilleur Star Wars depuis L’Empire Contre-Attaque en 1980. Le style de Edwards fonctionne ici à plein et s’adapte parfaitement à cet univers. La réalisation est à rapprocher du style de cinéastes tels que Paul Verhoeven ou JohnMcTiernan, pour son mélange de violence frontale et de rigueur esthétique. Rogue One est à la fois un film de mercenaires, un space-opera et un film de guerre. Edwards enchaîne des mouvements de caméra et des plans absolument magnifiques, voire iconiques et utilise aussi un style de caméra portée toujours lisible et qui donne l’impression tangible d’être dans le film. C’est peut-être la première fois que l’on ressent aussi bien physiquement l’univers Star Wars. Le climax de 45 minutes est, à ce titre, l’un des plus passionnants vus dans un space-opera. Il se passe à la fois sur terre et dans l’espace, on navigue d’un point de vue à l’autre avec fluidité, Edwards tente des acrobaties visuelles affolantes pour changer de scènes. Sublime! Et la tenue visuelle du reste du métrage confine à la perfection. La méthode est la même que sur Godzilla mais l’action y est plus frénétique. Le travail sur le cadre et les arrière-plans est sidérant et s’appuie sur une 3D immersive à souhait (même si moins aboutie que celle de Godzilla). Edwards a donné une identité visuelle forte à son film. Il préserve sa vision personnelle de Star Wars et rien que pour ça, le film vaut le coup. D’autant qu’il conjugue à la perfection effets visuels numériques et décors réels. On est loin du remplissage numérique de la Prélogie!
Les scènes de guerre sont assez violentes. Le film baigne d’ailleurs dans une atmosphère sombre et sans concessions, du moins à ce niveau. Les rebelles de l’Alliance ne sont pas toujours montrés sous leur meilleur jour. Certains peuvent paraître lâches quand d’autres sont des assassins sans pitié n’hésitant pas à exécuter des ordres parfois limites, voire à tuer l’un des leurs pour avoir une chance de fuir (excellente interprétation de Diego Luna, à ce propos). Mais ils ont face à eux un ordre fasciste et meurtrier qui pratique le génocide à grande échelle. Edwards nous montre de manière palpable les ravages d’une arme de destruction massive et l’inéluctabilité de la mort qui en découle et qui s’approche lentement des protagonistes qui se tenaient à l’écart. Les combats terrestres sont violents. On se croirait dans des scènes de guerre dignes d’un Samuel Fuller ou dans les affrontements de la guerre en Irak (terrorisme urbain à l’appui). Edwards case aussi des instants de pause méditatives (comme cet engin émergeant lentement des brumes de l’arrière-plan et que seul un aveugle remarque!). Enfin, il redonne au personnage de Dark Vador son aura maléfique. L’espace de deux scènes, il redevient cette machine à tuer sans pitié, ce monstre inhumain qui cache ses blessures sous son armure. Sa deuxième apparition fait appel au film d’horreur et Vador devient le monstre qui surgit et tue en un clin d’oeil. Côté « méchants », Ben Mendelsohn est incroyable de magnétisme maléfique dans le rôle de Orson Krennic.
Mais voilà, Rogue One est loin d’être parfait. Disney était concentré sur l’épisode 7 et a laissé tranquille Edwards une bonne partie du temps. Mais le studio s’est finalement réveillé et a exigé des réécritures de script et des reshoots. Et cela se ressent, hélas. Déjà, le film souffre d’ellipses maladroites dans sa narration (dont l’une arriverait presque a saboter la magnifique scène finale sur la plage) et bon nombre de séquences aperçues dans la bande-annonce ne sont pas présentes. Le scénario est aussi parfois à la traîne, entre répétitions et lenteur. Quant aux personnages secondaires, ils sont victimes d’un manque de caractérisation handicapant. On s’attache à eux mais pas suffisamment. Le personnage de Forest Whitaker est même carrément inutile et caricatural! Inutiles aussi les mentions d’une créature capable de rendre fou l’esprit d’un homme, et puis en fait, non, ça nous fait perdre trop de temps! Inutiles aussi toutes les saillies humoristiques pénibles d’un robot pourtant très bien désigné (on pense au Géant de Fer de Brad Bird). Inutiles enfin toutes ces références à la Force devenue tout à coup super importante pour des personnages qui ne sont même pas des Jedis. Caricatural est aussi le métissage ethnique des gentils face aux méchants blancs de l’Empire (pourquoi les mystiques sont toujours asiatiques dans les films de SF?). La relation entre Jyn et son père est touchante et déchirante mais franchement quand donc Star Wars va s’affranchir de ses relations parents/enfants qui commencent à faire figure imposée et finissent par lasser? Voilà le genre de menu défauts qui arrivent à plomber Rogue One et à sortir le spectateur de l’expérience immersive de Gareth Edwards.
En l’état Rogue One est un film hautement réussi sur le plan visuel mais dont le studio a massacré le potentiel à coup de décisions et de mémos pour faire plus commercial. Néanmoins, il constitue peut-être un petite lueur d’espoir pour la franchise. Il faudra juste que Disney laisse les coudées franches à Ryan Johnson (Looper) pour l’épisode 8. Rendez-vous l’année prochaine!
Note: 3/5
Rogue One de Gareth Edwards, avec Felicity Jones, Diego Luna, Ben Mendelsohn et Mads Mikkelsen, en salles depuis le 14 décembre
PREMIER CONTACT-Palindrome
Commentaires » 0Douze mystérieux vaisseaux extraterrestres prennent place en douze endroits différents de notre planète. Visiblement, leurs occupants cherchent à communiquer avec nous. Aux Etats-Unis, l’armée et la CIA chargent la linguiste Louise Banks (Amy Adams) et le physicien Ian Donnelly (Jeremy Renner) de rentrer en contact avec les extra-terrestres. Sous la supervision du colonel Weber (Forest Whitaker), ils s’attellent à la tâche et progressent vers une vérité insoupçonnée….
Arrival (titre original de ce film) est certainement le film de science-fiction le plus étrange et déroutant de ces dernières années. C’est un film fragile et courageux mais pas exempt de défauts (quelques longueurs et redondances). Néanmoins, il vaut le coup d’œil car il est original et différent. On pourrait le rapprocher des récents Interstellar et Midnight Special, dans le genre « SF intimiste ». Sauf que le film creuse un sillon qui lui est propre, en proposant un voyage statique. En allant voir ce film, vous n’irez pas dans l’espace, vous n’assisterez pas à des batailles spatiales ou à l’invasion belliqueuse de la Terre, vous n’aurez pas pour héros des stéréotypes cools et rigolards. Non, vous allez rester sur Terre (mais pénétrer dans un vaisseau extra-terrestre) et vivre une rencontre particulière. C’est un film lent, aux enjeux multiples mais pas forcément visibles du premier coup, aux antipodes de ce qui se fait d’habitude. La bande-annonce le vend assez mal et le grand public, dont vous qui me lisez, risque d’être globalement déçu, tant le film est anti-commercial au possible.
Imaginez un film où les enjeux sont la communication et le langage et où le problème principal pour les protagonistes est de traduire l’étrange langage des « aliens » ainsi que d’arriver à comprendre leurs motivations. Voilà, il n’y pas d’explosions, ni de twists spectaculaires toutes les cinq minutes. Pourtant, Denis Villeneuve bâtit une œuvre élégante et passionnante, pour ceux qui ne sont pas réfractaires et daignent s’y abandonner. Le film baigne dans une lumière particulière. C’est assez sombre au début mais la photographie s’éclaircit au fur et à mesure que la compréhension qui se fait jour. Nous sommes placés sur le même rang que les personnages du film. Le film est haletant et l’atmosphère à la fois inquiétante, pesante et douce. Les rencontres entre les humains et les « aliens » sont impressionnantes par le protocole mis en place, la configuration du vaisseau, l’allures des « aliens » et leur mode de communication. Une paroi de verre sépare les deux races, comme un écran de cinéma ouvert sur un autre monde (pour eux comme pour nous). Une menace semble planer mais peut-être est-elle illusoire? On s’attache alors à la quête de sens des héros. La réalisation de Denis Villeneuve (Prisonners, Sicario) est ample, réfléchie, élégante, majestueuse. Par moment, l’atmosphère semble écraser les personnages et les spectateurs mais c’est un effet voulu. On a vraiment l’impression de vivre de façon crédible une rencontre du troisième type.
Villeneuve et son scénariste, Eric Heisserer, s’inspirant du roman L’Histoire De Ta Vie de Ted Chiang, offrent un suspense constant….sur rien. Juste la communication et le langage des « aliens ». Et pourtant, malgré un petit ventre mou à mi-parcours, on reste scotché et fasciné par ce qui se passe. Il faut souligner l’interprétation, toute en sensibilité, de Amy Adams, comédienne magnifique, qui prouve, après Big Eyes, qu’elle possède un solide sens dramatique. Son personnage de Louise Banks est le point d’ancrage du spectateur. Comme elle, nous sentons tour à tour la menace, la joie ou le chagrin. Ce personnage est important car l’histoire qu’il vit le ramène à son intimité. De son trauma, exposé dans l’introduction, de ses doutes et de ses questions, Louise Banks va puiser en elle les ressources pour éclaircir le mystère. L’universalité de ce film, c’est de nous ramener à la sphère intime et donc de nous y impliquer grandement. Notre rapport au temps, à la mort, à la vie, aux autres est ainsi questionné. Et c’est cela qui surprend car on ne s’attendait pas à un film sacralisant la vie (et l’amour) et nous parlant de la nécessité de faire son deuil des disparus. Derrière le « film d’extraterrestres », il y a autre chose. Le film de Denis Villeneuve possède un cœur qui bat et nous achemine vers une fin douce, contemplative et inespérée.
Enfin, le film prône la nécessité de communication et d’entente entre les peuples, en des temps où les politiques de repli sur soi et « va-t-en guerre » semblent revenir en force. Que les Etats-Unis nous envoient un tel film, juste après l’élection de Donald Trump, est assez paradoxal, même si totalement involontaire. En attendant, ce Premier Contact envoûtant et surprenant, nous invite à nous poser et à prendre conscience de la fragilité de nos existences. Et si vous voulez un argument moins gnangnan, sachez que le film ne dure que 116 minutes (1H56 donc) là où la plupart des gros films de SF ou de « divertissement » durent maintenant 2H30 au minimum. C’est pas si mal! Et comme il serait cruel de vous en dire plus sur ce film (très dur d’en parler à ceux qui ne l’ont pas vu), je mets un point final à ma chronique.
Note: 4/5
Arrival de Denis Villeneuve, avec Amy Adams, Jeremy Renner et Forest Whitaker, en salles depuis le 7 décembre.
ALLIES-Que Marianne était jolie…
Commentaires » 01942. Max Vatan (Brad Pitt), un agent canadien, est envoyé à Casablanca pour éliminer un dignitaire nazi. Il doit collaborer avec une résistante française, Marianne Beauséjour (Marion Cotillard), pour cette mission. Non seulement la mission réussit mais Max et Marianne tombent amoureux l’un de l’autre. Max ramène Marianne à Londres où il officie. Ils se marient et ont une petite fille. Un beau jour, les supérieurs de Max lui apprennent qu’ils soupçonnent Marianne d’être une espionne allemande. Si preuve en est faite, Max devra l’exécuter lui-même au bout de 72 heures. Max va alors débuter une enquête parallèle pour tenter de blanchir son épouse, tout en cachant à cette dernière la teneur de sa « mission ». Mais Marianne est-elle vraiment celle qu’elle prétend être?
Sur un script aussi alléchant, c’est dire si on attendait le nouveau film de Robert Zemeckis (Retour Vers Le Futur, Forrest Gump) avec impatience. Avec un scénario prometteur signé Steven Knight (Les Promesses de l’Ombre) et un couple glamour en tête d’affiche (Pitt/Cotillard), le film partait sous de bons auspices. Malheureusement, le film rêvé n’a pas lieu et la déception est assez cruelle, même si, pour être honnête, le film est loin d’être un naufrage complet et possède quelques qualités.
Tout commence mal avec la partie située à Casablanca. Le film s’ouvre sur un Brad Pitt atterrissant en parachute dans le désert. Il est assez consternant de voir que Zemeckis préfère tourner cette scène à l’aide d’un trucage numérique plutôt que de la filmer en vrai. Cela se voit tant cela sonne faux. Par la suite, Zemeckis (cinéaste fasciné par les sfx) ne pourra jamais s’empêcher de corriger numériquement certaines scènes. A l’image, tout est propre mais factice. Revenons à Casablanca et à la mission de Max Vatan. Là, on nage en plein naufrage artistique. C’est très beau et bien filmé. On a même droit à une scène d’amour en pleine tempête de sable comme dans Le Patient Anglais. Mais ce Casablanca est en carton pâte et baigne dans les clichés. On ne croit pas du tout à la mission des deux tourtereaux, l’alchimie entre Brad Pitt et Marion Cotillard ne fonctionnent pas (Cotillard n’est pas en cause, c’est juste que Brad Pitt a l’air de s’emmerder grave) et tout cela frise la parodie. L’entrée en matière est loupée et l’envie de quitter la salle monte doucement en soi.
Arrive la partie située à Londres et le film s’améliore grandement. Brad Pitt est enfin concerné par son personnage et livre une bonne prestation, tout en rage contenue et en émotion à fleur de peau. Marion Cotillard, elle, est convaincante et amène de la sensibilité et de l’ambiguïté à son personnage. Zemeckis, tout à son aise, déploie un savoir-faire filmique qui lui permet d’illustrer au mieux ce récit d’amour et de paranoïa. Mouvements de caméra précis et élégants, utilisation de l’arrière-plan, jeux de miroirs, tout concoure à satisfaire le cinéphile exigeant et à donner une atmosphère crédible au film. L’histoire racontée est passionnante et le suspense constant. Il y a des scènes fortes, telles la visite à un mutilé de guerre, le crash de l’avion allemand ou la scène, tendue à souhait, où Max apprend les accusations qui pèsent sur sa femme. Max doit se cacher de ses supérieurs et de sa femme, et le soupçon finit par le ronger, tout comme le spectateur. Tout cela est fort habile et prenant.
Malheureusement, le film sombre trop souvent dans les clichés et le soufflé finit par retomber. C’est bien joli d’avoir fait de la soeur de Max une homosexuelle mais 1) son rôle ne sert à rien dans le film et 2) elle s’affiche en public et au milieu d’autres officiers avec son amante et ça, c’est juste pas crédible. A l’époque, l’homosexualité était passible de prison ou d’internement et les homosexuels vivaient cachés pour éviter les ennuis. Qu’une homosexuelle, femme officier, s’affiche avec sa compagne au milieu d’autres militaires, qui l’acceptent et en rigolent, comment dire….Et puis, film hollywoodien oblige, nous avons droit à une escapade bien stéréotypée en France avec gendarme couard et grassouillet et membre de la résistance alcoolique et ridicule (pauvre Thierry Frémont!), avec un affrontement bâclé contre les Allemands. Enfin, la scène d’accouchement sous les bombes ennemies apparaît trop outrée et sirupeuse pour convaincre vraiment.
Mais le miracle cinématographique finit par arriver! Zemeckis nous offre un dénouement inspiré et d’une rare émotion. Peut-être la plus belle scène qu’il ait jamais filmée…Une pluie battante, une voiture et un point de vue uniquement focalisé sur un personnage traqué, perdu et qui doit faire un choix…Quelques minutes de grâce qui valent à elles seules l’achat du ticket et qui rachètent les erreurs précédentes. En l’état, Alliés est un film qui se suit sans ennui, qui retrouve par moments le charme suranné des films d’autrefois mais qui demeure handicapés de défauts qui l’empêchent d’atteindre le rang de classique.
Note: 2,5/5
Allied, de Robert Zemeckis, avec Brad Pitt et Marion Cotillard, en salles depuis le 23 novembre.
MOI, DANIEL BLAKE-Palme d’Or ?
Commentaires » 0Ken Loach a reçu la deuxième Palme d’Or de sa carrière pour ce film, en mai dernier à Cannes. On est donc en droit d’attendre un film exceptionnel, tant sur le plan formel que du contenu thématique. Le problème, c’est que Ken Loach n’a jamais été un grand réalisateur, du point de vue strictement cinématographique. C’est un cinéaste au style naturaliste, dénué d’effets et qui se rapproche du documentaire. Ce qui fait la force de ses films cependant, c’est leur impact dramatique et l’authenticité de leurs scénarios et personnages, ancrés dans un contexte social fort. Car Loach est un révolté qui a décidé de montrer les horreurs du monde capitaliste et de donner la parole aux citoyens les plus vulnérables. Des films comme Raining Stones, The Navigators ou Just A Kiss restent très forts, très justes, très sensibles. Alors, pour son dernier film, on attendait Loach au tournant, lui qui était sorti de sa retraite pour repartir au combat, une dernière fois. La fois de trop?
Cette fois, Loach s’attache au pas de Daniel (formidable et attachant Dave Johns), un homme qui a perdu son travail suite à un accident cardiaque et qui, ses indemnités d’invalidité refusées, est obligé de chercher du travail pour pouvoir toucher le chômage. On voit bien ce qui intéresse Loach ici: montrer l’absurdité et la cruauté du système d’aides sociales britannique. Et c’est le grand mérite du film, celui de dénoncer un système inhumain et proprement dégueulasse. On sent monter en soi le dégoût et la révolte. Cet aspect-là est très réussi. Mais le gros problème, c’est qu’en dehors de ça, Ken Loach et son scénariste fétiche Paul Laverty (20 ans de collaboration depuis Land And Freedom) ne nous proposent pas grand-chose d’autre.
L’ennui arrive assez vite, et, pire que tout, le désintérêt progressif qui s’installe face à ce qui se passe à l’écran. Loach arrive donc au résultat inverse qu’il visait: impliquer le spectateur d’une façon viscérale. Le film manque de rythme et surtout devient vite assez soporifique. Le parcours du personnage principal est, certes, tristement banal et répétitif mais sur un plan dramatique on a juste un homme qui va à des rendez-vous au Pôle Emploi, cherche un travail sans conviction et, surtout, apparaît un peu comme un stéréotype du vieil ours bougon et râleur. Le comédien a beau être formidable, le personnage est quand même un peu cliché. Le film n’a pas de vrai colonne vertébrale et fait du surplace. Loach et Laverty avaient eu plus de talent et de réussite sur certaines de leurs collaborations précédentes. Là, nous avons juste un film paresseux et qui se contente d’un discours « Ah que ce système est injuste! Regardez! » au lieu d’essayer d’affiner les personnages et les situations. Il y avait plus de travail à ce niveau dans The Navigators ou Carla’s Song, par exemple. Et comme le film est assez terne (quotidien grisâtre oblige) visuellement et que Ken Loach n’est pas un génie de la caméra, il est dur de ne pas s’assoupir quelque peu.
Il y a, quand même, des scènes à sauver, comme celles de la banque alimentaire ou du supermarché, mais même si elles sont fortes, elles sont peu nombreuses, trop disparates et peinent à dynamiser l’ensemble. Et on s’étonne que certaines pistes narratives ne soient pas plus exploitées. La relation entre Daniel et la jeune chômeuse mère célibataire et ses deux enfants donnent lieu à des moments touchants mais cela reste succinct, on en voit pas assez. Dommage, ses scènes semblent être le cœur du film mais Loach peinent à le ranimer. Il en est de même pour la « solution » que cette jeune femme trouve à ses problèmes: trop vite expédié pour convaincre. Mais le pire est atteint dans les scènes finales du film. La scène, drôle, où Daniel se révolte en écrivant sur les murs de l’agence pour l’emploi est gâchée par l’arrivée d’une caricature de guignol alcoolique, censée représenter le prolétariat qui soutient Daniel. On a connu Loach moins condescendant! Quant à la fin, aussi dramatique soit-elle, elle est prévisible et sonne un peu faux. L’épilogue est émouvant mais laisse trop de choses dans l’ombre (quid du sort de certains personnages?). En l’état, on a juste un discours plat et ennuyeux sur les gentils pauvres et les méchants fonctionnaires qu’on connaît par cœur. On a beau être d’accord sur le fond, on aurait aimé voir un film plus habité et plus vivant. Du vrai Ken Loach quoi!
Note: 2/5
I, Daniel Blake, de Ken Loach, avec Dave Johns et Hayley Squires, en salles depuis le 26 octobre.
MISS PEREGRINE ET LES ENFANTS PARTICULIERS-Gimme shelter
Commentaires » 0Jacob (Asa Butterfield) est un adolescent californien qui s’ennuie dans son quotidien. Sa seule consolation est son grand-père Abe (Terence Stamp) qui lui raconte des histoires à propos d’enfants « particuliers » et de monstres terrifiants qui veulent les tuer. Après la mort mystérieuse et violente de Abe, Jacob va partir à la recherche du passé de son grand-père et rencontrer Miss Peregrine (Eva Green) et ses « enfants ». Les histoires d’Abe n’étaient peut-être pas que pure fiction…
« Et maintenant, que vais-je faire? » chantait Gilbert Bécaud. C’est aussi ce que semble se demander Tim Burton, à l’occasion de ce nouveau film. Et maintenant? Quelles histoires me reste-t-il à raconter? Quels univers me restent-ils à explorer? Ai-je encore la force de continuer? Ai-je un héritage artistique? Qui prendra ma suite?… Autant de questions qui semblent parcourir cet étrange long-métrage. Pas étonnant quand on sait que la place de l’artiste dans la société et son rapport à la « norme » collective sont des thèmes qui reviennent sans cesse dans l’oeuvre de Tim Burton. Mais depuis deux films, Burton semble vouloir aborder frontalement des aspects peu complaisants envers lui-même. Dans le mésestimé Big Eyes (2014), Burton nous parlait de sa « schyzophrénie » artistique (dualité entre l’artiste intègre et l’artiste corrompu ne travaillant que pour l’argent) et de son style devenu une marque que lui-même a parfois utilisé avec paresse et que les autres ont pompé sans vergogne. Dans ce Miss Peregrine’s Home For Peculiar Children (titre original), Burton commence à envisager sa vieillesse ainsi que sa propre mort. Il se demande aussi si d’autres reprendront le flambeau après lui.
Miss Peregrine est un film « particulier », au charme désuet, que sa bande-annonce essaie de vendre comme un X-Men First Class version Tim Burton. Hors le film n’est pas un gros film spectaculaire. S’il y a bien des séquences spectaculaires, elles font partie d’un film au rythme paisible et qui demeure, avant tout, une œuvre nostalgique et mélancolique. Bien sûr, on voit tout de suite ce qui a intéressé Burton dans cette histoire, adaptée des romans de Ransom Riggs: un jeune héros, qui comme Burton au même âge, se sent différent, décalé et mal à l’aise dans la Floride ensoleillée où il habite; des enfants différents, marginaux et possédant des pouvoirs extraordinaires (comprendre, comme toujours chez Burton, un don artistique) qui vivent à l’écart du monde pour s’en protéger. On navigue sur un terrain « burtonien » connu. Mais c’est le traitement que Burton imprime à tout ceci qui rend le film si attachant.
Tim Burton, ancien dessinateur/animateur, est devenu réalisateur un peu par hasard. Au fil de ses films, il a apprit son métier, jusqu’à l’assumer pleinement. Il a aussi appris à composer avec les nouvelles technologies (effets spéciaux numériques, 3D). Pourtant, Miss Peregrine est un film « à l’ancienne ». Burton a choisi une forme classique. Son style est ample et maîtrisé. Il utilise le numérique avec justesse et lui donne un look rétro qui renvoie à la stop motion de ses débuts (les déplacements des effrayants Creux). D’ailleurs, dans ce film, Burton affirme sa foi et son amour pour les « vieux » films qui ont bercé son imaginaire. Il s’agit de retrouver le goût des merveilles passées et de faire revivre une formule ayant fait ses preuves. Burton convoque les monstres invisibles qui effraient les enfants, exile son histoire dans un coin perdu du Pays de Galles (le Vieux Continent opposé à l’Amérique fadasse dépeinte dans l’intro) et utilise des éléments qui symbolisent le passé: une séquence en stop-motion, une armée de squelettes digne de Ray Harryhausen, une épave de la Grande Guerre sortant du fond des mers,…Le passé ne meurt pas, les films anciens non plus. On peut s’y réfugier, loin d’un modernisme stressant. La plus belle idée du film, et qui symbolise cette idée de refuge dans le passé, reste cette boucle temporelle qui fait revivre éternellement aux jeunes héros la même journée de 1943. Enfin, le personnage d’Enoch, capable de donner la vie à l’inanimé, apparaît comme l’alter ego de Tim Burton, l’artiste qui redonne vie à ce qui est mort…
Le film fait la part belle à ses personnages, tout en offrant un spectacle fantastique de qualité. Burton y dépeint la force de l’amitié et de la tolérance. Il nous offre aussi une histoire d’amour délicate et très émouvante. Mais sous cette innocence enfantine, pointe une noirceur cruelle. On y mange les yeux d’enfants qu’on tue sans regrets. On garde le cadavre d’un mort, éternellement, dans une chambre. Ce dernier point est à rapprocher de cette idée de garder en vie le passé, quitte à s’enfermer dans la folie. Malgré cela, le film affirme sa foi dans l’enfance et ses rêves et en sacralise l’innocence. L’imagination est une chose précieuse qu’il faut transmettre. Comme dans Ed Wood, une passation de pouvoir entre « artistes » ou « grands enfants » se fait via Jacob et son grand-père. Les rêves doivent être transmis. Burton pense sûrement à ses propres enfants et aux jeunes artistes qui s’inspireront un jour de lui. Le film se finit sur cette éternelle question burtonienne: faut-il vivre dans la réalité ou dans ses rêves? Peut-on accommoder les deux? On serait tenter de répondre oui à la vue de ce très joli conte fantastique mais, cette fois, Burton semble vouloir vraiment préférer le Pays Imaginaire. Et peut-être, pense-t-il à son départ définitif de ce monde….
Note: 4/5
Miss Peregrine’s Home For Peculiar Children, avec Eva Green, Asa Butterfield, Terence Stamp, Judi Dench et Samuel L. Jackson, en salles depuis le 5 octobre
INSTINCT DE SURVIE-La bimbo et le grand blanc
Commentaires » 0En 1975, Steven Spielberg débutait Les Dents De La Mer par l’attaque violente d’une baigneuse par un requin invisible aux yeux du spectateur. La scène se montrait aussi traumatisante qu’une agression sexuelle. En 2016, Jaume Collet-Serra (La Maison de Cire, Esther) débute son film de requin par un gamin qui trouve une vidéo sur une plage. En appuyant sur Lecture, le môme voit des surfeurs s’amuser dans l’eau et un requin fonçant, gueule ouverte, vers l’objectif. Cette scène d’introduction ratée n’installe aucune frayeur chez le spectateur. Au contraire du film de Spielberg, Collet-Serra choisit un début anodin et insipide. Il embraie ensuite sur une jolie surfeuse américaine (Blake Lively) parti faire du surf sur une plage secrète du Mexique. On la voit parler par écran interposé à sa sœur et à son père et consulter des photos de sa maman décédée sur son smartphone. Le réalisateur se montre même incapable de filmer simplement son héroïne marchant sur la plage, en proie au doute, sans parasiter l’écran avec les vidéos du smartphone. Enervant et symptomatique de l’époque. On a l’impression d’assister à la mort du cinéma.
Heureusement, dès que son héroïne se fait attaquer par un grand requin blanc et se retrouve isolée sur un rocher, à 200 mètres de la plage, le réalisateur arrive à installer une tension et ménage ses effets (assez chocs) avec un certain bonheur. Filmant son actrice principale sous toutes les coutures (il faut dire que Blake Lively est canon), il soigne ses plans et ses cadrages, installe un rythme paisible faussement trompeur, s’appuie sur une photo magnifique (l’usage de la couleur rouge est bien vu) et livre des moments « bizarres » réussis (le cadavre de la baleine et la menace qui en découle, Blake Lively commençant à perdre pied au milieu de son propre sang, le ban des méduses multicolores). Si on excepte l’amitié gnangnan entre la surfeuse et une mouette (non mais sérieux…), c’est plutôt réussi. D’autant que les attaques du squale sont spectaculaires, même si, une fois de plus, le comportement à l’écran du requin n’a rien à voir avec la réalité!
Malheureusement, d’un film angoissant et prenant, on en arrive aux rives du navet avec une dernière partie ridicule et hilarante qui fait tout retomber: requin déchiquetant du métal, héroïne avec une jambe bousillée qui nage comme Laure Manaudou, requin jusque là intelligent qui devient subitement bête comme ses pieds et mise à mort consternante. On se croirait dans un Bis italien type La Mort Au Large! Cerise sur le gâteau, on nous sert un épilogue familial dégoulinant à souhait de mièvrerie. Vous l’avez compris, Spielberg peut dormir tranquille…
Note: 2/5
The Shallows, de Jaume Collet-Serra, avec Blake Lively, en salles depuis le 17 août.
Mr HOLMES-Le dernier problème
Commentaires » 01947. Sherlock Holmes, âgé de 93 ans, coule une retraite paisible dans le Sussex. Il s’est reconverti dans l’apiculture et vit seul avec une gouvernante et le jeune fils de cette dernière. Watson est mort depuis de nombreuses années et son frère Mycroft quelques mois auparavant. Tout irait bien pour Holmes s’il n’était pas atteint de troubles de la mémoire et d’un début de sénilité. Ceci ne l’arrange pas car il souhaite mettre par écrit la dernière affaire qu’il a menée. Celle-ci a eu lieu 35 ans auparavant. Holmes se rappelle juste que Watson a menti lorqu’il l’a racontée. Il se souvient aussi du début de l’affaire…mais pas de sa résolution, juste qu’elle a précipité sa retraite. Luttant contre sa mémoire défaillante, Holmes fera aussi équipe avec le jeune fils de sa gouvernante, Roger, pour élucider une autre affaire, bien plus domestique celle-là.
Après les deux bouffonneries de Guy Ritchie (2009 et 2011), le personnage de Sherlock Holmes semblait être dans une impasse cinématographique. Devenu héros de blockbuster, incarné par Iron Man, le personnage s’éloignait dangereusement de l’œuvre de Arthur Conan Doyle. Dans ce nouveau film, le réalisateur Bill Condon (Gods And Monsters, Dreamgirls) prend complètement cet état de fait à contre-pied. Non seulement il revient à l’essence du personnage mais il nous propose un anti-blockbuster: un film de vieux qui va à 2 à l’heure! Et le pire dans tout ça? C’est l’éclatante réussite du film!
Adapté d’un roman de Mitch Cullin (Les Abeilles de Monsieur Holmes), le film nous propose, avec culot, de suivre les pas d’un Holmes lent, limite gâteux et dont l’esprit brillant s’émiette peu à peu. Mais attention! Jamais le personnage n’est ridicule! Jamais Bill Condon ne se moque de lui! Au contraire, il le regarde avec bienveillance et tendresse. Ce portrait délicat de la vieillesse apparaît très émouvant. On se sent en empathie complète avec le personnage. D’autant qu’il est interprété par un formidable Ian McKellen qui arrive à faire de ce vieillard sénile en robe de chambre un héros magnifique et une figure à la fois touchante et tragique. De plus, McKellen joue un Holmes « normal » dans les flashs-backs se situant en 1912. Et on se rend compte que notre bon vieux Gandalf aurait fait un Holmes du tonnerre! En quelques plans, c’est une évidence!
Le film est réalisé avec élégance par Bill Condon. Certains lui reprocheront un classicisme suranné, mais cela sied parfaitement au sujet et au rythme du film. Néanmoins, les images et les plans demeurent de toute beauté. On est loin de l’hystérie de la mise en scène brouillonne de Guy Ritchie! Mais ce qui retient l’attention, ce sont le scénario et les thèmes développés. Autant prévenir: les énigmes proposées n’ont rien de spectaculaire et d’inattendu. On est dans le domaine du drame psychologique et du problème d’ordre domestique, même si ce dernier peut s’avérer mortel. Pour l’énigme venue du passé, nous sommes dans le registre de la seconde chance. Holmes a foiré quelque chose, même s’il ne sait plus quoi. Sa mauvaise conscience vient le hanter. Lui qui n’a pas toujours été tendre avec ses proches, se rend aussi compte qu’il a souvent manqué d’humanité dans ses rapports avec les autres. Quand il voit le petit Roger, un gamin intelligent et solitaire, rudoyer sa mère (magnifique Laura Linney), il lui enjoint immédiatement d’aller s’excuser, l’air horrifié et choqué. L’amitié qui se tisse entre Holmes et Roger est touchante. Le vieux détective se reconnaît en ce gamin. Lui qui était un misanthrope patenté semble apprécier la présence du jeune garçon. D’autant que le gamin est doué pour l’apiculture et semble s’intéresser à la vieille histoire dont Holmes essaie de se souvenir.
Mr Holmes est aussi un film malicieux qui joue avec les codes holmésiens. On se rend compte que Watson, dans ses mémoires, a constamment menti au public et que lui et Holmes l’ont parfois mystifier. On le voit avec l’adresse du 221 B Baker Street ou avec le « truc » de Holmes (qui parfois, mais pas tout le temps, se basait sur du bon sens). Le pouvoir de la fiction est immense. Il peut créer des légendes et des icones. Mais la fiction est un mensonge. Et il y a un abîme parfois entre modèle et représentation fictive. Le Sherlock Holmes de Watson n’est pas le vrai. Le vrai c’est ce Monsieur Holmes que l’on voit dans le film. La fiction a aussi un pouvoir de guérison. Quand on lit une bonne histoire, on oublie ses soucis. Watson, en véritable ami de Holmes, a maquillé un échec en réussite pour aider son ami à sortir de la dépression. Le vieux Monsieur Holmes fera la même chose à la fin du film pour aider quelqu’un à son tour. Il y aura toujours des histoires à raconter…
Mr Holmes est un film qui propose une autre vision de son héros. Lors d’une scène, on peut même le voir tomber amoureux! On le voit aussi confronté aux conséquences tragiques d’un des évènements historiques les plus douloureux du siècle passé. Mais que l’on se rassure, un crime a été commis. Il est constamment à l’arrière-plan du film. Mais Holmes retrouvera le coupable et sauvera un innocent. Il pourra ensuite faire la paix avec ses morts et avec lui-même.
Note: 4/5
Mr Holmes, de Bill Condon, avec Ian McKellen, Laura Linney et Milo Parker, en salles depuis le 4 mai.
GODS OF EGYPT-L’oeil du faucon
Commentaires » 0Il y a très très longtemps, dans l’Egypte ancienne, les Dieux vivaient parmi les Hommes sur lesquels ils régnaient de façon éclairée et pacifique. Le roi d’Egypte, Osiris, décide de faire passer la couronne du royaume sur la tête de son fils, Horus. Malheureusement, Seth , frère d’Osiris et maître du désert, décide de prendre le pouvoir. Il tue son frère, arrache les yeux de son neveu et se met à régner de façon tyrannique et violente sur le pays. Mais c’est compter sans un voleur au grand cœur, Bek….
Le nouveau film d’Alex Proyas (The Crow, Dark City, I Robot, Prédictions) semble être maudit. Le studio qui le produit ne semble pas croire en son potentiel et le bazarde dans les salles, au terme d’une promo calamiteuse et quasi-inexistante (pourquoi alors financer un film si on ne croit pas en lui?). Pire, la bande-annonce est faite avec si peu de subtilité que le film passe pour un gros nanar numérique. Les réseaux sociaux se mettent à condamner le film et à se moquer de lui, alors que personne ne l’a encore vu. Très mauvais signe! Et quand le film sort enfin, la critique l’éreinte et le public le boude. Gods Of Egypt semble être destiné à être un bide monumental. Et c’est bien dommage!
Alex Proyas s’est complètement mis à nu sur ce film, sans aucun filet. D’une façon suicidaire, il s’investit à fond pour livrer un spectacle premier degré, sans cynisme, à la fois naïf et terriblement sincère. C’est bien simple, Gods Of Egypt s’avère être l’un des blockbusters les plus euphorisants de ces dix dernières années. Proyas livre un spectacle généreux, jamais hystérique, un superbe livre d’images, qui fait rêver et enchante le spectateur qui saura s’y abandonner. Le réalisateur australien retrouve l’esprit des films d’aventures d’antan et leur charme suranné ainsi que leur aspect sérialesque et leur énergie juvénile.
Niveau réalisation, c’est tout simplement merveilleux. Proyas s’autorise des plans, des mouvements de caméra incroyables et qui ne virent jamais à la démonstration stérile. Toute la virtuosité technique de Proyas est entièrement mise au service du récit qu’il conduit. Comment ne pas rester bouche bée devant les combats de Seth et Horus? Devant la scène des serpents géants? La scène des chutes d’eau (avec des plans en contre-plongée qui donnent une sensation physique de vertige et de danger)? Celle se passant au Royaume des Morts? Proyas part même dans le cosmos (avec un plan techniquement bluffant qui ravira les fans de Dark City) et nous fait sentir toute la portée mythologique de son récit. On passe du film d’aventures à la Indiana Jones (Bek s’introduisant dans la salle du trésor) au film merveilleux voire au film de super-héros (si, si!) avec une fluidité déconcertante. Et non, le film n’est pas une avalanche numérique dégueulasse avec un abus de fonds verts hideux! Malgré quelques menues faiblesses d’incrustation, le production design tient la route et nous éblouit. Rien que pour le cinéphile qui s’intéresse au style de la réalisation, le film est un régal.
Le scénario, quant à lui, est loin d’être idiot ou sacrifié sur l’autel du spectaculaire. Sans tout dévoiler, on peut parler du duel entre Seth et Horus. Seth (campé par un Gerard Butler puissant et inspiré) est loin d’être un bad guy monolithique. On devine, derrière l’implacabilité du guerrier, un être torturé et dévoré par la jalousie, luttant pour ne pas se laisser déborder par ses sentiments. La scène entre lui et son ancienne épouse est à ce titre incroyable, commençant dans la douceur et finissant dans la cruauté et la violence. Le parcours d’Horus (formidable Nikolaj Coster-Waldau) est aussi intéressant. Jeune guerrier vaillant mais vaniteux, héros déchu vivant en reclus, il doit redevenir un héros au sens noble, c’est à dire pas seulement sur le plan guerrier mais aussi sur le plan humain. Son alliance avec Bek le voleur (le fougueux et sympathique Brenton Thwaites) est plutôt bien vue et leur duo, d’abord drôle et mal assorti, débouche sur une vraie camaraderie au final. Le film verse aussi dans un romantisme bienvenu avec deux histoires d’amour touchantes et contrariées: celle de Bek et Zaya (la mimi Courtney Eaton) et celle entre Horus et Hator (superbe et divine Elodie Yung). Ces deux histoires d’amour défient la mort et sacralisent les sentiments amoureux des protagonistes.
On pourra regretter, toutefois, que le film n’exploite pas certains aspects mis en place jusqu’au bout (le plan pour conquérir le Royaume des Morts) et certaines maladresses (la scène du Sphinx). Néanmoins, on tient là un spectacle galvanisant et rafraîchissant, tour à tour trépidant, drôle (la scène dans le repaire de Thot) et émouvant. Un film qui se conclut de la plus belle des façons, comme un conte: il y aura toujours un amour à sauver, des ennemis à défier et des aventures à vivre…
Note: 4/5
Gods Of Egypt, de Alex Proyas, en salles depuis le 6 avril
BATMAN V SUPERMAN, L’AUBE DE LA JUSTICE-Dieux en un
Commentaires » 018 mois après les évènements de Man Of Steel. L’humanité semble partagée au sujet du Superman: est-il un dieu protecteur et bienveillant ou une divinité destructrice et dangereuse? Un homme, en particulier, pense que Superman est l’ennemi de la planète, un homme témoin de l’affrontement entre Superman et Zod et des morts humaines qui en ont découlé. Cet homme s’appelle Bruce Wayne, c’est un milliardaire. Mais il est aussi un justicier solitaire connu sous le nom de Batman. L’affrontement entre deux conceptions de la justice peut commencer…
Le programme de ce Batman V Superman était chargé: être à la fois un Man Of Steel 2, un reboot de Batman, une lutte entre deux super-héros et l’introduction à un univers plus vaste, celui de la Ligue des Justiciers. Peut-être est-ce tout cela à la fois qui finit par écraser le film. A trop vouloir en faire, on finit par aller trop vite et sacrifier des éléments importants. Seulement voilà, Batman V Superman est loin d’être raté. C’est même un assez bon film de super-héros. Alors pourquoi exactement balance t’on entre euphorie et déception?
Déjà, il est utile de mentionner que la version vue en salles et qui dure 2h30 est un compromis entre DC/Warner et le réalisateur Zack Snyder qui rempile trois ans après Man Of Steel. Snyder a évoqué en interview un director’s cut plus complet et plus violent. Donc, nous ne jugeons pas la vraie version du réalisateur. Mais comme nous n’avons pas vu le fameux director’s cut, nous devons bien juger ce que nous voyons à l’écran.
Le film s’ouvre sur une énième version du meurtre des parents de Bruce Wayne. En soi, elle n’est pas très réussie. Snyder filme ça au ralenti et en y greffant une musique trop mélodramatique. On a vu mieux. Au bout de deux minutes à peine, on commence à avoir peur. Et puis, arrive la scène où le jeune Bruce subit une élévation/communion avec des chauves-souris. Après ce magnifique moment, le film ne va pas trop décevoir pendant une heure. Il va faire monter la sauce, en parallèle, entre Batman et Superman jusqu’à leur rencontre.
Batman apparait comme un justicier vieillissant et adoptant des méthodes violentes. Trop violentes, même au goût de son Alfred de majordome (Jeremy Irons, excellent) qui n’hésite pas à le tancer comme un petit garçon. Persuadé d’agir pour le bien de l’humanité, Batman s’enferme dans sa violence et sa noirceur. Il devient pessimiste et ne croit plus en grand-chose. Ben Affleck livre une solide interprétation du personnage même si elle reste moins intéressante que celle d’un Michael Keaton ou d’un Christian Bale. Quand Batman se bat, Snyder filme un combattant masqué sournois, véloce, rapide et surnaturel. La première fois qu’on le voit, il est collé au plafond comme un vampire. Des femmes, immigrées clandestines asiatiques qu’il vient pourtant de sauver, le compare à un démon et ont peur de lui. C’est un chevalier déchu qui flirte avec le mal. Il va devoir retourner vers la lumière.
La lumière semble venir de Clark Kent/Superman. Ce dernier a choisi la Terre et ses habitants mais maintenant, il a du mal à se faire accepter. Malgré ses exploits où il sauve des innocents (magnifiques images qui assoient un peu plus la dimension christique du personnage), certains ne voient pas en lui un sauveur mais quelqu’un capable de détruire le monde. Il doit même répondre de ses actes devant une commission sénatoriale. Le film nous remontre aussi la fin du film précédent, mais vue sous les yeux de Bruce Wayne. Un simple mortel qui assiste, impuissant, à la mort de ses semblables et au combat de dieux qui détruisent tout sur leur passage. On a enfin à l’écran les conséquences désastreuses que peuvent avoir les actes des super-héros. Le film questionne aussi brillamment la question de la divinité et de la mort que les religions peuvent amener bien involontairement. Henry Cavill livre une fois de plus une brillante interprétation de son personnage, à la fois tourmenté par son statut mais aussi porteur de beaucoup d’espoir et de foi en l’humanité (l’antithèse de Batman). La notion de divinité contestée est aussi portée par le personnage de Lex Luthor qui apparait comme un petit enfant, traumatisé par un père violent, et terriblement revanchard envers Dieu et la Providence. Dommage que son interprète, Jesse Eisenberg, le joue alors comme un névrosé caricatural et geek, l’orientation initiale du personnage étant plutôt pertinente.
Toute la première partie de Batman V Superman est donc réussie et propose des thématiques passionnantes, tout en glissant ici et là des séquences d’action réussies (dont une mettant en scène Batman dans le désert). A ce stade, nous avons un film de super héros riche, intéressant, bien écrit, adulte et fun. On attend alors le final apocalyptique et c’est là que le film déraille avant de se remettre sur la bonne voie à la fin.
Le gros problème du script de Batman V Superman vient du cahier des charges du studio. On le sait, depuis 2008, Marvel est très en avance sur DC avec sa série des Avengers. Du coup, Warner décide d’accélérer la vapeur pour produire le pendant DC des Avengers, la Ligue des Justiciers. Retardé dès le début parce que Christopher Nolan refusait que son Dark Knight intègre cet univers, le studio profite de la suite de Man Of Steel pour faire une introduction à la Ligue. Du coup, et c’est là le problème, Batman V Superman dévie de son concept initial et se transforme en prologue d’un autre film, Justice League of America. Adieu le face à face inspiré entre Batman et Superman et bienvenue dans un film qui affiche sans vergogne son intention mercantile. Au programme: une Wonder Woman certes guerrière et magnifique mais dont on aurait pu se passer (au passage, pourquoi un thème à la guitare électrique pour un personnage d’amazone immortelle?), un Lex Luthor mégalomane qui décide de dominer le monde, un Doomsday réussi mais qui atterrit dans le film comme une merde et qui se paye des origines nébuleuses (en clair, sa « fabrication » est bâclée) et surtout, surtout, trois introductions pas très réussies de trois futurs Justiciers, via des fichiers informatiques et des vidéos ultra cheaps (celle présentant Aquaman est assez ridicule, le personnage ressemblant plus à un voisin irascible dérangé par du bruit et qui sort sur son palier avec un balai). On se retrouve dans le comic-book movie lambda pas très inspiré. Et puis la love story entre Clark et Lois est toujours aussi touchante mais Lois Lane (formidable Amy Adams) est vite reléguée à l’arrière-plan. La deuxième partie se retrouve clairement coincée entre les aspirations de Zack Snyder et les ambitions commerciales du studio.
Heureusement, le combat entre Batman et Superman s’avère bien jouissif mais un poil trop court. Batman a aussi droit à une superbe séquence d’action dans un hangar (une scène de poursuite en Batmobile est elle, par contre, foirée car montée trop cut). Et le climax où trois super héros affrontent un super vilain surpuissant est absolument dantesque, Znyder iconisant à mort ces dieux (ou demi-dieu pour Batman) qui s’affrontent pour notre plus grand plaisir et rappelle le final hallucinant de Man Of Steel. Wonder Woman, même si elle n’a aucun rôle majeur dans le scénario, s’avère avoir un sacré potentiel!
Lors de l’épilogue final, nous retrouvons enfin le film de départ. Toutes les problématiques des deux super-héros du titre trouvent leur solution: rédemption, sens du devoir et du sacrifice, trouver sa place dans le monde, accepter l’autre. Mais c’est surtout dans leurs origines et leur rapport à la famille (surtout à la figure de la mère) que les deux personnages finissent par se rejoindre et se comprendre. Le final est émouvant et vous prend à la gorge. Et il est bien sûr riche de promesses pour la suite. Nous espérons que sur son film suivant, Znyder aura enfin les coudées franches! En l’état, on peut toujours savourer ce film imparfait et boiteux mais sincère et galvanisant…en attendant le director’s cut en DVD/Blu-Ray!
Note: 3/5
Batman V Superman-Dawn Of Justice, de Zack Snyder, avec Ben Affleck, Henry Cavill, Amy Adams, Jesse Eisenberg, Jeremy Irons, Diane Lane, Laurence Fishburne et Holly Hunter, en salles depuis le 23 mars.
Prochaine étape du DC Universe: cet été avec Suicide Squad de David Ayer, centré sur les ennemis de Batman.