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THE HOMESMAN-A l’ouest, du nouveau?

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Hillary Swank et Tommy Lee Jones

Hilary Swank et Tommy Lee Jones

 

Fin du 19ème siècle, au Nebraska, une femme seule (Hilary Swank) est chargée de ramener des femmes ayant perdu la raison dans leur foyer d’origine. Elle engage un cow-boy bougon (Tommy Lee Jones), qu’elle sauve d’une pendaison, pour la seconder dans ce long voyage.

En 2005, l’acteur Tommy Lee Jones (Le Fugitif, Men in Black) nous avait étonnés avec son premier long-métrage, le formidable Trois Enterrements. Près de dix ans plus tard, il remet le couvert, cette fois pour un western. Et le résultat est loin d’être aussi convaincant. Le film a pourtant de nombreuses qualités. Pour commencer, s’intéresser à des femmes malades mentales est assez nouveau dans le western. A l’aide de quelques flashs-backs violents et assez insoutenables, Jones nous montre ce qui les a amenées à perdre la raison (inceste, viol, mort d’un enfant). Il évoque ainsi la dure vie des femmes à cette époque, victimes d’un milieu hostile et de la violence des hommes (les hommes sont ou des lâches ou des brutes, ou les deux à la fois). Peu à peu, les deux héros du film tissent des liens avec ces femmes. De ce point de vue, le résultat est touchant et émouvant.

Toujours dans cette optique féministe, le personnage d’Hillary Swank est remarquable. Il s’agit d’une femme en apparence dure et déterminée mais qui s’avère souffrir de la solitude et qui a peur de vieillir seule. Tour à tour forte et fragile, agaçante et émouvante, revêche et généreuse, Hilary Swank livre une formidable prestation. Elle est le cœur et l’âme de ce film. Dès la première scène, drôle mais cruelle, on la comprend et on finit par l’aimer.

Côté réalisation, Tommy Lee Jones a fait du bon boulot. C’est du classicisme assumé (voire un peu désuet) mais il filme admirablement ses paysages et la photo est magnifique. Surtout, Jones se révèle très fort dans les scènes intimistes. Il arrive à susciter beaucoup d’émotion chez le spectateur. Le film demeure quasiment jusqu’à la fin juste et touchant. Jones nous gratifie aussi d’une scène formidable: celle de l’hôtel perdu en plein désert. Il y évoque la lutte des classes déjà à l’œuvre à l’époque et le mépris des classes dirigeantes envers les simples gens. La vengeance n’en sera que plus terrible!

Alors qu’est-ce qui ne fonctionne pas? Tout simplement que Jones n’assume pas le fait de faire un western pur et dur mais plutôt une étude de caractères. Le film manque singulièrement de rythme et de péripéties. Les Indiens? Les trafiquants? Vite évacués! Le film se traîne jusqu’à une fin quelque peu ratée. Pressé de délivrer un message féministe, Jones accouche d’un final pas terrible, trop lourd et pas assez subtil. Dommage! Autre gros défaut: son interprétation calamiteuse. Jones en fait des tonnes dans le registre vieux grincheux vulgaire et ne nous amuse pas beaucoup. Et puis il y a cette scène de sexe ridicule qui n’a rien à faire là! D’autant qu’elle précède un moment de grande intensité dramatique très réussi, lui.

Dommage donc! Le film demeure singulier mais Jones ne réitère pas son exploit de Trois Enterrements. Mais bon, c’est toujours mieux qu’une horreur comme La Dernière Caravane! Note: 12/20

The Homesman de et avec Tommy Lee Jones, avec aussi Hilary Swank, en salles depuis le 18 mai.

 

X-MEN: DAYS OF FUTURE PAST- Combattre le passé

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Le septième film de la saga X-Men (si l’on prend en compte les deux spin-offs axés sur Wolverine) est un drôle d’objet qui laisse un sentiment curieux s’installer dans l’esprit du spectateur. On a l’impression que tout continue…mais que tout change! Ainsi, à la fin de la projection, on a bien eu un film qui s’inscrit dans la saga, mais qui la remet en cause et…efface (quasiment) presque tout ce qui a précédé. Bref, nous assistons à un renouveau. Ainsi, le film devient presque un reboot. Comme pour les récents Star Trek, un paradoxe temporel est à l’origine de tout ceci. Mais quand cette thématique devient le reflet évident de la genèse du film, c’est assez incroyable!

Reportons-nous en 2003. Après avoir réalisé les deux premiers X-Men, Bryan Singer décide de se retirer pour aller faire Superman Returns. La Fox lui trouve un remplaçant (adoubé par Singer, en coulisses): le britannique Matthew Vaughn (Layer Cake, Stardust, Kick-Ass). Mais celui-ci finit par claquer la porte, suite à des dissensions avec la production. La Fox engage alors Brett Ratner (la trilogie Rush Hour, Family Man, Dragon Rouge). Et on a eu ce qu’on a eu! Inutile de revenir sur ce désastre artistique… De son côté, Singer sort frustré de son Superman Returns qui sera un échec. Quand il voit X-Men: L’Affrontement Final, il ne peut que regretter de ne pas avoir fait le film. Ainsi donc, en 2011, il initie et produit le premier épisode d’une nouvelle trilogie: X-Men: First Class. Réalisé par…Matthew Vaughn (!), le film fait renaître brillamment de ses cendres une franchise jugée moribonde. Et le film permet à Singer de remettre les choses à plat. Mais il va aller encore plus loin avec Days Of Future Past. Avec ce film, Singer cherche purement et simplement à gommer l’existence de L’Affrontement Final (son film reprend la storyline des Sentinelles, prévue dans le troisième épisode initial qu’aurait du faire Vaughn) quitte à même effacer sa propre création, les deux premiers volets! Ainsi donc, le spectateur est comme l’un des personnages à la fin du film, il se souvient d’une trilogie de films…qui n’existe plus  au terme de Days Of Future Past! Un monde nouveau s’ouvre devant nous…

Passé ce petit parallèle créatif, Days Of Future Past est-il réussi? Oui, autant le dire. Mais le film n’est pas la grosse claque prévue et annoncée par les bandes annonces. Ce n’est pas une orgie démentielle d’action non-stop, ni un festival de paradoxes temporels qui changent tout, toutes les cinq minutes. Cela frustre un peu le spectateur, soyons francs. Mais ce que proposent Singer et son équipe est très réussi…et surprenant. Le film est un blockbuster intimiste. La partie située en 1973 n’est centrée que sur quelques personnages: Charles Xavier, Magneto, Mystique, Le Fauve et Wolverine. Xavier est dépressif et se terre dans son manoir, Magneto a disparu, l’Académie n’existe plus, les mutants se cachent, bref, c’est le bazar! Le film développe admirablement les caractères et les relations entre ces personnages. Il y a toujours l’opposition entre Xavier et Magneto: le choix de la paix ou de la guerre. Mais le plus raisonnable a perdu la foi et l’autre est plus déterminé que jamais. Leur amitié et leur antagonisme conditionnent tout le film. Mais le personnage le plus réussi et le plus important de l’histoire est Mystique. Et son rôle symbolise bien la révolution sexuelle en jeu à l’époque. Elle doit s’affirmer et s’émanciper d’un « frère » qui l’infantilise et d’un « amant » qui l’utilise. Bref, elle doit trouver sa propre voie. Et tout le futur dépend de son seul choix! La femme est l’avenir de l’Humanité! Les années 70 ont vu aussi la fin du règne hippie et le doute s’installer chez les pacifistes. C’est évident quand on voit Charles (brillant James McCavoy). Days Of Future Past est un film qui dégage une amertume et une tristesse prégnantes. La fin d’un rêve…

…et le début d’un cauchemar. Les scènes situées en 2023 sont sombres, sans aucune lumière. Le film s’ouvre sur des visions de ruines, de charniers et de déportations, comme un écho au nazisme qui a conditionné le parcours de Magneto. Les mutants sont traqués par des robots contre lesquels leurs pouvoirs ne peuvent rien: les Sentinelles. Leurs affrontements sont réussis mais tournent à l’avantage des robots. Ceux-ci sont véloces et terrifiants Sous nos yeux, nos héros meurent. C’est sans espoir, on n’y peut rien. Terrible! Par contraste les années 70 sont plus lumineuses mais c’est seulement à l’image, le mal étant déjà à l’œuvre. Singer n’idéalise pas cette période et la regarde avec réalisme.

Le scénario est très bien écrit, les diverses situations développées sont assez surprenantes. Niveau réalisation, Singer a accompli du très bon travail. Rythmée, élégante, sa mise en scène dynamise bien le récit et propose des scènes tantôt bourrées de suspense (la première tentative d’assassinat contre Trask, le climax), d’émotion (les dialogues entre les personnages) ou d’humour (l’arrivée de Wolverine en 1973 ou son combat contre le Fauve dans le manoir). Singer n’est peut-être pas le plus grand réalisateur de film d’action de la planète mais ses combats sont lisibles, bien cadrés et trépidants. Le montage de John Ottman est une réussite, notamment quand passé et futur se superposent. Quant à la fin, elle est parcourue d’un vrai souffle épique et demeure très forte sur le plan émotionnel. Mais la scène la plus réussie demeure l’évasion de Magneto. Commençant comme un épisode de Mission:Impossible, elle se termine par une scène qui rappelle la légèreté de First Class. Le personnage de Quicksilver est, à ce niveau, une vraie réussite. Dommage qu’on le voit si peu. Mais il reviendra dans X-Men: Apocalypse….Il faut rester jusqu’à la fin du générique, cela va sans dire! Le film laisse, quant à lui, beaucoup de questions en suspend. Tout a changé. Réécrire le passé affecte le futur. En évitant une catastrophe, on en crée peut-être d’autres…

Note: 15/20

X-Men: Days Of Future Past, de Bryan Singer, avec Hugh Jackman, James McCavoy, Michael Fassbender, Jennifer Lawrence, Nicholas Hoult, Ian McKellen et Patrick Stewart, en salles depuis le 21 mai.

 

 

GODZILLA-Monstres et cie

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Godzilla-2014-Movie-HD

1998. Roland Emmerich, auréolé des succès des pas terribles Stargate et Independance Day, se lance dans le remake de Godzilla. La créature est d’origine japonaise; elle est apparue dans une série de films, les Kaiju Eiga (films de monstres), qui ont remporté un vif succès dans l’archipel nippon ainsi que dans le reste du monde au point que Godzilla est devenu une icône mondiale. Les films de la série Godzilla présentent des affrontements titanesques entre monstres sur fond de critique du nucléaire (traumatisme de Hiroshima et Nagasaki). Les films dégagent un profond plaisir enfantin ainsi qu’une certaine poésie. Les Américains, au bout de 40 ans, se disent qu’il faut qu’ils en fassent absolument un remake (le carton de Jurassic Park est passé par là). C’est donc Roland Emmerich qui est engagé. Et on a eu le désastre que l’on sait. Pompant, sans vergogne ni aucun talent, tout le cinéma de Spielberg (Jurassic Park, notamment) ou des films comme Aliens, Emmerich livre un film ridicule, aux personnages caricaturaux, qui ne propose qu’un pathétique dinosaure (pour le coup, rien à voir avec le vrai Godzilla), sorte de T-Rex super-géant qui casse tout dans des scènes molles et manquant d’ampleur. Véritable insulte à son matériau d’origine, le film s’attire la colère de nombreux fans de Godzi et, malgré un certain succès, ne fait pas le carton escompté. C’est dire si la mise en route d’un nouveau remake par la Warner avait tout pour nous refroidir jusqu’à ce que le nom du réalisateur tombe: Gareth Edwards.

En 2010, Edwards avait frappé un grand coup avec le superbe Monsters, l’un des films de monstres les plus originaux de la décennie écoulée. Le film narrait une histoire d’amour touchante, sorte de road movie sentimental, avec comme toile de fond, des monstres géants d’origine extra-terrestre qui perturbent notre monde. L’élément fantastique était relégué au second plan. C’est une situation donnée et ce n’est pas l’intrigue principale. C’est juste un contexte. Edwards s’intéressait aux conséquences que peuvent avoir la présence des monstres sur notre vie et nous les montrait de façon parcimonieuse. Très ingénieux, le film propose un univers crédible et permet au spectateur d’être en osmose avec les personnages. L’arrivée de Gareth Edwards sur Godzilla avait donc de quoi nous émoustiller.

Et que dire, face à un pareil spectacle? Ce qu’a réussi Edwards est tout simplement miraculeux. Il applique la même formule gagnante que dans Monsters. A ce niveau-là, c’est même une leçon de mise en scène et d’utilisation  des effets spéciaux!  Tout le projet de réalisation éclate dès le premier plan du film(après le générique d’ouverture). Edwards filme un enfant qui sort de sa chambre et court dans un couloir. Il le filme à sa propre hauteur, quasiment au ras du sol. C’est le point de vue de l’enfant qui prévaut dans le film tout entier. Les humains, face aux monstres géants, ont des réactions d’enfants: yeux écarquillés, bouches ouvertes, regards tournés vers le ciel. Une scène (celle du Golden Gate) est d’ailleurs vue, en partie, à travers les yeux de gosses qui sont dans un bus scolaire. Mais Edwards ne s’arrête pas là. Constamment, il relie les humains aux monstres. On ne compte plus les mouvements de caméra qui passent des monstres aux humains, au sol. L’histoire des humains est au premier plan. Nous sommes des enfants face à ces dieux géants. Ainsi, un combat entre deux de ces créatures est d’abord filmé frontalement avant qu’on en voit la suite sur un écran de télévision que regarde un petit garçon comme s’il regardait ses dessins animés du samedi matin. Il faut noter l’utilisation intelligente des flashs d’infos TV. Et puis il y a tous ces plans de monstres vus de derrière une vitre ou d’une porte qui se referme: ne pas tout montrer, installer un contexte crédible, mythifier les créatures et rester à hauteur d’homme…ou d’enfant.

Edwards réussit, à peu près, sur tous les tableaux. Bien sûr, le scénario est simple (mais pas simpliste), les personnages un peu archétypaux (même s’ils restent humains et crédibles) et le message écologiste évident (Fukushima et les dérives du nucléaire). Mais quel spectacle, bon dieu! Quelle réalisation! Le film regorge de purs moments de suspense (la scène sur le pont ferroviaire entre le Muto et les deux soldats est anxiogène à souhait et se déroule dans un silence oppressant) ou d’instants de grâce (le saut en parachute et la vision subjective de Godzilla par l’un des parachutistes). La réalisation de Edwards est fluide, dynamique et, surtout, aucunement hystérique: du grand cinéma classique. Et comme les personnages, nous redevenons des enfants le temps d’une projection. Cela n’a pas de prix. Les effets spéciaux sont extraordinaires. Quant à Godzilla, il est MAGNIFIQUE et respecte la créature des films japonais originaux.

Et comment ne pas être en phase avec le personnage principal? Un petit garçon qui va devenir le héros qu’il voulait être étant enfant. Le symbolisme est évident quand il donne une figurine de militaire qui lui appartenait à un petit garçon. Ne plus rêver d’être un héros mais le devenir. Et l’homme en question échangera un regard, lors d’une scène incroyable, avec l’autre héros du film, le roi lézard en personne. Il y a comme un passage de relais et une compréhension universelle qui passe entre eux avant que la poussière n’engloutisse le monstre.

Godzilla 2014, ce n’est que du cinéma, du grand cinéma de divertissement qui nous ravit les yeux et le cœur. On ressort avec la joie d’être redevenu, le temps de deux heures, un enfant. Un grand merci à Gareth Edwards!

Note: 17/20

Godzilla, de Gareth Edwards, avec Aaron Taylor-Johnson, Ken Watanabe, Sally Hawkins, David Strathairn, Juliette Binoche et Bryan Cranston (très émouvant, au passage), en salles depuis le 14 mai.

JOE-Un homme à part

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JOE2

Le jeune Gary (Tye Sheridan, formidable jeune acteur découvert dans le Mud de Jeff Nichols) n’a pas de chance dans la vie. Vivant dans la misère la plus totale, il est affublé d’un père alcoolique, véritable épave pathétique mais dangereuse. Gary reste pour sa mère et sa jeune sœur. Il va rencontrer Joe Ransom (Nicolas Cage), un ancien repris de justice devenu travailleur forestier. Joe embauche Gary et se prend d’affection pour lui. mais les ennuis rôdent autour d’eux comme une meute de loups affamés…

Le film de David Gordon Green (dont le premier film, Mean Creek, sorti en 2004, était déjà un coup de maître) est un véritable coup de poing dans la gueule. Ce n’est pas un film facile, ni grand public. C’est sombre, violent, réaliste. Cela sent la sueur, l’alcool, le tabac et le sexe facile. C’est une véritable plongée dans l’autre Amérique, celle des pauvres et des perdants. Le rêve américain a viré au cauchemar et tous les personnages semblent vivre dans un Enfer perpétuel, sans aucun espoir d’en sortir. Pourtant, le film n’est pas misérabiliste. Le réalisateur possède un style ample et la beauté de ses images tranche avec la violence de son récit. C’est un film dont on ne sort pas indemne et qui laisse un sale goût dans la bouche.

Les deux personnages principaux de cette histoire sont complexes et très bien écrits. Le jeune Gary veut se sortir de la merde dans laquelle il croupit. Les rapports qu’il entretient avec son ivrogne de père sont ambigus. L’homme est violent, il cogne son fils et lui vole son argent. Pourtant, par moments, il arrive à être touchant voire drôle. Quant à Gary, il ne semble pas le haïr vraiment. Il est capable de cogner (il corrige facilement un type sur un pont) mais il ne fait rien contre son père. Pire (ou mieux), il essaye de l’aider en lui trouvant du travail. Ce garçon aime son père, malgré tout. Mais il va se trouver un père de substitution en chemin.

Et là, on touche au génie. Le père de substitution en question n’est pas un héros sans reproches, loin de là. C’est même un pauvre type! Joe Ransom boit et fume trop. Joe Ransom fréquente les putes d’un bordel clandestin.  Joe Ransom est très violent quand quelqu’un le cherche. Joe Ransom a dressé sa chienne, qu’il adore, à tuer. Joe Ransom, victime de violences policières jadis, déteste les flics, les méprise et ne leur obéit pas (ce qui nous vaut des scènes très drôles de contrôle routier), Joe Ransom est têtu et trop fier pour dire à une femme qu’il tient à elle. Cela fait beaucoup de défauts! A priori, ce n’est pas un modèle. Pourtant, Joe est en manque d’affection, il en marre que les flics le fasse chier pour un oui ou un non, et surtout, c’est un bon patron, soucieux de ses employés. Au contact de Gary, il va découvrir que peut-être tout n’est pas perdu et qu’il y a de l’espoir. Plus qu’un fils putatif, Gary représente ce qu’était Joe avant qu’il ne devienne un type qui se laisse couler: un jeune homme plein de vie et d’espoir, encore pétri d’idéalisme. Joe est incarné par un magistral Nicolas Cage, qui retrouve là un rôle à sa démesure. Tour à tour pathétique, héroïque, violent, doux, le comédien livre une des plus belles performances de sa carrière.

Joe est un film qui déjoue les clichés, on le voit. Soulignons aussi que les « méchants » de l’histoire ne sont pas des types indestructibles. L’un, l’ennemi juré de Joe, est un minable, un lâche et un pervers qui ne sait même pas se battre! Quant au père de Gary, même dans un moment ignoble, il est capable d’un signe d’humanité troublant face à un de ses frères de malheur. Bienvenue dans un monde où l’on tue pour un peu d’argent et une bouteille d’alcool, où la pauvreté peut amener un homme à « vendre » sa famille….. Pourtant, au bout de ce tunnel sombre, il y a une lueur d’espoir. Au bout de deux heures assez éprouvantes, David Gordon Green nous ramène à la lumière et nous fait sortir des ténèbres. Alors oui, on pourra lui reprocher une mise en place un poil trop longue et quelques menues longueurs mais Joe est un drame profond et habité, un voyage avec des gens que la crise n’a pas épargnés et qui survivent comme ils peuvent.  Note: 17/20

Joe, de David Gordon Green, avec Nicolas Cage et Tye Sheridan, en salles depuis le 30 avril.

CAPTAIN AMERICA: LE SOLDAT DE L’HIVER-Changement de cap?

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Steve Rogers (Chris Evans) et Nick Fury (Samuel L. Jackson)

Steve Rogers (Chris Evans) et Nick Fury (Samuel L. Jackson)

Il y avait tout à craindre de ce deuxième volet des aventures de Steve Rogers/Captain America. Le premier volet (2011), signé Joe Johnston, était un film sérialesque à l’ancienne assez agréable mais plombé par un acte final bâclé. Le deuxième épisode s’inscrit dans la Phase 2 du Marvel Cinematic Universe (saga des Avengers). Les deux premiers films de cette deuxième vague n’ont pas tenu toutes leurs promesses. Iron Man 3 est peut-être le meilleur épisode des aventures de Tony Stark, on peut regretter une trame principale peu prenante et un méchant pas terrible. Même son de cloche pour Thor 2, le film manque d’ambition malgré un spectacle fun et euphorique, et puis son couple vedette n’a aucun charisme, c’est indéniable. Les films Marvel se révèlent trop formatés et uniformes pour convaincre vraiment (mis à part Avengers, la Phase 1 n’était pas bien terrible). Donc Le Soldat de l’Hiver ne partait pas gagnant. Et contre toute attente, il semble enfin se passer quelque chose d’intéressant chez Marvel.

Pourtant, la première scène d’action du film (intervention du Captain et du SHIELD sur un bateau pris en otage par des terroristes) est assez brouillonne et fait craindre le pire: trop sombre et surtout dotée de combats mal découpés et pas très lisibles. Là, on se dit que c’est plié et que le film ne vaudra pas tripette. Et on se trompe. A la place du film de super héros consensuel et mou du genou qu’on craignait, on a droit à un véritable thriller paranoïaque et très sombre. Notre bon Steve Rogers va découvrir que le ver est dans le fruit et qu’il y a quelque chose de pourri au SHIELD. Devenu un fugitif accusé de meurtre, il ne peut faire confiance à personne et se retrouve traqué par ses compagnons d’armes du SHIELD. Le film fonctionne comme une gigantesque course-poursuite type Le Fugitif et demeure trépidant d’un bout à l’autre. D’autant que le bad guy de cet épisode, le fameux et mystérieux Soldat de l’Hiver, se révèle assez effrayant et peut-être plus fort que notre bon vieux Captain. Leurs affrontements sont spectaculaires et font des étincelles. La réalisation des frères Russo se révèle fluide et énergique (l’erreur du début n’est quasiment pas répétée). Les scènes d’action sont dantesques et jouissives, tout en demeurant très bien découpées (l’assaut de la voiture de Nick Fury, la baston dans l’ascenseur, la poursuite qui démarre en voiture et où nos héros se retrouvent séparés, le climax final qui se révèle incroyable). Non franchement, le film est bien foutu. Mais s’il n’y avait que ça….

Ce qui surprend, ce sont le ton et le propos du film, assez surprenants dans un blockbuster familial (mais est-ce vraiment un film familial?). Cet opus est plus sombre, plus adulte et plus violent que les autres films Marvel . Il aborde des thèmes qui sont en prise avec l’actualité: paranoïa, surveillance à outrance de la population, ordre nouveau, fascisme voire eugénisme. Le film peut même sonner comme une violente charge contre les méthodes sécuritaires excessives de la Maison-Blanche. Etonnant pour un film où Disney a des parts!

Steve Rogers représente l’idéal américain du passé en lutte contre les traîtres qui le dénaturent. Le personnage est décalé, parfois mal à l’aise. Il n’est pas de notre époque. L’aspect émotionnel est très bien géré et on se surprend presque à verser une petite larme avec le personnage sur son passé disparu (mais chut! n’en disons pas plus!). Le personnage de Black Widow (formidable Scarlett Johansson) gagne en épaisseur. C’est une femme qui veut se racheter une conduite et fuir son passé trouble. Scarlett apporte beaucoup de sensibilité au rôle. Mais rassurez-vous, elle botte toujours des culs! Côté casting, signalons aussi Samuel L. Jackson impérial dans le rôle d’un Nick Fury trahi et revanchard ainsi qu’un formidable Robert Redford assez surprenant dans un rôle à contre-emploi.

Bien sûr les révélations pleuvent en vue des épisodes suivants. Pour les non-initiés à Marvel Comics, préparez-vous à des surprises. Il y a deux scènes post-génériques, restez bien jusqu’à la fin du générique. Nous avons donc un bon film de super héros, auquel on peut juste reprocher son humour pas très finaud (les répliques sensées être drôles tombent souvent à plat et un gag se révèle involontairement homophobe). Mais tout cela reste de bonne augure pour la suite. Reste à savoir si ce n’était qu’un frémissement passager ou un vrai changement de direction. Prochaine étape, juste avant Avengers-Age of Ultron: Les Gardiens de la Galaxie, un projet assez casse gueule!

Note: 14/20

Captain America-The Winter’s Soldier , de Anthony et Joe Russo, avec Chris Evans, Scarlett Johansson, Robert Redford et Samuel L. Jackson, en salles depuis le 26 mars.

MONUMENTS MEN-Les aventuriers de l’art perdu

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Durant la Seconde Guerre Mondiale, les nazis ont entrepris de voler toutes les plus grandes œuvres d’art présentes sur le continent européen. Les biens des familles juives étaient spoliés, les musées étaient pillés, etc. Les œuvres étaient aussi menacées par les bombardements des Alliés. En 1943, un contingent d’hommes est formé, aux Etats-Unis, pour préserver ces œuvres mais aussi pour retrouver les œuvres volées et les restituer à leurs propriétaires. La plupart des membres de ce « commando » ne sont pas de vrais soldats mais des conservateurs de musée, des collectionneurs d’art voire des artistes (sculpteurs notamment). Ce film est l’histoire de leur quête et s’inspire de faits réels.

Et c’est bien de là, que peuvent venir les premiers reproches qu’on puisse faire à George Clooney, qui signe là son cinquième long-métrage en tant que réalisateur. Clooney se base sur une histoire vraie mais décide de la romancer au maximum, afin de ne pas faire un film trop ennuyeux pour le public américain de base. Car George veut faire œuvre de mémoire mais veut aussi plaire au plus grand nombre. Il opte donc pour un film d’aventures quelque peu rigolard et décontracté. Dommage pour la vérité historique, on aurait aimé voir un film plus sérieux sur cet aspect méconnu de la guerre de 39-45. Nous sommes donc loin de La Liste De Schindler.

Des défauts, Monuments Men en compte d’autres. A commencer par la partie qui se déroule à Paris, quelque peu lente et sans intérêt. Le personnage que joue Cate Blanchett n’est pas très intéressant. L’actrice joue bien. Mais pourquoi ne pas avoir pris une Française? Dujardin joue bien un Français! La love story qui s’esquisse entre elle et Matt Damon manque de saveur et demeure assez timorée. Néanmoins, une scène très émouvante retient l’attention: quand Matt Damon va raccrocher un tableau volé dans l’appartement vide d’une famille juive. Une image poignante sans discours superflu.

Le film souffre d’un manque de rythme évident dans son milieu et Clooney peine alors à conduire son récit. L’aspect de la France occupée fait un peu carte postale. Et certaines situations ne sont pas très vraisemblables. Tarantino pouvait se le permettre dans son génial Inglorious Basterds (2009) vu que son film était totalement invraisemblable dès le début. Là, Clooney veut rapporter une histoire vraie et c’est moins pardonnable de l’avoir romancée à l’excès.

Pourtant, on ne peut pas détester ce film. Déjà, il est bien réalisé. La réalisation de Clooney est classique, sobre et efficace et renvoie (parfois) au style de l’Age d’Or hollywoodien. Clooney aime ce cinéma là et ça se voit (son jeu d’acteur s’en ressent aussi d’ailleurs). Mais surtout le film a une certain entrain et fait montre de beaucoup d’humour. On rit souvent et de bon cœur avec ces Monuments Men. Le second degré est parfois une arme contre des évènements douloureux. Tous les acteurs sont parfaits. Nous avons ici une bande de comédiens qui s’entendent comme larrons en foire (mention spéciale aux hilarants Bill Murray et Bob Balaban). Jean Dujardin y trouve parfaitement sa place mais son rôle est, hélas, trop court.

Mais c’est sur le terrain de l’émotion que Clooney surprend. Il ne prend pas le contexte de la guerre à la légère. Derrière la bonhomie de façade (on pense à la scène où Murray et Balaban démasquent un nazi dans une ferme), surgit une grande tristesse et une grande douleur. Des scènes comme la lettre de Hugh Bonneville, celle sur le front des Ardennes, celle du face à face étrange entre Murray, Balaban et un jeune soldat allemand ou celle, rapide, où un Jean Dujardin désabusé (en un seul regard!) livre un enfant allemand à un camp de prisonniers, restent dans la mémoire du spectateur et sont émotionnellement  fortes. Le film pose aussi la question de savoir si une œuvre d’art vaut la vie d’un homme. Peut-être pas. Mais ces œuvres sont la vie des Hommes; elles sont leur mémoire, leur histoire, leur passé bref, leur identité et leur culture. Ce film est l’histoire d’un homme qui tenta de s’accaparer ce passé, voire de le détruire (Picasso, les surréalistes) pour réécrire l’Histoire et remodeler le monde suivant sa pensée. Et c’est l’histoire d’hommes courageux qui l’en empêchèrent et sauvèrent la mémoire de l’humanité.

Monuments Men est un film d’aventures à l’ancienne, assez plaisant, émouvant auquel on prend un certain plaisir. Imparfait mais sympathique.

Note: 13/20

The Monuments Men, de et avec George Clooney, avec aussi Matt Damon, Hugh Bonneville, Bill Murray, John Goodman, Bob Balaban, Jean Dujardin et Cate Blanchett, en salles depuis le 12 mars

THE GRAND BUDAPEST HOTEL-Le conte d’Anderson

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Quelque part en Europe orientale, dans l’ancienne petite république de Zubrowka, une jeune fille lit un roman d’un auteur très célèbre dans ce pays. Flash back: 1985, le même auteur (Tom Wilkinson) raconte, face caméra, cette histoire. Deuxième flash-back: 1968, l’auteur, plus jeune (incarné par Jude Law), rencontre, dans un vieil hôtel de montagne, Zero Moustafa (F. Murray Abraham) le propriétaire de l’endroit. Celui-ci lui raconte comment il est devenu propriétaire de l’hôtel. Troisième (et dernier!) flash-back: 1932, le jeune Zero entre au Grand Budapest Hotel, au service de M. Gustav (Ralph Fiennes), le concierge en chef de l’endroit. Ils vont se retrouver mêlés à une rocambolesque histoire de meurtres, de vol d’un tableau, d’évasion…et aussi d’amour!

 On le voit, le début de ce Grand Budapest Hotel est assez complexe à se mettre en place. On rentre par une époque qui donne sur une autre époque qui donne sur une autre époque. Exactement comme dans cet hôtel que Wes Anderson nous fait visiter en détail comme une gigantesque maison de poupées ou comme le récit lui-même qui prend tant de virages à 180 ° que plusieurs genres cinématographiques se télescopent. Pour autant, ce nouvel opus du cinéaste américain n’est pas un simple caprice ni un film d’auteur m’as-tu-vu qui veut épater la galerie au détriment de l’histoire qu’il raconte. Ici, c’est la même nostalgie et la même drôlerie déjà à l’œuvre dans Moonrise Kingdom (2012) qui prévalent. Et disons-le tout net: Anderson se bonifie de film en film et avec son petit grand dernier, il signe son œuvre la plus accomplie et la plus jubilatoire.

Car c’est à un film-plaisir que nous avons affaire. Anderson et toute son équipe ont pris du plaisir à le faire. Mais c’est à nous, spectateurs, de ressentir une extrême jubilation devant ce film. On s’y sent bien. Une fois, la lumière rallumée, on a envie que le voyage continue. Le plaisir éprouvé est enfantin. On a l’impression de feuilleter une bande-dessinée comme des gosses. Anderson est parvenu à un véritable miracle. Plus le film avance, plus notre plaisir grandit. The Grand Budapest Hotel file à 100 à l’heure et nous émerveille. C’est un film qui fait du bien, un film qui redonne le moral, qui nous projette dans un autre univers et nous fait oublier nos soucis. Ce n’est que du cinéma. Et c’est un régal!

D’où vient exactement ce plaisir éprouvé? De plein de choses! L’humour d’abord. Car c’est une comédie et on y rit quasiment à chaque scène…et de bon cœur! Anderson voulait rendre hommage aux comédies des années 30 et le pari est gagné haut la main! Les répliques piquantes et acérées côtoient le burlesque le plus élémentaire avec une grande évidence. Le scénario est vif, malin et terriblement bien écrit. On ne s’ennuie pas. Et tous les seconds rôles ont leur importance. Le casting est exceptionnel: Ralph Fiennes est extraordinaire dans son rôle de majordome psycho-rigide et….attiré par les vieilles femmes. On notera aussi un Willem Dafoe terrifiant (rôle quasi-muet qu’on croirait sorti d’un Fritz Lang ou d’un Murnau!), un Harvey Keitel étonnant, un Edward Norton hilarant en officier prussien quelque peu bonasse mais finalement sympathique et une lumineuse Saoirse Ronan! A l’image de son casting hétéroclite, le film aborde tous les genres: comédie, enquête criminelle, course-poursuite (en ski et luge!), suspense (ah la partie de cache-cache dans le musée où l’angoisse arrive d’un coup!), amour, action (la fusillade dans l’hôtel est à mourir de rire!) et aussi satire politique (la montée du fascisme et du nazisme est évoquée, d’ailleurs la Seconde Guerre Mondiale éclate à la fin du film). Et à chaque fois, Anderson réussit son coup. On ne sait jamais où il va nous emmener mais on le suit les yeux fermés!

Et quelle réalisation! Chaque mouvement de caméra (et dieu sait qu’ils sont nombreux chez Anderson) est précis et apporte quelque chose. Anderson aime filmer et ça se voit. On le ressent à la vision du film. L’atmosphère dépeinte est si bien rendue qu’on s’y croirait presque! Et certains choix visuels sont à tomber: la différence de format de pellicule entre les différentes époques, la poursuite en stop motion ou….l’ensemble des décors qui sont incroyables! Bref, ce film est une pépite, une merveille, une chose délicieusement désuète et anachronique que chaque cinéphile se doit de voir. Et c’est la preuve qu’on peut faire du cinéma tout en faisant une comédie. De plus, le film s’ouvre et se clôt sur une jeune fille qui… ouvre et ferme un livre. Anderson célèbre ici la toute puissance de la fiction et de la narration. Il y aura toujours des histoires à raconter…

 Enfin, si vous voulez voir la scène d’évasion la plus improbable de toute l’histoire du septième art, c’est ici que ça se passe! En un mot: courez-y! Note: 20/20

The Grand Budapest Hotel, de Wes Anderson, avec un casting génial mais trop long à citer en entier, en salles depuis le 26 février.

 

MEA CULPA-L’arme fatale

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Franck (Gilles Lellouche) et Simon (Vincent Lindon), deux amis dans la nuit....

Franck (Gilles Lellouche) et Simon (Vincent Lindon), deux amis dans la nuit….

Simon (Vincent Lindon) et Franck (Gilles Lellouche) sont flics à Toulon. Amis dans la vie, ils travaillent ensemble. Mais un soir, après une fête trop arrosée, Simon, en état d’ébriété au volant, cause la mort d’une jeune femme et de ses deux enfants. Franck, passager de la voiture, est indemne. Simon est radié de la police. Six ans plus tard, il est devenu convoyeur de fonds. Il a divorcé de sa femme Alice (Nadine Labaki) et voit son fils Théo, âgé de 9 ans, tous les samedis. Franck veille sur Simon, à distance. Mais un jour, Théo est témoin d’un règlement de comptes et voit sa vie menacée par des gangsters. Simon décide de  protéger lui-même son fils, avec l’aide de Franck.

Après les excellents Pour Elle (2008) et A Bout Portant (2010), on attendait avec impatience le troisième long-métrage de Fred Cavayé. L’homme a décidé de se spécialiser (pour l’instant, un projet de film fantastique ayant été abandonné juste avant Mea Culpa), dans le polar d’action de série B. Il n’y a aucun mépris dans cette catégorisation. Cavayé a lui-même reconnu qu’il voulait faire des films pour le dimanche soir. Typiquement le genre de choses qui manquent en France. Pour Elle retraçait l’histoire d’un prof qui décide de faire évader sa femme incarcérée pour meurtre. Le film démarre comme un drame et bascule dans l’action dans sa deuxième partie. Pour A Bout Portant, Cavayé décide d’étirer cette deuxième partie sur tout un film avec l’histoire de cet ambulancier obligé de s’allier avec un truand pour délivrer sa femme enceinte détenue par des truands. Cavayé réussissait à allier une action non-stop assez démentielle à une émotion à fleur de peau via des personnages dont les dilemmes restent proches des spectateurs. Mea Culpa obéit exactement au même schéma.

Sauf que cette fois Cavayé donne encore plus d’importance à l’action frénétique, en l’étirant sur seulement trois séquences fortes: une poursuite dans les rues désertes d’un vieux quartier, une fusillade dans une boîte de nuit et un affrontement final dans un train. Et côté réalisation et maîtrise technique, Cavayé s’est encore amélioré! Ses scènes d’actions sont spectaculaires, lisibles, admirablement mises en place, frénétiques et généreuses. Le sens du cadre est assez bluffant. On est scotché à notre fauteuil et on tremble pour Théo, Simon, Alice et Franck. D’autant que le réalisateur soigne les détails: une baston entre trois personnages dans….une voiture, un enfant traqué par un homme casqué tout de cuir vêtu, une partie de cache-cache angoissante entre Simon et Franck et un jeune malfrat albanais dans un entrepôt, toute la séquence du train qui se déroule sur deux étages et où les protagonistes sont séparés en trois groupes (le sens de la gestion de l’espace et du montage est incroyable!),… Bref, aucun temps mort et de l’action qui ressemble à du vrai cinéma (comprendre on est pas dans Taken ou Le Transporteur).

Mais le côté émotionnel n’est pas laissé de côté. Les personnages sont très bien écrits. A commencer par Simon qui s’auto-punit de l’accident qu’il a causé en se comportant comme un mort et ne cherchant pas à améliorer sa vie. Véritable figure tragique, il est interprété à la perfection par Vincent Lindon, dont toute la douleur contenue finit par éclater à la fin. Gilles Lellouche prouve, après A Bout Portant et Thérèse Desquiéroux, que quand on lui file un bon rôle, il est prodigieux. Il incarne ici, un flic veuf, aux méthodes parfois borderlines, mais dont le sens de l’amitié et de la loyauté finissent par faire de lui un véritable héros. Car le film demeure l’histoire d’une rédemption: celle d’un homme fautif qui décide de tout donner pour sauver ceux qu’il aime. C’est aussi l’histoire d’un rapprochement père/fils assez touchant. Arriver à caser cela dans un film d’action tient du miracle! Aussi on pardonnera quelques clichés comme ces méchants venus des pays de l’Est, et qui ont fait dire à certains que le film ressemblait à Taken, alors que le traitement des personnages et de la réalisation sont différents (en clair, achetez-vous des yeux!). 1h30 de stress, d’émotions et de plaisir (c’est important!) qui font bien plaisir dans le cadre du cinéma français! Note: 16/20

Mea Culpa, de Fred Cavayé, avec Vincent Lindon, Gilles Lellouche et Nadine Labaki, en salles depuis le 5 février.

LE VENT SE LEVE-Les ailes du désir

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« Le vent se lève….Il faut tenter de vivre! » Paul Valéry

 

Hayao Miyazachi l’a dit et répété: Le Vent Se Lève sera son dernier film, il prend sa retraite à 72 ans, rideau! Cette annonce a traumatisé tous les fans du réalisateur, dans le monde entier. Le magicien derrière Mon Voisin Totoro, Porco Rosso, Princesse Mononoké ou Le Voyage de Chihiro, décide de raccrocher ses pinceaux. Il a fait rêver au moins trois générations de spectateurs (avec seulement 10 longs-métrages réalisés en 30 ans plus des scénarios comme ceux de Pompoko ou Le Petit Monde d’Arriety). Son œuvre est reconnue par la critique et son travail dépasse le simple cadre du film d’animation pour entrer dans le domaine du grand cinéma. Alors, Le Vent Se Lève se vit forcément comme un film-testament qui clôt une œuvre riche et passionnante.

L’histoire est inspirée de la vie de l’ingénieur en aéronautique Jiro Horikoshi. Dans les années 30, c’est lui qui a construit le tristement célèbre avion Zero qu’utilisèrent les pilotes kamikazes durant la Seconde Guerre Mondiale, et notamment l’attaque de Pearl Harbor en 1941. Le film se concentre sur la jeunesse et les premières années de la vie professionnelle de Jiro. Il est bien sûr judicieux de remarquer les ressemblances entre ce personnage et Miyazachi lui-même. Les deux sont des enfants myopes qui ne pourront réaliser leur rêve: voler et être pilote d’avion. Alors ils en dessineront: l’un sera ingénieur, l’autre dessinateur puis réalisateur. Les machines volantes sont souvent présentes dans l’œuvre du cinéaste nippon. Il était normal que pour son dernier film, ce dernier revienne sur cette obsession. Car voler c’est non seulement un rêve mais c’est la liberté. Dans le film, Miyazachi va nous montrer l’ambiguïté de la situation que vit Jiro. Ce dernier est un idéaliste, il veut construire des avions pour transporter des gens. Mais il sera obligé de construire un avion pour l’armée, dans une forme d’inconscience (le personnage aime dessiner des avions, c’est sa passion quelqu’en soit le prix) même si il n’est pas dupe des intentions de l’armée. Miyazachi (ancien syndicaliste, militant pacifiste et écologique) nous décrit avec beaucoup de justesse l’insouciance et l’inconscience du Japon d’avant-guerre et qui précipitera sa chute. Jiro en est le parfait reflet. Mais le film ne s’embourbe pas dans les méandres du film à thèse. Miyazachi veut, avant tout, raconter une histoire et faire passer des émotions.

Le cœur du film est une magnifique histoire d’amour qui éclate entre Jiro et une jeune malade de la tuberculose, Naoko. Une histoire d’amour placée d’emblée sous le signe de la tragédie vu qu’elle est née durant le terrible tremblement de terre de Nânko, en 1924; ce qui nous vaut une reconstitution brutale et tétanisante de la catastrophe. Condamnée à brève échéance par la maladie, Naoko décide de vivre le plus possible auprès de Jiro. Le personnage est tiraillé entre cet amour et son travail, sa deuxième passion. C’est toute l’histoire du film. Celle d’un homme qui durant 10 ans poursuit sa quête de l’avion parfait et de son amour pour une jeune fille (qui devient son épouse), un amour bref, limité dans le temps mais terriblement passionné (le film devient un vrai mélodrame sur la fin). Ce qui n’exclut pas de l’humour (les jeux avec l’avion en papier entre Jiro et Naoko). Et c’est peut-être cela qui déconcertera les fans du réalisateur. Car Le Vent Se Lève est le premier film réaliste de son auteur. Ce n’est pas un film fantastique comme le reste de son œuvre. De plus, tous les problèmes de mécanique et de construction sont un peu redondants et ralentissent le rythme du film qui fait un peu du sur-place en son milieu. C’est la première fois qu’un film de Miyazachi  souffre de ce défaut. Mais on retrouve intact son style. Le film est d’une splendeur visuelle ahurissante, les scènes sont admirablement construites et » filmées », les couleurs sont magnifiques, la musique de Joe Hisaischi est d’une beauté incomparable et le film gagne en émotion jusqu’à la fin. C’est un enchantement de tous les instants, comme toujours chez Miyazachi.

Néanmoins, il y a un élément onirique très bien trouvé. Ce sont les rêves de Jiro où il rencontre l’ingénieur italien Gianni Caproni. Celui-ci fait office de guide spirituel (« Les avions sont faits pour voler, pas pour la guerre et les affaires » explique-t-il  à Jiro). Dans ses rêves, Jiro est libre de toute entrave terrestre mais surtout c’est sa conscience qui s’exprime. Il voit l’avenir (des bombardements, un cimetière d’épaves d’avions). C’est là que s’exprime toute l’horreur de la guerre de Miyazachi, d’une façon subtile et non-didactique. Mais l’ultime rêve de Jiro, qui termine le film, l’amènera à s’apaiser et à continuer de vivre.  L’image finale est terriblement émouvante. Miyazachi préfère terminer son œuvre sur une note d’espoir et d’amour. Le vent se lève, il faut tenter de vivre…. Note: 16/20

Le Vent Se Lève, de Hayao Miyazachi, en salles depuis le 22 janvier.

 

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PHILOMENA- Searching for Tony

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Philomena (Judi Dench) et Martin (Steve Coogan) partent à la recherche de Tony.

Philomena (Judi Dench) et Martin (Steve Coogan) partent à la recherche de Tony.

 

Irlande, 1952. La jeune Philomena Lee, enceinte, est confiée à un établissement qui accueille des filles mères, tenu par des religieuses. Son fils Tony lui est enlevé et confié à une famille de riches américains. 50 ans plus tard, Philomena (Judi Dench) décide de découvrir ce qu’est devenu Tony. Elle est aidée dans cette quête par un journaliste cynique: Martin Sixsmith (Steve Coogan). Ensemble, ils partent à la recherche de Tony. Pas gagné vu qu’ils ne semblent n’avoir rien en commun. Et pourtant une amitié sincère naîtra entre eux.

Depuis quelques films, le britannique Stephen Frears (Les Liaisons Dangereuses) nous livre de très réussis portraits de femmes: Mrs Henderson Présente (2005), The Queen (2006), Chéri (2009), Tamara Drewe (2010), Lady Vegas (2012). Pour son dernier film, il part d’une histoire vraie, celle de la véritable Philomena Lee. Le journaliste Martin Sixsmith avait écrit un livre sur l’histoire de Philomena, paru en 2009. Emu par cette histoire, l’acteur Steve Coogan en achète les droits et l’adapte lui-même en scénario. Il embauche Frears pour le réaliser et s’octroie le rôle de Martin Sixsmith. Le livre se concentrait sur l’histoire de Philomena et de son fils. Sixsmith ne se mettait pas en scène. Ici, Coogan décide, au contraire, d’articuler son adaptation sur le parcours et l’enquête de Philomena et Martin, ainsi que sur l’évolution de leur relation. Un choix qui s’avère judicieux.

Il y a deux films en un dans Philomena. Tout d’abord, il y a l’histoire de cette femme partie à la recherche de son fils qu’on lui a enlevé et de ce qu’elle va découvrir sur lui. Non seulement l’histoire est bouleversante (difficile de ne pas avoir la gorge serrée devant certaines scènes) mais elle est vraie, ce qui nous rend Philomena encore plus proche. Avec beaucoup de retard, Philomena découvre la vie de son fils, sa réussite mais aussi ses malheurs, via des photos, des films ou des témoignages de proches. Le procédé est assez subtile et permet à Frears ne pas user de trop de flashs-backs lourdingues. Il y a aussi une dimension sociale et une dénonciation assez virulente de l’église catholique irlandaise et de la façon scandaleuse dont elle traitait les filles mères. Non seulement, les jeunes filles se voyaient privées de leurs enfants à jamais mais elle servait aussi de main d’œuvre gratuite aux religieuses pour les dédommager. Un film comme The Magdalen Sisters (2002) de Peter Mullan y revenait avec beaucoup de force. Ici, Frears n’en fait pas non plus sa priorité absolue mais en quelques scènes, ils montrent l’intolérance et la bêtise de certains bien-pensants, des deux côtés de l’Atlantique.

La deuxième histoire, c’est cette amitié improbable entre Philomena et Martin. Philomena est catholique fervente (elle n’en veut pas à l’église malgré ce qu’elle a subi), c’est une femme du peuple dotée d’un bon sens à toute épreuve et d’une confiance inébranlable en l’humanité. Tout le contraire de Martin qui est misanthrope, cynique et cache ses émotions sous des tonnes de sarcasmes. Il faut saluer l’excellente interprétation de Dame Judi Dench et de Steve Coogan. Elle, drôle, pétillante, au regard parfois malicieux et qui passe du rire aux larmes avec une grande aisance. Difficile de ne pas s’émouvoir quand elle essaie de se confesser à un prêtre, par exemple. Le visage de Judi Dench est d’une grande expressivité sans que l’actrice ne force le trait. Coogan est drôle et spirituel. Mais il est tellement maladroit qu’il en devient touchant. On sent qu’il contient ses vraies émotions. Durant tout le film, les deux personnages s’envoient des piques (notamment sur la religion) très drôles mais ils finissent par se lier d’une amitié profonde. Martin Sixsmith s’ouvrira comme jamais à la fin, quand sa colère éclate et quand il exprime, maladroitement, son attachement à Philomena. Les derniers instants du film sont bouleversants, l’un des personnages enseignant à l’autre les vertus du pardon (la scène est très forte) et l’autre exprimant la colère que l’autre refuse de montrer. C’est là le plus touchant dans ce film: le rapprochement et l’estime affectifs que finiront par se porter deux personnages fort différents. Stephen Frears ponctue son film de moments drôles et émouvants, sans jamais verser dans le pathos, à l’aide d’une mise en scène élégante, classique et proche des personnages. Philomena est un film peut-être un peu statique par moment (seul reproche qu’on pourrait lui faire) mais terriblement humain. Note: 16/20

Philomena, de Stephen Frears, avec Judi Dench et Steve Coogan, en salles depuis le 8 janvier.

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