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A LA MERVEILLE-Amour morte

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Ben Affleck et Rachel McAdams

 

En 2011, Terence Malick livrait avec The Tree Of Life (Palme d’Or à Cannes) le film le plus singulier et le plus audacieux de ces 15 dernières années. Un cinéma total, libre, atmosphérique qui vous transportait ailleurs durant la projection. On en ressortait tout petit et émerveillé. C’était aussi un film incroyablement radical sur le plan formel et une proposition de cinéma loin du formatage qui envahit trop souvent les salles. Malick continuait son travail entamé sur La Ligne Rouge (1998) et Le Nouveau Monde (2005), en allant encore plus loin. Si loin que certains de ses admirateurs n’ont pas suivi. Le film a beaucoup divisé. Malick  était attendu au tournant avec son nouveau film. Les premières images donnaient furieusement envie. Et on en attendait beaucoup. Peut-être trop. Car le constat est douloureux: A La Merveille est le premier vrai faux pas de son auteur, un ratage sur quasiment toute la ligne.

Pourtant le début du film est majestueux.  La romance de Ben Affleck et Olga Kurylenko est filmée d’une façon incroyable. Jamais une histoire d’amour n’avait été aussi bien rendue. Silence, gestes captés par un Malick en apesanteur. On est à côté d’eux. Les séquences au Mont Saint-Michel sont magnifiques. Notamment cette image des deux amoureux marchant sur les sables mouvants. Un moment de grâce, symbole évident de la fragilité d’un amour naissant. Ensuite, nos deux tourteraux filent aux Etas-Unis (avec la fille de la femme) et le film s’enlise lui-même et n’atteindra plus jamais (ou à de trop rares occasions) la grâce de ce début.

La grosse faiblesse de ce film c’est qu’il ne raconte rien et ne va nulle part. Le scénario est quasi-inexistant, il n’y a pas de vrai parcours émotionnel et initiatique pour compléter les élans métaphysiques et philosophiques de Malick, comme dans ses précédents films. La femme s’ennuie, quitte son homme puis revient, l’épouse, le trompe et voilà. Tout cela dilaté sur une 1h52. Sans qu’on la comprenne vraiment malgré une voix off persistante (un gimmick de Malick) qui ne nous éclaire pas sur ses motivations alors qu’elle est omniprésente. Ce qu’elle exprime est trop abstrait. Certes, c’était déjà le cas dans les autres films du réalisateur mais là, c’est vraiment trop obscur et en complet décalage avec ce qui se passe à l’écran. Terrible de voir ce personnage principal rester loin de nous. Et que dire du personnage de Ben Affleck? Il traverse le film comme un fantôme. Il est de tous les plans mais on ne sait pas qui il est. Sa voix off à lui, on ne l’entend qu’une fois dans le film. On ne sait pas ce qu’il veut. Il est là mais il n’est pas là. Un film d’amour où le couple principal est totalement désincarné et artificiel? Impensable! Et pourtant, le résultat est là.

Le film se traîne, le spectateur baille et se demande où Malick veut en venir. Il y a bien une pseudo réflexion sur la perte de la foi et la perte du sentiment amoureux mais c’est trop succint pour convaincre vraiment. A l’écran, on voit juste un type qui essaie d’oublier son amour dans les bras d’une autre. Puis il quitte cette nouvelle femme pour retourner avec l’ancienne. Cette dernière s’ennuie dans son quotidien, elle finira par tromper le type avec un mec qui a un tatouage de tête de mort sur le torse (l’une des séquences les plus ridicules jamais vue dans un film) et puis ils sont de nouveau ensemble mais peut-être pas et voilà, c’est fini, tu peux sortir de la salle. Il y a deux personnages secondaires importants mais qui ne servent à rien. Le premier est la femme qui console Ben Affleck de son amour perdu. Elle est incarnée par la sublime Rachel McAdams. Mais voilà, ce n’est qu’un symbole. On la voit le temps de 2 ou 3 scénes et pouf! elle disparait. A peine le temps de s’attacher à elle que c’est déjà fini! Et il y a le prêtre incarné par Javier Bardem. Mais qu’est-ce qu’il vient foutre dans cette histoire?!!  Au delà du questionnement sur la foi, sur le plan narratif, il ne sert à rien. Comme sorti d’un autre film. A un moment, il a une discussion avec Affleck mais on n’entend pas ce qu’ils se disent, vu que Bardem soliloque sur Dieu en off, par-dessus. Sans oublier le personnage de l’amie hispanique de Olga Kurylenko. Déjà, elles semblent super amies mais elle n’est là que deux minutes sur tout le film (où se sont-elles rencontrées? pourquoi sont-elles amies? on sait pas!). Ensuite, le personnage est insupportable au possible. Heureusement, il disparait aussi vite qu’il apparait!

Sur le plan visuel, c’est beau, trés beau parfois (la scène avec les bisons). Mais ça ne suffit pas! Malick répète à l’écoeurement les mêmes plans et les mêmes mouvements de caméra pendant tout le film. Comme si il était en pilotage automatique. Rien de neuf. Pire, on a l’impression qu’il se caricature lui-même. Le bilan est cruel. C’est un film froid, complètement désincarné, qui échoue à retranscrire la complexité de la passion amoureuse à l’écran. Un comble pour un film d’amour. Malick est, d’ordinaire, un cinéaste léger et aérien. Là, il vient de sombrer dans les travers du film d’auteur chiant, lourd et c’est cela qui fait le plus mal….Note: 08/20 (parce que le début est vraiment incroyable)

To The Wonder, de Ternce Malick, avec Ben Affleck, Olga Kurylenko, Rachel McAdams et Javier Bardem, en salles depuis le 6 mars.

PASSION-Femmes fatales

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N.B: Passion est le remake de Crime d’Amour (2010), dernier film réalisé par le regretté Alain Corneau. L’auteur de cette chronique n’a pas vu ce film et ne peut donc axer sa critique sur la comparaison entre l’original et le remake.

Christine (Rachel McAdams) est la directrice d’une grande agence de publicité. Elle a pour première assistante Isabelle (Noomi Rapace). Les deux femmes semblent amies et travaillent ensemble dans la plus grande confiance. Mais bientôt, la jalousie, la frustration et la lutte pour le pouvoir vont les voir s’affronter. Jusqu’au meurtre…

Après les échecs successifs et les ratages artistiques qu’étaient Mission To Mars (2000), Femme Fatale (2002) et Le Dahlia Noir (2006), on pensait que Brian DePalma était fini, dans le sens où il n’arrivait plus à surprendre le spectateur et ses propres fans (dont je fais partie). Mais, en 2007, il nous livrait Redacted (Lion d’Argent du meilleur réalisateur à la Mostra de Venise), formidable brûlot anti-guerre en Irak, en même temps que dénonciation de la violence masculine faite aux femmes (une constante chez lui). Le film surprenait par sa forme (filmage au camescope numérique, vidéos type Youtube, reportages de guerre) et rendait compte parfaitement des mutations numériques de l’époque contemporaine, en proposant des vidéos à la première personne qui sont devenues monnaie courante sur le Net. Certainement l’un des films les plus pertinents de son auteur et qui se concluait sur une dernière image terrible, immense abîme de désespoir et de culpabilité. On attendait donc la suite. Cette suite, la voici. Il s’agit du remake d’un film français. Alors DePalma est-il revenu au top ou régresse-t-il?

Le résultat est plutôt déconcertant. Disons-le tout net, le film est globalement une déception. Néanmoins, ceci posé, force est de reconnaître que Passion est un ratage fascinant, qui comporte de brillantes idées et des moments trés réussis. Mais c’est le long-métrage pris dans son ensemble qui n’arrive pas à convaincre. Car c’est à un film double, schyzophrène, auquel nous avons affaire. Et cela tombe bien, vu que le thème du double est une récurrence dans le cinéma de DePalma. Mais içi, cela provoque une dichotomie dans l’esprit du spectateur, qui se retrouve le cul entre deux chaises.

La première moitié du film est ainsi centrée sur les rapports de force entre les deux protagonistes principales, campées par les excellentes Rachel McAdams et Noomi Rapace. Nous voyons la lente dégradation de leur relation, qui va finir par déboucher sur un mélange fascination/répulsion, amour/haine. Tout de suite, on voit ce qui a intéressé DePalma là-dedans. En effet, l’idée de filmer deux femmes de pouvoir qui s’affrontent, a du le réjouir. DePalma, dans ses films, n’a cessé de questionner la place des femmes dans la société et leur rapport aux hommes. Içi, le cinéaste se délecte, visiblement, à mettre en scène ces deux femmes qui éclipsent complètement les hommes. La gente masculine dans Passion? Un collaborateur/amant lâche et vénal, un séducteur relou et un flic complétement à côté de la plaque et remarquablement inefficace. Si on rajoute à cela, la propre secrétaire de Isabelle, lesbienne et amoureuse de sa patronne (la scène où elle voit Isabelle et son amant au restaurant est triste car vu à travers ses yeux), et on obtient un film ouvertement féministe, comme Carrie ou Pulsions avant lui. Ceux qui taxent DePalma de mysoginie, n’ont jamais rien compris à son oeuvre, mais ça, c’est pas nouveau! En plus de cela, DePalma se moque ouvertement des pubs sexistes proposées par les publicitaires (mais içi conçue par une femme!): la « caméra-cul » est à se tordre, la soi-disante vulgarité qu’on reproche à DePalma est volontaire, car içi c’est la dimension satirique et parodique qui prime. Malheureusement, ces situations, aussi bien filmées soit-elles, finissent par provoquer un ennui chez le spectateur qui ne comprend pas où DePalma veut en venir. Il ne se passe pas grand-chose et on se demande si le film ne va pas alors sombrer dans un drame psychologique chiant comme la mort. Et là, DePalma sort son sac à malices et…change de film!

La deuxième partie de Passion débute par un crime. Ce crime est filmé en spilt-screen (écran partagé) avec d’un côté un spectacle de danse et de l’autre un meurtre en caméra subjective, du point de vue du meurtrier. Pas de doute, on est bien chez DePalma! La scène questionne le regard du spectateur/voyeur et le procédé fournit, sur la plan narratif, un alibi à l’un des personnages. On voit où DePalma veut en venir: le rapport entre réel et irréel, fiction et réalité, ce qu’on voit….et ce qu’on croit voir. Et là, le film bascule, au risque de perdre les spectateurs en route. Passion se pare alors d’une atmosphère fantastique aux allures de cauchemar éveillé. DePalma recycle certaines de ses thématiques (théme du double, culpabilité intérieure d’un personnage s’exprimant à travers le rêve, témoin d’un meurtre qui ne fait rien pour l’empêcher) et figures de style (spilt-screen, caméra subjective, scéne finale en long crescendo). De Palma arrive même à recaser une évasion « mentale » à la Body Double (séquence trés brève mais trés réussie). On le voit, on a bien dévié de la situation de départ! Mais là ou DePalma se plante, c’est qu’il n’arrive pas à faire le lien entre ces deux parties et que son film ne raconte pas grand-chose. Certes, c’était déjà le cas de certains de ses chefs-d’oeuvre, tels Obsession, Pulsions ou même Blow Out, mais ces derniers proposaient une expérience sensorielle et émotive tout du long et refléter la condamnation d’un personnage à revivre un traumatisme initial. Passion ne propose que deux moitiés de film (dont une plus réussie que l’autre) qui ont du mal à cohabiter ensemble. Et la réalisation de DePalma, aussi élaborée soit-elle, finit par tourner en rond. Passion est donc un film fascinant mais vain. Vain mais fascinant. Quel talent ce DePalma! Note: 10/20

Passion de Brian DePalma, avec Rachel McAdams et Noomi Rapace, en salles depuis le 13 février.

SHADOW DANCER-Au nom de la mère

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Mac (Clive Owen) tente de rassurer Colette (Andrea Riseborough)

 

Londres, 1993. Une jeune veuve irlandaise, Colette (Andrea Riseborough), est arrêtée, suite à une tentative ratée d’attentat dans le métro. Elle se voit proposer un marché par un agent du MI5, Mac (Clive Owen): devenir leur indic et retourner à Belfast pour espionner les siens. Si elle refuse, elle prend pour 25 ans de prison et ne reverra jamais son fils. Colette accepte et retourne en Irlande pour faire son « travail ». Ce qui l’amènera à trahir ses deux frères, tous deux membres de l’IRA. La situation va vite devenir intenable pour Colette.

Dès sa scène d’ouverture, Shadow Dancer est un film qui prend aux tripes. Emotionnellement, la scène est forte et elle nous présente le trauma du personnage d’Andrea. Un trauma qui expliquera sa fidélité à sa famille, mais aussi sa réticence face aux méthodes de l’IRA. On comprend qu’elle éxécute souvent ses ordres à contrecoeur et qu’elle tente, parfois, de les empêcher (cf son coup de fil anonyme à la police avant l’attentat du métro). Le film embraie ensuite sur la séquence dans le métro où l’on suit Colette au plus près, grâce à une caméra proche et mobile. Tout le poids qui pèse sur elle, ses responsabilités face à l’IRA ainsi que ce que lui dicte sa conscience, nous est formidablement restitué à travers ces quelques minutes. Suit le face à face avec l’agent secret anglais, où l’on voit que Colette n’a pas vraiment le choix. Mais l’a-t-elle jamais eu, elle qui a grandi sous le giron de l’IRA? Colette accepte le rôle de traître et rentre chez elle. Au bout d’un quart d’heure, tous les enjeux sont plantés, sans dialogues superflus, et l’on comprend les motivations de l’héroïne.

Et jusqu’à la fin, Shadow Dancer est un film prenant, puissant, romanesque et d’une remarquable sobriété esthétique. La réalisation de James Marsh est classique et dépouillée de toutes expérimentations visuelles qui auraient ruiné son formidable scénario. Ce qui n’exclut pas des moments de tension ou des pics d’émotion remarquablement gérés et qui font qu’on est scotché au film, à son histoire et à ses personnages. Le suspense et l’émotion sont donc omniprésents. Si l’on rajoute des situations crédibles et des acteurs remarquables (la magnifique Andrea Riseborough en tête), on obtient un film, certes réaliste dans son approche, mais lyrique et palpitant. On pense beaucoup au James Gray de Little Odessa et The Yards, qui mêlait trame policière et tragédie familiale.

Mais c’est dans ses thématiques et enjeux narratifs, que Shadow Dancer acquiert toute sa force. Le film n’est pas un bête pensum politique sur le conflit nord-irlandais avec méchants terroristes irlandais et gentils agents secrets anglais (ou l’inverse!). A l’image de ce conflit, les personnages ne sont pas tout d’un bloc et demeurent complexes (Mac et Colette en tête). Car Shadow Dancer est un film « intimiste » avec le conflit nord-irlandais comme toile de fond. Et ce qui est le plus frappant c’est le rôle dévolu aux femmes. Bien sûr, comme dans les films que Jim Sheridan a consacré au sujet (Au Nom Du Père et The Boxer), il y a une condamnation sans appel de la violence et des méthodes de l’IRA et des Anglais (qui a force de placer des « mouchards » partout, on détruit des familles). Mais Shadow Dancer est un film féministe qui s’interroge sur le rôle joué par les femmes dans cette guerre, ainsi que la douleur qu’elles ressentent en tant que mères, épouses ou soeurs. Une scène le montre particulièrement: lors d’une cérémonie funèbre, quand les membres de l’IRA décident de faire une salve d’honneur pour le défunt, les femmes se réunissent d’instinct contre un mur, silencieuses et résignées. Elles n’approuvent pas mais leur protestation est muette, car elles demeurent fidèles à leurs hommes.

Shadow Dancer est un film magnifique, qui nous parle de trahison, de responsabilités à prendre et d’amour. Amour d’une mère pour son fils. Et un amour impossible entre un homme et une femme que tout sépare. Une lueur d’espoir. Mais, quelquefois, et malgré ses sentiments, la fidélité à sa famille est parfois plus forte. Shadow Dancer se clôture sur un nouveau départ et sur la fin d’une affection naissante. On en sort la gorge serrée. Grand film! Note: 18/20

Shadow Dancer de James Marsh, avec Andrea Riseborough, Clive Owen et Gillian Anderson, en salles depuis le 6 février.

 

LINCOLN-La mort était au rendez-vous

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Abraham Lincoln (Daniel Day-Lewis): en route vers sa destinée...

 

1865. Les Etats-Unis s’embourbent dans la Guerre de Sécession, un conflit qui durent depuis 4 ans et qui a fait des millions de morts. Le président républicain Abraham Lincoln (Daniel Day-Lewis, tout simplement extraordinaire!), nouvellement réélu, souhaite faire adopter, par le Parlement, un  treizème amendement visant à abolir l’esclavage. Une tâche qui va s’avérait ardue…

Il y a quinze ans, sur un sujet qui traitait déjà de l’esclavage, Steven Spielberg avait réalisé Amistadt. Le film était raté, assez ennuyeux, didactique et finalement peu inspiré. Mis à part les scènes de mutinerie sur la Amistadt, il n’y avait pas grand-chose à sauver. Et tout le monde se souvient du personnage de Morgan Freeman qui ne servait absolument à rien. Bref, impossible de retrouver le génie de Spielberg dans ce film bavard et sentencieux. La perspective de le revoir faire un film sur le sujet, nous laissait partagés. Soit il refaisait Amistadt en mieux, soit il nous pondait le même genre de film lénifiant. La bande-annonce et les premiers echos du film dans la presse américaine semblait entériner la deuxième version. Après vision, force est de reconnaître que Spielberg a corrigé le tir, même si son film demeure un tantinet bavard.

Lincoln est un film passionnant. Et c’est une véritable gageure, vu le sujet! A 80%, ce film traite de machinations politiques et de droit (constitutionnel ou juridique). Mais Spielberg y apporte du rythme et surtout, pas mal d’humour. Et on se passionne pour toute ces tractations politiques. Lincoln est un film politique, complexe mais qui ne laisse pas le facteur humain de côté. La truculence de deux seconds rôles, notamment, apporte beaucoup d’air frais à l’ensemble: il s’agit de James Spader (un revenant!) et Tommy Lee Jones. Les insultes de ce dernier sont à se tordre. Mais l’humanité du personnage et ses motivations personnelles, nous seront dévoilées, à la fin, dans une scène cocasse et trés touchante.  Alors, bien sûr, 2h30 sur un tel sujet, c’est un peu long et certains aspects peuvent paraître obscurs aux spectateurs, mais le film réussit l’exploit de nous intéresser à la politique américaine et à ses arcanes complexes.

Lincoln demeure, pourtant, un film de Steven Spielberg, que ce soit du point de vue technique ou thématique. Côté réalisation, c’est une leçon de mise en scéne. Chaque échange verbal, chague geste, fait l’objet d’un plan lourd de sens. On pourrait presque parler de chorégraphie visuelle appliquée à de longues scènes de joutes oratoires. Les hésitations des personnages et leurs positions de faiblesse ou de force nous apparaissent ainsi naturellement. Le dernier à avoir fait cela, est John McTiernan sur l’excellent Basic, en 2003 (ah! Les scènes d’interrogatoires!). On retrouve aussi l’utilisation des surfaces réfléchies, caractéristique du cinéma de Spielberg. La deuxième fois où nous voyons Lincoln, avec sa femme (Sally Field), il nous apparait dans un miroir. Durant toute la scène, sa femme s’adresse au miroir pour lui parler. Une façon de montrer que cet homme est une légende mais aussi que sa mort brutale et son destin tragique sont inéluctables. Sa femme a des dons de voyance, cela sonne donc comme un avertissement. Et c’est dans le portrait intime de Lincoln, que le film de Spielberg prend tout son sens.

Car Lincoln n’est pas qu’une leçon d’histoire. Comme La Liste de Schindler, c’est une odyssée personnelle, le portrait intime d’un homme et de son parcours « héroïque ». L’obsession numéro un de Spielberg, la famille et ses dysfonctionnements (rappelons que Spielberg a été traumatisé, enfant, par le divorce de ses parents et qu’il est maintenant père de sept enfants, dont des enfants adoptés), est bien sûr présente dans le film, que ce soit dans les rapports entre Lincoln et sa femme ou avec ses deux fils. La famille Lincoln a été marquée par un drame, la mort d’un troisième enfant. Le couple Lincoln n’a pas la même façon de réagir face à ce deuil. L’épouse en est perturbée et parfois hystérique, ce qui amène Lincoln à lui avouer, lors d’une dispute, qu’il aurait du la faire interner. Plus intéressants encore sont les rapports de Lincoln avec ses deux fils. Le cadet, âgé de neuf ans, est un petit enfant turbulent qui transforme la Maison-Blanche en terrain de jeux et auquel son père semble passer tous ses caprices. Un enfant « spielbergien » typique! L’aîné est un jeune homme plus calme (incarné par Joseph Gordon-Levitt) en apparence. Mais il s’oppose à son père. Il ne veut pas finir ses études de droit et veut se battre à la guerre comme les autres. En somme, et il l’avoue à demi-mot, il ne veut pas ressembler à son père, ni devenir comme lui. La figure paternelle chez Spielberg est toujours remise en question, et Lincoln n’échappe pas à la règle.

Autre grand thème spielbergien: la figure du « témoin du mal » et sa prise de conscience face à la violence du monde. Lincoln avouera se battre contre l’esclavage car, jeune homme, il a vu un convoi d’esclaves noirs dans un bateau et en a été révolté. Le flash-back ne nous est pas montré mais difficile de ne pas penser à Oskar Schindler, sur le quai d’une gare, voyant des Juifs entassés dans un train de marchandises. Cette vision l’horrifie et lui fait prendre conscience de la situation. Schindler, comme Lincoln, décidera d’agir pour enrayer la barbarie et l’injustice. Toutefois, Spielberg se refuse à « angéliser » Lincoln. Ce dernier a quand même recours à la corruption pour faire voter son amendement!

Mais dans Lincoln, le fils aîné du Président joue aussi ce rôle de « témoin du mal » quand il découvre ce que deviennent les membres amputés des soldats blessés. Là aussi, on voit comme un écho à un autre personnage de la filmographie de Spielberg: la petite Dakota Fanning de La Guerre Des Mondes découvrant des corps flottant sur une rivière ensanglantée. L’innocence de la jeunesse est corrompue par les actes violents, chose que Spielberg a toujours soulignée (c.f Empire Du Soleil, sur ce thème).

 La mort est présente partout. Elle est d’ailleurs centrale dans Lincoln. Le film débute sur une scène de bataille où des soldats noirs du Nord massacrent des soldats sudistes pour se venger de l’esclavage. Et le film se clôt sur la mort brutale de Lincoln. Car finalement, toute cette histoire ne semble être que le voyage d’un homme qui avait rendez-vous avec l’Histoire…et avec son destin, à savoir son assassinat. Comme si tout avait été décidé à l’avance, comme si Lincoln l’avait lui-même deviné. Ses dernières paroles? « J’aurais aimé rester mais je dois partir. » Lourd de sens! La dernière vision que l’on a du personnage (via le regard de son majordome noir)? Il s’en va, à contre-jour et nous tourne le dos, silhouette sombre sortant du décor….Spielberg ne nous montre pas son assassinat. Mais la façon dont on l’apprend, dans le film, est l’une des séquences les plus fortes de son auteur. Une image terrible de désespoir et de douleur, encore une fois symbolique de l’innocence perdue et du passage brutal à l’âge adulte…. Note: 16/20

Lincoln de Steven Spielberg, avec Daniel Day-Lewis, Sally Field, David Strathairn, Joseph Gordon-Levitt, James Spader, Hal Holbrook et Tommy Lee Jones, en salles depuis le 30 janvier.

DJANGO UNCHAINED-Black Rider

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King Schultz (Christoph Waltz) et Django (Jamie Foxx), un duo attachant

 

1858, quelque part au Texas. Un esclave noir, Django (Jamie Foxx), est libéré de ses entraves par un chasseur de primes allemand, King Schultz (Christoph Waltz). Django est le seul à pouvoir identifier trois négriers que Schultz recherche. Django accepte, à condition que Schultz l’aide à retrouver sa femme, Broomhilda (Kerry Washington), esclave elle aussi. Mais sur leur route, ils devront faire face à un planteur de coton assez retors: Calvin J. Candie (Leonardo DiCaprio). La poudre va parler…

Le voici donc enfin ce western spaghetti que Quentin Tarantino annonçait depuis 10 ans. On en trouvait des traces dans Kill Bill et Inglorious Basterds (thème de la vengeance, présence de morceaux d’Ennio Morricone), mais Tarantino ne faisait que tourner autour. Il vient enfin de franchir le pas et de réaliser son fantasme cinématographique. Parfois, ce genre de fantasme de cinéaste cinéphile n’aboutit qu’à un exercice de style creux. Parfois…mais pas chez Tarantino!

Django Unchained est un plaisir de tous les instants, le genre de film qui représente ce que le cinéma devrait être. Libre, frondeur, iconoclaste, jouissif, lyrique, émouvant, hilarant… Le cinéma semble avoir été inventé pour Tarantino! Visuellement, le réalisateur américain est toujours au sommet. Il s’autorise tous les excés, à l’image des réalisateurs italiens de western des années 60/70 (Sergio Corbucci en tête): ralentis, gros plans, violence exacerbée et extrême,… Tarantino adopte le style western spaghetti mais ne le singe pas bêtement. Il est remarquable de constater que son film posséde son propre style, celui que le réalisateur cultive depuis ses débuts, il y a 20 ans. Tarantino réussit la parfaite synthèse entre « film de fan » et « film d’auteur ». Le film n’est jamais ennuyeux, le rythme est fluide, à tel point qu’on ne voit pas passer les 2h40 (!) que durent le film. Donc un style flamboyant qui ravira les fans de Tarantino, les fans de westerns spaghetti et…les autres aussi! Mais cette folle jouissance purement visuelle posséde-t-telle une résonnance thématique?

Oh que oui! Et c’est là qu’est la grande surprise du film. Sur une structure et un tempo quasiment identiques à ceux d’Inglorious Basterds ( un long acte d’exposition, une longue scène tendue de discussion à table et une violence finale « purificatrice »), Tarantino réalise un western politique majeur. Car il aborde un thème qu’Américains (et Italiens) n’ont jamais abordé dans leurs oeuvres: l’esclavagisme des Noirs Américains. Ce film pourrait même être vu comme une ode au peuple afro-américain et à sa culture. Une culture (films de blaxpoitation, soul music, rap) dont Tarantino est un immense fan (revoir le magnifique Jackie Brown pour s’en convaincre). Et Tarantino en profite pour faire un réquisitoire contre les blancs américains, tous racistes, cupides et inhumains. Le miroir que Tarantino tend à l’Amérique n’est guère complaisant avec ce pays. Et il est juste de noter que le seul personnage blanc « positif » de ce film, n’est pas un Américain sans reproches mais un européen (allemand), un type affable et cassant: King Schultz.

Mais attention pas de clichés et de manichéisme chez Tarantino! Il brise allègrement les lois du politiquement correct. Ainsi, le personnage le plus infâme du film n’est pas l’immonde Calvin J.Candie (campé par un DiCaprio étonnant en planteur pervers et cruel) mais son majodorme noir: Stephen. Ce dernier est sans aucun doute le personnage le plus abject vu sur grand écran depuis longtemps. Il est interprété par un Samuel L. Jackson méconnaissable, inquiétant et…drôle (sa crapulerie est tellement extrême qu’elle en devient risible). C’est un Noir qui trahit allègrement les siens et qui semble se prendre lui-même pour un Blanc! Le personnage de Christoph Waltz (génial!) est lui aussi ambigue. King Schultz, bien qu’opposé à l’esclavagisme, s’en sert pour pouvoir se faire obéir de Django. C’est aussi un tueur impitoyable, capable d’abattre (ou de faire abattre) un père sous les yeux de son fils. Il se réfugie derrière la justice pour justifier son mêtier de chasseur de primes mais on voit bien que c’est l’argent qui le motive. Néanmoins, Schultz se prend d’affection pour Django et les deux hommes deviennent rapidement amis. L’allemand finira par acquérir une conscience. Et les tortures infligées aux esclaves le rongeront jusqu’à lui faire commettre un acte aux conséquences lourdes…

Django Unchained, porté par un Jamie Foxx transfiguré et magnifique, est donc un film brillant, merveilleusement écrit, doté de répliques cultes et tranchantes et qui rend hommage à tout un genre sans pour autant en être une pâle imitation. Comme dans Inglorious Basterds, c’est dans les flammes et le sang que Tarantino noie les idées les plus dégueulasses (l’antisémitisme, le racisme). On pardonnera au réalisateur quelques « gamineries » ou fautes de goût (du rap sur un gunfight, bof!) car ce Django est un putain de film! Note: 18/20

Ah oui! Et la scène du Ku Klu Klan est à se tordre de rire!

Django Unchained de Quentin Tarantino avec Jamie Foxx, Christoph Waltz, Leonardo DiCaprio, Kerry Washington, Samuel L. Jackson, Don Johnson et la participation du grand Franco Nero, en salles depuis le 16 janvier.

MAIN DANS LA MAIN-Toi+moi

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Valérie Lemercier et Jérémie Elkaïm regardent dans la même direction mais sont-ils amoureux?

 

Jojo, un miroitier de province, et Hélène, professeur de danse au Palais Garnier, n’avaient, à priori, aucune chance de se rencontrer. Pourtant le jour où Jojo est envoyé par son patron pour prendre des mesures là où travaille Hélène, ils se rencontrent et sont victimes d’un étrange sortilège: ils se retrouvent collés l’un à l’autre et contraints de se suivre, ne pouvant plus se séparer.

Un an après le trés joli La Guerre Est Déclarée, Valérie Donzelli revient avec un nouveau film: une comédie romantique teintée d’un soupçon de fantastique. Après le succés publique et critique de son dernier film, elle était attendue au tournant et Main Dans La Main confirme tout le bien qu’on pensait d’elle.

Le film est clairement divisé en deux parties. La première, avec la rencontre des deux personnages principaux et le « sort » dont ils sont victimes, donne dans la comédie loufoque, joyeuse et discrètement burlesque. Tout içi ravit le spectateur et le fait rire: les personnages décalés (le ministre amoureux, la soeur de Jojo amatrice de concours de danses populaires), les situations (un « accident » de danse trés drôle) et tous les quiproquos et autres problèmes qu’engendrent la situation des deux personnages (la poursuite avec le ministre, les arrêts aux petits coins, l’interrogatoire au commissariat). Le ton est original et léger. Bref, on rit beaucoup.

La deuxième partie est plus axée sur l’émotion. Car Valérie Donzelli traite, avec ce film, des relations fusionnelles dans un couple, mais aussi dans l’amitié ou les relations frère/soeur. Des thèmes comme l’attachement à une personne, la peur de s’engager ou de perdre l’autre sont aussi abordés. Mais Donzelli le fait sans discours didactique, ni leçon de morale. Tout est fait avec subtilité et légèreté. Sauf qu’elle fait basculer une situation de pure comédie dans un final plus dramatique et émouvant. Bref, après le rire, les larmes. Et on ressort de la salle enchanté et ému.

Alors, c’est vrai que cette dichotomie amène une perte de rythme dans la deuxième partie, ce qui était déjà le (petit) problème de La Guerre Est Déclarée (avec la partie à l’hôpital, un peu moins intéressante que le reste). D’où un léger ennui entre les deux parties mais l’émotion et la subtilité d’écriture de Donzelli font largement passer la pilule. Côté réalisation, c’est un quasi sans-faute (on a jamais aussi bien filmé un personnage se déplaçant en skateboard) qui abrite de jolis moments (la première rencontre entre Hélène et Jojo). Même si on peut relever un abus d’images tournées en Super 8 et qui sonne comme une coquetterie esthétique et inutile.

Quant aux acteurs, ils sont magnifiques. Le couple vedette, Valérie Lemercier et Jérémie Elkaïm, est prodigieux. Tour à tour drôles et touchants, ils donnent le meilleur d’eux-mêmes. Elkaïm a d’ailleurs reçu le Prix d’Interprétation Masculine à la dernière Mostra de Venise.

Main Dans La Main est une comédie sentimentale fraîche et originale qui nous change de toutes ces comédies téléfilmesques françaises, formatées et dénuées de saveur; ça fait du bien! Note: 14/20

Main Dans La Main de Valérie Donzelli, avec Valérie Lemercier, Jérémie Elkaïm et Valérie Donzelli, en salles depuis le 19 décembre.

LE HOBBIT:UN VOYAGE INNATENDU-Mimic

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Bilbon Sacquet (Martin Freeman), un héros qui s’ignore.

 

Il était une fois un Hobbit, nommé Bilbon Sacquet (excellent Martin « Watson » Freeman), qui vivait dans un trou confortable, et qui semblait satisfait de sa petite vie paisible. Jusqu’à ce que un magicien, Gandalf Le Gris (Ian McKellen), et treize nains barbus viennent chez lui et lui parlent d’un trésor, d’un dragon et d’un royaume à reconquérir. Le Hobbit décide de les suivre. Sur son chemin, il rencontrera des Elfes, des Trolls, des Orcs, des Gobelins et une étrange créature à qui il volera un anneau, un anneau qui entraînera, une soixantaine d’années plus tard, son propre neveu dans une autre grande aventure…

A moins d’avoir passé les dix dernières années à hiberner dans un trou de Hobbit, vous devez normalement savoir que Le Hobbit est la préquelle du Seigneur  Des Anneaux. Pour autant, si vous n’avez pas vu la trilogie du Seigneur, vous pouvez, sans problèmes, aller voir ce film,vous ne serez pas largués! Ajoutons que cette série de films est adapté des romans de J.R.R Tolkien et je crois que les présentations seront achevées!

Cette préquelle marque donc le retour du cinéaste néo-zélandais Peter Jackson en Terre du Milieu, dix ans après Le Seigneur Des Anneaux. Autant le dire, il y avait de quoi être un peu sceptique devant ce Hobbit. En effet, malgré l’éclatante réussite  de la trilogie originelle, Jackson ne partait pas forcemment gagnant. D’une part parce qu’il a décidé de le réaliser lui-même, alors que toute la préproduction était terminée, quelques semaines seulement avant le début du tournage. Cela aurait pu être un léger handicap. Mais heureusement, Jackson est aussi producteur et coscénariste, il a donc eu tout le loisir de participer à la préparation du film. Et puis c’est le réalisateur de la première trilogie, merde!

L’autre écueil était d’ordre narratif. D’abord envisagé comme un film en deux parties, Le Hobbit est devenu une trilogie! Quand on voit que le roman est assez court, on se dit que Jackson est devenu fou, que le projet sent l’opération commerciale à plein nez et qu’on risque de s’emmerder, surtout devant la première partie! Et bien, non, non, trois fois non! Car Jackson et ses coscénaristes Fran Walsh et Philippa Boyens ont décidé d’adjoindre à l’histoire originale, une sous-intrigue d’un autre livre de Tolkien, le Silmarrillon. Le résultat est trés naturel et trés fluide sur le plan de la narration. L’histoire est prenante à souhait, les personnages sont trés attachants, le récit est ample et complexe. Donc ça fonctionne du tonnerre!

Et la réalisation de Jackson? Toujours aussi impressionante et virtuose, mes amis! C’est bien simple, on retrouve intacts le style et la maestria visuelle du Seigneur Des Anneaux. On est émerveillé du début à la fin. C’est un enchantement de tous les instants. Le Hobbit est un rêve de cinéma d’heroic fantasy. Jackson est l’homme qui convoque les fantômes de Lean, Kurosawa ou Ford dans sa réalisation. Son talent est içi confirmé! C’est bien simple, mais à côté, et aussi sympathiques soient-ils, Joss Whedon et Chris Nolan font un peu pâle figure. Ce film célèbre donc le retour du roi Jackson. Tour à tour épique, émouvant, drôle, le film en remonte aux autres blockbusters.

De leur côté, les magiciens de Weta Digital  ont encore accompli des prouesses au niveau des effets spéciaux. L’immersion en Terre du Milieu est totale. Ce film est le parfait exemple d’une technologie mise au service de l’histoire. Une histoire bien troussée, subtilement élaborée (histoire des nains et du dragon+histoire du Nécromancien). De plus, les éléments futurs du Seigneur Des Anneaux se mettent doucement en place. Les personnages ne sont pas sacrifiés sur l’autel du spectaculaire (les nains sont irrésistibles). The Hobbit prouve donc qu’une bonne histoire et des personnages solides sont les éléments de base pour un film et que les effets spéciaux sont là pour soutenir cette histoire.

Mais Le Hobbit laisse une drôle d’impression. On retrouve à 100% le style de Peter Jackson. Néanmoins, quelque chose a changé. Les couleurs sont plus chaudes. L’aspect fantasy a quelque chose de plus primaire et parfois rabelaisien. Comme si le film avait subi l’influence d’un autre cinéaste. Et c’est le cas! Car à l’origine, c’est Guillermo Del Toro (Hellboy 1 et 2, Le Labyrinthe De Pan) qui devait le réaliser. Il avait participé à toute la préproduction jusqu’à ce qu’un désaccord artistique entre lui et Jackson le fasse quitter le film. L’ombre du réalisateur mexicain (crédité comme coscénariste au générique) plane sur le long-métrage et notamment sur sa direction artistique. Un personnage comme le Roi des Gobelins est une figure typique de son cinéma. L’antagonisme entre Thorin et Avok rappelle les oppositions héros/nemesis de Blade 2 et Hellboy 2. Et nul doute que le personnage de Radagast le Brun lui doit beaucoup. En poussant le bouchon, on pourrait presque dire que Le Hobbit est un film de Guillermo Del Toro réalisé par Peter Jackson! Mais la personnalité de Jackson se retrouve quand même. En tout cas, vivement le prochain film de Del Toro car il nous manque!

Je ne mets pas de note; je mettrai une note finale à la fin du troisième volet.

Le Hobbit-Un Voyage Innatendu, réalisé par Peter Jackson, avec Martin Freeman et Ian McKellen, en salles depuis le 12 décembre.

N.B: la deuxième partie, La Désolation De Smaug, sortira en décembre 2013. Quant à la troisième, Histoire D’Un Aller-Retour, ça sera en juillet 2014. Patience!

THERESE DESQUEYROUX-Le miroir se brisa

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Thérèse et Bernard Desqueyroux (Audrey Tautou et Gilles Lellouche): un bonheur apparent mais fragile...

 

Dans le sud de la France, en 1928, Thérèse (Audrey Tautou) épouse Bernard Desqueyroux (Gilles Lellouche). Il s’agit d’un mariage arrangé pour agrandir les terres de leurs deux familles, des terres qui renferment des grandes plantations de pins. Mais Thérèse, à priori insatisfaite, va commettre l’irréparable…

Ce film est le dernier réalisé par Claude Miller (Garde à Vue, Mortelle Randonnée, Un Secret, etc), juste avant qu’il ne soit terrassé par le cancer contre lequel il luttait. On n’aurait pu craindre que, étant malade sur le tournage, le film ne soit d’une qualité inférieure à ses précédentes oeuvres. Il n’en est rien. Non seulement Thérèse Desqueyroux est un grand film mais c’est aussi l’un des meilleurs de son réalisateur. Une véritable élégie funèbre qui sonne comme le testament de Claude Miller.

Car ce film lui permet d’aborder des thèmes forts et riches: le poids des conventions et de la famille, l’émancipation des femmes, le droit de choisir sa vie,… Mais c’est aussi un film qui regarde la mort en face, comme pour la narguer, et qui montre que la vie est plus forte (cele se voit surtout dans l’acte final). Pied de nez évident d’un homme (Miller) qui refuse d’abdiquer devant la mort et qui continue son film, avec talent. Sur ce plan-là, Miller a largement gagné son combat contre la maladie.

La réalisation de Miller, en apparence classique, s’avère être à son zénith. Chaque plan, chaque petit mouvement de caméra trahit quelque chose sur le ressenti des personnages que Miller observe. Le film en devient fascinant. Miller nous livre un suspens domestique de haute volée, quelque part entre Hitchcock (on pense à Soupçons) et Wilkie Collins (pour l’aspect social). Si le film n’était pas adapté de François Mauriac, on se serait cru chez l’écrivain anglais. D’autant qu’à cette tension psychologique, Miller appose une critique sociale aiguë, véritable attaque contre le conservatisme en général. Les acteurs sont au diapason, en paticulier le couple vedette. Gilles Lellouche est fantastique, mélange de préjugés bourgeois insupportables et d’une tendresse pour sa femme qu’il essaie de masquer. Quant à Audrey Tautou, elle trouve là le rôle de sa vie. C’est une prestation remarquable à laquelle elle se livre. Tour à tour émouvante, glaçante, effrayante. Impossible d’oublier son visage après la projection. Impossible d’oublier Thérèse Desqueyroux.

Un personnage insaisissable que cette Thérèse. Car qui est-elle vraiment? Même elle, ne le sait pas vraiment. Elle avouera, à un moment, ne pas ressentir son existence individuelle. Claude Miller la filme souvent se regardant dans une glace ou dans une vitre. Thérèse ne comprend pas son reflet et l’image qu’il lui renvoie. D’ailleurs le film s’ouvre sur un reflet dans une glace. Comme pour montrer que ce que nous percevons de Thérèse est une illusion. Est-elle jalouse du bonheur de sa meilleure amie (la lumineuse Anaïs Desmoustiers)? Est-elle amoureuse d’elle? Que ressens-t-elle face à son enfant? Pourquoi passe-t-elle de l’indifférence à l’émotion la plus à fleur de peau? Haït-elle son mari ou ce qu’il représente? Thérèse restera un mystère jusqu’à la fin. Mais elle finira par avouer à son mari qu’elle ne voulait pas jouer un rôle. En fait, Thérèse voulait rester cette enfant rieuse qu’elle était au début du film. Mais elle semble étouffer dans le milieu où elle vit. Sauf que Thérèse ne sait pas ce qu’elle veut exactement et c’est son mari, l’être à priori, le plus éloigné d’elle, qui lui donnera sa liberté et la réponse à cette question. Mais son chemin de croix sera douloureux. Elle passera même par une mort symbolique (sociale et physique) pour pouvoir survivre. Car étrangère à sa propre vie, Thérèse ira même jusqu’à la nier en se laissant dépérir.

Thérèse Desqueyroux est un film profond, grave, le requiem d’une âme en peine mais qui s’achève sur le sourire d’une femme qui s’est (enfin?) trouvée. Et Claude Miller, pour sa dernière scène de cinéma, de nous montrer un visage épanoui comme pour exorciser sa mort prochaine. Note: 20/20

Thérèse Desqueyroux de Claude Miller avec Audrey Tautou, Gilles Lellouche, Anaïs Desmoustiers, Catherine Arditi et Francis Perrin, en salles depuis le 21 novembre.

ARGO-Not?

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En 1979, un soulèvement populaire et d’inspiration islamiste chasse le Shah d’Iran et installe Komeyni au pouvoir. Le Shah trouve refuge aux Etats-Unis, pays qui l’a mis en place au pouvoir. Le peuple iranien réclame son extradition pour qu’il soit jugé en Iran pour les tortures et les assassinats commis par sa police secrète. L’ambassade des Etats-Unis à Téhéran est prise d’assault et ses employés pris en otages. Seuls six d’entre eux arrivent à s’enfuir et se réfugient chez l’ambassadeur du Canada. Ce film est le récit de leur exfiltration d’Iran par l’agent de la C.I.A Tony Mendez (Ben Affleck), qui va les faire passer pour une équipe de tournage d’un film de SF, Argo, en repérage en Iran. Ceci est une histoire vraie, rendue publique en 1997 par l’administration Clinton.

Argo est le troisième film réalisé par Ben Affleck, après les sympathiques mais inaboutis Gone, Baby, Gone (2007) et The Town (2010). Avec une histoire comme celle d’Argo, il était attendu au tournant. Et le résultat est assez curieux. Le film n’est pas mauvais, loin de là, mais il ne brille pas non plus par une qualité folle. Entendons-nous bien. Le film est bien réalisé. Ben Affleck a fait d’énormes progrés côté réalisation et a abandonné certains tics télévisuels présents sur ces deux précédents longs. De plus, sa mise en scène est lisible, ce qui est un bon point car sur ce genre de sujet basé sur des faits réels, la plupart des réalisateurs abusent de la caméra portée et du montage ultra-serré pour faire plus « réaliste ». Rendons justice à Affleck sur ce point.

Affleck arrive à donner du suspens à son film, d’une façon assez talentueuse. Des scènes comme la prise de l’ambassade, la visite au bazar ou la fuite finale sont remplis d’une tension palpable et qui ne lache pas le spectateur, même si celui-ci connait la fin (un peu comme dans le Walkyrie de Bryan Singer). Il aére son récit avec des touches d’humour salvatrices et trés réussies comme le parcours hollywoodien de Mendez pour monter son faux-film. Saluons les prestations drôles et malicieuse de Allan Arkin et John Goodman, à cette occasion.

Le regard de Ben Affleck sur ses personnages est bienveillant et plein d’humanité. Sa direction d’acteurs est irréprochable et il parvient, avec un certain brio, à rendre au plus près le quotidien des six « invités » en nous montrant leurs doutes et leurs peurs. Leurs interprètes sont formidables.  Et Affleck se révéle juste et compatissant en montrant, à la fin du film, la servante iranienne qui s’en sort. Cela peut paraître cliché mais dans la plupart des films hollywoodiens, ce genre de personnages est trop souvent sacrifié.

Mais c’est là que le bât blesse, dans la volonté de Ben Affleck de trop bien faire. Le film est assez lisse et pas trop polémique pour un sou (l’implication de la CIA dans la dictature du Shah est juste évoquée dans des dialogues redondants). Affleck, à trop vouloir faire un film qui ne prend pas parti et rassembleur, oublie de faire un grand film engagé. C’est dommage, car on sent à deux ou trois reprises qu’il a failli le faire. On est donc loin des Hommes Du Président ou des grands films engagés des années 70. Son film manque de personnalité et de la vision d’un grand cinéaste. Pour autant, le film est loin d’être désagréable et se laisse suivre sans ennui. Et la dernière image, celle d’un père qui retrouve son fils, est assez poignante.  Leurs retrouvailles au milieu de jouets Star Wars est assez pertinente et renvoie au faux-film Argo. Note: 12/20

Argo de et avec Ben Affleck, en salles depuis le 07 novembre.

 

 

FRANKENWEENIE-Sparky returns

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Victor et Sparky: amis pour la vie.

 

Victor est un garçon solitaire, aimant les sciences, les films fantastiques et son chien Sparky. Ce dernier est son meilleur ami. Quant il meurt, renversé par une voiture, Victor est désespéré. Mais il va trouver un moyen de ramener Sparky d’entre les morts…

Les fans de Tim Burton auront reconnu içi le résumé de son court-métrage Frankenweenie (1984). A l’époque, Burton avait proposé à Disney, firme dans laquelle il travaillait, de faire de cet argument narratif un long-métrage d’animation en stop-motion. Le studio refusa, critiquant la forme (peu rentable) et le fond (trop sombre). Mais il allouera un petit budget à Burton pour que ce dernier puisse en réaliser un court-métrage live. Effrayé par la soi-disante noirceur du film, Disney en annulera la programmation en salles, juste avant la reprise de son Pinocchio. Invisible pendant une décennie, Frankenweenie reste la plus grande frustration de Burton. Celui-ci mettra deux décennies pour en récupérer les droits, toujours détenus par Disney. Il accepte de réaliser Alice Au Pays Des Merveilles (2010) pour le studio, à condition que ce dernier lui laisse réaliser un nouveau Frankenweenie en stop-motion. Le studio est d’accord. Et comme Alice est un carton au box-office, il laisse Burton libre sur Frankenweenie. Et Tim Burton de pouvoir, après 25 ans, enfin réaliser son rêve!

Et c’est bien de rêves dont il s’agit. De rêves d’enfant, plus precisemment. Il y a le rêve d’un gosse qui n’accepte pas la mort de son fidèle compagnon et qui veut le voir revenir. Et le rêve d’un autre enfant qui veut voir des monstres semer la panique dans une banlieue américaine bien proprette. Cet enfant-là c’est Tim Burton. Ou plutôt le jeune Tim Burton. Ce deuxième Frankenweenie lui donne l’occasion de réaliser un fantasme de gamin. Ce film est certainement (avec Edward Aux Mains D’Argent) son film le plus autobiographique. Car Victor, c’est lui. L’enfance de Victor, c’est la sienne. Le quotidien de Victor a été le sien, à une époque. D’où la fraicheur et la sincérité du film, bien loin des compromis et du calcul de Alice. Frankenweenie est un film trés émouvant, qui touche directement le spectateur en plein coeur. Et qui ressemble à Tim Burton.

La dernière partie du film n’est autre que le film de monstres dont il rêvait enfant. Le film débute d’ailleurs sur le film amateur (un film de monstres) de Victor avec Sparky. Ce rêve de petit garçon devient donc réalité par la suite. Et c’est ce que souhaite Burton (et il n’est pas le seul!): ne pas laisser les rêves mourir et tout faire pour les réaliser. Burton nous propose la vision d’un monde où la mort n’est pas une fin, où on peut faire revenir les disparus et où tout peut se réaliser. Et surtout, il ne faut jamais faire une compromission à un quelconque « esprit » adulte. Il est remarquable de constater que dès que Victor fait un tel compromis pour faire plaisir à son père, il scelle, sans le vouloir, le sort de Sparky et par là-même la fin de ses rêves enfantins. Mais père et fils se rejoindront à la fin. Et le père, l’esprit adulte, comprendra que les rêves de l’enfance sont plus importants parfois que le conformisme adulte. Burton parle trés certainement de sa relation avec son propre père. Mais ausssi des compromis qu’il a fait dans sa carrière et qui ne lui ont pas donné satisfaction.

Au passage, Tim Burton accumule les citations d’oeuvres qu’il admire et qui ont forgé son imaginaire, quand il était enfant: le nom de famille de Victor est Frankenstein, l’un des adolescents a la même démarche que Boris Karloff dans ce rôle, une tortue se prénomme Shelley (référence à Mary Shelley), Sparky est recousu comme la créature de Frankenstein, la petite chienne de la voisine arbore le look de la fiancée de Frankenstein. Autre référence aux Universal Monsters : La Momie. Dracula est cité aussi. La ville est dominée par un vieux moulin, cliché récurrent du cinéma gothique. Burton rend aussi hommage au kaiju-eiga (film de monstre japonais). Ces références-là sont plutôt classiques chez Burton. Plus surprenant: un clin d’oeil à Joe Dante (via Gremlins) et à…Steven Spielberg (et un plan qui renvoit directement à Jurassic Park), deux cinéastes qui ont, eux aussi, célèbré le triomphe des rêves d’enfant sur grand écran. Mais Burton cite aussi ses propres oeuvres: le personnage de Elsa Van Helsing, la voisine de Victor qui ressemble à Lydia de Beeteljuice (et doublée par la même actrice: Winona Ryder), le professeur de sciences qui est le portrait craché de Vincent Price (le créateur de Edward Aux Mains d’Argent). Ce dernier est doublé par Martin Landau, qui reprend son accent hongrois de Ed Wood, comme s’il doublait Bela Lugosi dans Dracula! Christopher Lee (autre célèbre interprète de Dracula) fait une apparition mais très surprenante (et qui montre que, parfois, les adultes restent des enfants qui aiment frissonner en cachette).

La réalisation de Tim Burton est plus inspirée que jamais (l’attaque de la fête foraine est un grand moment), le noir et blanc est magnifique et l’animation image par image est superbe. Il n’y a pas que Pixar dans la vie! Le film a des pointes d’humour noir bienvenues et on retrouve, avec plaisir, le Burton malicieux de Beeteljuice ou Mars Attacks! Il y a aussi des scènes qui font assez peur, par moments. Mais Frankenweenie est surtout trés émouvant. Difficile de ne pas mouiller ses yeux à la fin. Et le film se conclut sur un baiser final assez drôle! Note: 20/20

Frankenweenie de Tim Burton, en salles depuis le 31 octobre.

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