NUIT NOIRE, ETOILES MORTES-La part des ténèbres
La nouvelle est un genre que l’écrivain Stephen King maîtrise quasiment à la perfection; il suffit de lire les recueils Danse Macabre, Brume ou Rêves Et Cauchemars, pour s’en convaincre. Le petit dernier, que voici, semble le confirmer même si, fait assez rare pour l’auteur, l’une des histoires va s’avérer assez ennuyeuse. Et le problème, c’est qu’elle est la première de ce court recueil (4 histoires). Mais, au moins, le meilleur arrive par la suite et le lecteur achève sa lecture l’esprit content et rassasié.
Le recueil s’ouvre sur 1922. Au début du siècle, un fermier du Nebraska, aidé de son fils de 15 ans, tue son épouse et dissimule le corps dans le puits de sa ferme. L’homme va alors basculer dans la folie. Voici donc cette fameuse nouvelle ratée. La trame principale est peu passionnante et les développements de l’intrigue s’avèrent vite un concours de clichés assez pénibles (spectre de la femme qui revient hanter le mari, présence surnaturelle de rats, conclusion attendue sur la folie et la mort solitaire du meurtrier). King ne développe rien de neuf. Et ce n’est pas l’histoire du fils perturbé qui s’improvise bandit de grand chemin qui va relever le niveau. Mais le pire est atteint quand on se rend compte que l’auteur peine à nous faire entrer dans l’esprit du personnage principal. L’écriture à la première personne handicape clairement le récit. On n’arrive pas à s’attacher au « héros », ni à le comprendre. De plus, la lecture s’avère ardue et ennuyeuse. Un comble pour du King! On se traîne pendant 180 pages d’une lecture pénible, sans vraiment rentrer dans l’histoire. Et on tremble pour le reste du recueil!
King accélère le tempo avec Grand Chauffeur. En gros, il s’agit d’une femme écrivain qui se fait violer et qui va se venger de son agresseur. King donne là dans le rape and revenge. Et il n’y va pas de main morte! La description du viol, et de ses conséquences sur l’héroïne, est brutale et bouleversante. Jamais le portrait intime d’une femme violée, avec le traumatisme et la folie qui peut en découler, n’avait été rendu avec autant de justesse. Et quand elle assouvit sa vengeance, elle va jusqu’au bout. Néanmoins, King ne l’angélise pas et montre que la vengeance est parfois douloureuse. Mais le génie de l’auteur, c’est qu’il finit sur une note bouleversante où il rend hommage et justice à toutes les femmes ayant subi un viol. Imparable!
Extension Claire nous conte l’histoire d’un banquier atteint d’un cancer incurable et qui va passer un marché avec un étrange marchand ambulant. Il s’agit de la seule histoire ouvertement surnaturelle du recueil (1922 étant plus la description de la folie hallucinatoire d’un homme). Et c’est la plus politiquement incorrecte, la plus noire et…la plus drôle! King brûle tous les feux rouges avec elle. C’est une véritable satire de l’American Way Of Life et de la société de consommation. Mais le meilleur, c’est l’humour. King nous décrit le sort d’un personnage avec tant d’accumulations de malheurs, qu’on finit par en attraper le fou rire. Et c’est trés cruel, vu qu’on devrait s’appitoyer! De plus, la conclusion est doucement immorale. Clairement, la meilleure histoire du recueil.
Recueil qui se clôt sur Bon Ménage où une femme mariée depuis 27 ans à un homme, découvre que ce dernier lui cachait un effroyable secret. Comment va-t-elle réagir? C’est donc à un dilemme moral auquel nous invite à réfléchir Stephen King. Et comme dans Grand Chauffeur, la description du personnage principal (avec ses peurs, ses doutes et sa colère face à la trahison) est criante de vérité. King a l’art de nous faire entrer dans la tête de ses personnages avec une aisance qui n’appartient qu’à lui. Bon Ménage et Grand Chauffeur nous montre l’envers du rêve américain où peut se nicher le mal le plus innommable. Un mal qui se cache derrière les traits d’un bon mari (Bon Ménage) ou d’une gentille ménagère provinciale (Grand Chauffeur). Mais le mal, c’est aussi l’autre en nous, notre passager noir, qu’il ne nous faut jamais écouter.
Bon Ménage se termine sur une discussion incroyable entre une femme au foyer esseulée et un flic à la retraite. Et la dernière parole échangée ainsi que le dernier geste esquissé sont d’une émotion qui vous serre la gorge! Conclusion: ne vous arrêtez pas à la première nouvelle de Nuit Noire, Etoiles Mortes, vous passeriez à côté du reste! Note: 15/20
Nuit Noire, Etoiles Mortes (Full Dark, No Stars) de Stephen King aux éditions Albin Michel (2012).
MAIN DANS LA MAIN-Toi+moi
Jojo, un miroitier de province, et Hélène, professeur de danse au Palais Garnier, n’avaient, à priori, aucune chance de se rencontrer. Pourtant le jour où Jojo est envoyé par son patron pour prendre des mesures là où travaille Hélène, ils se rencontrent et sont victimes d’un étrange sortilège: ils se retrouvent collés l’un à l’autre et contraints de se suivre, ne pouvant plus se séparer.
Un an après le trés joli La Guerre Est Déclarée, Valérie Donzelli revient avec un nouveau film: une comédie romantique teintée d’un soupçon de fantastique. Après le succés publique et critique de son dernier film, elle était attendue au tournant et Main Dans La Main confirme tout le bien qu’on pensait d’elle.
Le film est clairement divisé en deux parties. La première, avec la rencontre des deux personnages principaux et le « sort » dont ils sont victimes, donne dans la comédie loufoque, joyeuse et discrètement burlesque. Tout içi ravit le spectateur et le fait rire: les personnages décalés (le ministre amoureux, la soeur de Jojo amatrice de concours de danses populaires), les situations (un « accident » de danse trés drôle) et tous les quiproquos et autres problèmes qu’engendrent la situation des deux personnages (la poursuite avec le ministre, les arrêts aux petits coins, l’interrogatoire au commissariat). Le ton est original et léger. Bref, on rit beaucoup.
La deuxième partie est plus axée sur l’émotion. Car Valérie Donzelli traite, avec ce film, des relations fusionnelles dans un couple, mais aussi dans l’amitié ou les relations frère/soeur. Des thèmes comme l’attachement à une personne, la peur de s’engager ou de perdre l’autre sont aussi abordés. Mais Donzelli le fait sans discours didactique, ni leçon de morale. Tout est fait avec subtilité et légèreté. Sauf qu’elle fait basculer une situation de pure comédie dans un final plus dramatique et émouvant. Bref, après le rire, les larmes. Et on ressort de la salle enchanté et ému.
Alors, c’est vrai que cette dichotomie amène une perte de rythme dans la deuxième partie, ce qui était déjà le (petit) problème de La Guerre Est Déclarée (avec la partie à l’hôpital, un peu moins intéressante que le reste). D’où un léger ennui entre les deux parties mais l’émotion et la subtilité d’écriture de Donzelli font largement passer la pilule. Côté réalisation, c’est un quasi sans-faute (on a jamais aussi bien filmé un personnage se déplaçant en skateboard) qui abrite de jolis moments (la première rencontre entre Hélène et Jojo). Même si on peut relever un abus d’images tournées en Super 8 et qui sonne comme une coquetterie esthétique et inutile.
Quant aux acteurs, ils sont magnifiques. Le couple vedette, Valérie Lemercier et Jérémie Elkaïm, est prodigieux. Tour à tour drôles et touchants, ils donnent le meilleur d’eux-mêmes. Elkaïm a d’ailleurs reçu le Prix d’Interprétation Masculine à la dernière Mostra de Venise.
Main Dans La Main est une comédie sentimentale fraîche et originale qui nous change de toutes ces comédies téléfilmesques françaises, formatées et dénuées de saveur; ça fait du bien! Note: 14/20
Main Dans La Main de Valérie Donzelli, avec Valérie Lemercier, Jérémie Elkaïm et Valérie Donzelli, en salles depuis le 19 décembre.
LE HOBBIT:UN VOYAGE INNATENDU-Mimic
Il était une fois un Hobbit, nommé Bilbon Sacquet (excellent Martin « Watson » Freeman), qui vivait dans un trou confortable, et qui semblait satisfait de sa petite vie paisible. Jusqu’à ce que un magicien, Gandalf Le Gris (Ian McKellen), et treize nains barbus viennent chez lui et lui parlent d’un trésor, d’un dragon et d’un royaume à reconquérir. Le Hobbit décide de les suivre. Sur son chemin, il rencontrera des Elfes, des Trolls, des Orcs, des Gobelins et une étrange créature à qui il volera un anneau, un anneau qui entraînera, une soixantaine d’années plus tard, son propre neveu dans une autre grande aventure…
A moins d’avoir passé les dix dernières années à hiberner dans un trou de Hobbit, vous devez normalement savoir que Le Hobbit est la préquelle du Seigneur Des Anneaux. Pour autant, si vous n’avez pas vu la trilogie du Seigneur, vous pouvez, sans problèmes, aller voir ce film,vous ne serez pas largués! Ajoutons que cette série de films est adapté des romans de J.R.R Tolkien et je crois que les présentations seront achevées!
Cette préquelle marque donc le retour du cinéaste néo-zélandais Peter Jackson en Terre du Milieu, dix ans après Le Seigneur Des Anneaux. Autant le dire, il y avait de quoi être un peu sceptique devant ce Hobbit. En effet, malgré l’éclatante réussite de la trilogie originelle, Jackson ne partait pas forcemment gagnant. D’une part parce qu’il a décidé de le réaliser lui-même, alors que toute la préproduction était terminée, quelques semaines seulement avant le début du tournage. Cela aurait pu être un léger handicap. Mais heureusement, Jackson est aussi producteur et coscénariste, il a donc eu tout le loisir de participer à la préparation du film. Et puis c’est le réalisateur de la première trilogie, merde!
L’autre écueil était d’ordre narratif. D’abord envisagé comme un film en deux parties, Le Hobbit est devenu une trilogie! Quand on voit que le roman est assez court, on se dit que Jackson est devenu fou, que le projet sent l’opération commerciale à plein nez et qu’on risque de s’emmerder, surtout devant la première partie! Et bien, non, non, trois fois non! Car Jackson et ses coscénaristes Fran Walsh et Philippa Boyens ont décidé d’adjoindre à l’histoire originale, une sous-intrigue d’un autre livre de Tolkien, le Silmarrillon. Le résultat est trés naturel et trés fluide sur le plan de la narration. L’histoire est prenante à souhait, les personnages sont trés attachants, le récit est ample et complexe. Donc ça fonctionne du tonnerre!
Et la réalisation de Jackson? Toujours aussi impressionante et virtuose, mes amis! C’est bien simple, on retrouve intacts le style et la maestria visuelle du Seigneur Des Anneaux. On est émerveillé du début à la fin. C’est un enchantement de tous les instants. Le Hobbit est un rêve de cinéma d’heroic fantasy. Jackson est l’homme qui convoque les fantômes de Lean, Kurosawa ou Ford dans sa réalisation. Son talent est içi confirmé! C’est bien simple, mais à côté, et aussi sympathiques soient-ils, Joss Whedon et Chris Nolan font un peu pâle figure. Ce film célèbre donc le retour du roi Jackson. Tour à tour épique, émouvant, drôle, le film en remonte aux autres blockbusters.
De leur côté, les magiciens de Weta Digital ont encore accompli des prouesses au niveau des effets spéciaux. L’immersion en Terre du Milieu est totale. Ce film est le parfait exemple d’une technologie mise au service de l’histoire. Une histoire bien troussée, subtilement élaborée (histoire des nains et du dragon+histoire du Nécromancien). De plus, les éléments futurs du Seigneur Des Anneaux se mettent doucement en place. Les personnages ne sont pas sacrifiés sur l’autel du spectaculaire (les nains sont irrésistibles). The Hobbit prouve donc qu’une bonne histoire et des personnages solides sont les éléments de base pour un film et que les effets spéciaux sont là pour soutenir cette histoire.
Mais Le Hobbit laisse une drôle d’impression. On retrouve à 100% le style de Peter Jackson. Néanmoins, quelque chose a changé. Les couleurs sont plus chaudes. L’aspect fantasy a quelque chose de plus primaire et parfois rabelaisien. Comme si le film avait subi l’influence d’un autre cinéaste. Et c’est le cas! Car à l’origine, c’est Guillermo Del Toro (Hellboy 1 et 2, Le Labyrinthe De Pan) qui devait le réaliser. Il avait participé à toute la préproduction jusqu’à ce qu’un désaccord artistique entre lui et Jackson le fasse quitter le film. L’ombre du réalisateur mexicain (crédité comme coscénariste au générique) plane sur le long-métrage et notamment sur sa direction artistique. Un personnage comme le Roi des Gobelins est une figure typique de son cinéma. L’antagonisme entre Thorin et Avok rappelle les oppositions héros/nemesis de Blade 2 et Hellboy 2. Et nul doute que le personnage de Radagast le Brun lui doit beaucoup. En poussant le bouchon, on pourrait presque dire que Le Hobbit est un film de Guillermo Del Toro réalisé par Peter Jackson! Mais la personnalité de Jackson se retrouve quand même. En tout cas, vivement le prochain film de Del Toro car il nous manque!
Je ne mets pas de note; je mettrai une note finale à la fin du troisième volet.
Le Hobbit-Un Voyage Innatendu, réalisé par Peter Jackson, avec Martin Freeman et Ian McKellen, en salles depuis le 12 décembre.
N.B: la deuxième partie, La Désolation De Smaug, sortira en décembre 2013. Quant à la troisième, Histoire D’Un Aller-Retour, ça sera en juillet 2014. Patience!
THERESE DESQUEYROUX-Le miroir se brisa
Dans le sud de la France, en 1928, Thérèse (Audrey Tautou) épouse Bernard Desqueyroux (Gilles Lellouche). Il s’agit d’un mariage arrangé pour agrandir les terres de leurs deux familles, des terres qui renferment des grandes plantations de pins. Mais Thérèse, à priori insatisfaite, va commettre l’irréparable…
Ce film est le dernier réalisé par Claude Miller (Garde à Vue, Mortelle Randonnée, Un Secret, etc), juste avant qu’il ne soit terrassé par le cancer contre lequel il luttait. On n’aurait pu craindre que, étant malade sur le tournage, le film ne soit d’une qualité inférieure à ses précédentes oeuvres. Il n’en est rien. Non seulement Thérèse Desqueyroux est un grand film mais c’est aussi l’un des meilleurs de son réalisateur. Une véritable élégie funèbre qui sonne comme le testament de Claude Miller.
Car ce film lui permet d’aborder des thèmes forts et riches: le poids des conventions et de la famille, l’émancipation des femmes, le droit de choisir sa vie,… Mais c’est aussi un film qui regarde la mort en face, comme pour la narguer, et qui montre que la vie est plus forte (cele se voit surtout dans l’acte final). Pied de nez évident d’un homme (Miller) qui refuse d’abdiquer devant la mort et qui continue son film, avec talent. Sur ce plan-là, Miller a largement gagné son combat contre la maladie.
La réalisation de Miller, en apparence classique, s’avère être à son zénith. Chaque plan, chaque petit mouvement de caméra trahit quelque chose sur le ressenti des personnages que Miller observe. Le film en devient fascinant. Miller nous livre un suspens domestique de haute volée, quelque part entre Hitchcock (on pense à Soupçons) et Wilkie Collins (pour l’aspect social). Si le film n’était pas adapté de François Mauriac, on se serait cru chez l’écrivain anglais. D’autant qu’à cette tension psychologique, Miller appose une critique sociale aiguë, véritable attaque contre le conservatisme en général. Les acteurs sont au diapason, en paticulier le couple vedette. Gilles Lellouche est fantastique, mélange de préjugés bourgeois insupportables et d’une tendresse pour sa femme qu’il essaie de masquer. Quant à Audrey Tautou, elle trouve là le rôle de sa vie. C’est une prestation remarquable à laquelle elle se livre. Tour à tour émouvante, glaçante, effrayante. Impossible d’oublier son visage après la projection. Impossible d’oublier Thérèse Desqueyroux.
Un personnage insaisissable que cette Thérèse. Car qui est-elle vraiment? Même elle, ne le sait pas vraiment. Elle avouera, à un moment, ne pas ressentir son existence individuelle. Claude Miller la filme souvent se regardant dans une glace ou dans une vitre. Thérèse ne comprend pas son reflet et l’image qu’il lui renvoie. D’ailleurs le film s’ouvre sur un reflet dans une glace. Comme pour montrer que ce que nous percevons de Thérèse est une illusion. Est-elle jalouse du bonheur de sa meilleure amie (la lumineuse Anaïs Desmoustiers)? Est-elle amoureuse d’elle? Que ressens-t-elle face à son enfant? Pourquoi passe-t-elle de l’indifférence à l’émotion la plus à fleur de peau? Haït-elle son mari ou ce qu’il représente? Thérèse restera un mystère jusqu’à la fin. Mais elle finira par avouer à son mari qu’elle ne voulait pas jouer un rôle. En fait, Thérèse voulait rester cette enfant rieuse qu’elle était au début du film. Mais elle semble étouffer dans le milieu où elle vit. Sauf que Thérèse ne sait pas ce qu’elle veut exactement et c’est son mari, l’être à priori, le plus éloigné d’elle, qui lui donnera sa liberté et la réponse à cette question. Mais son chemin de croix sera douloureux. Elle passera même par une mort symbolique (sociale et physique) pour pouvoir survivre. Car étrangère à sa propre vie, Thérèse ira même jusqu’à la nier en se laissant dépérir.
Thérèse Desqueyroux est un film profond, grave, le requiem d’une âme en peine mais qui s’achève sur le sourire d’une femme qui s’est (enfin?) trouvée. Et Claude Miller, pour sa dernière scène de cinéma, de nous montrer un visage épanoui comme pour exorciser sa mort prochaine. Note: 20/20
Thérèse Desqueyroux de Claude Miller avec Audrey Tautou, Gilles Lellouche, Anaïs Desmoustiers, Catherine Arditi et Francis Perrin, en salles depuis le 21 novembre.
ARGO-Not?
En 1979, un soulèvement populaire et d’inspiration islamiste chasse le Shah d’Iran et installe Komeyni au pouvoir. Le Shah trouve refuge aux Etats-Unis, pays qui l’a mis en place au pouvoir. Le peuple iranien réclame son extradition pour qu’il soit jugé en Iran pour les tortures et les assassinats commis par sa police secrète. L’ambassade des Etats-Unis à Téhéran est prise d’assault et ses employés pris en otages. Seuls six d’entre eux arrivent à s’enfuir et se réfugient chez l’ambassadeur du Canada. Ce film est le récit de leur exfiltration d’Iran par l’agent de la C.I.A Tony Mendez (Ben Affleck), qui va les faire passer pour une équipe de tournage d’un film de SF, Argo, en repérage en Iran. Ceci est une histoire vraie, rendue publique en 1997 par l’administration Clinton.
Argo est le troisième film réalisé par Ben Affleck, après les sympathiques mais inaboutis Gone, Baby, Gone (2007) et The Town (2010). Avec une histoire comme celle d’Argo, il était attendu au tournant. Et le résultat est assez curieux. Le film n’est pas mauvais, loin de là, mais il ne brille pas non plus par une qualité folle. Entendons-nous bien. Le film est bien réalisé. Ben Affleck a fait d’énormes progrés côté réalisation et a abandonné certains tics télévisuels présents sur ces deux précédents longs. De plus, sa mise en scène est lisible, ce qui est un bon point car sur ce genre de sujet basé sur des faits réels, la plupart des réalisateurs abusent de la caméra portée et du montage ultra-serré pour faire plus « réaliste ». Rendons justice à Affleck sur ce point.
Affleck arrive à donner du suspens à son film, d’une façon assez talentueuse. Des scènes comme la prise de l’ambassade, la visite au bazar ou la fuite finale sont remplis d’une tension palpable et qui ne lache pas le spectateur, même si celui-ci connait la fin (un peu comme dans le Walkyrie de Bryan Singer). Il aére son récit avec des touches d’humour salvatrices et trés réussies comme le parcours hollywoodien de Mendez pour monter son faux-film. Saluons les prestations drôles et malicieuse de Allan Arkin et John Goodman, à cette occasion.
Le regard de Ben Affleck sur ses personnages est bienveillant et plein d’humanité. Sa direction d’acteurs est irréprochable et il parvient, avec un certain brio, à rendre au plus près le quotidien des six « invités » en nous montrant leurs doutes et leurs peurs. Leurs interprètes sont formidables. Et Affleck se révéle juste et compatissant en montrant, à la fin du film, la servante iranienne qui s’en sort. Cela peut paraître cliché mais dans la plupart des films hollywoodiens, ce genre de personnages est trop souvent sacrifié.
Mais c’est là que le bât blesse, dans la volonté de Ben Affleck de trop bien faire. Le film est assez lisse et pas trop polémique pour un sou (l’implication de la CIA dans la dictature du Shah est juste évoquée dans des dialogues redondants). Affleck, à trop vouloir faire un film qui ne prend pas parti et rassembleur, oublie de faire un grand film engagé. C’est dommage, car on sent à deux ou trois reprises qu’il a failli le faire. On est donc loin des Hommes Du Président ou des grands films engagés des années 70. Son film manque de personnalité et de la vision d’un grand cinéaste. Pour autant, le film est loin d’être désagréable et se laisse suivre sans ennui. Et la dernière image, celle d’un père qui retrouve son fils, est assez poignante. Leurs retrouvailles au milieu de jouets Star Wars est assez pertinente et renvoie au faux-film Argo. Note: 12/20
Argo de et avec Ben Affleck, en salles depuis le 07 novembre.
LA TRILOGIE DE LA BRUME(à propos du Prince de la Brume, du Palais de Minuit et des Lumières de Septembre)-la grande ombre
Carlos Ruiz Zàfon est un auteur espagnol, né à Barcelone en 1964. Il est mondialement connu pour son roman L’Ombre du Vent, véritable best-seller qui a conquis le coeur de nombreux lecteurs. Au passage, si vous ne l’avez jamais lu, faites-le car ne vous n’avez rien lu si vous n’avez pas lu cette splendeur, un livre que chacun devrait posséder dans sa bibliothèque. Entre 1993 et 1995, Zàfon a publié trois livres pour la jeunesse, qui forment une sorte de trilogie: Le Prince De La Brume, Le Palais De Minuit et Les Lumieres De Septembre. Malheureusement, suite à des querelles juridiques, ces livres ont été traduits et vendus dans le monde seulement l’année dernière! Il était temps pour les fans de Zàfon de découvrir ses trois premiers romans, car ce sont vraiment les trois premiers qu’il a écrits.
1943, Angleterre, Max et sa famille, fuyant les bombardements londoniens, s’installent dans une petite ville côtière. Mais leur nouvelle maison semble dissimuler un secret et un terrifiant fantôme va bientôt se manifester. (Le Prince De La Brume)
1932, Calcutta, Inde, Ben est un orphelin de 16 ans qu’une terrible puissance menace. Ben va partir à la recherche de son passé, aidé de ses amis et de Sheree, une jeune fille avec qui il partage, sans le savoir, beaucoup de choses. (Le Palais De Minuit)
1937, France, fuyant la misère parisienne, Dorian et sa soeur Irene suivent leur mère Simone, en Normandie, sur la côte. Cette dernière, veuve depuis un an, vient de trouver un emploi: gouvernante chez un frabiquant de jouets, Lazarus Jann. Cet homme vit reclus, au milieu de ses jouets et de ses automates, dans la demeure de Cravenmoore. Mais une terrible malédiction le poursuit et bientôt, une ombre menaçante va passer à l’attaque. (Les Lumières De Septembre)
Ces trois romans ont été écrits pour de jeunes adolescents. Il n’est pas étonnant, dès lors, que les héros de ces trois histoires soient de jeunes adolescents et que les histoires aient valeur de rites initiatiques. Les héros sont plein d’énergie, ont un sens profond de l’amitié et certains tombent amoureux pour la première fois. Devant le danger qui les menace, ils font face avec courage. L’empathie fonctionne à plein, du côté du lecteur, et Zàfon nous renvoie, avec malice, à nos rêves de gosses quand nous voulions partir à l’aventure. Ces romans sont donc traversés d’une folle énergie juvénile. Mais c’est oublier que Zàfon est un écrivain de tradition gothique et qu’il va nous happer dans un déluge d’aventures et de romantisme, auquel on ne peut résister.
Tout le talent de Zàfon, qui éclatera dans L’Ombre Du Vent, est déjà présent dans ses trois premiers romans. C’est à la naissance d’un écrivain, d’un style et d’un univers, à laquelle nous assistons. Au niveau stylistique, tout est parfait. Que ce soit dans les descriptions, les dialogues ou l’évocation des sentiments des personnages: aucune fausse note. Zàfon est un magicien, un narrateur hors-pair. Chaque mot, chaque phrase sonne juste et donne l’envie de continuer. Zàfon aime écrire et raconter des histoires. C’est indéniable. On a envie de tourner la page. On a envie de rester dans son univers. Impossible de s’arrêter!
Car les trois histoires qu’il nous propose içi sont fascinantes et évoquent les terreurs enfantines les plus sombres. Les décors sont incroyables: maison où vivent d’étranges automates, gare désaffectée et hantée par le souvenir d’un gigantesque incendie, épave maritime renfermant une sinistre présence, etc. Zàfon joue avec les clichés gothiques (orage, pluie, tempête) pour créer une ambiance hallucinante. Les thèmes abordés abondent dans ce sens: fantômes, doppelgänger, malédictions, pacte diabolique, etc. Zàfon terrifie le lecteur avec aisance. On sursaute et on s’inquiète souvent. On se croirait autour d’un feu, écoutant une histoire horrifique. Les images que fait naître Zàfon sont inquiétantes à plus d’un titre: une étrange clairière peuplée de statues menaçantes, un train fantôme où résonne les cris d’enfants carbonisés, un ange de métal trés dangereux, un chat au regard assassin,.. La peur s’installe et ne lache pas le lecteur. Ces trois romans ne se suivent pas vraiment et ne racontent pas une histoire en trois parties. Mais on devine une ombre qui agit en coulisses et qui oeuvre pour détruire et corrompre l’humanité. On n’en saura pas plus mais la présence diabolique plane au-dessus de ces trois histoires. Elle promet la jeunesse éternelle et le succés mais elle ment. A un moment, on pense à des contes comme Rumpeltiskin, quand elle exige un enfant comme paiement de la dette. On rejoint encore l’univers du conte.
Mais tout cela ne serait rien sans l’émotion. Non seulement on tremble pour les héros mais on est ému par leur sort. Ces orphelins ou enfants solitaires, menacés et qui luttent pour leur survie, sont terriblement attachants. En plus, tout cela est écrit dans un style romantique et lyrique qui décuple les sentiments. Et dire que ce ne sont que des romans pour la jeunesse! Alors, récits initiatiques, héros adolescents, romantisme, malédictions, menaces surnaturelles, décors gothiques, style narratif efficace, plaisir de (ra)conter: mon dieu, on a trouvé le successeur de Robert Louis Stevenson! Note (moyenne): 16/20
Le Prince De La Brume, Le Palais De Minuit, Les Lumières De Septembre, éditions Robert Laffont (2011/2012)
FRANKENWEENIE-Sparky returns
Victor est un garçon solitaire, aimant les sciences, les films fantastiques et son chien Sparky. Ce dernier est son meilleur ami. Quant il meurt, renversé par une voiture, Victor est désespéré. Mais il va trouver un moyen de ramener Sparky d’entre les morts…
Les fans de Tim Burton auront reconnu içi le résumé de son court-métrage Frankenweenie (1984). A l’époque, Burton avait proposé à Disney, firme dans laquelle il travaillait, de faire de cet argument narratif un long-métrage d’animation en stop-motion. Le studio refusa, critiquant la forme (peu rentable) et le fond (trop sombre). Mais il allouera un petit budget à Burton pour que ce dernier puisse en réaliser un court-métrage live. Effrayé par la soi-disante noirceur du film, Disney en annulera la programmation en salles, juste avant la reprise de son Pinocchio. Invisible pendant une décennie, Frankenweenie reste la plus grande frustration de Burton. Celui-ci mettra deux décennies pour en récupérer les droits, toujours détenus par Disney. Il accepte de réaliser Alice Au Pays Des Merveilles (2010) pour le studio, à condition que ce dernier lui laisse réaliser un nouveau Frankenweenie en stop-motion. Le studio est d’accord. Et comme Alice est un carton au box-office, il laisse Burton libre sur Frankenweenie. Et Tim Burton de pouvoir, après 25 ans, enfin réaliser son rêve!
Et c’est bien de rêves dont il s’agit. De rêves d’enfant, plus precisemment. Il y a le rêve d’un gosse qui n’accepte pas la mort de son fidèle compagnon et qui veut le voir revenir. Et le rêve d’un autre enfant qui veut voir des monstres semer la panique dans une banlieue américaine bien proprette. Cet enfant-là c’est Tim Burton. Ou plutôt le jeune Tim Burton. Ce deuxième Frankenweenie lui donne l’occasion de réaliser un fantasme de gamin. Ce film est certainement (avec Edward Aux Mains D’Argent) son film le plus autobiographique. Car Victor, c’est lui. L’enfance de Victor, c’est la sienne. Le quotidien de Victor a été le sien, à une époque. D’où la fraicheur et la sincérité du film, bien loin des compromis et du calcul de Alice. Frankenweenie est un film trés émouvant, qui touche directement le spectateur en plein coeur. Et qui ressemble à Tim Burton.
La dernière partie du film n’est autre que le film de monstres dont il rêvait enfant. Le film débute d’ailleurs sur le film amateur (un film de monstres) de Victor avec Sparky. Ce rêve de petit garçon devient donc réalité par la suite. Et c’est ce que souhaite Burton (et il n’est pas le seul!): ne pas laisser les rêves mourir et tout faire pour les réaliser. Burton nous propose la vision d’un monde où la mort n’est pas une fin, où on peut faire revenir les disparus et où tout peut se réaliser. Et surtout, il ne faut jamais faire une compromission à un quelconque « esprit » adulte. Il est remarquable de constater que dès que Victor fait un tel compromis pour faire plaisir à son père, il scelle, sans le vouloir, le sort de Sparky et par là-même la fin de ses rêves enfantins. Mais père et fils se rejoindront à la fin. Et le père, l’esprit adulte, comprendra que les rêves de l’enfance sont plus importants parfois que le conformisme adulte. Burton parle trés certainement de sa relation avec son propre père. Mais ausssi des compromis qu’il a fait dans sa carrière et qui ne lui ont pas donné satisfaction.
Au passage, Tim Burton accumule les citations d’oeuvres qu’il admire et qui ont forgé son imaginaire, quand il était enfant: le nom de famille de Victor est Frankenstein, l’un des adolescents a la même démarche que Boris Karloff dans ce rôle, une tortue se prénomme Shelley (référence à Mary Shelley), Sparky est recousu comme la créature de Frankenstein, la petite chienne de la voisine arbore le look de la fiancée de Frankenstein. Autre référence aux Universal Monsters : La Momie. Dracula est cité aussi. La ville est dominée par un vieux moulin, cliché récurrent du cinéma gothique. Burton rend aussi hommage au kaiju-eiga (film de monstre japonais). Ces références-là sont plutôt classiques chez Burton. Plus surprenant: un clin d’oeil à Joe Dante (via Gremlins) et à…Steven Spielberg (et un plan qui renvoit directement à Jurassic Park), deux cinéastes qui ont, eux aussi, célèbré le triomphe des rêves d’enfant sur grand écran. Mais Burton cite aussi ses propres oeuvres: le personnage de Elsa Van Helsing, la voisine de Victor qui ressemble à Lydia de Beeteljuice (et doublée par la même actrice: Winona Ryder), le professeur de sciences qui est le portrait craché de Vincent Price (le créateur de Edward Aux Mains d’Argent). Ce dernier est doublé par Martin Landau, qui reprend son accent hongrois de Ed Wood, comme s’il doublait Bela Lugosi dans Dracula! Christopher Lee (autre célèbre interprète de Dracula) fait une apparition mais très surprenante (et qui montre que, parfois, les adultes restent des enfants qui aiment frissonner en cachette).
La réalisation de Tim Burton est plus inspirée que jamais (l’attaque de la fête foraine est un grand moment), le noir et blanc est magnifique et l’animation image par image est superbe. Il n’y a pas que Pixar dans la vie! Le film a des pointes d’humour noir bienvenues et on retrouve, avec plaisir, le Burton malicieux de Beeteljuice ou Mars Attacks! Il y a aussi des scènes qui font assez peur, par moments. Mais Frankenweenie est surtout trés émouvant. Difficile de ne pas mouiller ses yeux à la fin. Et le film se conclut sur un baiser final assez drôle! Note: 20/20
Frankenweenie de Tim Burton, en salles depuis le 31 octobre.
SKYFALL-La chute de l’ange
50 ans que James Bond arpente le grand écran et vit des aventures incroyables. 50 ans que l’espion préféré de Sa Majesté séduit les plus belles filles de la terre et sauve le monde des vilains terroristes. 50 ans qu’il opère sous différents visages: Sean Connery, George Lazenby, Roger Moore, Timothy Dalton, Pierce Brosnan et Daniel Craig. On aurait pu croire que le public se lasserait de lui mais non, James est toujours présent dans son coeur et les films marchent toujours trés bien au box-office. La preuve avec le petit dernier, Skyfall, qui vient de récolter 77 millions de dollars de recettes dans le monde en moins de 5 jours. Et ce n’est qu’un début, le film sortant aux Etats-Unis le 9 novembre prochain. En France, 1 million de spectateurs s’est pressé pour le voir sur ses trois premiers jours d’exploitation. Mais penchons-nous, justement sur le petit dernier de James Bond.
Lors d’une mission visant à récupérer un disque contenant les identités réelles des agents du MI6 infiltrés dans divers cellules terroristes, James Bond (Daniel Craig) est laissé pour mort. A Londres, sa supérieure, M (Judi Dench), doit faire face aux attaques politiciennes suite à l’échec de cette mission. Mais le danger se rapproche d’elle et James Bond sort de sa retraite pour venir à la rescousse…
Casino Royale avait relancé, en 2006, brillamment la saga Bond après l’essouflement des deux derniers films avec Pierce Brosnan. Les producteurs avaient décidé de revenir aux sources, en adaptant le premier roman écrit par Ian Fleming. Malheureusement, et malgré l’interprétation de Daniel Craig, la suite directe, Quantum Of Solace, s’est avéré un véritable désastre. Par sur le plan financier (le film a cartonné) mais sur le plan artistique. Rien à sauver (ou presque) dans ce film qui a déclenché la colère de nombreux fans. Skyfall se devait de laver l’affront.
Et…c’est chose faite! On pouvait craindre que l’arrivée sur ce projet d’un réalisateur comme Sam Mendes (American Beauty, Les Noces Rebelles) peu rompu aux films d’action ou d’espionnage, serait un handicap (il n’y a qu’à voir le travail ignoble de Marc « Neverland » Forster sur Quantun Of Solace pour s’en convaincre). Et force est de reconnaître que Mendes s’en sort haut la main. Niveau scènes d’action, Mendes fait preuve d’un savoir-faire indéniable et d’une certaine efficacité. Sans toutefois jouer la carte de la surenchère, il s’impose, avec aisance, sur ce terrain. Le prologue est l’un des meilleurs de la saga et propose une savoureuse poursuite en moto et en train. Une autre scène de poursuite, cette fois dans le métro londonien, retient aussi l’attention et s’avère palpitante à suivre mais elle tient plus du cache-cache entre Bond et son adversaire.
Sam Mendes donne une tonalité trés british et trés européenne à son film. Un film toujours élégant, aux images léchées. Certains moments sont trés beaux sur le plan visuel: au sommet d’un gratte-ciel et juste éclairé par des enseignes publicitaires lumineuses, les scènes dans un casino de Macao, ou cette incroyable ville-fantôme dépeuplée et où se cache le grand méchant du film. Trés surréaliste, on se croirait dans Chapeau Melon Et Bottes De Cuir! Bref, le film a une vraie identité visuelle jusqu’à ce final westernien en diable et assez inédit chez James Bond! Il s’y développe une tension et une ambiance incroyables et qui le rapprochent du cinéma de genre des années 70. Tout finit entre une poignée de personnages. Car Skyfall est un James Bond…trés intimiste!
L’histoire est certes trés classique (trop par moments) mais elle donne une nouveau souffle à la saga en s’intéressant aux personnages et à leurs relations. Les relations M/Bond sont à revoir sous l’angle mère/fils, avec le retour du fils diabolique, Silva (le monstrueux et onctueux Javier Bardem, décidemment trés étonnant!), véritable figure de l’ange déchu cherchant vengeance. La progéniture de M est effrayante et vient de l’ombre (tout comme Bond, d’ailleurs). Une ombre qui est synonyme d’enfer. Skyfall est trés religieux sur le plan thématique (voir le final, dans un lieu sacré et baigné des flammes de l’enfer). Quant à Bond, on en apprend plus sur lui et son passé. Car lui aussi vient de l’enfer. Mais parfois, nous avons besoin d’un chevalier noir…
Le film est aussi trés léger avec de petits moments d’humour trés réussis: le personnage de Q (Ben Wishaw, so british!) et…le retour d’un accessoire culte de Bond, musique à l’appui. Bref, et malgré une baisse de rythme dans l’acte central, Skyfall est un excellent James Bond, peut-être le meilleur depuis Demain Ne Meurt Jamais (1997). Quant à la toute fin, les fans seront aux anges… Note: 15/20
Skyfall de Sam Mendes, avec Daniel Craig, Javier Bardem, Ralph Fiennes, Naomie Harris, Ben Wishaw, Albert Finney et Judi Dench, en salles depuis le 26 octobre.
James Bond will return…
Actu DTV: THE HOLE (2009)-Notre ami Joe
Ainsi donc, le dernier long-métrage de Joe Dante débarque directement en DVD, trois ans après sa réalisation. Une injustice évidente tant ce film, même s’il n’est pas le meilleur de son auteur, déborde de qualités et s’avère être une trés bonne série B fantastique…à destination du jeune public. The Hole aurait mérité d’être vu sur grand écran. C’est le prototype même du film familial, certes assez effrayant par moments, mais fédérateur sur le public visé.
Le sentiment d’injustice est encore plus fort quand on sait que le film n’est même pas sorti en salles aux Etats-Unis. Trois ans qu’il prend la poussière vu qu’aucun distributeur n’a pris le « risque » de le sortir. A cause d’effets 3D* qui auraient rebuté le public. C’était quelques mois avant la sortie et le succés d’Avatar, succés qui allait précipiter l’ère du blockbuster en 3D. Tragique ironie. Joe Dante a essuyé les plâtres pour le reste de la profession. L’autre excuse avancée etait que les films fantastiques mettant en scène des enfants n’étaient plus rentables (hormis Harry Potter, du moins au début de la saga). En 2011, J.J Abrams a démontré de façon éclatante le contraire avec Super 8. Décidemment, Joe Dante est maudit sur ce coup-là. Lui qui a donné à la Warner l’un de ses plus gros hits, en 1984, avec Gremlins. Lui qui a réalisé des films cultes comme Piranhas, Hurlements, Explorers, L’Aventure Intérieure, Les Banlieusards, Gremlins 2, jusqu’à son chef d’oeuvre de 1993, le magnifique Panic sur Florida Beach. Ce réalisateur-là fut banni des grands studios suite à l’échec cuisant des Looney Tunes Passent A L’Action, en 2003. Six ans sans réaliser de long-métrage et à se cantonner à la TV (quelques épisodes de Masters Of Horror, Les Experts, Hawaï Police D’Etat 2.0,…). Et puis voilà The Hole, un film que personne ne verra en salles et qui sort tardivement en DVD, trois ans après. Il est temps de rendre justice à Joe Dante et à ce film!
Dane et son petit frère Lucas emménagent dans une maison de la petite ville de Bensonville, avec leur mère. Tous les trois semblent fuir quelque chose. Si Lucas semble apprécier sa nouvelle maison, ce n’est pas le cas de Dane qui se montre assez hostile. C’est alors que les deux frangins découvrent une trappe cadenassée sur le sol de leur cave. Ils l’ouvrent et y découvrent un trou qui semble sans fin. Aidés de leur nouvelle (et mignonne) voisine, dont le charme trouble Dane, ils font diverses expériences pour sonder le trou. Mais la nuit venue, quelque chose va en sortir…
Ce qui frappe d’entrée dans The Hole, c’est que l’on y retrouve intact le ton habituel du cinéaste: une vision doucement ironique et mélancolique des choses couplée à un sens du frisson et de l’humour noir toujours aussi efficace. Cela fera plaisir à tous ses fans de constater que le style Joe Dante est toujours là! En y regardant de plus prés, le traitement apporté aux jeunes personnages de l’histoire est remarquable et renvoie directement aux deux frères de Panic Sur Florida Beach. Il est rare dans un film américain où les héros sont des enfants que ceux-ci soient traités d’une façon intelligente et sensible. C’est le cas içi (autre exception: Super 8). Nos trois héros sont des enfants mais aussi des êtres drôles, émouvants et victimes de frayeurs et de traumas personnels. Ce sont des gosses mais Dante les traite comme des adultes. C’est déjà un bon point d’autant que les jeunes acteurs sont formidables (bien épaulée par la lumineuse Teri Polo, qui joue la mère de Dane et Lucas).
Mais The Hole est avant tout un film d’effroi pour le jeune public. Et de ce point de vue, le film fait peur et est souvent inquiétant, voire sombre. Chacun de nos trois amis devra affronter ses peurs les plus intimes. Dante dépeint et explore les peurs de l’enfance avec accuité et efficacité. Pour Lucas (le plus jeune, donc le plus « petit »), il s’agira de se confronter à sa peur des clowns. Basique mais efficace. Pour ses deux ainés, le danger est plus original. La jeune fille verra ressurgir une peur liée à sa culpabilité portant sur un évènement traumatique de son enfance (et qui permet à Dante de livrer une séquence magnifique dans un parc d’attractions à l’abandon). Quant à Dane, c’est l’ombre de la violence domestique qui le pourchassera (ce qui nous vaut une référence trés pertinente au film La Nuit Du Chasseur). Comme on le voit, des thèmes adultes! Et les scènes de frisson sont parfaitement éxécutées: l’attaque du clown, l’attaque dans la piscine, la fin dans un monde parrallèle inquiétant (où plane l’amour de Joe Dante pour l’univers du cartoon). Le film fait souvent peur et rappelle que Joe Dante a débuté dans l’horreur. Avec son savoir-faire et sa foi dans le cinéma, Dante réussit à nous inquiéter. Magique!
Les fans du réalisateur verront plein de références (inconscientes selon lui) à ces films antérieurs: Gremlins, Piranhas, son segment pour le film La Quatrième Dimension et même…Hurlements (avec un personnage ayant un look similaire à celui de…)! Alors bien sûr, c’est un petit budget (mais les SFX sont trés réussis) et cela se voit parfois (peu de figurants, un seul plan d’ensemble de la ville). Il y aussi des aspects de l’histoire qui sont laissés de côté (comme le personnage de Bruce Dern). Mais qu’importe! The Hole remplit son contrat haut la main sur une trés courte durée (88 minutes) et on espère retrouver Joe Dante prochainement! Note: 14/20
The Hole de Joe Dante, dispo en DVD et BLU-RAY chez Seven 7. Une édition réussie sur le plan technique mais dépourvue de bonus. Pas de commentaires audios, de scènes coupées ou de making-of. Honteux!
* Le film a été tourné directement en 3D. Malheureusement, avec cette édition, dur de s’en rendre compte. Dommage….
GOD BLESS AMERICA-Frank et Roxy s’en vont en guerre
Frank, un petit employé de bureau, apprend le même jour qu’il est licencié et qu’il est atteint d’une tumeur au cerveau qui lui laisse peu de temps à vivre. Il est divorcé, sa fille est une petite peste capricieuse qui ne veut plus le voir. Seul, au bout du rouleau, Frank rumine devant sa télé. Et ce qu’il y voie le dégoute: télé-réalité, talk shows,… Frank est en colère. Il décide d’aller tuer une vedette de la télé-réalité. C’est le début d’une cavale meurtrière à travers les States, où il est rejoint par une lycéenne paumée, Roxy. Ensemble, ils décident de débarrasser leur pays des gens méchants et stupides.
Voilà un petit film indépendant américain d’une méchanceté et d’une corrosivité absolument jouissive. Il est du au comique Bobcat Goldthwait. Et ce dernier ne recule devant rien. Son film n’est pas une satire morale politiquement correcte. God Bless America n’est pas un film tiède. C’est un film frondeur et rageur qui ne recule devant rien. Vous n’aimez pas les stars vulgaires de la télé-réalité? Les journalistes fachos grandes-gueules? Les antisémites? Les militants anti-avortement? Alors ce film est fait pour vous! Goldhwait n’aime visiblement pas ce que son pays est en train devenir: une sorte de paradis pour la bêtise humaine. Il appuie sur le champignon et renvoie à la face de l’Amérique sa propre laideur spirituelle. Mais il ne justifie pas pour autant le comportement de ses deux personnages. Il montre ce que la colère et la frustration peuvent déclencher chez les gens. Le film demeure quand même un jeu de massacre drôle et féroce. Les personnes que tuent Frank et Roxy sont à peine caricaturales. Allumez votre télé, si vous ne me croyez pas…
Mais le tour de force c’est que l’émotion n’est pas laissée de côté. Frank et Roxy sont deux personnages trés attachants (leurs interprètes, Joel Murray et Tara Lynne Barr sont vraiment magnifiques, drôles et touchants). Leurs scènes de discussions sont trés réussies. On ressent leur solitude et leur colère. Le traitement est même parfois subtil. On pense notamment à cette scène où Frank tue un homme « normal » car celui-ci lui a fait remarquer l’ambiguité de sa relation avec Roxy. Comme si Frank se tuait lui-même ou plutôt son coté « obscur ». Assez dérangeant.
Souvent jouissif (la scène du cinéma), le film est malheureusement freiné par deux défauts. La réalisation est assez impersonnelle et manque d’un véritable sens du cinéma. Et certaines tirades dans les dialogues sont parfois trop longues. Mais ça vaut le coup de rester jusqu’à la fin. Déjà, parce qu’on se marre pendant tout le film et de plus, la fin est suffisamment jusqu’au-boutiste et rentre-dans-le-lard pour qu’on la signale! Bref, un petit film bien méchant, à consommer sans modération. Note: 14/20
God Bless America de Bobcat Goldthwait, avec Joel Murray et Tara Lynne Barr, en salles depuis le 10 octobre.