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LE TRIBUNAL DES AMES-Cold Cases

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Rome, Italie. Des infirmiers sont appelés dans une maison où un homme vient de faire un infarctus. En le ranimant, ils découvrent une étrange inscription tatouée sur son torse: Tue-Moi. Mais c’est la présence d’un objet dans la pièce qui semble bouleverser l’infirmière Monica. De son côté, un enquêteur souffrant d’amnésie suite à une fusillade, Marcus, est chargé par un de ses collègues de retrouver une étudiante disparue à Rome. Sandra, une policière s’occuppant des scènes de crime, quant à elle, n’arrive pas à faire le deuil de son mari David, tombé d’un immeuble six mois auparavant. Tous ces personnages se croiseront et découvriront une vérité qui risque de bouleverser leur vie.

Le Tribunal des Ames est le deuxième roman de l’italien Donato Carrisi, un an après Le Chuchoteur. Ce dernier était sans doute l’un des meilleurs thrillers de l’année 2010, une histoire de serial-killer originale et assez perverse dans son genre. Autrement dit, on attendait avec impatience le nouvel effort de Carrisi. Et franchement, celui-ci s’avère largement à la hauteur.

L’histoire est complexe à souhait. L’enquête est double. Il y a celle de Marcus, concernant l’étudiante disparue. Et celle de Sandra, concernant la mort mystérieuse de son mari. Bien sûr, ces deux histoires vont se rejoindre. Mais bien malin qui pourrait prévoir jusqu’où tout cela mène. Il faudra passer par des affaires criminelles prétendument résolues…. Si vous aviez trouvé le tueur du Chuchoteur machiavélique, sachez que vous allez croisé içi un autre spécimen de tueur, encore plus intelligent…D’autant que l’enquête s’avère…triple! Car il y a des flashs-backs sur la traque que mène un chasseur d’une proie trés particulière. Cette troisième « enquête » se déroule quelques années avant l’histoire principale et n’a, à priori, aucun rapport avec elle. A priori….

Sur le plan de l’intrigue, rien à jeter, ou si peu. Le livre est bourré jusqu’à la gueule de suspense et les révélations pleuvent au long des chapitres. Donc impossible de s’arrêter, préparez-vous à la nuit blanche! Il serait criminel d’en révéler plus. Mais vous croiserez beaucoup de crimes…et pas forcemment commis de la même main. On est perdu et Carrisi nous manipule de main de maître. Jusqu’au double twist final. Le premier est suffisamment innatendu pour que le lecteur se dise « Putain de merde! C’est incroyable! ». Le deuxième, et c’est là le petit défaut de ce roman, est moins inattendu et on s’y attend un peu mais il reste trés original quand même et surtout trés fort sur le plan dramatique, mais chut!

Le style de Carrisi est précis, direct et non dénué de personnalité. Il a choisi de montrer Rome sous la pluie, et d’en faire visiter des lieux, comme des églises, qui donne un aspect gothique à l’intrigue. On se croirait dans Seven. D’autant que l’auteur sait susciter l’effroi chez son lecteur. Il y a même un passage se déroulant à Tchernobyl. Et ce lieu est remarquablement utilisé. L’un des personnages y découvrira les racines du mal qu’il recherche…Bref, une ambiance pesante, triste et noyée par la pluie….et les larmes de certains personnages.

Car Carrisi ne sacrifie pas, sur l’autel de l’efficacité dramatique, ses personnages. Marcus, Sandra et les autres prennent vie sous nos yeux. Leurs doutes et leurs tourments, nous les partageons avec eux. Par moments, leur chemin de croix est douloureux et bouleversant. Le lecteur s’interroge à son tour. Car Carrisi laisse le choix entre le pardon et la vengeance. Que ferions-nous à la place des personnages? Une question qui nous trotte dans la tête, tout au long de notre lecture. Carrisi aborde des thémes forts et qui bousculent: crimes impunis, conscience, pêché, rédemption, pardon, vengeance, quête de spiritualité,… Le roman baigne dans une ambiance catholique (on est en Italie, après tout), mais n’est pas un ouvrage théologique et moralisateur, rassurez-vous!

L’autre grand théme du livre, comme dans Le Chuchoteur, est le Mal et sa nature. Qu’est-ce qui pousse l’homme à se tourner vers son côté obscur? Cette question obsède, visiblement, Carrisi. D’autant que le Mal est toujours fascinant chez lui. Jamais où on l’attend. Jamais avec des motivations simplistes. Il se cache, vit dans l’ombre, autour de nous. Car il y a une ou des présences maléfiques, tapies dans l’obscurité, qui se dissimule dans les pages de ce roman. Le Diable est dans les détails…

Le Tribunal des Ames est donc un formidable suspense qui se lit d’une traite et que vous n’oublierez pas de sitôt! Le renouveau du thriller européen est à chercher du côté de chez Carrisi, n’en déplaisent aux fans de Grangé et Chattam. Mais ceci est une autre histoire… Note: 16/20

Le Tribunal des Ames ( Il Tribunale Delle Anime) de Donato Carrisi, éditions Calmann-Levy (2012), 460 pages.

12 octobre, 2012 à 9 h 28 min | Commentaires (0) | Permalien


FRENCH CONNECTION (1971)-La colère de Popeye

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Buddy Russo (Roy Scheider) et Jimmy Doyle (Gene Hackman), en planque, sous la pluie de New-York.

Dans les rues de New-York, une voiture fonce à toute allure. Au volant, un homme déterminé et farouche. Son nom: Jimmy Doyle. Mais tous ses collègues de la police le surnomment Popeye. Car Popeye est policier. Il travaille aux Stups. Il lutte contre le trafic de drogue. Là, il est lancé à la poursuite d’un tueur à gages français qui travaille pour la fameuse French Connection, la « Filière Française ». Ce tueur est dans une rame de métro. Il menace le conducteur avec son arme afin que ce dernier n’arrête pas la rame dans les stations. Le tueur veut échapper à Popeye. Il met en danger la vie des passagers. Et Popeye fonce. Sa voiture suivant le parcours, en parallèle, de la rame de métro. Car l’homme qu’il traque a essayé de le tuer, quelques minutes auparavant. Il a tué une passante innocente. La poursuite se finira mal pour un des deux hommes.

Cette poursuite dantesque a fait entrer le réalisateur William Friedkin (L’Exorciste, Cruising, Police Fédérale Los Angeles, Killer Joe) au panthéon des grands réalisateurs hollywoodiens. C’est devenu une scène culte, au même titre que la poursuite en voitures de Bullitt. Réalisé et montée au cordeau, elle est (encore aujourd’hui) un modèle d’efficacité et de suspense. Mais ramener le film de Friedkin à cette seule scène, serait réducteur.

L’histoire du film est basée sur l’enquête visant la fameuse French Connection, dans les années 60. Une enquête qui précipitera la chute de ce mouvement criminel. Pour faire simple, des gangsters français, basés à Marseille, exportaient de l’héroïne aux Etats-Unis où ils la revendaient aux parrains italo-américains de la Côte Est, qui l’écoulaient sur le marché américain. Un animateur de télé français, Jacques Angelvin, y fut mêlé.

Mais ce qui intéresse le plus Friedkin, ce ne sont pas tant les ramifications internationales de ce trafic que l’enquête des deux policiers des Stups, Jimmy Doyle (Gene Hackman) et Buddy Russo (Roy Scheider). Le précepte de mise en scène érigé içi par Friedkin est simple: tout est filmé avec réalisme. Friedkin, comme bon nombre de jeunes réalisateurs américains de l’époque (ceux qui ont formé le Nouvel Hollywood, comme Scorsese, Coppola ou Spielberg) était fasciné par les cinéastes français de la Nouvelle Vague des années 60 (Godard et Truffaut, entre autres). Ceux-ci se sont coupés des règles du cinéma classique, sont sortis des studios et sont partis tourner, avec du matériel léger, dans les rues des grandes villes. Une petite révolution esthétique pour l’époque. William Friedkin, pour son film, décide de marier les codes du polar américain (flics solitaires et pugnaces, gangsters violents et impitoyables) avec une approche réaliste héritée de la Nouvelle Vague.

En résulte un film toujours en mouvement. On ne compte plus les scènes, filmées caméra à l’épaule, où le réalisateur suit les policiers quand ils filent des suspects ou font des planques. Popeye et ses collègues passent d’un trottoir à l’autre, au milieu de la foule, sans perdre de vue les voyous. French Connection est une sorte de ballet, où flics et truands cherchent à se semer mutuellement, dans les rues de New-York. Ceci culmine avec cette formidable scéne de filature où Popeye colle au train d’un parrain français jusque dans le métro. Le truand, non sans humour, arrivera à semer le policier, ce qui énervera beaucoup ce dernier.

Le réalisme de la mise en scène s’allie içi au réalisme des décors et des situations. Friedkin montre la réalité telle quelle, sans fioritures. Les bars y sont louches et mal famés. La fusillade finale se déroulera même dans un entrepôt abandonné, sale, dégoulinant et suintant une humidité malsaine par ses murs. On est loin du glamour des années 40 et de Humphrey Bogart! Tout cela s’étend à l’enquête des policiers et à leurs méthodes, parfois violentes et borderlines. Car les flics des Stups de l’époque n’avaient aucun moyens et leurs enquêtes étaient trés dures. Il fallait mettre les mains dans le camboui!

Mais ce qui reste le plus important dans ce film est la personnalité de son « héros », interprété par un Gene Hackman incroyable et magnifique. Popeye est un homme en colère. Têtu, déterminé mais en colère. En colère contre les dealers, contre ses supérieurs qui ne l’écoutent pas, contre ses collègues qu’il juge trop timorés. Le seul qui trouve grâce à ses yeux est son collègue Buddy Russo, lui aussi déterminé mais plus calme et réfléchi. Il est le seul à pouvoir calmer et à comprendre Popeye. Le regretté Roy Scheider livre aussi une solide interprétation. Mais il ne pourra pas sauver Popeye de sa fureur. Celui-ci, en traquant sa némésis, à la fin du film, commettra un acte irréparable. Friedkin le filme alors qui disparait au fond d’un décor sordide, perdu à jamais dans son propre enfer.

French Connection remportera 5 oscars en 1972: Meilleur Film, Réalisateur, Acteur (Gene Hackman), Scénario Adapté et Montage. Et c’était pas volé!

French Connection de William Friedkin, en dvd Zone 2 chez Fox Video.

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Popeye, un personnage inoubliable, incarné par le grand Gene Hackman.

1 octobre, 2012 à 16 h 16 min | Commentaires (0) | Permalien


KILLER JOE-Les rejetons du diable

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Joe (Matthew McConaughey), le diable au regard bleu azur.

Chris (Emile Hirsch) est un petit dealer minable qui doit de l’argent à un gros caïd. Comme c’est un garçon intelligent et charmant, il décide, avec l’accord de son abruti de paternel (Thomas Haden Church) de faire buter sa mère pour toucher son assurance-vie. Il engage alors Joe (Matthew McConaughey), un flic ripou qui arrondit ses fins de mois en effectuant des « contrats ». Mais Joe réclame une avance que Chris ne peut payer. Ce dernier remarque que Joe semble avoir un faible pour sa jeune soeur, encore mineure, Dottie (Juno Temple). Il décide de l’offrir à Joe comme caution. Et l’enfer se déchaînera…

A la lumière du résumé précédent, on se rend compte que le dernier film de William Friedkin (French Connection, L’Exorciste, Police Fédérale Los Angeles, Bug) est assez sordide. Le mot est faible. Il n’y a aucun personnage positif. Tous les protagonistes sont cupides, bêtes et peu enclins à la sympathie envers leur prochain. Le pire étant atteint avec Joe, un psychopathe illuminé, froid et implacable, interprété par un Matthew McConaughey puant de charisme, au regard homicide et qui trouve là le rôle de sa vie.  Car Joe va jouer un rôle de déclencheur de violence dans le foyer de Chris. C’est une sorte de patriarche maléfique qui va finir par s’imposer. On peut y voir là une image déréglée et obscure du cow-boy américain, et donc du rêve américain. D’autant, que le personnage a des allures de prédicateur illuminé qui font froid dans le dos.

S’appuyant  sur un excellent scénario de la dramaturge Tracy Letts (déjà auteur du dérangeant Bug), Friedkin nous concocte un petit conte immoral, cruel et trés méchant. Entre les scènes troubles de séduction entre Joe et Dottie (formidable Juno Temple), la tension qui va crescendo et la violence finale d’une brutalité et d’une sauvagerie assez limites, Friedkin appuie sur le champignon et ne nous épargne rien dans cette virée au coeur d’une Amérique pauvre. Mais aucune morale sociale, Friedkin dépeint des protagonistes qui ont renoné à leur humanité au profit de l’argent, qui n’a jamais senti aussi mauvais.

Aucune lumière ne viendra illuminer ces ténèbres. A part les éclairs (divins?) et les flammes (de l’enfer?) .Ou le personnage de Dottie, sorte de baby-doll nunuche et romantique, qui attise la convoitise sexuelle de Joe et…de son propre frère! Friedkin s’octroie aussi quelques bouffées d’humour noir salvatrices. Mais le chaos est en marche, et rien ne l’arrêtera. Les 15 dernières minutes sont assez insoutenables. Et toute la violence retenue pendant le film, éclate et se déchaîne sur un bouc-émissaire.

Vous êtes prévenus, Wild Bill Friedkin est au top de sa forme (77 ans quand même!) et ne va rien vous épargner. Ames sensibles, passez votre chemin! Note: 18/20

Killer Joe de William Friedkin, avec Matthew McConaughey, Emile Hirsch, Juno Temple, Gina Gershon et Thomas Haden Church, en salles depuis le 5 septembre.

10 septembre, 2012 à 16 h 19 min | Commentaires (0) | Permalien


THE SECRET-Les innocents

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Julia Denning (Jessica Biel) se lance à la poursuite du Tall Man.

A Cold Rock, petite ville minière désaffectée et ruinée du nord-ouest des Etats-Unis, les enfants disparaissent. La police et le FBI n’arrivent pas à résoudre ces cas de disparitions. La population locale accuse une créature légendaire qui vivrait dans la forêt, le Tall Man (littéralement « le grand homme »), d’autant que certains prétendent l’avoir vu. L’infirmière de la ville, Julia (Jessica Biel), une jeune veuve, ne semble pas trop croire en ces histoires. Jusqu’à ce que son fils de 6 ans se fasse enlever à son tour, sous ses yeux. Mais Julia se met à poursuivre celui qui lui a volé son enfant…

Quatre ans après l’électro-choc Martyrs, Pascal Laugier revient avec un film qui va diviser profondemment ses spectateurs. Pas de demi-mesure içi, on aime ou on déteste. Amateurs de thrillers consensuels et télévisuels, passez votre chemin. Laugier va provoquer des réactions qui vont se traduire par une passion enthousiaste…ou une haine dévastatrice. Au vu de la bande-annonce, tout le monde s’attend à un schocker horrifique. C’est un état de fait que la première partie du long-métrage entérine. L’atmosphère est lourde et pesante, tout comme la misère dans laquelle survivent les habitants de Cold Rock. Le réalisateur s’attarde sur leur quotidien, via le regard du personnage de Julia. Laugier va ensuite multiplier les petits signaux inquiétants avant de balancer, à mi-parcours, une scène d’enlèvement et de poursuite incroyable et prenante. On est agrippé à notre siège. Tous les espoirs que les fantasticophiles plaçaient en Laugier se réalisent. Et puis, arrive la deuxième partie…

Et là, jusqu’à la fin, les spectateurs vont se scinder en deux: ceux qui seront surpris et les déçus. Si vous vouliez voir un mix entre Martyrs et Sixième Sens, passez votre chemin. Si en revanche, vous aimez être surpris par un film et être emmené vers une direction inconnue, alors allez-y! Car Laugier va vous proposer une manipulation narrative qui va chambouler tous vos repères. Vous allez être déstabilisés. Une même scène sera répétée mais elle aura un sens complètement différent. Car le point de vue aura changé. Et c’est le point de vue qui va dicter les surprises narratives.

The Secret est réalisé d’une façon efficace et classique. La mise en scène de Laugier est techniquement irréprochable. Ce mec aime le ciné de genre, ça se voit, ça se sent. Il passe d’une scène angoissante à une scène bouleversante, en un tour de main. Et avec le même talent. Mais il ne singe pas le cinoche américain. Il a un point de vue trés européen, tout en plongeant tête baissée dans les clichés inhérents au genre. Honnêtement, on a hâte qu’il revienne faire un film en France!

The Secret est donc un film angoissant et bouleversant, formellement irréprochable et efficace mais dont le contenu narratif et thématique va plaire ou déplaire. Mais Laugier ne juge pas ses protagonistes et ne donne aucun avis. Il constate. C’est un témoin. Comme Martyrs, The Secret n’est que le triste reflet du triste monde dans lequel nous vivons. Tous ceux qui font des mauvais procés à Laugier se fourvoient, et en plus ils dévoilent toute l’intigue, les saligauds! Voilà, vous êtes prévenus! Pour ma part, j’ai beaucoup aimé le film car il m’a surpris, touché et…manipulé, tout en étant un peu déçu, quand même, de ne pas avoir vu le pur film d’horreur que j’attendais. 

Et Jessica Biel y est magnifique et trouve là un rôle trés fort à la mesure de son talent!

Je mets un 15/20 et j’assume cette note! Et je donne rendez-vous quelques lignes plus loin à ceux qui ont vu le film….

The  Secret (The Tall Man, titre américain) de Pascal Laugier avec Jessica Biel, en salles depuis le 5 septembre. 

 

ATTENTION! A NE LIRE QU’APRES AVOIR VU LE FILM!

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Julia aux mains du Tall Man.

Jusqu’à la moitié du film, nous voyons une femme (Jessica Biel) qui poursuit le ravisseur de son fils; un ravisseur qui aurait déjà enlevé plusieurs autres enfants. Elle n’arrivera pas à l’avoir. Nous nous identifions à cette femme et à sa douleur. Nous voyons toute cette histoire par le prisme de son regard mais Laugier nous a sciemment caché certaines choses. Nous ne voyons qu’une « partie » de la situation mais nous l’ignorons encore. Nous sommes dans un thriller où un maniaque a kidnappé des enfants, dont le fils de l’héroïne. Fausse piste.

Ensuite, Julia se rend compte que les autres habitants savent où est son fils et lui mentent (scène du resto-route). Elle s’enfuit mais la meute se lance à ses trousses, armée et dangereuse. Nous sommes alors dans un film de complot où une femme est seule face à toute une population complice et hostile. Fausse piste.

Enfin, survient la scène où elle retrouve son fils et son ravisseur. Et c’est là que nos repères éclatent. Pendant toute une bobine, nous nous sommes identifiés à Julia et nous avons compatit à son malheur. Laugier nous avait raconté l’histoire de son point de vue et nous n’avions aucune raison de douter (malgré la voix-off d’un autre personnage de l’histoire qui s’improvise narrateur mais ça ne bouleverse pas le point de vue). Or, Julia n’est pas la mère de l’enfant. C’est elle, la vraie ravisseuse. Celle qui lui a repris l’enfant n’est autre que sa propre mère qui avait découvert, par hasard, que Julia l’avait enlevé. Elle s’était confiée aux autres villageois qui l’avaient cru. Pour eux, c’est l’infirmière qui est le « Tall Man » et c’est pour ça qu’ils la poursuivaient. Julia, la prétendue héroïne, est le Tall Man, responsable de l’enlèvement des autres enfants. Donc le spectateur voit ses repères bouleversés. Il ne peut plus s’identifier à Julia. Pourtant, Laugier continue de créer de l’empathie pour elle. C’est une situation inconfortable et trouble. Mais le meilleur arrive avec les raisons des enlèvements…  

A la lumière de ces raisons, nous ne pourrons ni tout à fait condamner, ni tout à fait pardonner à Julia. Laugier refuse toute posture de moralisateur et laisse le spectateur avec ses doutes et ses questions. Il existe donc un réseau de personnes qui se charge d’enlever des enfants qu’elles jugent malheureux et qui les placent dans un environnement plus stable (un environnement bourgeois, donc. Le film reprend la thématique de la lutte des classes, exacerbée par la crise). Mais Laugier ne les enscence pas, loin de là. Qui sont ces gens qui s’arrogent le droit d’enlever des gosses à leur famille, sous prétexte de les aider? Ne condamnent-ils pas un peu trop vite certains parents? La mère de David, le prétendu fils de Julia, n’arrivait plus à payer ses factures. N’y avait-il pas une autre solution que d’enlever David? On pouvait aider la mère, en lui donnant de l’argent. Car toute l’intelligence de Laugier est de ne pas montrer des parents « caricaturaux » (genre pédophiles et violents) mais des gens usés par leur quotidien de misère à l’image de la mère du personnage de la narratrice. Une femme triste mais aimante qui a juste baissé les bras. Le réseau la traumatise encore plus et la laisse dans une situation assez horrible (son mec se met en couple avec sa première fille et lui a fait un bébé). Enfin, c’est plus sa fille qui la traumatise. A-t-elle raison de fuir une vie sans avenir pour une autre meilleure, tout en sachant que sa mère vivra à jamais, dans le chagrin de l’avoir perdue. A-t-elle raison?

Laugier pose des questions mais se garde de juger et de prendre parti. Mais les insultes commencent à pleuvoir sur lui, venant de personnes qui n’ont pas compris son film et qui se drappent dans une morale bobo bien-pensante et écoeurante. Qu’on aime pas un film pour des raisons ayant trait au scénar ou à la réalisation est une chose et chacun son avis! Mais qu’on prête à un artiste un discours qu’il ne tient pas, c’est dégueulasse. Quand on n’a pas compris un film, on évite d’écrire des conneries dessus! 

7 septembre, 2012 à 9 h 49 min | Commentaires (4) | Permalien


OBSESSION (1975)- Déjà-vu

 

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Michael Courtland (Cliff Robertson) face au fantôme d'un amour décédé....

 

Résumé:  Nouvelle-Orléans, 1959, Michael Courtland, un riche promotteur immobilier, perd sa femme et sa fille à la suite d’un enlèvement raté. 15 ans plus tard, Courtland rencontre à Florence, une étudiante, sosie de sa femme décédée. Le jour de leur mariage, la jeune fille est enlevée. Le cauchemar recommence…

Décryptage: En 1974, le réalisateur Brian DePalma, qui sort tout juste du tournage de Phantom of the Paradise, rencontre le scénariste Paul Schrader, futur auteur du script de Taxi Driver et futur réalisateur de American Gigolo. Schrader avait écrit, un an auparavant, un article élogieux sur l’un des films de DePalma, Sisters (1973). Les deux hommes sympathisent et discutent cinéma et notamment d’un réalisateur qu’ils vénèrent tous deux: Alfred Hitchcock. La conversation roule alors sur l’un des chefs d’oeuvre de Sir Alfred: Sueurs Froides (1958), Vertigo en v.o. DePalma et Schrader se demandent alors si on ne pourrait pas utiliser les thèmes de Vertigo pour en tirer un autre film, radicalement différent. Ils décident d’écrire un scénario. Le premier titre en sera Déjà-vu (en français) mais le studio (Columbia) a peur que le public ne le comprenne pas et boude le film. Il est retitré Obsession. Ce thème de la duplication (içi de Vertigo) est au coeur du film et est sa raison d’être. D’autant que ce n’est pas la première fois (ni la dernière) que DePalma s’amuse avec Hitchcock: ainsi Sisters proposait déjà des références à Fenêtre Sur Cour et Psychose.

Le thème du double est donc au centre de Obsession. Tout d’abord le film est un double de Vertigo. DePalma ne cessera de commenter cet état de fait pendant son film. Ainsi la discussion entre Courtland et la jeune Sandra dans l’église San Minatio à Florence, porte sur une fresque que la jeune femme restaure. La peinture laisse apparaître une autre oeuvre en dessous. Sandra s’interroge: doit-elle restaurer la plus récente ou la détruire afin que la plus ancienne reste? Sous-entendu: avons-nous le droit de copier Vertigo ou devons-nous ne pas y toucher? DePalma, qui plaide pour la liberté artistique, a déjà sa réponse.

Bien sûr, cette scène porte aussi sur l’intrigue du film. Un homme qui a perdu sa femme il y a 15 ans, en trouve le sosie parfait. Doit-il vivre avec le souvenir de son ancienne épouse ou épouser la jeune femme? Est-ce de la nécrophilie? On rejoint Vertigo, à ce moment. Mais DePalma oriente son oeuvre vers la tragédie familiale, ce que n’était à aucun moment le monument de Hitch. DePalma, traumatisé par le divorce de ses parents qu’il a lui-même précipité étant enfant, développe la thématique de la famille brisée. Une thématique qui reviendra souvent dans sa carrière (Pulsions, L’Esprit de Caïn). Le héros de son film est un homme brisé qui vit avec le souvenir d’une morte. Un amour qui le mène à l’obsession. Mais DePalma a aussi un autre angle d’attaque: la trahison du père (qu’il a vécu enfant). Ce thème est aussi trés présent dans sa filmographie (Furie, Mission:Impossible). De Palma l’avoue, il s’identifie à « l’enfant vengeur » dans ses histoires. Et il punit souvent le père. Obsession ne dérogera pas à la règle et ce de la façon la plus terrible qui soit.

Car les films de DePalma sont souvent des pièges pour leurs personnages principaux. Obsession n’est rien d’autre que l’histoire d’un homme qui va revivre son traumatisme passé et à qui une seconde chance est offerte.  La plupart des protagonistes « depalmesques » sont des personnes qui répètent tragiquement les mêmes erreurs (on pense à John Travolta dans Blow Out) et qui finissent traumatisés à vie par les actes qu’elles ont commises (Travolta toujours mais aussi Nancy Allen dans Pulsions ou Amy Irving dans Carrie). DePalma traumatisent ses personnages qui ne sont que des pantins effectuant une danse préétablie et qui, ne retenant rien de leurs erreurs, courent à leur propre perte. Si Obsession semble se finir sur un happy-end, il ne déroge pas à la règle. Le personnage de Courtland (émouvant Cliff Robertson), déjà marqué par un évènement tragique, se retrouve face à une révélation qui, non seulement est un nouveau traumatisme, mais qui conduit un autre personnage vers la folie. Un effet « double traumatisme » terrible et dérangeant…

Quant au film lui-même, il est à l’image de son réalisateur: excessif, romantique, manipulateur et limite putassier. Car DePalma cultive l’amour du style pour le style, le cinéma pour le cinéma et se soucie comme d’une guigne de raconter une histoire linéaire avec des personnages consistants.  Avec un sens du commercial et une vulgarité parfois gênante mais toujours jouissive (et qui trouvera son apothéose avec le terriblement vulgaire, virtuose, sexuel et génial Body Double), DePalma est là pour montrer qu’il est un génie de la mise en scène et qu’il ne fait que du cinéma, dans sa forme la plus totale et la plus primaire. Ils utilise souvent des effets grossiers (écrans partagés, ralentis, plans-séquences, caméras subjectives) pour épater la galerie et plonger les spectateurs dans une sorte de piège esthétique qui fascine l’oeil et l’esprit mais qui ne propose aucune leçon ni engagement politique ou culturel. Obsession n’y fait pas exception. Le film baigne dans un romantisme exacerbé, parfois délétère, aux allures de rêve (ou de cauchemar) éveillé. La photographie de Vilmos Zsigmond est, de ce point de vue, d’une beauté surnaturelle et vaporeuse. Entre La Nouvelle-Orléans et Florence, on assiste à un ballet filmique dont le gothisme et le romantisme éxagérés font penser furieusement à Edgar Poe, sentiment renforcé par cet amour perdu puis retrouvé par-delà la mort. Au niveau des figures stylistiques, DePalma met un peu la pédale douce par rapport à d’autres de ses films, hormis un ralenti final de toute beauté et une caméra tournoyante qu’on lui a beaucoup reprochée, alors qu’elle fait référence de la plus belle et de la plus triste des façons à une scène du début du film.

Avec Obsession, DePalma a inauguré une trilogie dans son oeuvre: celle des personnages principaux revivant un traumatisme et qui doivent vivre avec leur culpabilité. Les deux autres films sont Pulsions a/k/a Dressed To Kill (1980) et Blow Out (1981). C’est aussi la trilogie de pratiquer l’art pour l’art pour ce cochon de DePalma, et dans le cochon, tout est bon!

Obsession de Brian DePalma, avec Cliff Robertson, Geneviève Bujold et John Lithgow, en DVD Zone 2 chez Wild Side dans une copie somptueuse sortie le mois dernier.

17 août, 2012 à 11 h 49 min | Commentaires (0) | Permalien


THE DARK KNIGHT RISES-Ce qui ne te tue pas…

THE DARK KNIGHT RISES-Ce qui ne te tue pas... dans Cinéma article_The_Dark_Knight_Rises-300x194

"Eh Bane, tu descends? -Pour quoi faire? -C'est ton destin!"

Il y a 8 ans, le Chevalier Noir disparaissait dans les ténèbres de Gotham City, se laissant accuser du meurtre de Harvey Dent, afin de faire de ce dernier un héros posthume. Durant ces 8 années, grace aux lois Dent, tous les criminels dangereux de la ville furent emprisonnés, sans espoir de sortie. Depuis, Gotham vit en paix. Quant à Bruce Wayne, il vit reclus dans son manoir, désormais reconstruit, avec son fidèle Alfred. Ravagé par la mort de sa douce Rachel, il n’est plus qu’une ombre, un infirme diminué à la patte folle. Mais une tempête nommée Bane va s’abattre sur Gotham…

Il est peu de dire que ce dernier volet de la trilogie du Dark Knight était attendu; surtout après le magnfique deuxième épisode. Après vision de la chose, force est de reconnaître qu’il est inférieur. Mais le film reste trés bon. Une trés bonne adaptation de Batman. Même si quelque chose cloche…

Alors oui, comme toujours chez Christopher Nolan, le scénario est trés bien écrit. L’histoire est dense et passionante. Les personnages sont travaillés. Les thémes abordés sont riches. Après The Dark Knight et Inception, Nolan confirme qu’il a trouvé une nouvelle voie pour faire des blockbusters qui soient intelligents, émouvants, sombres et funs. Le réalisateur britannique a su imposer sa vision des choses à la Warner et c’est tant mieux. De plus, avec sa trilogie « batmanesque », il nous a bien vengé des deux navets de Joel Schumacher et redoré le blason du Batman. Donc The Dark Knight Rises est bien un blockbuster à la Nolan. Epique, prenant le temps de bien planter tous les enjeux narratifs de son histoire, et d’une tonalité sombre trés éloignée des standards actuels, le film en impose.

Il nous montre un héros prématurément vieilli, désabusé et recherchant la mort. Sa résurrection n’en sera que plus émouvante. Car l’émotion est au coeur de ce film: le chemin de croix douloureux de Bruce Wayne (mais n’a-t-il jamais cessé depuis Batman Begins?) est là pour le prouver. Tout comme ses relations avec Alfred, incarné par un magnifique Michael Caine. Le film a un coeur et une âme. Du commissaire Gordon, en passant par l’agent Blake ou Selina Kyle (Anne Hathaway, incroyable, LA révélation du film), tous les personnages ont des failles et existent sous nos yeux. Ces personnages sont tous en quête de quelque chose: une rédemption ou un nouveau départ. Car pourquoi tombe-t-on? Pour mieux se relever. Et aussi pour les autres. C’est ce que devra (ré)apprendre Bruce Wayne.

Le méchant du film, Bane, est incarné par l’imposant et charismatique Tom Hardy. Il faut voir à tout prix le film en V.O. La voix de Bane est incroyable, loin de l’effet « Dark Vador » redouté. Toutes les nuances vocales du jeu de Tom Hardy (ironie, humour noir, menace) sont rendues à la perfection. Bane est le Mal incarné. Un type capable de manipuler une foule entière, de la pousser à la révolution, uniquement pour la détruire et rayer une ville de la carte. « Je suis l’expiation de Gotham » affirme-t-il à une de ses victimes avant de la tuer. Bane est un fanatique indestructible. Son combat avec Batman est rude, violent. Les coups échangés font mal…et le Chevalier Noir subira une (première) défaite douloureuse qui le conduira dans un enfer souterrain… Bane inversera les valeurs de Gotham, transformant la ville en zone de guerre occuppée où la justice est rendue de façon expéditive par des criminels (ce qui nous vaut un caméo savoureux!). Il serait criminel (!) de vous en révéler plus. Ce troisième volet est trés réussi, un grand film de super héros, trés riche…trop riche?

Car  on a l’impression que Nolan a eu les yeux plus gros que le ventre. L’histoire est parfaite mais certains passages, au demeurant réussis, donnent l’impression d’avoir été survolés (les scènes dans la prison souterraine, la population de Gotham et ses « relations » avec Bane). Comme si le film aurait du avoir deux parties ou être une saison entière d’une série télé. Nolan semblait pressé d’en finir. Avait-il vraiment envie de réaliser ce troisième volet? On peut se le demander vu le nombre de faux raccords (surtout dans la dernière partie) impressionnants et honteux pour une production de cet ordre. La précision légendaire et maniaque de Nolan en prend du plomb dans l’aile! Et puis les flashs-backs sont foireux. Le pire est l’apparition de Liam Neeson, avec ses implants capillaires ridicules. Autre gros point noir: l’interprétation catastrophique de Marion Cotillard, içi ridicule. Attendez-vous à rire à la fin! Heureusement que Anne Hathaway est là! Et puis Christian Bale est FABULEUX! Voilà, c’est dit!

Il manque quelque chose à ce TDKR. Comme si Nolan avait tout donné sur le 2. Alors oui, le film est ample et spectaculaire. Oui il est super émouvant (toute la fin est MAGNIFIQUE). Mais on sort de la projection, en se disant que ça aurait pu être encore mieux et que la formule Nolan s’essouffle légèrement. Peut-être devrait-il revenir à des petits budgets du type Memento ou Insomnia pour se ressourcer…et se relever?  Note: 14/20

The Dark Knight Rises de Christopher Nolan, avec Christian Bale, Michael Caine, Gary Oldman, Anne Hathaway, Tom Hardy, Marion Cotillard, Joseph Gordon-Levitt et Morgan Freeman, en salles depuis le 25 juillet.

29 juillet, 2012 à 15 h 34 min | Commentaires (1) | Permalien


SCREAM (1996)-La nuit du cri

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Casey (Drew Barrymore) menacée par un tueur invisible mais pourtant proche.

Résumé: Un tueur masqué cinéphile, fan de films d’horreur, terrorise les adolescents de la ville de Woodsbooro. Ses armes: un téléphone et un grand couteau.

Contexte: Le slasher-movie est un sous genre bâtard du cinéma d’horreur. Il s’agit d’un film où un tueur masqué décime un groupe de jeunes adolescents (généralement bien cons) à l’arme blanche. Il est né avec les films Black Christmas (1974) de Bob Clark et surtout Halloween (1978) de John Carpenter. L’énorme succés de ce dernier va donner naissance à toute une série de suites et de copies, plus ou moins inspirées. La mode du slasher-movie est née. Ces films ne coûtent rien aux producteurs et leur rapportent beaucoup d’argent. Jusqu’en 1985, la formule est gagnante, avec des titres comme Le Bal de l’Horreur, Massacre dans le Train Fantôme, Vendredi 13,etc. Mais à partir de 1985, le jeune public se lasse et se détourne du slasher. Le genre ne fait plus recette et les films sont de plus en plus nuls. Le slasher va lentement mourir.

Mais tout va changer en 1995. Un jeune scénariste américain ,au chômage, décide d’écrire un slasher. Son nom: Kevin Williamson. Fan du chef d’oeuvre de John Carpenter, Halloween donc, il décide d’écrire LE slasher des années 90, adapté au public jeune de l’époque: la génération MTV. Il accouche d’un scénario baptisé A Scary Movie (« Film Effrayant » en v.f) et fait le tour des maisons de production avec. Et là, tous sont soufflés par la qualité du script. Les propositions affluent. Oliver Stone (oui, celui de JFK!) s’intéresse même au projet. Mais Williamson ne donne pas suite car on lui demande d’édulcorer son histoire, ce qu’il refuse. Finalement, l’offre la plus alléchante vient des fréres Weinstein et de leur filiale fantastique, Dimension Films. Le script sera filmé tel quel. Seul le titre change: Scream (« cri »). Wes Craven, le papa de Freddy himself, est chargé de la réalisation. La suite entre dans l’histoire. Scream sort le 25 décembre 1996 aux States et devient le premier film d’horreur à franchir la barre des 100 millions de dollars de recettes sur le sol américain. En France, à sa sortie durant l’été 97, il fera prés de 2 millions d’entrées.

Le film devient culte pour toute une génération. Il relance l’industrie moribonde du film d’horreur. Son succés a encore des répercussions aujourd’hui. Il a aussi donné naissance à une courte vague de néo-slashers (Souviens-toi l’été dernier, Urban Legend) qui s’est rapidement échouée sur le rivage. Mais surtout, Scream connaîtra trois séquelles. Deux autres succés au box-office: le sympathique et réussi Scream 2 (1997) et le trés mauvais Scream 3 (2000). Et un échec cuisant et injuste pour l’excellent Scream 4 (2011).

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Les jeunes héros de Scream.

Décryptage: Dés la première scéne, le film prend le spectateur à la gorge et ne le lache plus. Dans une maison, une jeune fille (incarnée par Drew Barrymore) passe la soirée seule, ses parents étant sortis. Elle reçoit le coup de téléphone d’un inconnu qui semble, de prime abord, se tromper de numéro. Finalement, ils sympathisent et flirtent gentiment. Mais cet inconnu se révèle être un psychopathe. Il va terroriser la pauvre lycéenne. Il lui pose des questions sur les films d’horreur. Si elle ne répond pas, elle meurt. Longue d’une douzaine de minutes, cette scène est un modèle du genre. On suit la jeune fille dans sa maison. On sursaute avec elle. La tension est à son comble. Craven en profite pour donner une leçon de mise en scène: le suspense est rigoureux et l’espace trés bien utilisé. On est proche de Alfred Hitchcock. D’ailleurs, le film aura une autre référence au cinéma de Hitch, au début de l’acte final. Mais la première scène de Scream se finit d’une façon éprouvante, violente et dramatique. A ce jour encore, elle demeure une référence dans le cinéma d’horreur, au même titre que le prologue du Halloween de Carpenter.

Le reste du long-métrage tient toutes ses promesses et marche admirablement sur deux tableaux. D’abord, Scream est un slasher rigoureux, pur et dur avec tueur masqué et énigme quant à son identité. On soupçonne tous les personnages que l’on rencontre. Chaque entrée dans le champ, chaque réplique, chaque regard peut-être interprêté comme un indice et alimente la paranoïa des protagonistes et du spectateur. De plus, le film reprend les personnages-types du slasher: la jeune vierge courageuse (formidable Neve Campbell), son fiancé taciturne (l’extraordinaire Skeet Ulrich), le copain blagueur (Matthew Lillard), le lycéen cinéphile (Jamie Kennedy), la bimbo (Rose McGowan), l’adjoint benêt du shériff (hilarant David Arquette), la journaliste arriviste (Courteney Cox). Les meurtres sont assez brutaux (mais les auteurs iront plus loin dans les opus suivants, surtout le 4), les apparitions du tueur font sursauter. Le suspense est total jusqu’au twist final, assez inattendu et malin.

Mais ce qui distingue Scream, c’est son humour…trés noir! Williamson a brillament anticipé le fait que les spectateurs connaissent les codes du slasher-movie et sont blasés. Ses personnages seront donc le reflet de ce public. Ils commentent les films d’horreur, se moquent de leurs clichés et se prétendent plus malins que le tueur. C’est une erreur car ce qu’ils vivent est bien réel. Un meurtre n’est pas une blague et reste choquant. D’autre part, les personnages sont eux-même les protagonistes du genre de films dont ils se moquent. La mise en abîme est assez futée. Et finalement, ils feront les mêmes erreurs que les victimes des films d’horreur, des erreurs qu’ils prétendaient ne pas commettre. Et voilà quel est l’angle d’attaque de Wes Craven et Kevin Williamson: se moquer d’un genre, en proposer une critique et une relecture tout en faisant un film classique du dit genre. Le second degré règne en maître. Par exemple, Sidney (Neve Campbell) fustige les blondes stupides qui se réfugient à l’étage au lieu de sortir de la maison. Quand le tueur l’attaquera, ….elle montera à l’étage. Quant à la blonde de service, elle s’avérera plus coriace que le tueur ne le croyait!

La dernière partie de Scream va plus loin dans la mise en abime. Durant une fête, le tueur va frapper alors que les jeunes regardent Halloween en v.h.s. Et Craven de calquer son rythme sur le film de Carpenter, en utilisant les ressorts et bien sûr la musique, içi en fond sonore. Ce qui ne se passait qu’à l’écran vient de contaminer le réel. Craven poursuit le travail qu’il avait commencé avec le brillant Freddy sort de la Nuit (1994). Sur ce plan, il ira encore plus loin dans Scream 2 et 4. D’autant que Craven ajoute un élément pertubateur: l’effet retardateur. Aidé de son caméraman, la journaliste cache une caméra dans la maison des jeunes pour essayer d’avoir un meurtre en direct. Malheureusement, un fois dans le camion-régie, elle se rend compte qu’elle capte les événements en différé de 30 secondes! Les protagonistes assistent, impuissants à ce qui se déroule dans la maison et ont beau crier: »Attention derrière toi! », rien n’y fait, ils ont 30 secondes de retard! Comme quand on regarde un film d’horreur pour la 250ème fois et qu’on met en garde les personnages alors que leur destin est immuable. D’autant que dans Scream, 2 personnages observent, dans le camion-régie, un troisième qui regarde Halloween en exhortant Jamie Lee Curtis à faire attention, tandis que le tueur s’approche derrière lui! 

Voilà ce qui fait le sel d’un film comme Scream. il enfreint et se moque des règles d’un genre, tout en épousant ses codes narratifs. D’autre part, Wes Craven se permet une apparition (comme Hitchcock dans ses films) où il fait référence à un de ses personnages cultes. Le genre de chose qui ravit les fans!     

Scream de Wes Craven, en dvd Zone 2 chez GCTHV.

ATTENTION! A NE LIRE QU’APRES AVOIR VU LE FILM!

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Courteney Cox, Jamie Kennedy et Neve Campbell: attention, devant vous!

Le dénouement de Scream est assez unique dans les annales du slasher. En effet, contrairement à d’habitude, il y a deux tueurs complices: Billy Loomis et Stuart Marker. Mais c’est le premier, le véritable cerveau de l’affaire. Le deuxième étant plus un demeuré, symbole de ces jeunes décrébrés qui passent leur temps devant la télé. La personnalité de Billy Loomis est assez fascinante (tout comme l’interprétation de Skeet Ulrich). Le tueur est içi un metteur en scène qui décide de « réaliser » son propre film d’horreur. Il se montre malin, cruel et inventif. C’est un tueur cinéphile et ses camarades n’ont aucune chance contre lui. Ses références sont plus anciennes. Il prend un complice, le fait appeler quand lui-même est emprisonné au commissariat pour se disculper. Ce qui lui permettra aussi de monter sa propre mort. Cela rappelle fortement des films comme L’Assassin Habite au 21. D’autre part, une fois démasqué, il cite la réplique culte du Psychose (1960) de Hitchcock: We all go a little mad (on est tous un peu fou à notre façon).

Car Billy est un petit garçon traumatisé par le fait que sa mère a quitté son père et n’est jamais revenue. L’absence et la présence lourde d’une mère, comme dans Psychose. Sa première victime sera la mère de Sidney, car elle avait couché avec son père et précipité le départ de sa propre mère. On le voit, c’est un traumatisme ancien pour un jeune homme qui a ruminé sa vengeance en regardant des films. Il deviendra même le petit ami de Sidney pour la manipuler et la traumatiser à son tour. Dans les films d’horreur, la vierge survit. Billy la déflore pour qu’elle devienne une victime comme les autres. « Quel effet ça fait de coucher avec un psychopathe? » lui rappelle-t-il cruellement à la fin du film. Et Sidney elle-même est marquée par la mort de sa mère. Un événement crée par le tueur/réalisateur. Mais la rendre orpheline de mère ne lui suffit pas…

A la fin du film, Sidney devra vaincre Billy et Stu avec leurs propres armes: de l’intelligence, un téléphone et un masque. Ironiquement, c’est en sortant d’un placard dans le costume du tueur, qu’elle porte le coup fatal à Billy. Enfin, presque fatal….

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15 juillet, 2012 à 13 h 22 min | Commentaires (0) | Permalien


TO ROME WITH LOVE-Tous les chemins mènent à Woody

TO ROME WITH LOVE-Tous les chemins mènent à Woody dans Cinéma mov-to-rome-with-love_320-300x225

Alec Baldwin et Jesse Eisenberg ou quand un homme d'âge mur se penche sur sa jeunesse.

 

A Rome, ville éternelle de l’amour, plusieures histoires se déroulent, mais sans jamais s’entrecroiser: une jeune couple marié fera l’apprentissage de l’adultère, un architecte américain rencontre un compatriote étudiant et sera le témoin de ses amours compliqués, un bureaucrate anonyme devient la star des médias du jour au lendemain et un metteur en scène d’opéras américain rencontre le père du futur époux de sa fille, un croque-mort dotée d’une voix fabuleuse mais qui ne peut chanter juste que sous une condition bien particulière.

A la lumière de ce résumé, on voit qu’on a affaire à un film à sketchs, un genre un peu tombé en désuétude mais remis au goût du jour par le succés récent du sympathique Les Infidèles. Mais Woody Allen n’a pas attendu Lellouche et Dujardin pour écrire son film. Il s’agit d’une coïncidence plus que d’une tendance. Et comment notre cinéaste new-yorkais (en goguette en Europe depuis Match Point) préféré se sort-il de ce genre? Et bien, d’une façon éclatante, mes amis!

Evacuons d’abord le problème du lien entre les sketchs. Il n’y en a pas, à part peut-être les thèmes abordés. Certains trouveront cela décevant mais honnêtement, ce n’est pas gênant. Niveau écriture et dialogues, que dire? Tout simplement que Woody est à son meilleur niveau. Tout le film est léger, drôle, sarcastique, spirituel mais aussi teinté d’amertume (un peu comme dans le sous-estimé Vous Allez Recontrer Un Bel Et Sombre Inconnu). On se demande à quoi carbure le cinéaste de 76 ans pour avoir ce don du dialogue bien senti et des situations cocasses! Alors, bien sûr, au niveau de la thématique, Woody reste dans son fond de commerce préféré, l’amour et ses vicissitudes (adultère, tentation, hésitation, femmes tentatrices, artistes malheureux dans leur quotidien,…), mais quand c’est aussi bien fait que dire? Juste grazie maestro!

Côté ambiance et réalisation, c’est superbe. Woody filme Rome d’une façon ensoleillée. Il insuffle beaucoup de rythme à sa comédie de moeurs. Et n’oublions pas qu’en matière de comédie, si il n’y a pas de rythme, c’est mort! Ceux qui raillent la façon soi-disante vieillote avec laquelle filmerait Allen, on oubliait ce qu’est le Classicisme en matière de cinéma. Les acteurs se mettent au diapason et sont tous géniaux, avec une mention particulière pour Roberto Begnini, Alec Baldwin et Pénelope Cruz. Ah, Pénelope…

Mais dans ce dernier opus, Woody règle ses comptes avec la célébrité et les illusions qu’elle induit. L’histoire du personnage de Begnini est une critique à peine voilée et trés pertinente de la télé-réalité et de ses « stars » célèbres pour montrer leur intimité au yeux de tous. Mais Allen ne tape pas que sur ces pauvres bougres: les médias, complices et manipulateurs, s’en prennent aussi une bonne. A travers cette histoire, Woody flirte avec l’absurde et le surrréalisme. Cette tendance se retrouve aussi à travers la meilleure histoire de ce film: celle d’Alec Baldwin. Il rencontre un jeune étudiant qui lui ressemble et qui est en train de vivre la même histoire qu’il a vécue. Il le suit partout et essaye de le conseiller et de le mettre en garde. On se rend vite compte qu’il s’agit de lui-même et qu’il se promène dans ses souvenirs et essaye de voir comment il aurait pu éviter certaines erreurs. Un homme d’âge mûr, plein de regrets et de nostalgie, sans complaisance vis à vis de sa version « jeune ». Mais cette dernière (excellent Jesse Eisenberg) le regarde de la même façon et lui lancera un « Tu t’es vendu » qui reste au travers de la gorge. Woody plonge dans le « fantastique » avec cet homme qui se rejoue ses erreurs passées dans sa tête et les matérialise sous nos yeux. Original.

Alors, peut-être que la fin s’étire un peu, mais ce film est un vrai bonheur, un cadeau qui fait du bien, qui fait rire (mais pas que!). Bref, Woody Allen n’est pas mort. Et il est attristant de voir qu’une grande partie de la critique crie au navet. Cette même critique qui enscensait Woody, il y a peu. Ce retournement de veste me fait penser, ironiquement, à ce que subit Roberto Begnini dans le film. Note: 15/20

To Rome With Love de Woody Allen, avec Woody Allen, Alec Baldwin, Roberto Begnini Pénelope Cruz, Jesse Eisenberg, Ellen Page,… en salles depuis le 4 juillet.

7 juillet, 2012 à 15 h 49 min | Commentaires (0) | Permalien


LES MALEFICES DU TEMPS-Tempus fugit

LES MALEFICES DU TEMPS-Tempus fugit dans Lecture les-malefices-du-temps-194x300

La littérature fantastique européenne est souvent occultée par sa grande soeur anglo-saxonne. Pourtant, elle se développe doucement, à l’ombre de cette aînée parfois gênante. En voici une (petite) preuve avec ce court recueil de nouvelles (cinq histoires), écrit par un écrivain belge qui commence à se faire un nom: Michel Rozenberg.

En furetant au rayon librairie d’une grande enseigne culturelle, je découvre, entre 2 romans de SF et au-dessus des inévitables ersatzs de Twilight, une nouveauté. C’est un petit livre de poche, de 220 pages. Son titre: Les Maléfices du Temps. L’auteur: Michel Rozenberg. Apparemment, il n’y avait plus que cet exemplaire en rayon. De par son titre (j’adore les histoires de paradoxes temporels) et son caractère unique, le livre me clignait de l’oeil. Après avoir lu le quatrième de couverture et le prix (6 euros), je décidais de l’acheter. Je le lus pendant la soirée et le lendemain. Et je ne regrettais pas mon achat.

Je vous recopie le résumé du quatrième de couverture: « Une femme en proie aux fantômes du passé, un cadavre pas comme les autres, un écrivain dont les textes et les rêves s’entrecroisent, un meurtrier qu s’ignore encore, un livre interdit aux profanes chez un étrange antiquaire. Cinq histoires fascinantes où le temps vous jouera des tours. »

Evacuons tout de suite un malentendu: le livre ne traite ni de voyages dans le temps, ni de paradoxes temporels. Mais le Temps, et ses effets sur nous, est bien au coeur de ce recueil. L’auteur traite, pêle-mêle, de la vieillesse, des regrets, du temps qui passe, de la mort, du pouvoir de l’imagination et de la folie. Bref, un livre qui ressemble aux obsessions humaines. Les histoires sont originales. Elles délivrent un sentiment d’étrangeté prégnant, une sorte de croisement entre Jean Ray et Richard Matheson. Car ce sont bien des histoires fantastiques où le « surnaturel » fait irruption dans le quotidien le plus banal. Alors, même si sur une ou deux de ces histoires, on voit où Rozenberg veut en venir à la fin, force est de constater que ce livre est une petite réussite.

Certains passages font peur (« Le Temps d’Aimer » et ses cauchemars sans fin que n’aurait pas renié Wes Craven) ou sont émouvants (la conclusion de cette même nouvelle, ce qui prouve le tour de force). Mais le plus réussi, c’est ce sentiment de paranoïa qui imprègne toutes ces histoires, une paranoïa qui vire à la folie pure et simple (« A Rebrousse-Temps » et « Les Spectres Du Temps »). L’auteur nous promène dans un monde étrange et terrifiant et nous y perd comme de pauvres petits enfants. D’autant que ce livre, comme écrit plus haut, traite de sujets qui nous sont proches, ce qui renforce notre trouble. De plus, le style de Rozenberg est parfait: il sait faire monter l’angoisse et ses personnages sont remarquablement écrits. Par moments, on se croirait dans le Horla de Maupassant ou dans un film de Polanski. Mais l’auteur n’est pas un pâle imitateur et posséde une voix propre et un talent personnel singulier.

Le recueil s’ouvre et se clôt sur deux nouvelles géniales. Tout d’abord, « Les Maléfices du Temps » et sa malédiction diabolique. La construction de l’histoire est originale et on a l’impression, au fur et à mesure que le piège se referme sur les personnages, d’être dans un épisode de La Quatrième Dimension. Cette nouvelle a obtenu le Prix Masterton 2007. Enfin la dernière nouvelle, « Le Temps Fissuré » nous fait basculer dans une folie totale via un télescopage fiction/réalité assez vertigineux. D’autant que « l’histoire dans l’histoire » est trés bien écrite.

Voilà, moi, j’ai envie de lire d’autres ouvrages de cet auteur (« Altérations » et « Les Reflets de la conscience »), en attendant, je vous invite à lire celui-là! Note: 15/20

Les Maléfices du Temps de Michel Rozenberg, éditions Lokomodo (Fantastique), 2012

26 juin, 2012 à 8 h 34 min | Commentaires (2) | Permalien


MEN IN BLACK 3-Paradoxe temporel

MEN IN BLACK 3-Paradoxe temporel dans Cinéma men-in-black-32-300x200

K "version 1969" (Josh Brolin) et J (Will Smith): un nouveau duo en 1969, mais pas en 2012...

 

En 1997, Men in Black de Barry Sonnenfeld avait été le succés surprise de l’été. Ce film était devenu culte pour ceux qu’on n’appelait pas encore les geeks. Cette comédie de SF, adaptée d’un comics, avait su proposer une véritable ode à un tout pan science-fictionnel (hommes en noir, aliens présents sur Terre à notre insu, théorie du complot) via un traitement naviguant, avec un certain talent, entre premier et second degré. Dans la foulée, une série animée voit le jour (assez sympa au demeurant). En 2002, l’inévitable séquelle, toujours signée Sonnenfeld, voit le jour mais la magie n’opère plus: si le film reste regardable, le script (paresseux à souhait) sert la soupe à Will Smith et ses pitreries, sans rien proposer de neuf, excepté 2 ou 3 séquences réussies grâce au talent de Sonnenfeld. Sans être un désastre, le film encaisse une contre-performance au box-office, à tel point que la franchise (série animée comprise) est stoppée net pendant 10 ans. Quand le troisième volet (sous l’impulsion du producteur Steven Spielberg) se met en chantier, personne n’y croit plus, d’autant que les problèmes s’enchaînent (le scénario n’était pas fini au début du tournage, par exemple). Et pourtant, au contraire de la baudruche Prometheus que tout le monde voulait voir, Men in Black 3 s’impose comme une petite réussite.

Déjà, le scénario renferme une idée géniale: le voyage dans le temps. Suite à l’évasion d’un alien trés dangereux, Boris l’Animal, du pénitencier Lunar Max,  la vie de nos agents préférés, J et K, va être chamboulée. Boris trouve le moyen de retourner en 1969 pour tuer K. J va alors tout faire pour rétablir l’ordre des choses car la survie de notre planète en dépend. Confronter l’univers des Hommes en Noir avec le mythe du paradoxe temporel est un pur fantasme qui s’assouvit parfaitement dans le film. Car loin de se contenter de faire une simple comédie « anachronique » (style « Les Visiteurs ») en opposant J au contexte de l’année 69, Sonnenfeld livre une sorte de rêve nostalgique. Car le film n’est pas adapté aux normes du blockbuster de notre époque (genre les Transformers de Michael « je fais mal aux yeux » Bay). On a affaire à un film qui retrouve l’essence du film originel de 97, mais aussi de tout un pan du cinoche des années 80 (Retour vers le Futur, C’était Demain). Le final, par exemple, n’est pas un truc super spectaculaire qui explose partout mais une scéne d’action, certes trépidante, mais finalement assez old school, lisible, trés bien découpée et qui renvoie à la SF des années 70, voire 60.

Men in Black 3 est un film super ludique. Les scènes d’action sont trés réussies et bien montées. Mais elles ne constituent pas l’essentiel même si le plaisir qu’on y prend est grand (voir l’évasion de Lunar Max ou la poursuite en « rétro mobylette »). Le second degré légendaire de Sonnenfeld se déploie içi avec aisance, sans verser dans le cynisme. La double lecture est constante (notamment le racisme des années 60 évoqué là par un contrôle routier ou dans un dialogue entre K et son supérieur qui ne semble pas faire grand cas des pertes extra-terrestres lors d’un accident). C’est malin et assez subtil. D’autant que l’aspect comique est parfois savoureux (ah, Andy Warhol..). Visuellement, Sonnenfeld assure et s’autorise des moments ultra-jouissifs (le passage en 1969 via un plan-séquence hilarant en est le parfait exemple).

Mais le plus surprenant dans ce film, c’est le facteur émotion. La nostalgie, mentionnée plus haut, instille souvent ce sentiment. Le voyage dans le temps aussi. Et le final du film vous sert la gorge. Etonnant pour du Men in Black! Et puis le côté paradoxe temporel est aussi accentué par un personnage instantanément culte: Griffin, un alien doté d’un pouvoir trés particulier. Au début il nous fait rire mais loin d’en faire un bouffon, Sonnenfeld nous le rend attachant et émouvant (la scéne du match de base-ball ou la scène finale sur la plage). Enfin, terminer le film en mêlant la mythologie des Hommes en Noir avec un la grande Histoire est trés pertinent.

Alors oui, certains personnages secondaires manquent d’épaisseur (O par exemple) et on a l’impression qu’il manque des scènes (ceci est du au tournage chaotique) mais arrivé à faire un aussi bon film, cohérent et émouvant, dans ces conditions, est un petit miracle en soi. Note: 13/20

Men in Black 3 de Barry Sonnenfeld, avec Will Smith, Tommy Lee Jones et Josh Brolin, en salles depuis le 16 mai.

19 juin, 2012 à 15 h 04 min | Commentaires (0) | Permalien


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