LES RADLEY-Les liens du sang
Depuis le succés de la saga Twilight, le roman de vampires connait un essor considérable en librairie. Le problème, c’est que la plupart des oeuvres sont à classer dans la littérature pour adolescentes fleur-bleues. Loin de moi l’intention de dénigrer ce public mais les amateurs de fantastique, d’horreur et de littérature gothique, eux, tirent la tronche devant ces Twilight-like, uniquement écrits pour rapporter du pognon aux éditeurs et ayant plus de rapport avec la collection Harlequin qu’avec Bram Stoker ou Anne Rice. Le style de cette littérature juvénile étant, souvent, d’une médiocrité abyssale, il est cruel de constater que nos suceurs préférés sont tombés aussi bas!
Heureusement, des lueurs d’espoir apparaissent. Après un sympathique Dracula l’Immortel, écrit par Dacre Stoker (arrière-petit neveu de Bram) et Ian Holt ( roman gothique, sanglant et sexy, ayant plus de rapport avec le film de Coppola qu’avec le roman originel, un paradoxe pour une suite officielle!), voici un roman anglais qui nous venge de Twilight et de ses clones: Les Radley de Matt Haig.
Ce jeune auteur anglais (37 ans) nous conte l’histoire d’une famille de vampires abstinents, c’est à dire ayant renoncé à boire du sang. La famille est composé des parents (Peter et Helen) et de leurs deux enfants (Rowan et Clara). Ces deux derniers ne sont pas au courant de leur nature vampirique, leurs parents leur cachant la vérité. Ils vivent dans une petite bourgade anglaise, du genre aussi ennuyeuse que celles servant de décor à la série Barnaby. Les enfants Radley, sont victimes de carence en sang. Le garçon, Rowan, est couvert d’eczema et doit s’enduire tout les matins d’écran total (!). Sa soeur est migraineuse…et végétarienne, ce qui arrange bien ses parents! Des parents qui vivent dans un mensonge depuis 17 ans: faire comme si ils étaient des gens normaux. Mais la réalité va rattrapper les Bradley…
Ce qui fait la force de ce roman, c’est qu’il s’agit d’une histoire de famille. Une famille dysfonctionnelle comme il en existe tant d’autres. Si on enlève l’élément surnaturel, on a juste des parents en pleine crise de la quarantaine et des enfants en pleine crise d’adolescence. Mais cela se double d’une crise existentielle: qui sont-ils? Des monstres ou des gens normaux? Les Radley vont souffrir de cette question et tenter d’y répondre. Cette famille, Matt Haig sait la rendre attachante et ce jusque dans les plus petits détails. D’ailleurs tous les personnages de ce roman sont bien décrits. Certains sont même trés émouvants comme Rowan Radley ou Jared Copeland. Voilà déjà un bon point en faveur du livre.
Ensuite, et c’est le plus important, nous avons affaire à une formidable satire sociale de la middle-class britannique. Le vampirisme représente la liberté et la transgression. La normalité est elle synonyme de renoncement et de refoulement. Les Bradley étaient libres. Ils ont choisi de vivre comme les gens normaux c’est à dire d’une façon ennuyeuse et anesthésiante, ce qui les force à nier leur vraie nature. Car c’est cela vivre en société: se fondre dans le moule et perdre son individualisme. L’idée géniale du roman est que le vampirisme symbolise cette résistance de l’esprit. Etre vampire vous ouvre les portes de la perception au niveau des sens, de la sexualité, de l’art (littérature, musique, cinéma) et de la vie. Haig n’hésite pas à nous révéler que certains des plus grands artistes ou créateurs (Lord Byron, Jimmi Hendrix ou Tod Browning) étaient des vampires! L’art est une transgression et représente la liberté totale.
Alors faut-il vivre comme les autres (comme un mouton docile) ou comme ce que l’on est vraiment? C’est ce que devront décider les Bradley. En tout cas, le conformisme anglais en prend pour son grade. L’un des protagonistes pense que refouler ne sera pas difficile vu que la société anglaise a « le refoulement dans le sang »! Haig fait preuve d’un humour féroce et salvateur. Mais il n’oublie pas l’émotion. Les dilemmes des personnages sont parfois déchirants. Et les relations qu’ils entretiennent évoluent constamment. Le personnage de l’oncle Will apparait ainsi comme une figure shakespearienne tragique. C’est un vampire libre mais trop. Il tue des innocents et sa soif de sang irrépressible l’aménera à commettre l’irréparable. La liberté doit avoir une limite: ne pas nuir à autrui.
La trame principale est certes classique, mais Matt Haig nous conte une histoire prenante, drôle et touchante. D’autant que la mythologie vampirique qu’il dévéloppe est trés originale, mais je vous laisse la découvrir. Son style est prenant. Le rythme ne faiblit jamais et l’émotion jaillit, souvent, au coin d’une ligne, sans qu’on s’y attende. Voilà donc, un formidable roman qui pourrait faire, prochainement, l’objet d’un film réalisé par Alfonso Cuaron (Les Fils de l’Homme). En tout cas, Matt Haig est un auteur à suivre de trés prés! Note : 15/20
Les Radley (The Radleys) de Matt Haig, éditions Albin Michel, 2010.
VIDEODROME (1982)-Nouvelle chair
« Je vois à l’intérieur des images, des couleurs,
qui ne sont pas à moi, qui parfois me font peur.
Sensations, qui peuvent me rendre fou… »
Téléphone, « La Bombe Humaine »
Résumé: Max Renner (James Woods) est le patron d’une petite chaîne de télévision, Civic TV, spécialisée dans le porno et la violence. C’est un homme cynique toujours en quête d’un programme qui sera plus violent, plus porno. Un jour, un de ses techniciens capte, depuis la Malaisie, une chaîne de télé pirate, Vidéodrome, montrant une femme se faisant torturer et ce dans un style proche du snuff movie. Renner, fasciné, veut immédiatement en savoir plus et décide d’enquêter afin d’acquérir ce programme. Ce qu’il va découvrir va le conduire dans un cauchemar sans retour…
Décryptage: Voilà sans conteste l’un des films les plus fascinants et les plus réussis de David Cronenberg. Le cinéaste canadien y poursuit le travail et la réflexion entamés sur Chromosome 3 (1979) et qu’il portera à son paroxysme dans La Mouche (1986). Il traite, dans ses films, de la relation entre l’esprit et la chair. Dans Chromosome 3, le personnage de Samantha Eggar somatisait physiquement son mal-être mental et donnait naissance à une progéniture monstrueuse. Le corps humain, chez Cronenberg, se modifie sous l’effet du psychisme de ses protagonistes et engendre la création d’une « nouvelle chair ». Dans Vidéodrome, sous l’effet de pulsions sexuelles refoulées, Max Renner est victime d’hallucinations où il violente sa petite amie. Cette dernière (incarnée par Deborah Harry, la chanteuse du groupe Blondie) est elle-même une adepte du sado-masochisme. Elle veut que Max la brûle avec une cigarette. Celui-ci, d’abord réticent, se laissera convaincre. Il lui fera aussi, avec une aiguille, des trous dans le lobe de l’oreille. Les fantasmes influent donc sur le corps humain.
Mais Cronenberg va pousser le bouchon encore plus loin. Sous l’effet du programme Vidéodrome, le corps de Max va muter. Une fente apparait sur son ventre qui va lui servir de réceptacle pour cacher une arme (fantastiques effets de maquillage du génial Rick Baker). Mais Max est transformé en magnétoscope humain par le patron, sans scrupules, de Vidéodrome. Il suffit de lui insérer une cassette VHS dans la fente pour le programmer et lui faire accomplir des meurtres. Métaphore évidente de l’Homme moderne qui subit les images bruts des médias et dont l’esprit est facilement influençable et malléable. Car le film est une véritable réflexion (un réquisitoire?) sur le pouvoir des images en général et de la télévision en particulier. Ces images peuvent être dangereuses.
Cronenberg nous montre la manipulation de l’esprit par une bande de fachos, qui se cachent derrière Vidéodrome, afin de « réveiller » le peuple américain qui est trop léthargique à leur goût. Ils rendent responsables des gens comme Max de cette décadence. C’est trés ironique: le pornocrate sans scrupules nous semble bientôt plus sympathique que le big boss de Vidéodrome qui s’avérera, au propre comme au figuré, encore plus pourri de l’intérieur que notre « héros ».
Un « héros » incarné par un James Woods génial de cynisme mais aussi bouleversant quand il découvre qu’il a été le dindon de la farce. L’acteur a un visage d’une expressivité hallucinante, passant de la concupissence à la détresse la plus totale en un battement de cils! Max Renner est un personnage fasciné par le sexe et la violence qui va choisir (car il a le choix) de céder à ses pulsions les plus noires. Un personnage terriblement humain et faible, en définitif. Un homme captivé par les images au point d’y pénétrer pour participer à l’action. Cronenberg brouille notre perception du réel et on ne sait plus si on est face à la réalité ou non. A l’image du professeur Oblivion qui ne communique que par VHS interposées avec les autres, car c’est pour lui la seule réalité. On ne verra ce personnage qu’à travers un écran TV pendant tout le film. Ce qui nous vaut une idée complètement barrée mais incroyablement pertinente: la Mission Cathodique (!) du professeur qui dispense une dose quotidienne de nourriture et de télévision (!) aux pauvres.
Quant à la fin du long-métrage, elle reste ouverte: Max a-t-il vécu tout ça ou a-t-il tout halluciné? Les images l’ont-elles rendu fou? Et quant est-il de nous? C’est ce que semble nous demander Cronenberg à travers ce court film (84 minutes) sombre, pessimiste, froid, clinique et..assez gore (comme d’hab chez Cronenberg!). Un film d’horreur psychanalytique dont lui seul a le secret. Un film hallucinant et trés visionnaire. Et malheureusement toujours d’actualité, 30 après sa sortie.
Vidéodrome de David Cronenberg, avec James Woods et Deborah Harry, en DVD Zone 2 chez Universal Video.
N.B: en 1999, Cronenberg, en adaptant le roman Existenz de Christopher Priest, fera un quasi-remake de Vidéodrome mais situé dans l’univers virtuel du jeu vidéo. Et malheureusemnt, le résultat est beaucoup moins convaincant que Vidéodrome…
PROMETHEUS-Espace vide
On peut dire que le film Prometheus était attendu comme le Messie par les fans de S.F. En effet, il s’agit du retour à la science-fiction de Ridley Scott, 30 ans après son chef-d’oeuvre Blade Runner. De plus, le film est annoncé, un temps, comme une préquelle à Alien, autre grand classique de la filmographie du réalisateur britannique. Mais en cours d’écriture, Scott et ses deux scénaristes dévient de leur projet initial et s’orientent vers autre chose qu’une simple préquelle à Alien. Mais Scott annonce qu’il y aura bien un lien avec l’univers de Alien mais que ça ne constitue pas l’axe principal du projet. Les geeks du monde entier commencent à trépigner d’impatience. Puis arrive la première bande-annonce qui enflamme la toile et le coeur des cinéphiles. Malheureusement, à la vision du film, force est de constater que nos grandes espérances sont déçues dans les grandes largeurs, sans que le film soit une purge totale pour autant.
Après un prologue magnifique et d’une beauté confondante, l’histoire nous raconte comment une expédition scientifique est mise au point et envoyée dans l’espace vers une planète inconnue, en l’an de grâce 2093. Cette mission est constituée suite à une découverte archéologique. En effet, sur des peintures murales préhistoriques, est peint une sorte de géant qui montre une certaine galaxie dans l’univers, en tendant le bras. Bien sûr, une fois sur place, la mission va tourner au cauchemar…
Alors, commençons par les compliments. Tout d’abord Sir Ridley n’a pas perdu la main et son retour à la SF s’avère grandiose, du point de vue visuel. C’est simple, sur le plan de l’image, c’est son plus beau film depuis Legend (1985). Il y a des plans qui impriment la rétine du spectateur et subjuguent. Je pense notamment aux « films » sur la nature qui défilent sur les murs de la cabine de Vickers (Charlize Theron) comme un écho du paradis terrestre perdu pour les membres de l’équipage du Prometheus, le prologue, les scènes où David (Michael Fassbender) est seul dans le vaisseau ou les plans, imposants, à l’intérieur du « dôme ». Scott sait toujours maintenir la tension et le suspens et son film se laisse suivre sans trop d’ennui car le rythme n’est jamais trop lent. Les scènes horrifiques sont spectaculaires et assez effrayantes (voire un peu gore mais pas trop) et Scott nous gratifie d’une séquence d’ »accouchement » absolument tétanisante, mais pas aussi culte que celle d’Alien. Il est appuyé par des décors et une photographie somptueuses. Enfin, les effets spéciaux sont trés réussis. Visuellement, le film est une petite claque. Oui mais voilà, ça ne fait pas tout et quand on se penche sur le scénario, les ennuis commencent.
Car que raconte le film?…Pas grand chose, en fait! Le scénario est vide. Tout cela sonne creux. Il ne se passe quasiment rien d’intéressant sur le plan narratif pendant les 3/4 du film (qui dure 2 heures au passage!). Tout cela sent le mauvais décalque de la structure du premier Alien: une équipe d’astronautes débarquent sur une planète inconnue et découvrent une forme de vie hostile. Ils se proménent dans des galeries interminables, découvrent des trucs cheloux, et parlent pour rien dire. Et à part ça? Rien! Ou si peu. Le spectateur attend qu’il se passe quelque chose mais il faut attendre 1h30 pour que le film décolle. C’est un film complètement désincarné et d’une platitude totale. Il y a quelques bonnes idées de script: les créateurs-destructeurs (les Ingénieurs dans le film), la quête du père qui se double d’un complexe quasi-oedipien, les relations ambigües entre David et Vickers, et le doute distillé sur cette dernière: est-elle un androïde qui s’ignore (on rejoint Blade Runner)? Mais ce n’est pas développé et tout ça reste à l’état d’ébauche.
Les personnages n’ont aucune présence et souffent d’un manque de caractérisation handicapant. Comment s’intéresser à leur sort si on ne s’attache pas à eux? Là où les 8 rôles d’Alien (1979) existaient tous à l’écran, on a içi des personnages secondaires qui ne servent à rien (la femme-médecin, les 2 co-pilotes qu’on retrouve à la fin car le commandant a besoin d’eux!). La palme revenant au personnage de Guy Pearce qui surgit comme un cheveu sur la soupe dans la dernière bobine et qui n’apporte pas grand-chose! Noomi Rapace, d’ordinaire excellente, se promène avec 2 expressions sur le visage pendant tout le film. On a même droit à un flash-back bien pourri sur son enfance (pauvre Patrick Wilson qui fait de la figuration!). Heureusement qu’il y a le personnage de David (le grand, le génial, le superbe Michael Fassbender) qui s’avère être le personnage le mieux écrit.
Mais le script veut péter plus haut que son cul. Le premier Alien était un faux-film de S.F et un vrai film d’horreur, sans prétention métaphysique. Là, le syndrome 2001 a encore frappé et on a droit à une pseudo réflexion philosophique et religieuse sur les origines de la vie bien simplette et ridicule. Et puis quelles incohérences dans le script! Par exemple, suite à une opération chirurgicale où il a assommé 2 autres personnages, un membre de l’équipage poursuit l’histoire sans que personne l’interroge et il recroise même les 2 autres qui ne réagissent pas! Du grand n’importe quoi pour une production de ce standing! (N.B: j’essaie de ne pas spoilier!).
Et le lien avec la saga Alien? Complètement artificiel! Plaqué là, à la fin, comme ça, pour satisfaire les fans! Franchement, ça n’apporte rien à la mythologie Alien. C’est même du foutage de gueule éhonté. Alors, on essaie de nous expliquer la genèse biologique des Aliens mais dans le même temps, cette volonté de tout expliquer est contredite par cette fin ouverte et surtout des interrogations qui demeurent dans l’esprit du spectateur. Des questions qui resteront sans réponses, à moins d’une suite. Carton rouge, messieurs les scénaristes! On se rend surtout compte qu’ils n’en avaient rien à foutre d’Alien. Ils auraient du s’en affranchir plus, comme c’était prévu. Mais à mon avis, le studio (la Fox) a fait pression pour qu’on intègre des éléments d’Alien afin de ne pas frustrer les fans. Raté, la frustration est quand même là!
Ridley Scott est toujours un grand réalisateur mais il devrait mieux choisir ses scénarios à l’avenir. Parce que tout ça pour ça… Note: 09/20
Prometheus de Ridley Scott, avec Noomi Rapace, Michael Fassbender, Guy Pearce, Idriss Elba et Charlize Theron, en salles depuis le 30 mai.
N.B: Ahurissant de voir, aprés coup, le nombre de plans de la fin présents dans la bande -annonce. Punaise, en fait, ça sentait mauvais depuis le début!
COSMOPOLIS-Le blues du businessman
Un nouveau film de David Cronenberg est toujours un évènement. Le réalisateur canadien fait partie de ces cinéastes fascinants dont l’oeuvre, riche et variée, suscite l’admiration ou le rejet, selon ses goûts. Mais il y a un avant et un après Spider (2002) chez lui. En effet, depuis 10 ans, Cronenberg a laissé de côté les films trashs, gores et psychanalytiques ( Rage, Chromosome 3, Scanners, Videodrome, La Mouche, Faux Semblants, Crash,…) pour une forme de cinéma plus mainstream, plus accessible mais toujours aussi froide, clinique et….psychanalytique comme le prouve son avant-dernier film, A Dangerous Method (2011). Certains fans de la première heure ont crié à la trahison. Il est vrai que le cinéma de Cronenberg a un peu perdu en viscéralité mais il demeure passionant et finalement pas aussi « commercial » et « grand public » que ça (voir A History of violence et Les Promesses de l’Ombre pour s’en convaincre).
Cosmopolis nous relate 24 heures de la vie d’un golden-boy millionaire (Robert Pattinson) dans un New-York en plein apocalypse de rue (manifestations anti-capitalistes assez violentes). Le monde de notre riche ami va peu à peu se fissurer et s’écrouler. Tout l’intérêt de Cosmopolis est que l’action, pour les 3/4 du long-métrage, se déroule dans la limousine du « héros ». Un véritable monde en lui-même, clinique, aseptisé et ne laissant filtrer aucun bruit du monde extérieur. On voit là la métaphore évidente d’un capitalisme devenu fou et complètement déconnecté du monde réel. De ce point de vue la réalisation de Cronenberg est magistrale. Le canadien arrive à rendre passionant et fascinant les échanges à l’intérieur de cette limousine en variant les cadres et les positionnements des personnages à l’intérieur avec une certaine aisance. D’un point de vue purement formel, Cronenberg réussit son pari.
D’un point de vue thématique, le film est aussi assez réussi. Comme dit plus haut, c’est une charge contre nos sociétés capitalistes et cet univers de la finance qui régente le monde sans le connaître. Le protagoniste principal est un être froid et dénué de sentiments véritables. Il est complètement déconnecté de la vie, dans sa limousine. Son mariage avec une riche héritière est un mariage sans émotion, sans sexe, sans rien du tout en fait! Il reçoit sa maîtresse (Juliette Binoche) dans sa limo pour avoir une relation sexuelle parce qu’il lui faut du sexe. Ses collaborateurs subisssent le même traitement. C’est un univers triste mais faut-il plaindre un individu pareil qui s’avérera dénué de tout sens moral et de tout sens des valeurs? Cronenberg nous laisse seuls juges.
Il y a aussi pas mal d’humour, souvent noir, dans le film: l’obsession du « héros » d’aller chez le coiffeur malgré les manifestations et les menaces de mort qui pèsent sur lui, une oscultation de la prostate hilarante, certaines répliques absurdes, un personnage d’entarteur (Matthieu Amalric) plus obsédé par le fait d’entarter que de délivrer un quelconque message, etc. Il y a une scène de baise entre Pattinson et une garde du corps assez étrange où le golden-boy essaie de ressentir quelque chose en enjoignant sa partenaire à l’allumer avec son taser. Surtout, il y a la scène chez le coiffeur, décalée et…émouvante car on a la sensation de voir la mort d’un monde entier, happé par le capitalisme moderne.
Mais pas d’angélisme chez Cronenberg. Les quelques manifestants anti-capitalistes étant trés violents (tentative d’assassinat brutale sur le directeur du FMI en pleine interview télévisée) ou un peu dérangés (les manifestants « aux rats »). Enfin, la « némésis » du golden-boy, un ancien employé revanchard (excelllent Paul Giametti) s’avère être assez pitoyable: un homme seul, broyé par le système et basculant dans la folie.
Malheureusement pour le spectateur, Cronenberg a choisi d’adapter à la lettre le roman de Tom DeLillo dont le film est tiré. Ce qui se traduit par le fait que Cronenberg a laissé tels quels toutes les répliques du livre. Or, la plupart sont assez obscures et incompréhensibles. Et elles nous passent complètement au-dessus de la tête! Ajoutez à cela que nous sommes face à un film qui ne raconte pas une histoire mais qui nous montre des échanges entre des personnages et vous obtenez un résultat certes fascinant, assez drôle et sombre mais aussi long et chiant, il faut bien le dire! Au détour de scertaines scènes longuettes, le spectateur baille et ferme ses yeux. Et c’est dommage car le film se tient et demeure assez réussi. Allez comprendre! En tout cas, vous êtes prévenus!
Et Robert Pattinson? Il joue bien mais comme il ne devait pas comprendre la moitié de ses répliques, il joue avec un air absent ce qui, paradoxalement nourrit le côté déshumanisé du personnage. Note (du film, pas de Robert!): 12/20
Cosmopolis de David Cronenberg, avec Robert Pattinson, en salles depuis le 25 mai.
MONSTRES ET MERVEILLES (1987)-Il était une fois
Résumé: Dans un château quelque peu délabré, un vieil homme (John Hurt) raconte des histoires à son chien, au coin du feu.
Liste des épisodes:
1- Le géant sans coeur
2- La quête de la peur
3-Le soldat et la Mort
4-La promise
5-L’enfant de la chance
6-Les trois corbeaux
7-Une histoire en moins
8-Hans Pique-doux
9-Belle Chagrin
Contexte: En 1986, Jim Henson (créateur du Muppet Show et de Fraggle Rock) sort fatigué de l’aventure Labyrinth, son deuxième long-métrage de fantasy aprés Dark Crystal. Labyrinth s’avère être un échec artistique et commercial. Et surtout, Jim Henson se montre déçu de sa collaboration avec George Lucas, le producteur du film. Un Lucas qui oriente le projet du côté de la comédie familiale un peu lourde, alors qu’à l’origine il s’agissait d’une version sombre d’Alice au Pays des Merveilles. De plus, la rumeur (largement confirmée par des témoins de l’époque) veut que Lucas ait complétement remonté le film en post-production. Bref, Henson est esseulé aprés cette malheureuse expérience. Pour rebondir, il se tourne vers la petite lucarne qui lui a déjà tant apporté. Il s’associe avec le producteur Duncan Kenworthy, qui produira par la suite Quatre Mariages et un Enterrement (1994) ainsi que le téléfilm Les Voyages de Gulliver (1996). Les deux hommes se sont rencontrés sur Dark Crystal où Kenworthy était producteur associé. Ce dernier a toujours été intéressé par l’univers des contes de fée, en particulier ceux des frères Grimm. Il propose à Henson de travailler avec lui sur une série adaptant ces contes. Henson, lui aussi amateur de fantasy, accepte. Il devient le producteur éxécutif de la série, en supervisant tous les aspects narratifs et visuels avec la collaboration du designer Brian Froud, son « bras droit » sur Dark Crystal et Labyrinth. Les effets spéciaux, et notamment les créatures en animatroniques (marionnettes animés »à la main » et avec des mécanismes) sont confiés à la boîte de Jim Henson, le Henson’s Creature Shop. Les adaptations sont signées par le scénariste Anthony Minghella (futur réalisateur du Patient Anglais). Côté réalisation, Jim Henson en signe deux (Le géant sans coeur et Le soldat et la Mort), les autres sont assurées par Steve Barron (épisodes 2, 8 et 9), Peter Smith (La promise), Jon Amiel (L’enfant de la chance) et Charles Sturridge (Une Histoire en moins). Côté casting, le conteur est joué par John Hurt (Elephant Man, Midnight Express, Alien) et son chien par Brian Henson (fils de Jim) qui s’occuppe de son animation et de son doublage vocal. Pour le reste, on croise des comédiens encore peu connus (tels Sean Bean) ou d’autres qui commencent à se faire un nom (Brenda Blethyn, Miranda Richardson, Jonathan Pryce ou Philip Jackson). 9 épisodes sont donc tournés. Malheureusement, la série fait un flop (du moins aux USA). Son coût, trop élevé, la condamne. Il n’y aura pas de suite. Sauf une brève résurrection en 1995, les Mythes Grecs, avec Michael Gambon en lieu et place de John Hurt. Mais là aussi, ça ne marche pas. Par contre, la série rencontre un petit succés en Europe, et devient un peu culte. En France, elle fut diffusée pour la première fois, en décembre 1987, dans la dernière saison de Récré A2 (présentée par Marie Dauphin, Charlotte Kady et Alain Chauffour). C’est là que votre serviteur la découvrit.
A noter que le titre original de la série est The Storyteller, littéralement le raconteur d’histoire, le conteur donc!
Décryptage: Il y a une chose qu’on ne pourra jamais ôter à Jim Henson: c’est sa volonté de ne jamais prendre les enfants pour des crétins (comme Hayao Miyazaki d’ailleurs). L’humour non-sensique du Muppet Show est là pour le prouver. Monstres et Merveilles ne fait pas exception à la règle. Car ce qui fait d’abord la réussite de la série c’est que la noirceur des contes originels n’est jamais éludée et édulcorée. Les thèmes abordés par la série sont sérieux et n’ont rien de joyeux: inceste, infanticide, mort, pouvoir qui corrompt, innocence perdue (passage enfance/âge adulte), etc. Le traitement est donc adulte et un peu sombre. Mais Henson veut parler à toute la famille et surtout aux enfants. L’aspect merveilleux et le plaisir enfantin des contes ne sont jamais sacrifiés pour autant. Henson veut simplement montrer aux enfants la cruauté du monde qui les entoure, tout en les enchantant. La preuve avec Le Géant Sans Coeur où un enfant fait la douloureuse expérience de la trahison en amitié ou avec La Promise où une jeune fille est séquestrée par un troll qui en a fait son esclave (violence domestique). L’inceste dans Belle Chagrin et l’infanticide des Trois Corbeaux montrent aussi la cruauté du monde. Mais il y a surtout Le soldat et la Mort (sans conteste le meilleur épisode de la série) où Jim Henson apprend aux enfants que la mort fait partie de la vie et qu’il faut l’accepter sous peine de vivre dans la folie. On est trés loin de Walt Disney!
Sur le plan visuel, la série est un enchantement de tous les instants. Les créatures comptent parmi les plus belles sorties des ateliers Henson: un suberbe griffon, des Trolls hideux, un fort étrange monstre aquatique, un magnifique lion blanc, des diablotins inquiétants et drôles, un homme coupé en deux, un géant inquiétant,un curieux homme-hérisson… Mais surtout, il ya le chien du Conteur, doué de la parole: un peu poltron, un peu bougon mais terriblement attachant. Son duo avec le Conteur est irrésistible. Celui-ci est campé de façon impériale par John Hurt. Mais c’est la V.F qui est incroyable: la voix, grave, mélodieuse et hypnotisante de Jean Barney colle admirablement bien à la voix du Conteur. Mais la plus étrange créature de cette série est la Mort elle-même: loin de l’image d’Epinale de la Grande Faucheuse, elle prend içi les traits d’un être petit au visage rond et peu effrayant. Et c’est là que réside toute l’originalité de ce concept.
Au niveau de la réalisation, tout est parfait. Henson souhaitait appliquer les techniques du cinéma à la télévision. D’ailleurs l’effet le plus remarquable est souvent employé au cinéma (notamment dans Millenium Actress de Satoshi Khon ou Keoma de Enzo G. Castellari): c’est l’interraction entre fiction et réalité dans un même plan. C’est à dire que quelquefois, le Conteur et son Chien sont projetés brièvement dans l’histoire au milieu des personnages. D’ailleurs, dans Une Histoire En Moins, le Conteur raconte un épisode de sa vie passée, ce qui nous vaut un petit plan-séquence astucieux où il marche dans la salle de son château…pour se retrouver dans l’histoire qu’il va nous narrer (logique vu qu’il en est le personnage principal).
Monstres et Merveilles est sans conteste l’une des plus belles séries fantastiques des années 80. Dommage que son édition DVD, en 2004, chez LCJ édition, se soit révélée aussi catastrophique: image non retravaillée (ce qui nous vaut des pixels par moments), son 2.0 mono faiblard (un conseil: poussez le volume à fond!), pas de VOSTF ni de VO (scandale!), quant aux bonus, passons cette hérésie sous silence… C’est simple, ce n’est qu’une mauvaise copie de VHS. Mais c’est la seule façon de revoir cette merveille.
Monstres et Merveilles (The Storyteller), 3 DVD (3 épisodes par dvd), zone 2, LCJ édition
DARK SHADOWS-Ma sorcière mal-aimée
Il y a 2 ans, Alice au Pays des Merveilles avait violemment divisé les fans de Tim Burton, avec au final une balance qui finissait par pencher beaucoup plus du côté des « anti » Alice. Il faut dire que pour ce film (bien plus « burtonien » qu’il n’y paraît), l’ami Tim avait fait beaucoup (trop?) de concessions au Studio Disney, producteur et distributeur du film. Le dénouement et le sort réservé à la Reine Rouge trahissait une allégeance plus que douteuse aux diktats du studio aux grandes oreilles et ce, malgré un film fantastique aux allures de trip sous acide et une vision assez sombre des romans de Lewis Carroll. Mais voilà, Tim Burton a un grand projet qu’il traîne depuis 25 ans: refaire son court-métrage Frankenwenie (1984) en long-métrage d’animation de stop-motion (image par image). C’est ce qu’il avait déjà proposé à Disney au début des 80′s mais le studio refusa et lui octroya tout juste assez d’argent pour faire un court de 25 minutes en live. Frustré, Burton attend son heure. Quand Disney lui propose Alice, il accepte. Quand il lit le script de Linda Woolverton (Le Roi Lion), il ne bronche pas et accepte toutes les concessions. Car Disney détient toujours les droits de Frankenweenie. Burton accepte tout sur Alice en échange de quoi, le studio le laisse remaker Frankenweenie. Le deal est conclus. Alice sort et fait un carton mondial. Burton pourra donc tout se permettre sur Frankenweenie sans que Disney vienne y fourrer son nez. Le film sortira le 31 octobre prochain pour Halloween. Mais entre-temps, poussé par Johnny Deep, il s’octroie une petite récréation: Dark Shadows. Et tous ceux qui avaient enterré Burton vont l’avoir mauvaise même si ils affirment le contraire.
La bande-annonce de Dark Shadows laissait entrevoir une comédie fantastique à La Famille Addams. Ce que le film est par moments. Mais c’est surtout une histoire d’amour contrariée et tordue. Et c’est là que réside la surprise. Car le personnage principal n’est pas le vampire Barnabas Collins (interprété par un Johnny Deep maniéré, hautain et mélancolique) mais la sorcière Angélique (incarnée avec passion et fougue par une Eva Green luciférienne, vénéneuse, sensuelle, bref une vraie femme fatale!). Cette dernière, amoureuse éconduite de Barnabas, poussera sa fiancée au suicide et lancera sa malédiction: Barnabas est transformé en vampire et emprisonné pour l’éternité dans un cercueil. Réveillé 2 siécles plus tard, en 1972, il rencontre ses descendants et retrouvera…Angélique. Et c’est cette dernière qui intéresse Burton. Elle aime Barnabas à la folie mais ce dernier ne la voie que comme une éphémère distraction. Tout le film est le long cri de rage et de douleur de cette femme. Burton ira jusqu’à la sanctifier à la fin du film, accomplisssant ainsi ce qu’on lui avait interdit sur Alice. Angélique deviendra alors une figure tragique et bouleversante, à l’image du Pingouin dans Batman Returns ou de Sweeney Todd dans le film éponyme.
Car Barnabas Collins, bien que trés attachant, est un personnage assez lâche: grand séducteur (sex-addict?) et en même temps amoureux transi et romantique de sa Victoria (la jolie Bella Heathcote). Bref, un homme du 17ème siècle: à part la femme aimée qu’on épouse, les autres sont des catins! Mais le côté vieux-jeux et démodé de Barnabas face au contexte des années 70 est assez savoureux. Un être ancien égaré dans la modernité. Il faut voir là l’autoportrait de Burton lui-même, jeune homme plus porté vers les monstres et les vieux manoirs gothiques et poussiéreux, égaré dans les années 70 dont il ne comprennait pas l’esprit et desquelles il se sentait rejeté. Il faut voir le sort qu’il réserve aux hippies, à qui il reproche d’occulter la violence du monde! Enfin, Barnabas ressemble beaucoup à Edward aux mains d’argent: il n’arrive pas à s’habituer à ses longs doigts griffus et ne sait qu’en faire.
Car bien sûr, c’est encore un film sur la marginalité et la difficile acclimatation au monde extérieur. Barnabas en est le premier symbole. Mais c’est aussi le cas de toute sa famille, une belle collection de freaks complètement inadaptés au monde et vivant reclus dans leur vieux manoir décrépit. Mais c’est une famille trés attachante, notamment ce petit garçon qui recherche l’amour de son père mais ne sera pas payé en retour. Ce qui donne lieu à une scène drôle en apparence mais finalement bouleversante et qui prouve que la paternité et ses responsabilités sont des thèmes qui font désormais partie intégrante de l’oeuvre de Burton. Et c’est un vampire qui joue les pères de substitution. Burton, quand il fut enfant, se sentit incompris par son père et se refugia dans les films d’horreur. Oui, tout cela est trés intime!
Côté réalisation, que dire, sinon que Burton emballe les scènes les plus fortes de sa carrière: le suicide de Josette (où la violence des sentiments est traduite par le ressac des vagues sur les récifs), ainsi que le final, gothique et échevelé en diable. Burton convoque toute l’imagerie baroque qu’il affectionne pour le plaisir de nos yeux. Le film est drôle, rythmé, émouvant et sombre. Car c’est la sorcière qui gagne à la fin: les amants maudits sont réunis dans la nuit sans retour de la damnation éternelle, 2 vieilles âmes dans un monde trop moderne pour elles.
Bref, sur un mode léger, en apparence du moins, Burton vient de livrer l’un de ses films les plus émotionnellement forts. Note: 17/20
Dark Shadows de Tim Burton, avec Johnny Deep, Michelle Pfeiffer, Helena Bonham Carter et Eva Green, en salles depuis le 9 mai.
P.S: Quand vous êtes un être sensible et différent, on vous prend pour un fou. On peut aussi vous foutre à l’asile. C’est ce qui est arrivé à de nombreux jeunes dans les années 60 et 70. Burton y fait allusion via le personnage de Victoria. Je vous renvoie aussi au méconnu et magnifique Une Vie Volée (1999) de James Mangold avec Winona Ryder et Angelina Jolie.
AVENGERS-Tous ensemble, tous ensemble!
Attendu depuis 4 ans par les geeks du monde entier, Avengers est enfin là. Ce film aura fait fantasmer tous les amateurs de comic-book de la planète depuis l’annonce de sa mise en chantier en 2008, juste après le succés du premier Iron Man. Malheureusement, l’annonce de Josh Whedon à la réalisation a refroidi les plus cinéphiles. Certes, c’est un trés bon scénariste de comic-book et de cinéma (Alien Resurrection) et un créateur de séries TV cultes comme Angel et Buffy. Mais niveau réalisation, était-il l’homme de la situation? Lui dont la seule réalisation cinéma à ce jour était le trés chiant et trés laid Serenity. Oui, on pouvait légitimement avoir peur. Mais heureusement, Whedon s’est sorti les doigts du cul pour Avengers, lui le fan number one des Vengeurs!
L’histoire est connue de tous. Quand Loki, le demi-frère de Thor, débarque sur Terre avec une armée d’aliens belliqueux, le colonel Nick Fury (Samuel L. Jackson) décide de réunir les Avengers: Iron Man, Hulk, Captain America et la Veuve Noire bientôt rejoints par Thor et Oeil de Faucon. On ne va pas chercher une quelconque originalité dans le scénario: une fois de plus le monde (enfin New-York, on est dans un film américain, hein!) est envahi et les super-héros vont venir faire le ménage. Pas révolutionnaire, ni trop novateur. C’est l’intrigue lambda de tout blockbuster yankee qui se respecte. Et c’est aussi, malheureusement, l’une des limites du film: une trame principale simpliste et peu surprenante.
Heureusement, Whedon est autrement plus doué quand il s’agit des relations entre les personnages, de leurs évolutions respectives (à une ou deux exceptions près), de leurs émotions et dilemmes et de leurs interactions entre eux. Et là, Whedon tente un truc couillu. Entre une exposition spectaculaire à souhait et un putain de climax final de 30 minutes, il enferme ses personnages dans l’héliport du SHIELD, en compagnie de Loki. Et là, la tension monte. Tout passe par les dialogues et les acteurs, tous formidables au passage. Loki ( excellent Tom Hiddlestone), le Dieu de la tromperie, distille son poison mental afin de diviser nos héros. C’est un moment assez unique pour un gros film de ce type, Whedon y développant des arcs narratifs (et psychologiques) trés bien écrits. Malheureusement, cette longue scène a aussi un revers: elle déséquilibre le film (qui dure quand même 2h22!) et finit par provoquer, assez paradoxablement, un petit ennui chez le spectateur qui ronge son frein en attendant les affrontements dantesques promis par la bande-annonce. Heureusement Hulk débarque, ainsi que les sbires de Loki et l’action non-stop commence pour ne plus s’arrêter jusqu’à la fin.
En cela, Josh Whedon a réussi son coup. Le spectacle est total et ultra-jouissif! Il faut le voir pour le croire: 7 super-héros se bastonnant contre les forces du mal en plein New-York! Le combat est homérique et spectaculaire à souhait. Le tout emballé dans des plans-séquences hallucinants! GRANDIOSE! Tout simplement le meilleur affrontement proposé dans un film Marvel! Thor, Captain America et Hulk (déchaîné à souhait) se fritent avec des méchants pas beaux, juste pour le plaisir de nos yeux. Et Iron-Man (irrésistible Robert Downey J.R) devient enfin un VRAI héros, sans renier sa personnalité parfois agaçante. Voilà, c’est un rêve de gosse qui prend vie et qui vous émerveille!
Il y a aussi beaucoup d’émotion dans le film, notamment véhiculé par la Veuve Noire (touchante mais farouche Scarlett Johansson) et…l’agent Coulson qui a droit à son heure de gloire. Et puis l’humour est trés réussi. Les répliques cultes fusent, nos héros se vanant à qui mieux mieux. Et la rencontre entre Hulk et Loki est trop mortelle! Seuls ombres au tableau, un Oeil de Faucon (campé par Jeremy Renner) pas assez exploité et un Bruce Banner un peu décevant. Mark Ruffalo livre une trés bonne prestation mais, personnellement, je trouve qu’il a moins de charisme qu’Edward Norton. La transformation en Hulk est aussi trop rapide. Les relations entre Banner et le géant vert sont quasi-nulles. Et le retournement de veste de Hulk, qui décide d’aider les autres après s’être frité avec (putain de baston entre lui et Thor, au passage!) arrive comme un cheveu sur la soupe, sans explication. Tout comme l’arrivée de Thor sur Terre, balancée comme ça alors que le Bifrost a été détruit. Des menus défauts un brin agaçants mais qui ne diminue en rien l’enthousiasme du spectateur.
En bref, un spectacle étourdissant, fun, drôle mais qui est passé à un chouia d’être un chef d’oeuvre! Note: 14/20
Avengers de Josh Whedon, en salles depuis le 25 avril.
KRULL (1983)-Un film krulte?
Résumé: Il était une fois un monde paisible et fort éloigné du notre, le monde de Krull. Malheureusement, la Bête débarqua un jour avec son armée de Tueurs, à bord de sa Forteresse Noire venue de l’espace. Car la Bête écume la galaxie et détruit tous les mondes qu’elle visite. Pour tenter d’enrayer la menace, les 2 principaux rois de ce monde décident d’unir leurs 2 royaumes en mariant leurs 2 enfants: le prince Colwyn (Ken Marshall) et la princesse Lissa (Lysette Anthony). Malheureusement, les Tueurs débarquent et massacrent les 2 rois et leurs armées. Lissa est faite prisonnière et emmenée à la Forteresse Noire car la Bête a trés envie de s’unir à elle. Mais Colwyn n’est pas mort! Aidé d’un vieux prophète, d’un magicien de seconde zone, d’une bande de brigands et d’un cyclope, il se met en route pour la Forteresse Noire. La route sera semée d’embuches et révelera le courage caché dans le coeur de nos héros.
Contexte: Il était une fois un film qui révolutionna le cinéma de divertissement, en 1977: La Guerre des Etoiles. Après ce succés, et celui de sa suite, L’Empire Contre-Attaque, en 1980, les studios décident de faire leur Star Wars, dans la perspective de se faire un max de blés. Intention fort louable! Même les Italiens, les Japonais et les Turcs s’y mettent. Star Wars étant un mélange de fantasy et de science fiction (on parlera plus tard de Space Opera), certains producteurs essaient de mixer ces deux éléments pour obtenir un gros carton. Il faut dire que l’Heroïc Fantasy, suite aux succés d’Excalibur et surtout de Conan le Barbare, s’avère trés rentable. C’est ainsi que des films comme Dar l’Invincible voient le jour, et connaissent des succés d’estime. En 82, la Columbia décide de produire son « Star Wars v.s Conan » avec Krull. Un réalisateur prestigieux est embauché, Peter Yates, le metteur en scène de Bullitt (ah, oui, quand même!). Tout le pognon passe dans la location des Studios Pinewood en Angleterre, dans les extérieurs, et dans des décors d’intérieurs assez grandiloquents (mais trés factices à l’écran!) ainsi que dans des effets spéciaux, qui par moments le sont, spéciaux! Fatalement, aucune vedette au casting excepté un Liam Neeson rigolard mais compétement inconnu à l’époque. En 83, Krull bénificiera d’une promo monstre (avec un comic-book Marvel!) et….sera un four monumental au box-office. Il faut dire qu’il sort en même temps que Le Retour du Jedi (ce qui n’aide pas!) et que les critiques sont assassines! Les producteurs sortent ruinés de l’affaire. Mais curieusement, Krull deviendra culte dans la deuxième partie des années 80. Les quelques mioches l’ayant vu en salles se sont certainement empressés de lui faire une promo d’enfer dans la cour de récré. Ce qui fait que sa location en VHS et ses passages à la télé seront des succés. Mais bon, le film ne survit pas aux années 90 et sombre dans l’oubli, excepté pour toute une rirambelle de trentenaires ou quadragénaires nostalgiques.
Décryptage: Il était une fois, durant l’année scolaire 1989-1990, un petit garçon âgé de 10 ans qui regarde beaucoup la télé. Un soir, probablement pendant des vacances scolaires, il regarde un film sur une petite chaîne qui monte. Et ce film lui ravit le coeur. Quand il retourne à l’école, il se rend compte que ses petits camarades ont eux aussi vu ce film. Dans la cour de récré, ces enfants se racontent leurs scènes préférées et les rejouent. Ce film,c’est Krull et le petit garçon, c’est votre serviteur.
Longtemps, des souvenirs, fugaces et inconscients, de ce film ont hanté ma mémoire. Deux images surtout, le fameux Glaive du héros (une sorte d’étoile à 5 lames rétractables) et les métamorphoses en animaux d’Ergo le Magnifique. 22 ans que je n’avais pas vu ce film et que je désespérais de le revoir. Il fut rediffusé sur France 4, il y a quelques années, mais je passais complètement à côté. Mais grâce à Dieu, un ami m’a prêté le dvd sorti en 2001, et complètement introuvable aujourd’hui (à part dans les solderies ou aux puces!).
Revoir ce film m’a procuré un immense plaisir. Sur le plan strictement nostalgique, c’était même un putain de trip! J’ai eu l’impression d’avoir à nouveau 10 ans et de partir à l’aventure avec le prince Colwyn et ses compagnons. Des tas de sensations et de souvenirs de mes 10 ans me sont revenus. Et à mesure que le film se déroulait devant mes yeux, la mémoire me revenait et un sentiment de déjà-vu faisait son apparition. Du genre: »Ah oui, le cyclope! » « Ergo va se transformer en chien, je me rappelle! » « Mais oui, ils vont enfourcher les Chevaux de Feu, je me souviens maintenant! ». Sur ce plan-là, c’est un pied formidable!
Mais Krull est-il un bon film? Euh…en fait, non! C’est même plutôt un nanar mais un nanar sympa, distrayant et entraînant. Car il y a beaucoup de rythme (sauf au milieu, où l’action piétine un peu) dans ce film. On ne s’ennuie jamais. Les personnages sont irrésistibles, notamment Ergo, le Cyclope ou les brigands. On s’émerveille devant certaines images (les extérieurs sont magnifiques) et certaines scènes (la course des Chevaux de Feu!). La musique de James « Titanic » Horner est somptueuse (tous ses fans la considèrent comme sa meilleure partition). Il y a de l’humour, des combats, tout ce qui faut quoi! Et puis de la magie et des sortilèges: le passage dans les Marais est le plus réussi du film et utilise la figure du double maléfique (Dopplegänger). Par moments le film est même étrange et inquiétant, je pense à la scène de la Veuve de la Toile avec son dialogue particulièrement cruel (la magicienne avoue avoir tué son fils à la naissance). Là, les personnages sont confrontés à leur mort, inéluctable, à l’image du Cyclope qui connait l’heure exacte de sa mort et qui se soumet à son destin non sans un dernier acte de bravoure.
Malheureusement, le film est souvent cheap et démodé. Cela se vérifie avec certains effets spéciaux complètement foirés (même pour l’époque, si on les compare au Retour du Jedi, par exemple): l’Araignée géante (oula!) et surtout le combat final contre la Bête. Alors, là! ça fait mal aux yeux! La Bête est ratée et surtout pas effrayante, un simple figurant dans un costume en latex! Conscient de la catastrophe, Yates (qui a plutôt fait du bon boulot sur ce film) la filme avec un filtre déformant et la noie dans les fumigènes pour qu’on remarque pas trop la déblâcle! Mais le mal est fait!
Et puis surtout, comme ils n’avaient plus de budget, il n’y a AUCUNE figuration! Le monde de Krull est aussi désert qu’un parking de supermarché le dimanche! On a l’impression qu’il y a 10 habitants et basta! Je sais bien que la Bête a massacré beaucoup de monde, mais quand même! Colwyn et Lissa se retrouvent, à la fin, à régner sur un monde où ils auront quoi? 5 sujets? Fichtre, ça vaut pas le coup! A un moment, Liam Neeson est chargé d’aller chercher des victuailles dans un village. On ne le verra pas. La scène d’après, il est déjà revenu avec la bouffe et 2 villageoises.
Bref, Krull est un film culte mais c’est loin d’être un trés bon film. Pourtant, il se regarde sans déplaisir et ne déclenche pas la colère du spectateur. Mais bon, faut peut-être avoir entre 30 et 40 ans pour l’apprécier! La plupart des enfants des années 80 devraient l’aimer et se remémorer des tas de souvenirs à l’occasion. Les autres (les malheureux!) se contenteront de lever les yeux au ciel et de soupirer. Moi, j’assume, j’avais des larmes aux yeux, en le revoyant…
(Je dédicace cette chronique à mon pote Archangel Eddy qui m’a prêté le dvd)
Krull de Peter Yates, en dvd Zone 2 chez Sony/Columbia
USUAL SUSPECTS (1995)-Le coup le plus rusé du diable
Résumé: Une nuit, dans le port de San Pedro, en Californie, l’explosion d’un cargo fait une trentaine de morts. Il n’ y a que deux survivants: un marin hongrois gravement brûlé et un petit escroc boiteux de New-York. Tandis que le hongrois est expédié à l’hôpital, le boiteux, Roger « Verbal » Kint (Kevin Spacey) est interrogé par la police et par un agent des douanes new-yorkais, Dave Kujan (Chazz Palminteri). Il va alors lui raconter une étrange histoire où lui-même et 4 autres bandits, réunis par hasard, vont se faire manipuler par un criminel légendaire, Keyser Söze.
Contexte: Il s’agit du deuxième long-métrage réalisé par Bryan Singer, après le toujours inédit Public Access (1993). Le scénario est signé Christopher McQuarrie, un ancien détective privé reconverti dans le cinéma, futur réalisateur de Way of the Gun (2000) et Jack Reacher (2012). Le montage et la musique sont tous les deux effectués par John Ottman. Ce dernier, après l’échec de sa première réalisation, Urban Legend 2, en 2000, ne s’occuppe plus que de composer de la musique de films (Les 4 Fantastiques 1 et 2, Esther, Walkirie, X-Men 2, Gothika ou Superman Returns). Côté interprétation, on retrouve des acteurs peu connus à l’époque du grand public car abonnés aux seconds rôles ou aux films indépendants: Stephen Baldwin (frère d’Alec, William et Daniel), Gabriel Byrne (le futur Satan de La Fin des Temps), Chazz Palminteri (Coups de feu sur Broadway), Kevin Pollack (Des Hommes d’honneur), Pete Postlewhaite (Au Nom du Père), Kevin Spacey (Jeux d’adultes) et le quasi débutant Benicio Del Toro (Permis de Tuer). Le film a coûté 5 millions de dollars. Après sa présentation hors-compétition à Cannes, en 1995, il devient un véritable phénomène et un gros succés (25 millions de dollars de recettes aux States soit 5 fois son budget, 2 millions d’entrées en France). Il remporte 2 oscars en 1996: Meilleur Second Rôle Masculin (Kevin Spacey) et Meilleur Scénario Original (Christopher McQuarrie). Depuis, le film est entré dans la légende , devenant culte pour toute une génération. Grâce à ce succés, Singer s’est fait connaître et a pu réaliser, entre autres, les deux premiers X-Men.
Décryptage: Ce qui fait la force de ce film, c’est d’abord la grande qualité de son scénario. Dès le début, on est pris par l’histoire et notre intérêt ne faiblit jamais. La structure est habile (des flash-backs durant un interrogatoire). On est scotché à ces 5 malfrats (Verbal, Keaton, McMannus, Fenster et Hockney) et à leur aventure. Mais rapidement, l’intrigue se complexifie. Il ne faut louper aucune image, aucune ligne de dialogue. Chaque danger rencontré par nos 5 anti-héros en amène un autre qui débouche lui-même sur un autre. C’est une construction en poupées russes. On a l’impression d’avoir tout compris dès le départ mais en fait, plus on avance, plus on est perdu et plus l’histoire se révèle être autre chose que ce qu’elle paraissait de prime abord. Tout cela est renforcé par le personnage de Keyser Söze, un génie du crime légendaire (existe-t-il vraiment?) que personne n’a jamais vu mais que la rumeur décrit comme un psychopate machiavélique, déterminé et impitoyable. Une sorte de Marque Jaune ou de Professeur Moriarty des temps modernes, que certains assimilent au Diable en personne. Mais peut-être n’est-il qu’une rumeur ou une légende urbaine? Qui sait? En tout cas, les dangers qu’il fait courir aux protagonistes de cette histoire sont bien réels!
Les personnages sont incroyablement bien campés et les dialogues sont juste formidables. McQuarrie s’est servi de son vécu d’enquêteur privé et ça se sent. Tous les protagonistes sonnent justes et sont authentiques. Il y a aussi de l’émotion, par moments: l’histoire d’amour entre Keaton (incarné par un magnifique Gabriel Byrne) et l’avocate Eddie Finneran. Mais quelquefois, c’est au coin d’un dialogue que cette émotion affleure. Par exemple, quand, à San Pedro, McMannus (Baldwin), juste avant de faire le « gros coup » lance: « Il doit pleuvoir à New-York. » New-York représente là sa vie passée et sa sécurité qui s’est envolée. Quant aux acteurs, ils sont TOUS incroyables et livrent là des interprétations de haute volée. Petit hommage à feu Pete Postlewhaite qui campe un inquiétant avocat, sardonique à souhait.
Outre son formidable scénario qui nous étonne jusqu’à la fin, le film est réalisé de main de maître par Bryan Singer. Chaque mouvement de caméra, chaque cadrage, chaque entrée de personnage dans le champ, traduit quelque chose et nourrit à la fois le suspense de l’histoire et la paranoïa qui s’installe dans l’esprit du spectateur. Même un plan en plongée anodin sur une tasse à café a un sens caché. C’est tout simplement miraculeux pour un deuxième film. Même si Singer n’a rien perdu de son talent (comme le démontre l’excellent Walkirie), il n’a jamais vraiment retrouvé l’état de grâce de sa réalisation sur Usual Suspects. Il est bien secondé par le travail du monteur/compositeur (superbe thème principal) John Ottman et du directeur de la photo Newton Thomas Sigel.
Bref, Usual Suspects est un chef d’oeuvre, un polar noir bourré de chausses-trappes et de retournements de situations innattendus jusqu’à cette fin qui reste l’une des plus célèbres de l’histoire du cinéma.
The Usual Suspects de Bryan Singer, en dvd Zone 2 chez MGM Video.
(ATTENTION!!! A NE LIRE QU’APRES VISION DU FILM!)
Car bien sûr, comme pour Sixième Sens ou Fight Club, ce qui fait tout le sel de ce film, c’est son rebondissement final, à la fois inattendu…et prévisible!
Mais en fait, il y a deux fins. D’abord une qui est fausse. L’agent Kujan, en écoutant l’histoire de Verbal, déduit que Keaton est Keyser Söze et qu’il se cache derrière toute cette histoire. Pour lui, Verbal est un faible manipulé par Keaton, qui a monté sa propre mort et fait en sorte que Verbal aille raconter tout ça à la police.
Et puis survient la vraie fin, le véritable Keyser Söze n’est autre que Verbal lui-même, qui n’ayant pu fuir à tant, est arrêté et raconte une histoire fausse de A à Z à la police. Tous les éléments proviennent du panneau d’affichage qui se trouve derrière Kujan durant l’interrogatoire. Car Kujan est obsédé par Keaton qu’il veut coincer depuis des années. Voyant cela, Verbal lui sert une histoire qui amène à la conclusion que c’est Keaton qui a tout combiné. Comme ça, il sera tranquille.
Et c’est là que le film bascule dans la catégorie des oeuvres bênies des dieux. Pendant tout le film, jusqu’au coup de théâtre final, le point d’ancrage du spectateur est Verbal, homme faible et principal témoin de toute l’affaire. On le prend en pitié et on s’identifie à lui. L’interprétation de Kevin Spacey est, à ce niveau, extraordinaire tant on croit en son personnage de minable boiteux influençable. Mais à la lumière de la fin, on se rend compte que le véritable point d’ancrage du spectateur est l’inspecteur Kujan. Comme lui, on veut connaître la vérité. Comme lui, on a pitié de Verbal et on croit en son témoignage. Comme lui, on soupçonne Keaton. Pourquoi? Parce que l’histoire nous influence dans ce sens! En fait, l’inspecteur Kujan est un « spectateur » et Verbal un « réalisateur ». Verbal raconte, plante les personnages et le décor et (comme Singer) nous livre de faux indices. Et le film devient la mise en abyme de notre état de spectateur: manipulé et passif quand on se croyait plus malin. Ce sont toujours les menteurs racontant les plus belles histoires et flattant notre intelligence qui gagnent à la fin.
TWIXT-Fenêtre secrète
Hal Baltimore (Val Kilmer) est un écrivain qui parcourt les Etats-Unis pour vendre son dernier roman, Le Chasseur de Sorcières, lors d’improbables scéances de dédicaces. C’est une sorte de Stephen King au rabais, un écrivain alcoolique et hanté par un drame personnel. Son succés est derrière lui. Il arrive dans une petite ville. Il y fait la connaissance du shériff Bobby Lagrange (Bruce Dern) qui lui parle d’une jeune fille qui vient d’être assassinée, un pieu dans le coeur. Tout cela serait peut-être lié aux meurtres de plusieurs enfants quelques décennies auparavant. Aidé du shériff, du fantôme d’une jeune fille (Elle Fanning) et de celui d’Edgar Poe (Ben Chaplin), Baltimore décide de rester mener l’enquête, afin d’en tirer un livre qui pourrait devenir un best-seller.
Derrière cet intriguant résumé, se cache le nouveau « petit » film de l’un des géants du cinéma américain, Francis Ford Coppola. Depuis l’échec financier (mais pas artistique) d’Apocalypse Now en 1979, celui-ci a du éponger ses dettes et travailler sur des films de studio. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’a fait que des mauvais films depuis, au contraire: Cotton Club, Outsiders, Rusty James, Tucker, Jardins de Pierre, Peggy Sue s’est mariée ou Dracula. Il est toujours parvenu à rendre des films magnifiques et porteurs de son style et de ses obsessions, même si il était freiné dans sa « folie » créatrice par ses producteurs, qui ne voulaient pas voir se répéter la « catastrophe » Apocalypse Now. Coppola ne se fourvoira que deux fois avec les médiocres Jack (1996) et L’Idéaliste (1997).
Depuis 2007, il a décidé de s’auto-financer et de ne plus travailler pour les grands studios, afin de retrouver sa liberté créatrice. Et force est de constater qu’il a eu raison. Après l’intriguant (mais perfectible) L’Homme sans Age (2007) et le magnifique Tetro (2009), voici son dernier-né: Twixt. Ce dernier est le prototype même du film dont il est difficile de parler sans en dévoiler les tenants et les aboutissants. Aussi je vous invite, si vous décidez d’aller voir le film, à lire mon décryptage après vision de la chose.
Sachez seulement que ce film est assez unique en son genre (donc précieux). Il mélange beaucoup de genres: film de fantôme, thriller, film de vampire, drame intimiste et traite de thèmes comme la perte d’un être cher, la culpabilité, la jeunesse sacrifiée ou la création artistique (içi littéraire). Hal Baltimore (magnifique Val Kilmer, qui trouve enfin là un grand rôle) est l’alter ego de Coppola. A travers ce personnage traumatisé par la mort de son enfant, Coppola nous parle de lui, de son rapport à la création et surtout de la mort de son propre fils, Giancarlo, il y a 25 ans et qui a détruit sa vie et celle de sa famille. A ce niveau-là, le film est bouleversant.
Pour l’atmosphère et la réalisation, nous sommes en face d’un univers qui rappelle David Lynch (pour les personnages et situations bizarres ainsi que les séquences oniriques) et les films de Roger Corman, où Coppola a débuté (pour le macabre et les éléments de films d’horreur). Les scènes de rêve sont magnifiques, d’une beauté folle. Elles sont filmées dans un noir et blanc somptueux et sont gorgées de visions obsédantes (le massacre des enfants, le personnage de Flamingo qui rappelle celui de Motorcycle Boy dans Rusty James). En outre, Elle Fanning y déploie une beauté incroyable et confirme là tout le bien qu’on pensait d’elle après sa remarquable prestation dans Super 8.
Ce film est une rêverie. Il y règne un charme hypnotisant et une douce torpeur. Pour autant ce n’est pas un trip auteuriste et ennuyeux comme on pu le dire certains. Faut-il vraiment que certains critiques dits cinéphiles, ne comprennent plus ce qu’est le cinéma pour énoncer de tels propos? C’est sûr, venant de personnes défendant le dernier « téléfilm » français qui sort sur les écrans, on a juste le droit de trouver cela consternant.
Car Twixt ce n’est QUE du cinéma. Une déclaration d’amour d’un père à son enfant perdu ainsi qu’au septième art qui est sa passion. Un acte de création artistique fou, poétique et complètement libre. Toutefois, on pourra malheureusement déplorer que le récit manque d’une véritable colonne vertébrale et que Coppola ne décrit pas les habitants du village ( 7 personnes et basta!). Mais le voyage et les émotions proposés suffisent à envoûter et enchanter le spectateur. A 72 ans, il est libre, Francis. Y en a même qui disent qu’ils l’ont vu voler… Note: 15/20
Twixt de Francis Ford Coppola, avec Val Kilmer, Elle Fanning, Bruce Dern et Ben Chaplin, en salles depuis le 11 avril
DECRYPTAGE (attention! à ne lire qu’après vision du film!)
Twixt est un film, qui derrière son apparente simplicité et sa courte durée (89 minutes), s’avère plus complexe qu’il n’y parait.
Si vous avez vu le film, la fin a du vous laisser perplexe. Car toute cette histoire n’est, au final, qu’une fiction. Une fiction inventée par un écrivain pour écrire son nouveau roman. En cela, la fin est cohérente, tant les indices l’annonçant étaient nombreux. Il y a d’abord cette voix off (le chanteur Tom Waits en V.O) qui nous présente l’intrigue au début du film comme un narrateur lisant le début d’un livre. Ensuite, la thématique de la création artistique enfonce le clou, vu qu’elle devient l’un des deux sujets principaux du film. Hal Baltimore écrit des romans de sorcières qui connaissent un succés relativement modeste. Il est pressé par sa femme (jouée par la propre ex-femme de Val Kilmer, la trop rare Joanne Whalley) d’écrire autre chose et de ramener plus d’argent. Elle le somme aussi d’arrêter de boire et de faire face, une bonne fois pour toutes, à la mort de leur fille. Mais son éditeur, lui, préfère qu’il écrive des histoires d’horreur, ça rapporte plus de fric! Si ça n’est pas une mise en abyme de la situation de Coppola qui, à une époque, était tiraillé entre sa femme, Eleanore, et les studios tout en faisant face à la mort de son fils!
Une mort dont l’artiste se sent coupable. Cela est aussi symbolisé par ce prêtre assassin qui tue des enfants innocents pour les préserver de la violence du monde. Le père est responsable de la mort de son enfant et tue sa famille (symbolisé içi par les orphelins dont s’occupe le pasteur) à cause de son aveuglement et de son incapacité à affronter la mort en face.
Mais l’artiste doit s’y confronter pour pouvoir continuer à vivre. Lors d’une scène cathartique, Hal Baltimore revit la mort de sa fille et finit par accepter son décès, sous l’oeil bienveillant d’Edgar Poe, symbole tutélaire de la création artistique. Baltimore (autre référence à Poe qui a vécu dans cette ville, mais les références à l’écrivain sont içi légion, je vous laisse les recenser. On a même une citation de Baudelaire, le traducteur français de Poe). L’écrivain accepte la mort de sa fille, il peut donc « conclure » son histoire.
Cette histoire, celle du film, a deux conclusions: la découverte de la culpabilité du shériff dans la mort de la jeune fille et le face à face avec cette dernière lors d’une scène magnifique qui renvoie, dans une gerbe de sang somptueuse, au Dracula de Coppola. Car les personnes dont on ne fait pas le deuil finissent par nous « vampiriser » l’âme. Belle métaphore qui trouve son écho en V (Elle Fanning) cette dernière symbolisant la fille de Baltimore qui lui « vampirise » l’âme. Compliqué? Non, juste pertinent!
Alors bien sûr, l’écrivain alcoolo a-t-il tout inventé un soir sous l’emprise du vin (comme Coppola qui prétend que Twixt lui est venu après un songe effectué après une soirée arrosée)? Ou s’est-il servi d’éléments réels? Le shériff est-il réel et est-il un meurtrier? Le massacre des enfants par le pasteur maléfique a-t-il eu lieu? Ou n’est-ce qu’un faux flash back? N’oublions pas que Baltimore rencontre les fantômes après avoir bu ou pris des médocs. Baltimore est-il devenu un vampire? On peut penser que non. La dernière scène est claire: Baltimore a tout inventé, cette histoire est celle de son roman, point final. Mais s’est-il inspiré d’une histoire vraie (comme le laisse supposer le texte explicatif final) et a-t-il mené l’enquête? Ah, ça, mystère et boules de gomme!