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REVIVAL-La menace fantôme

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Jamie Morton, un guitariste/ingénieur du son sexagénaire, se souvient de son enfance dans le Maine, de sa vie de musicien drogué…et du révérend Charles Jacobs, un homme qu’il croisera à quatre reprises dans sa vie et qui le conduira aux portes de l’Enfer.

Le nouveau roman de Stephen King ressemble à un best of de ses figures imposées: un artiste (mais pas un écrivain, cette fois!) nous raconte sa vie, une enfance dans le Maine rural des années 1960, l’addiction à la drogue puis la rédemption, une critique de la religion et de ses abus, la volonté de regarder la mort en face, la fragilité de la vie, etc. On aurait pu craindre une baisse de son inspiration. Même pas! Sur un sujet qu’on croyait connaître, King nous surprend et nous livre un roman à la fois émouvant et terrifiant.

Il y a deux romans dans ce Revival: l’un « naturaliste » et l’autre « fantastique ».  Nous avons d’abord l’autobiographie fictive d’un petit guitariste du Maine. Ce Jamie Morton nous apparait vite comme un vieil ami. On a l’impression de le connaître depuis toujours. Comme d’habitude, King nous fait croire avec talent à un personnage de fiction. D’autant que l’histoire de Jamie est attachante. Banale mais terriblement humaine. Une fois de plus, l’enfance dans le Maine (que King a vécu) est admirablement retranscrite. Le moindre petit détail sonne juste. Tout un monde disparu renait sous nos yeux. Imparable. Puis Jamie grandit: l’amour, la musique, la drogue. Tout s’enchaîne assez vite. Mais le parcours du personnage reste toujours intéressant. Les relations professionnelles et personnelles de Jamie évoluent. Chaque personnage secondaire existe sous nos yeux et joue sa partition jusqu’au bout. Même un cliché comme la relation intime entre un quinquagénaire et une jeune étudiante de vingt ans est traité avec délicatesse et humour. C’est un donc un roman américain par excellence. Mais ce n’est pas une success story pour autant. Jamie nous apparait au final, derrière l’autodérision, comme rempli de nostalgie, d’amertume…et de peur.

Car une ombre plane sur sa vie: celle du révérend Charles Jacobs. La première fois que Jamie le rencontre, c’est en 1962 et il a huit ans. Et la première chose qu’il perçoit de cet homme, c’est son ombre qui s’abat sur lui alors qu’il joue aux soldats de plomb. La menace était déjà là. Mais Jamie voit d’abord cet homme comme un ami, ce qu’il était peut-être au début. A travers Charles Jacobs, King interroge la foi des croyants et livre un discours pessimiste et résolument athée, même si l’élément surnaturel final nous montre qu’il y a quelque chose…mais quelque chose qui ridiculise la ferveur religieuse d’une bien sinistre façon. King égratigne aussi, au passage, les pasteurs fous qui font des spectacles avec des pseudo-miracles et les gogos qui y croient. L’exploitation de la misère humaine par la bigoterie l’a toujours dégoûté.

Charles Jacobs est un personnage complexe. Ce n’est pas un fanatique religieux mais un fanatique de sa propre obsession: la foudre et l’électricité. Au début, il est normal et équilibré: bon époux, bon père, jeune pasteur aimé de ses fidèles. Mais un terrible drame va l’amener vers l’obscurité. Jacobs devient alors l’une des meilleures figures maléfiques inventées par King. Un homme qui veut percer les secrets de la vie et de la mort, à n’importe quel prix, même celui de la vie humaine. Charismatique, exerçant une influence néfaste sur les gens qu’il « aide » (y compris Jamie), cet homme bon devient, au fil des décennies, un monstre. Il y a bien sûr du docteur Frankenstein en lui. Mais King cite aussi les écrits de Lovecraft. Et il conclut son roman sur une conclusion horrible, pessimiste et traumatisante. Alors, comme King semble nous le dire, profitons à fond de la vie, avant de serrer la poigne de la camarde… Note: 17/20

Revival, 440 pages, éditions Albin Michel

21 octobre, 2015 à 15 h 55 min | Commentaires (0) | Permalien


SICARIO-The descent

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Un agent du FBI (Emily Blunt) est recruté par un mystérieux consultant de la Défense (Josh Brolin) dans une opération de grande ampleur contre les cartels mexicains de la drogue. Elle sera amenée à collaborer avec un agent trouble (Benicio Del Toro), perdra ses illusions et découvrira un univers impitoyable.

Le nouveau film du canadien Denis Villeneuve (Incendies, Enemy, Prisoners) est un pari très risqué. Le grand public venu chercher un thriller d’action à la Jason Bourne sera déçu. Les partisans du chichiteux et bavard Traffic de Soderbergh (où déjà Del Toro officiait…et sauvait le film) aussi. Pourtant, il y a de l’action. Pourtant, il y a un  discours politique. Pourtant, c’est un film d’auteur qui porte la marque de son réalisateur. Non, ce qui va perdre le public et le décontenancer, c’est la parti-pris narratif casse-gueule de sa première partie.

La thématique du labyrinthe est une constante dans les films de Villeneuve. Ici, elle prend une importance quasi-démesurée. Pendant une première moitié de film, nous épousons complètement le point de vue du personnage principal. Comme elle, nous avançons dans le brouillard et ne comprenons pas tout les enjeux narratifs du film. On s’identifie beaucoup à elle. Pourtant, le personnage est en retrait. Ce qui est paradoxal, c’est que ce personnage neutre, qui subit plus qu’il n’agit, nous semble proche. Ce n’est pas un caractère fort mais ce qui nous le fait aimer malgré tout, c’est l’interprétation sensible et touchante d’Emily Blunt, dont la beauté diaphane sied à merveille à son personnage. Cet agent du FBI est une petite fille qui se perd dans un labyrinthe complexe, une Alice qui descend dans un pays des merveilles détraqué. Ce qui fait la force du film à ce moment-là, c’est que nous sommes perdus face à ce qui se passe. Tout est opaque et nébuleux. Et pourtant, on est scotché. La beauté des images, la tension qu’imprime Villeneuve à chaque instant (même les discussions les plus anodines), tout cela nous hypnotise et nous captive.

La réalisation de Villeneuve est époustouflante. Comment le film n’a-t’il pas obtenu le Prix de la mise en scène à Cannes demeure un mystère… Filmé avec des plans larges majestueux, Villeneuve nous perd dans un labyrinthe, une fois de plus! Il s’amuse à isoler un hélicoptère via son ombre sur le sol dans un plan aérien où nos yeux se perdent dans le paysage contemplé. Toutes  les topographies des lieux sont conçues pour nous perdre, comme si nous étions en immersion dans des endroits inconnus (les paysages, les vues aériennes, le labyrinthe (!) des rues de Juarez). Mais Villeneuve se montre aussi à l’aise dans le suspense, la tension et sait resserrer sa mise en scène. Les scènes d’action sont filmées nerveusement mais toujours avec une pointe de mystère et une certaine distance, quand nous collons aux basques d’Emily Blunt. La photographie de Roger Deakins est aussi incroyable. Il y a une véritable symbiose entre lui et Villeneuve.

D’une scène d’ouverture traumatisante et tétanisante, en passant par une extradition du Mexique aux States bourrée jusqu’à la gueule de tension, Villeneuve n’oublie pas de nous faire transpirer sur nos sièges. Quant à la deuxième partie, une fois que tout est expliqué, on bascule dans un autre film. C’est toujours lent, contemplatif mais ça devient inconfortable pour le spectateur. Il y a plus d’action et c’est beaucoup plus violent qu’au début mais c’est toujours dans un style posé, insidieux mais qui joue avec nos nerfs. A ce moment, nous changeons de personnage principal. Et il est trop tard quand nous découvrons que Sicario épouse finalement le point de vue d’un homme tourmenté, impitoyable, aux méthodes controversées et perdu dans le labyrinthe de sa douleur, de sa peine, de sa colère. Un homme qui a basculé dans la violence, au point d’en faire sa raison de vivre. Un homme qui ira jusqu’au bout de sa logique meurtrière. Il faut saluer ici la performance de Benicio Del Toro qui est ahurissant. Il se dégage de lui un charisme animal et minéral, une brutalité et aussi une grande souffrance. Comme Hugh Jackman dans Prisoners, nous pouvons comprendre ses motivations mais nous ne pouvons juger ses actes. Le film sent le souffre à ce moment et met le spectateur mal à l’aise. D’autant que Villeneuve se montre aussi jusqu’au boutiste que son sicaire.

Villeneuve n’angélise personne, et surtout pas les Américains. Dans ce film, ils se prennent pour le gendarme du monde, agissent au mépris de la loi et pactisent avec le diable pour éradiquer un démon qu’ils ont eux même crée (cf le cynisme du personnage de Josh Brolin).  L’amertume qui se dégage des dernières scènes nous hante littéralement. La violence est un cycle infernal qui broie toutes les générations, comme le montre l’épilogue de ce film inconfortable, élégant, nerveux, violent et profondément pessimiste. Note: 17/20

Sicario, de Denis Villeneuve, avec Emily Blunt, Benicio Del Toro et Josh Brolin, en salles depuis le 7 octobre.

11 octobre, 2015 à 9 h 40 min | Commentaires (0) | Permalien


KNOCK KNOCK-La fête des pères

C'est chaud pour Keanu!

C’est chaud pour Keanu!

Evan (Keanu Reeves) est un homme heureux: un boulot d’architecte, une belle maison, une épouse aimante et deux enfants mignons à souhait. Lors d’un week-end,  il doit rester seul chez lui pour terminer un boulot urgent pendant que sa petite famille part au bord de la mer. Dès le premier soir, on frappe à sa porte. Il s’agit de deux jeunes filles égarées (et court vêtues!). Il pleut, elles ont froid, Evan leur propose d’entrer et d’appeler un taxi. Malheureusement pour Evan, cette bonne action va se retourner contre lui…

Evacuons le d’emblée: Knock Knock n’est pas un thriller sexuel à la Basic Instinct. Le sexe y est un sujet important: on en parle beaucoup, on s’y adonne une fois dans le premier tiers du film et la tension sexuelle de cette première partie est indéniable. Mais le film est plus un home invasion où un homme est séquestré par des inconnues chez lui. On a plus affaire à un suspense classique en huis-clos, où le sexe est juste l’un des sujets du film. Si vous voulez voir des scènes de cul à trois pendant 1 heure 30, passez votre chemin! Il y a une seule scène de ce type, elle dure une minute et, grâce au montage et à la réalisation, on suggère plus qu’on ne montre vraiment. Pour autant, Knock Knock est-il un film ennuyeux et faussement racoleur?

La réponse (du moins, pour l’auteur de ces lignes) est non. Le réalisateur Eli Roth (Hostel 1 et 2, The Green Inferno) nous propose un thriller habile, tendu, au suspense permanent, déstabilisant et bourré d’humour noir et sarcastique en diable. C’est donc un huis-clos (aéré de quelques moments en extérieur) remarquablement réalisé par un Eli Roth qui ne cherche jamais à péter plus haut que son cul. Par ce mélange de suspense claustrophobique  et d’humour noir, il évoque parfois le ton d’un Roman Polanski qui se serait éclaté avec un sujet pareil.

Remake d’un obscur film d’exploitation des années 1970, Knock Knock s’amuse à dynamiter le gentil modèle de la famille américaine. Eli Roth multiplie les mouvements de caméra sur les photos de famille et les objets du quotidien pour monter la culpabilité du personnage principal et le décalage entre ses pulsions sexuelles et sa vie de famille. Eli Roth pratique l’art de la dissonance avec talent. Certains plans sont comme des fausses notes sur la partition d’un bonheur familial idéal. On pense à ce plan où l’une des jeunes filles marche dans le couloir de la maison en bousculant doucement du doigt les cadres des photos de famille accrochées au mur. La tension sexuelle de la première partie est aussi assez drôle. Dans le salon, on assiste à une danse où Evan essaye d’échapper à tout contact physique avec les deux filles, lors d’une simple discussion, alors que son esprit s’échauffe. Le film va, bien sûr, basculer dans un thriller où deux tarées séquestrent un homme chez lui, pour le punir.

Mais pour le punir de quoi? Le film cultive, avec justesse, une certaine ambiguïté morale. Que veulent les deux jeunes filles? Incarnées à la perfection par Ana de Armas et Lorenza Izzo, elles sont tout à la fois innocentes, tentatrices, garces, drôles et pathétiques. Ce pauvre Evan (Reeves est formidable dans son rôle d’homme normal quelque peu lâche) a juste cédé à la tentation. Pourquoi le punir alors qu’elle l’ont tenté et qu’elles semblent y avoir aussi pris du plaisir? Ont-elles été des victimes avant d’être des bourreaux? Peut-être…Elles symbolisent aussi peut-être un ordre moral puritain déréglé qui punit mais qui s’adonne aussi aux pires turpitudes. Elles sont clairement hypocrites mais elles soulèvent aussi le problème inhérent à l’homme moderne: un bon père de famille souvent bridé, qui a des pulsions et qui reste misogyne. D’ailleurs, elles demandent souvent à Evan où est passé le vrai Evan…. Il serait cruel de révéler tous les ressorts du film. Sachez juste que Knock Knock conserve jusqu’au bout son ambiguïté morale (le sujet de la pédophilie est aussi évoqué) et s’achève d’une façon bien cruelle pour son personnage principal, mis face à ses responsabilités. Le film devient un petit conte assez méchant mais à la morale pernicieuse.

Note: 16/20

Knock Knock, de Eli Roth, avec Keanu Reeves, Ana de Armas et Lorenza Izzo, en salles depuis le 23 septembre

27 septembre, 2015 à 9 h 35 min | Commentaires (0) | Permalien


PREMONITIONS-Un film peut en cacher un autre

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La bande-annonce de ce film ne laissait pas grande place à l’originalité: des flics déboussolés font appel à un voyant (Anthony Hopkins) pour attraper un tueur en série qui semble toujours avoir un coup d’avance sur eux. L’auteur de ces lignes se déplace donc au cinéma pour aller voir un film distrayant, bien parti pour être le navet de la semaine sur un thème éculé. Et, ô surprise, il se retrouve face à un film bien différent de ce que à quoi il s’attendait…

Le film remplit haut la main son statut de film du samedi soir. Il y a beaucoup de suspense et de rebondissements. Le réalisateur brésilien Afonso Poyart, dont c’est le premier film hollywoodien, signe un thriller efficace, sans temps mort et assez élégant dans sa mise en forme. Bien sûr, il suit un schéma narratif classique et déjà-vu mais le film reste agréable et assez prenant. Il y a des défauts, certes, dans la réalisation et le montage. Poyart abuse un peu trop des visions surnaturelles de son héros, qui sont parfois fatigantes à regarder, à cause d’un montage trop cut. Même problème pour une scène de poursuite en voitures qui ne restera pas dans les annales. Mais alors qu’est-ce qui fait que ce film est différent des autres films de tueur en série?

Ce qui fait, ici, toute la différence ce sont le scénario et les personnages ainsi que l’émotion qui en découle. On ne l’aurait pas dit à la vue de la bande-annonce mais le scénario de Solace (titre original) s’avère bien écrit, surprenant et nous amène dans une direction inattendue. Le film glisse du suspense classique au suspense psychologique et à un questionnement intime chez le spectateur. Le mobile du tueur est original et fait complètement basculer le film, une fois révélé.  Il nous fait réfléchir sur un sujet de société important, interroge la notion de libre arbitre, nous parle de deuil, de responsabilités à prendre et arrive même à nous rendre perplexes sur le sens de la vie et de la mort. Pas mal pour un simple thriller du samedi soir! On garde certaines questions en nous, au sortir de la salle.

Les personnages sont très bien écrits et interprétés, chose assez rare dans le thriller lambda actuel. L’inspecteur de police, campé par un excellent Jeffrey Dean Morgan ( le Comédien de Watchmen, le bad guy de The Proposition) n’est pas qu’un simple faire-valoir. C’est un flic obsédé par ses enquêtes mais miné par un problème personnel. Il reste néanmoins chaleureux et amical. Le docteur en criminologie est un personnage féminin fort, à la fois sensible et déterminé. Elle est interprétée par la formidable Abbie Cornish , la révélation du Bright Star de Jane Campion. Quant au voyant extra-lucide, ce n’est pas un énième vieux bougon qui reprend du service. C’est un personnage tragique, hanté par la mort de sa fille unique, solitaire, cartésien mais doué d’un don qui peut s’avérer pesant. Anthony Hopkins est magistral, tout simplement. Dès les premiers plans, il rend son personnage crédible et traverse le film comme un fantôme, le regard perdu. A 80 ans, il n’a rien perdu de son charisme!  Notons aussi la très bonne prestation de Colin Farrell.

Solace comporte des effets chocs et une atmosphère parfois sombre, qui met mal à l’aise. Mais c’est aussi un film lumineux et très émouvant. Il y a souvent une grande douceur chez Poyart, dans sa façon de filmer les visages, les gestes ou les objets du quotidien. Il y a aussi une scène incroyable où le personnage d’Anthony Hopkins veut montrer à Abbie Cornish que son don peut faire du mal. Juste en filmant le visage magnifique de ses deux acteurs, Poyart livre une scène bouleversante. Solace est un thriller à la fois classique et tragique. Si le climax est un poil convenu, l’épilogue reste vraiment dans le cœur du spectateur. Curieux film!   Note: 13/20

Solace, de Afonso Poyart, avec Anthony Hopkins, Jeffrey Dean Morgan, Abbie Cornish et Colin Farrell, en salles depuis le 9 septembre

13 septembre, 2015 à 9 h 31 min | Commentaires (0) | Permalien


LE TOUT NOUVEAU TESTAMENT-Notre père qui êtes odieux…

Dieu père, mère et fille

Dieu père, mère et fille

 

Dieu (Benoît Poelvoorde) est un salaud. Il vit à Bruxelles, tout en haut d’un immeuble, reclus dans son appartement et terrorisant sa femme (Yolande Moreau) et sa fille (Pili Groyne). Cette dernière découvre, un jour, que son père n’a crée les hommes que pour tromper son ennui et qu’il s’amuse à les tuer ou à les faire s’entretuer par pur plaisir sadique. Révoltée, elle plante l’ordinateur de son père, balance leurs date de décès aux hommes par SMS et se sauve du domicile familial pour venir sur Terre. Son père, furieux et désormais impuissant, se lance à ses trousses.

Au vu de la bande-annonce, on aurait pu craindre une comédie bien lourde servant la soupe à Benoît Poelvoorde, une sorte de one-man show pas drôle et indigeste. Si effectivement la prestation du comédien belge est sans surprise mais drôle (Dieu est un beauf alcoolo, misogyne, braillard et violent), Jaco Van Dormael n’en fait pas le personnage principal de son film. Les séquences comiques avec ce dieu ridicule n’occupent qu’une petite partie du long-métrage. Néanmoins, Dieu est ici vu comme un petit fonctionnaire aigri qui détruit la vie des gens à distance, sans remords. Sa confrontation avec un prêtre, qui découvre avec effarement le vrai visage de celui qu’il a adoré pendant des années, est franchement hilarante. Mais le cinéaste belge préfère s’attacher à la fille de Dieu (la petite Pili Groyne, véritable révélation du film) et à l’humanité.

Le film du réalisateur belge est pétri d’humanisme et d’espoir, tout en restant lucide sur les défauts de l’humanité. On s’attache au sort de six personnages que la fille de Dieu va rencontrer. Leur portrait respectif est assez réussi et à contre-courant des stéréotypes habituels. Il est difficile d’oublier la jeune femme manchote, l’obsédé sexuel frustré et timide, le cadre dépressif qui s’ignore ou le type dénué de sentiments qui ne sait pas vivre. La bourgeoise insatisfaite (Catherine Deneuve) est plus clichée mais reste drôle (surtout quand elle se choisit un nouveau mari atypique). Car ces personnages savent désormais combien de temps il leur reste à vivre. Leur rapport à la vie va changer. Comment occuper sa vie désormais? Différentes pistes sont explorées: ne rien changer, tout changer, partir, rester, vivre sans entraves et jouir pleinement de la vie, devenir un assassin et se prendre pour l’instrument du destin, claquer son argent en prostituées, changer de sexe pour ses derniers jours, faire exprès de survivre à des accidents volontaires et stupides…Des choix incongrus et iconoclastes que Van Dormael file jusqu’au bout, sans limites scénaristiques…et sans tabous. Il y a parfois, derrière la joliesse, une certaine noirceur chez lui.

Dans un style poétique et lumineux, il alterne les scènes comiques et les scènes mélancoliques avec rythme et élégance. Van Dormael est un rêveur. Etre réaliste ne l’a jamais intéressé. Comment oublier le rêve de cette jeune femme qui pleure sa main perdue? Son histoire d’amour étrange et décalée avec le personnage de François Damiens? Ce couple qui se rencontre et se retrouve sur fond de film porno, dans une scène touchante? Ce petit garçon solitaire et toujours malade? Ce type qui jette son attaché-case à la poubelle dans un geste furieux? Ces gens attendant la mort sur une plage? Ici, tout est délicat, surréaliste et jamais tire-larmes. Van Dormael croit en l’humain. Dieu est mort et l’homme doit croire en lui-même et essayer de changer le monde tout seul. La nouvelle religion de la fille de Dieu est basée sur l’Homme, sans aucun dogme.

Malheureusement, le film a quelques défauts qui le font trébucher. Van Dormael est un rêveur naïf et comme tous les naïfs, il est parfois maladroit. Pour souligner le ridicule de Dieu, il abuse d’une musique de tuba qui surligne trop l’effet comique du personnage. Le fait qu’il y ait pas mal de narration en voix-off est un peu redondant aussi et le film est parfois répétitif dans certains effets. Quant à l’épilogue, il est un peu raté. Van Dormael fait intervenir une déesse bienveillante pour aider les hommes à changer le monde. Cela contredit un peu le « message » gentiment athée du film. Van Dormael, dans une dernière maladresse, voulait simplement peut-être apporter un peu de fantaisie à cette  »nouvelle » humanité. Le réalisme, décidément, ce n’est pas pour lui! Et il très drôle de constater qu’il se met à faire des erreurs de débutants alors que son premier film, Toto Le Héros, était quasi-parfait. En tout cas, son Tout Nouveau Testament demeure un film singulier et attachant, sans cynisme aucun.  Note: 13/20

Le Tout Nouveau Testament, de Jaco Van Dormael, avec Pili Groyne, Benoît Poelvoorde, Yolande Moreau, Catherine Deneuve et François Damiens, en salle depuis le 2 septembre.

6 septembre, 2015 à 9 h 31 min | Commentaires (0) | Permalien


LA BELLE SAISON-Summer of love

Carole (Cécile De France) et Delphine (Izia Higelin)

Carole (Cécile De France) et Delphine (Izia Higelin)

 

 

Ce film est avant tout une histoire d’amour avec un grand A. Un amour passionné, pur et d’une grande intensité. Catherine Corsini filme ses deux actrices avec beaucoup de sensibilité. Elle filme leurs regards et leurs gestes avec précision. Elle filme leurs ébats amoureux avec beaucoup de délicatesse, sans sombrer dans le voyeurisme crapoteux qu’un tel sujet aurait pu amener. Delphine et Carole s’aiment à corps et à coeurs perdus. Leur amour est palpable par-delà l’écran. On le ressent. On est touché. Catherine Corsini réussit des scènes sensuelles empreintes d’une grande tendresse. Il faut dire qu’elle est magnifiquement aidé par deux comédiennes en état de grâce. Izia Higelin, investie d’une énergie juvénile et aussi d’une maturité adulte, campe une Delphine bouillonnante mais qui sait aussi garder la tête sur les épaules. Quant à Cécile De France, elle est tout bonnement extraordinaire. Elle incarne une femme passionnée, engagée, volontaire mais terriblement fragile avec une évidence incroyable. Toutes les deux sont l’âme et le coeur du film.

La Belle Saison est un film solaire et lumineux qui célèbre l’amour libre libéré de toutes entraves. Mais la réalisatrice s’attache aussi à développer le contexte du film, sans clichés. Dans la première partie, elle rend compte, avec talent, du combat et de l’action des féministes de l’époque: pour l’avortement,la contraception et l’émancipation des femmes. On a droit aussi à une scène qui revient sur un problème peu connu des années 70: l’internement des homosexuels en hôpital psychiatrique via une scène d’évasion cocasse. Catherine Corsini fait donc un film ouvertement féministe mais sans manichéisme et sans discours trop lourd. Il lui suffit juste de quelques scènes pour rendre compte du combat des femmes à cette époque. Dans cette partie citadine, c’est Delphine qui apparait comme celle qui assume le plus son homosexualité.

Dans la seconde partie, plus campagnarde, c’est Carole qui assume le plus face à une Delphine déchirée entre son amour et son devoir familial. Face à la maladie de son père, Delphine doit assumer la gestion de la ferme pour aider sa mère. La réalisatrice saisit remarquablement la vie à la campagne. La photographie est douce et très belle. Tout est bucolique et léger. Carole, invitée par Delphine, tisse des liens avec sa « belle-mère » (excellente Noémie Lvovsky). Cette dernière, qui ignore tout de la vie sentimentale de sa fille, représente la femme soumise à son mari, à sa terre, à la tradition. Mais on devine une amertume et une grande fatigue chez elle. Carole la provoque gentiment, jusqu’à l’irréparable. Les non-dits et la notion de secret dans un milieu traditionnel et fermé sont ici esquissés avec soin via des regards soupçonneux, des propos échangés par-derrière. La place de la femme est aussi évoquée dans cette partie. On assiste à un moment surréaliste quand le syndicat agricole reproche à Delphine de ne pas les avoir laissés appeler la banque pour un  simple rendez-vous, sous prétexte qu’une femme seule n’est pas assez crédible. Delphine, par son indépendance, effraie les hommes de son village.

Le dernier acte du film est plus triste. Il était annoncé, subtilement, par des éléments épars telle cette magnifique scène nocturne où Carole aide Delphine et  sa mère à bâcher les meules de foin avant un orage. Une noirceur (les bâches noires flottant au vent) et une menace tangible apparaissent soudain. La Belle Saison parle de féminisme et d’acceptation de l’autre, de tolérance et de progrès mais c’est aussi un film qui traite des choix à faire dans une vie, du fait de prendre ses responsabilités. C’est aussi un film qui reste plein d’espoir (la fin) et qui célèbre la force de l’amour. Catherine Corsini a réussi là un très beau film, simple et touchant. Note: 16/20

La Belle Saison, de Catherine Corsini, avec Cécile De France, Izia Higelin et Noémie Lvovsky, en salles depuis le 19 août

 

 

25 août, 2015 à 9 h 34 min | Commentaires (0) | Permalien


Au revoir…

C’est parfois dur de s’attacher à une personne, sans savoir pourquoi. C’est parfois dur d’avoir peur pour elle, pour son avenir. C’est parfois dur de vouloir l’aider. Mais ça donne de la force, du courage et de la détermination.

Voilà, j’espère que j’ai été utile, que le peu que j’ai fait a servi. J’aurais aimé faire beaucoup plus. Mais ces petites choses, je les ai faites avec mon cœur. Et je sais que cela a fait bouger des choses.

Tu vas me manquer. Nos routes se recroiseront peut-être, un jour. J’espère que tu seras heureuse et que tu feras ce que tes rêves te dictent. Tu le mérites. Moi, je ne t’oublierai jamais. Dans les moments de doute et de cafard, je repenserai à ton rire, si communicatif, si vivant et si joyeux. Tu as une force et une volonté incroyable. Continue comme ça! Et ne baisse pas les bras.

Un au revoir, c’est toujours douloureux. Mais tu vas à la rencontre de ton destin. Il faut te laisser partir.

Au revoir, bonne route à toi.

Ce monde est souvent horrible mais on y trouve de belles choses aussi. Comme toi.

Ce soir, je suis triste et un peu inquiet. Ce soir, je reprends confiance en l’avenir.

Au revoir, petite libellule. Envole-toi bien haut. Je te garde dans mon cœur.

 

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3 juillet, 2015 à 16 h 36 min | Commentaires (0) | Permalien


Fermeture temporaire

Salut à tous!

Pour ceux qui me lisent régulièrement, vous avez du remarquer que cela faisait un petit moment que je n’avais pas écrit d’articles. Pour des raisons diverses, j’ai décidé, effectivement, de faire une pause dans l’écriture de ce blog. Mais la pause est temporaire, rassurez-vous! Je compte bien revenir dans quelques temps.

D’ici là, portez-vous bien. Je vous donne quelques petits conseils ciné: Mad Max-Fury Road et A La Poursuite De Demain sont franchement excellents et constituent une nouvelle façon d’aborder le film hollywoodien à gros budget, et puis, quelle leçon de cinéma! Dans un autre registre, courez-voir Comme Un Avion de Bruno Podalydès, une comédie subtilement mélancolique, drôle et coquine. Côté romans, j’ai lu la suite de L’Etrange Affaire de Spring Heeled Jack, L’Etrange Cas de L’Homme Mécanique, de Mark Hodder. Légèrement inférieur au premier (chroniqué sur ce blog), il constitue tout de même un excellent roman fantastique trépidant, original et complètement dément. L’univers mis en place est passionnant. Vivement la suite!

Je vous remercie, une fois de plus, de me lire. Sans vous, ce blog n’est rien. Merci donc et à bientôt!

 

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14 juin, 2015 à 8 h 57 min | Commentaires (0) | Permalien


De quoi tu te plains, au juste?

Bon, c’est vrai que certains articles de cette rubrique sont rédigés sous l’angle de l’humour et du second degré (j’ai vérifié avec un rapporteur). Quelquefois, je me laisse aller à l’exagération et je me moque de moi-même. Oui, je suis fou de faire ça mais c’est parce que je bois trop de Champomy. Cette boisson monte rapidement à la tête. Dire que certains parents irresponsables en donnent à leurs gosses…C’est un fléau contre lequel les pouvoirs publiques devraient lutter. Cela fait des ravages chez les jeunes générations, comme le disait ma coiffeuse l’autre jour. M’enfin, passons… Donc, j’ai décidé d’écrire un article plus sérieux parce que merde, faut bien être sérieux dans la vie! C’est bien beau de regarder Cyril Hanouna mais ça finit par griller le cerveau!

Alors, je vais vous entretenir d’un sujet qui me tient à cœur: l’existentialisme est-il compatible avec un subconscient débarrassé de la foi religieuse et pourquoi aimons-nous manger des frites avec notre beafteck, sauf Aymeric Caron qui est végétalien?…Ah, le sujet est trop compliqué, j’ai perdu des lecteurs qui ont fait un claquage du cerveau…Bon, et bien, parlons de la vision optimiste et pessimiste de l’existence…Ok, tout va bien? Pas trop compliqué? Tant mieux!

(le reste de cette chronique est écrit sérieusement, sans vannes à la con. Veuillez éloigner les enfants et les spectateurs de Cyril Hanouna. Tiens, encore lui? Oui, je le kiffe pas trop, en fait…)

En ce moment, beaucoup de gens se plaignent: la vie est chère, les impôts élevés, la France va mal, etc. Moi, j’en ai ras le bol! Bon, que des gens qui sont dans la misère perdent espoir, d’accord. Mais la plupart du temps, ce sont des gens qui ont une famille, une maison et un job pas trop mal payé. Bordel de merde, de quoi vous plaignez-vous? Vous n’êtes pas à la rue et vous mangez à votre faim! Et chaque année, c’est pareil: les naufragés de la route pris dans les embouteillages. Il y a tellement de gens qui partent pas en vacances et c’est eux qu’on plaint! La rentrée scolaire trop chère et puis ça fait du boulot. Généralement, on te montre un reportage sur une famille aisée qui vit dans une jolie maison. Mais bon, trois enfants c’est fatiguant, soupire la mère de famille à l’écran. Qui t’a obligé à en faire trois, ma grande? Non mais sérieux…En plus, ils ont bien l’air malheureux. Chaque année, les gens des cités HLM regardent ces reportages à la con et se marrent. C’est toujours ça de pris. Et puis les impôts, ben, tu gagnes ta vie, t’en payes, c’est pour la communauté, t’es pas à découvert quand t’as payé, bon, pourquoi tu te plains? Les SDF, les Népalais, les victimes d’Ebola, les enfants battus, les femmes vendues comme de la marchandise, les clandestins qui se noient et tant d’autres sont priés de se plaindre en silence, merci! Non mais quelle indécence!

Le pessimisme est partout autour de nous. Moi-même, je le ressens. Quand on voit le monde qui nous entoure, comment être positif? Pourtant, pourtant… Etre cynique et pessimiste, c’est comme un bouclier. Cela évite de trop s’investir sur le plan émotionnel et d’être déçu par les autres. Mais c’est aussi une façon de prendre du recul et de réfléchir. Le problème, c’est qu’on finit par être dans l’outrance et la caricature. On fait son cynique en société, parce que ça nous fait marrer et parce que ça fait marrer les autres. Mais on finit par jouer un rôle attendu. On finit par se percevoir d’une façon négative et dévalorisante. On finit par être sourd au monde. Pourtant, pourtant…Il y des tas de choses merveilleuses autour de nous mais on ne s’en rend pas compte. Et généralement, ce sont les gens les plus cyniques ou les plus pessimistes qui les perçoivent.

Je parle par expérience personnelle. Par goût, par jeu et par provocation, je me suis forgé une image de cynique. Cela amuse les autres. Mais cela entretient la confusion. Les gens finissent par me voir vraiment comme ça. Moi-même, je finis par le croire. Pourtant, je reste un idéaliste et un utopiste (un naïf?). Je crois en certaines choses et en certaines valeurs. Je crois qu’un jour l’humanité arrêtera ses conneries…mais quand? Mais le plus important, c’est maintenant. Je ne vois pas que le mauvais côté des choses. Je vois aussi ce qui marche, ce qui est beau, ce qui est pur. Tout autour de nous, il y a de jolies fleurs à cueillir. Elles poussent sur le bas côté, il faut savoir se pencher pour les trouver. Il faut aussi savoir baisser la tête et observer. Les gens ne savent pas observer et sont victimes de préjugés.

Il y a aussi des personnes sur qui on se méprend. Parce qu’elles sont différentes de nous, pas dans la norme acceptée, on les rejette et on en a peur. On ne donne pas leur chance à ces personnes. On a tendance à ne voir que leurs défauts, alors qu’elles ont aussi des qualités. Mais on ne sait pas ou on ne veut pas les voir. C’est bien dommage. Il ne faut pas minimiser ce qui ne va pas mais il ne faut pas non plus éluder ce qui va. Certaines personnes ont besoin d’aide. Pour les aider, il faut faire l’effort de les comprendre. Il faut savoir les empêcher de faire des conneries et les encourager à progresser et à faire ce pourquoi elles sont douées. La bienveillance et la fermeté, tout est là. Alors, merde, y a pas que des cons dans cette humanité! Il y a des tas de gens biens. Mais bon, je dois être vachement cynique, pessimiste et égoïste pour écrire une ânerie pareille, non?

Je commence à être trop sérieux, là. Je vais laisser revenir le bouffon cynique que je suis pour de prochains textes. Après tout, vous aimez ça, non?

Pour conclure, je laisse la parole à Clint:

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3 mai, 2015 à 14 h 07 min | Commentaires (0) | Permalien


CAPRICE-Le théâtre de la vie

Alicia (Virginie Efira) et Clément (Emmanuel Mouret)

Alicia (Virginie Efira) et Clément (Emmanuel Mouret)

Clément (Emmanuel Mouret), instituteur, est comblé jusqu’à l’étourdissement: Alicia (Virginie Efira), une actrice célèbre qu’il admire au plus haut point, devient sa compagne. Tout se complique quand il rencontre Caprice (Anaïs Demoustier), une jeune femme excessive et débordante qui s’éprend de lui. Entretemps, son meilleur ami, Thomas (Laurent Stocker), se rapproche d’Alicia…

En trois comédies sentimentales très réussies, Changement D’Adresse (2006), Un Baiser s’il vous plait (2007) et Fais-Moi Plaisir! (2009), Emmanuel Mouret avait imposé un style décalé, subtil et un tantinet burlesque. Après s’être égaré dans un film à sketch inégal (L’Art D’Aimer) et un mélo pas très inspiré (Une Autre Vie), il revient au style qui lui va le mieux et nous enchante à nouveau.

Son dernier film est un délicieux marivaudage où Mouret nous amène à réfléchir sur l’amour et ses illusions. Le film est un brillant aller-retour entre fantasme et lucidité. Clément est-il amoureux de Alicia pour ce qu’elle est ou parce que c’est son actrice préférée? En bref, nous idéalisons peut-être trop  la personne que nous aimons, nous en fabriquons une image rêvée mais sommes-nous attirés par cette image ou par la personne en elle-même? Mouret ne nous sert pas une énième variation sur l’actrice imbue d’elle même et coupée du monde. Son Alicia est une femme sensible, attentionnée, généreuse et sincère. Virginie Efira livre une brillante prestation où son émotion contenue éclate à chaque plan. Emmanuel Mouret la filme magnifiquement, telle une héroïne d’un mélodrame hollywoodien. D’ailleurs sa réalisation est toujours classique, élégante et précise. L’homme possède un regard attentionné sur ses personnages dont on se sent proche. Il a aussi toujours ce sens du gag et du détail incongru (la tasse de café et l’urne, la jambe cassée) qui font mouche, tout comme ses dialogues fins et ciselés, drôles et touchants. Il est l’un des rares à bien parler d’amour dans le cinéma français.

L’illusion théâtrale et fictive (de la vie?) est ainsi filée dans beaucoup de scènes. La plus belle étant ce baiser passionné entre Alicia et Clément…juste avant qu’elle ne monte sur scène embrasser son partenaire de la même façon! Le personnage de Caprice (la tornade Anaïs Demoustier) est très intéressant. Elle vit la même chose que Clément, d’où un effet miroir entre les deux histoires d’amour. Elle connait très peu Clément mais elle se déclare amoureuse de lui. Elle l’idéalise et en fait l’objet de sa passion. Mais est-elle éprise de cette image qu’elle s’est forgée ou du « vrai » Clément? Les scènes entre eux sont drôles mais se teintent d’une certaine tristesse. D’ailleurs, dans son dernier tiers, le film devient mélancolique à l’orée des choix que les personnages ont à faire. Une certaine amertume s’installe. La fin demeure belle, magnifique et comme teintée de regrets que l’on tait. Et comme ultime pirouette finale, l’effet de mise en abîme avec la fiction revient, comme pour signaler un mensonge que l’on trouve confortable. L’indécision règne jusqu’au bout. La jolie Caprice aura changé la vie de beaucoup de personnes!

Le film perd légèrement de son rythme dans sa deuxième moitié. L’histoire entre Thomas et Alicia semble de trop, Mouret a du mal à la rattacher au reste. Pourtant, elle est originale car silencieuse, les deux personnages étant constamment gênés par la présence de l’autre. Le film recèle des petits moments de grâce et de drôlerie. La première scène entre Clément et son fils est très drôle et résume bien cette opposition fiction/réalité qui va suivre. Mouret y commente sa place à part dans le cinéma français, comme une note d’intention espiègle.

Alors laissez-vous charmer par ce film, vous ne regretterez pas ce caprice!  Note: 16/20

Caprice de et avec Emmanuel Mouret, avec aussi Virginie Efira, Anaïs Demoustier et Laurent Stocker, en salles depuis le 22 avril.

24 avril, 2015 à 16 h 17 min | Commentaires (0) | Permalien


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