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LE TEMPS D’UN AUTRE-Brève rencontre

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Juillet 1990. Robin Trimariot, fonctionnaire européen à Bruxelles, revient en Angleterre pour une affaire de famille. Son frère aîné Hugh est brutalement décédé d’une crise cardiaque. Il était le PDG de la firme familiale qui fabrique des battes de cricket. Lors d’une randonnée, Robin croise, durant quelques minutes, une femme dont le charme emprunt de tristesse l’impressionne. Ils échangent quelques mots et se séparent. Trois jours plus tard, il apprend que cette femme, Louise Paxton, a été violée et assassinée dans la maison d’un peintre, lui aussi tué. Tout cela s’est passé quelques heures après que Robin l’ait rencontrée. Ne pouvant se détacher du souvenir bouleversant de cette femme, Robin décide de témoigner à la police. Il va aussi rentrer en contact avec la famille de la morte et mettre le pied dans un engrenage fatal.

Né en 1954, le britannique Robert Goddard fut journaliste, enseignant puis proviseur. Au milieu des années 1980, il décide de se consacrer entièrement à l’écriture de romans. Il publie bon nombre de livres, assez populaires en Angleterre. Mais il faudra attendre le début des années 2010 pour que son œuvre soit redécouverte et connaisse enfin le succès qu’elle mérite, au niveau mondial. En France, on a pu découvrir ainsi Par Un Matin d’Automne (chef d’œuvre!), Heather Mallender A Disparu, Le Secret d’Edwin Strafford ou Le Retour. Des romans puissants où le passé ne meurt jamais et où ses conséquences, parfois terribles, sont toujours présentes. La plupart de ces histoires présentent un héros qui enquête sur une tragédie passée ou un évènement qui prend ses racines dans le passé. Il y a souvent de nombreux allers-retours en arrière. Les romans de Goddard sont addictifs. Impossible de s’arrêter avant la fin. Si vous n’avez encore pas découvert cet auteur, faites-le toutes affaires cessantes!

Le Temps D’Un Autre (qui date de 1995) est légèrement différent. Le héros ne remonte pas le temps pour son enquête ou alors sur une très courte période. Le point de départ est le meurtre sauvage de Louise Paxton. L’action va s’étirer sur trois ans, de 1990 à 1993. Cette fois, Goddard nous dépeint la tragédie d’un homme qui a connu très brièvement une femme (moins de cinq minutes). Il en est tombé amoureux mais a préféré la laisser. Ce qui explique son sentiment de culpabilité. Il va vivre une véritable obsession pour cette morte, allant jusqu’à éprouver une affection un peu excessive (mais bienveillante) pour ses deux filles. Il sera aux côtés de cette famille lors du procès du présumé assassin. C’est un roman mélancolique que nous écrit son auteur. Il y a des choses infimes que le temps n’efface pas, des petits riens que l’on n’oublie pas. Le passé ne meurt jamais, ni certains êtres. A travers cet amour d’un homme pour une morte idéalisée, Goddard nous ramène à l’essentiel de notre vie sur Terre. La mort frappe n’importe quand. Bien sûr, il y aura des rebondissements et Robin va découvrir des choses sur Louise et sa famille, qui vont le faire vaciller dans ses certitudes. Goddard possède un art consommé et précis du suspense. Robin Trimariot court à sa perte, sans le savoir. Quelquefois, il vaut mieux savoir faire son deuil…

Le deuil est au cœur du roman. Le portrait bouleversant que fait Goddard des deux filles de Louise est magnifique. Très proches de leur mère, comment ces deux jeunes femmes vont-elles survivre? L’une est plus forte, l’autre s’avèrera plus fragile. Le mari de Louise est aussi décrit comme un être brisé par la tragédie mais capable de se battre pour la mémoire de sa femme. Goddard a une écriture à la limite de la poésie. Ecrit à la première personne (Robin), son style possède une vraie mélancolie et une tristesse profonde. Les paysages d’été y sont aussi tristes que ceux d’hiver. Et comment oublier l’image de ce pont hanté par une tragédie? Les personnages sont admirablement décrits tout comme les états d’âme de Robin, qui nous est très proche. Que ce soit sur le plan du suspense ou des sentiments, Goddard gagne sur tous les tableaux.

Il faut aussi mentionner les problèmes familiaux de Robin, avec la firme Trimariot and Co. Les problèmes d’administration de cette entreprise auront une conséquence sur l’autre affaire. Comme toujours chez Goddard, il y a cette fascination pour les histoires de famille et tout ce qu’elles renferment: jalousie, passion, haine, amour, secrets….Voilà, il ne faut pas en dire plus. Juste qu’il faut lire ce roman et tous les autres de son auteur. Ce sont des histoires que l’on n’oublie pas, une fois le livre refermé.  Note: 18/20

Le Temps d’Un Autre (Borrowed Time) de Robert Goddard, Le Livre de Poche (inédit), 590 pages

 

21 avril, 2015 à 13 h 56 min | Commentaires (0) | Permalien


BIG EYES-Noces funèbres

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Dans les années 1960, aux Etats-Unis, le peintre Walter Keane connait un succès retentissant grâce à ses étranges peintures représentant des enfants avec de grands yeux. Le problème, c’est que tout cela n’est qu’une supercherie. La vérité finit par éclater: Walter n’est pas l’auteur de ces peintures. Elles sont l’œuvre de sa femme Margaret. Un procès retentissant donnera justice à cette femme, dépossédée de son œuvre par son mari.

Il est assez consternant de voir comment certains critiques traitent le nouveau film de Tim Burton. On peut lire des choses telles que « téléfilm de luxe », « sans âme », « l’auteur de Edward Aux Mains D’Argent a disparu », « Burton s’est définitivement vendu », etc. Pour tous ces gens, si Tim Burton ne livre pas un film gothique sombre avec Johnny Depp, il ne fait pas du Burton mais du commercial. Big Eyes est un biopic. Hérésie! C’est un genre si académique! Donc ce n’est pas du Burton. Et Ed Wood, autre biopic, c’est du poulet? Ah mais là, il y avait une imagerie gothique, mon brave, c’était du Burton! Car pour ces imbéciles, Burton=gothique sombre. Mais si ces plumitifs faisaient correctement leur boulot, ils auraient remarqué que la création artistique, la place de l’artiste dans la société et sa relation à son œuvre sont au cœur de bon nombre de ses films: Batman (et son Joker artiste anarchique et maudit), Edward, Ed Wood, Charlie et La Chocolaterie, Sweeney Todd  et même Alice avec son Chapelier Fou. Big Eyes s’inscrit complètement dans l’œuvre de Burton. Le cinéaste y développe sa thématique avec un peu plus de complexité.

Le film est avant tout un formidable portrait de femme artiste. A travers Margaret Keane (interprétée par une épatante Amy Adams), le cinéaste traite de l’émancipation de la femme (thème inhérent au contexte des années 1960) et de son droit à la liberté, loin du devoir conjugal si terne. Au début du film, Margaret quitte son mari, en emmenant sa fille avec elle. Elle s’en va loin d’une banlieue proprette où elle étouffe et rejoint San Francisco, synonyme de liberté. Margaret est peintre. Du moins, elle a un don pour la peinture. C’est une femme qui rêve de vivre de son art. Malheureusement, il faut faire bouillir la marmite. Elle travaille dans une fabrique de lits pour enfants qu’elle décore de dessins enfantins conventionnels, tout en continuant son œuvre personnelle comme loisir. Bien sûr, le parallèle avec Tim Burton est indéniable: il a souffert, à ses débuts, chez Disney de ne pas pouvoir s’exprimer. Et il sait maintenant qu’il doit alterner commandes et films personnels s’il veut continuer à travailler.

La rencontre avec Walter est capitale pour Margaret. Elle va pouvoir vivre de son don artistique. Mais à quel prix? Elle va devoir s’effacer devant son ogre de mari et se voir déposséder de son intimité artistique. Car l’artiste est son art, pour Burton. Lui enlever, c’est le tuer. Quand Walter veut savoir le nom de Margaret, il regarde sa signature sur la toile. L’artiste et l’œuvre ne font qu’un. Comme tant d’artistes burtoniens, Margaret va être contrainte à la solitude et à vivre en recluse dans sa propre maison, pour que le secret ne soit pas éventé. Elle doit même se cacher de sa propre fille. Elle devient dépressive et fume cigarettes sur cigarettes. Il est toujours dur de concilier le fait de s’isoler pour créer et de partager son œuvre avec le public chez Tim Burton. Son héroïne maudite, Burton la filme comme une héroïne hitchcockienne dans un San Francisco en couleurs qui rappelle presque Vertigo au détour de quelques plans. La couleur et la joliesse de l’ensemble cache ici un drame très sombre. Le contraste est pertinent. La réalisation de Burton est magnifique, d’un classicisme assumé et élégant. Et rappelons-le aux ignorants, c’est son style naturel!

Le portrait de Walter Keane est très intéressant lui aussi. Saluons ici la performance hallucinante de Christoph Waltz, formidable menteur-baratineur, tantôt ridicule, tantôt inspiré et qui devient franchement effrayant sur la fin. La scène du procès est hilarante et Waltz y livre un one man show schizophrénique de haute volée! Walter Keane est le monstre de l’histoire. Mais Tim Burton aime les monstres qui sont souvent des êtres solitaires et torturés chez lui (cf Le Pingouin de Batman Returns par exemple). Burton est fasciné par Walter et nous le fait même prendre en pitié. Car qui est ce type au fond? Un rêveur qui s’ennuie dans son boulot d’agent immobilier et qui rêve d’être un artiste pour transcender son morne quotidien. Mais Walter n’a aucun don. Alors il s’approprie le travail des autres. Il arrive même à se persuader lui-même de son talent. C’est un gosse qui rêve d’une meilleure vie mais qui s’y prend mal. Il aime sincèrement sa femme mais sa mégalomanie l’empêche de voir le mal qu’il lui fait. Et l’argent vient le corrompre. Le succès le transforme en monstre capitaliste (la grande crainte de Burton) qui se contente de gérer « son » œuvre et de la photocopier. La scène où il assiège son épouse dans son atelier est à ce titre remarquable: deux conceptions de l’artiste s’affrontent. L’artiste mercantile et narcissique presse l’artiste idéaliste et marginal de le laisser entrer, donc de faire du pognon facile et non de l’art.

Car Margaret vit cette pression comme un calvaire. Son style est copié et recopié. Par les autres. Et par elle-même. Le parallèle avec Tim Burton est saisissant. Lui aussi a été imité et pompé. Lui aussi s’est parfois caricaturé et perdu dans un art plus commercial. Burton le sait. C’est un autoportrait très intime qu’il nous livre à travers Margaret Keane. La meilleure scène du film la voit dans une grande surface où elle constate que son œuvre est devenue un art de supermarché. L’artiste pure et sincère a peur de se voir transformer en une chose qui n’est pas elle. Car ses tableaux, étranges et mélancoliques, reflètent son âme et sa sensibilité. Mais elle s’essaiera à un autre style quand Walter veut capitaliser sur l’œuvre passée. C’est l’affrontement entre originalité et conservatisme chez l’artiste, qui doit apprendre à se renouveler.

Bref, Big Eyes est un grand film burtonien. Note: 17/20

Big Eyes, de Tim Burton, avec Amy Adams et Christoph Waltz, en salles depuis le 18 mars.

22 mars, 2015 à 14 h 58 min | Commentaires (0) | Permalien


THE VOICES-Seul au monde

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Jerry (Ryan Reynolds) est un brave type. Toujours souriant, il travaille dans une fabrique de baignoires et se donne à fond dans son travail. Il vit à Milton, une petite ville provinciale américaine bien tranquille. Jerry est apprécié de tout le monde. Seulement, Jerry n’est pas comme tout le monde. Il a fait un long séjour dans un asile psychiatrique. Il doit prendre chaque jour des médicaments et va régulièrement voir sa psychiatre (Jacki Weaver). Mais Jerry finit par ne plus prendre son traitement. Le résultat est qu’il croit que son chien et son chat lui parlent. Pas très grave jusqu’à ce que Jerry se mette à fantasmer sur Fiona (Gemma Arterton, plantureuse à souhait) une de ses collègues…

Le parcours de la réalisatrice franco-iranienne Marjane Satrapi  est atypique. Venu de la bande-dessinée, elle adapte elle-même son œuvre Persépolis en film d’animation, en 2007. Depuis, elle a décidé d’arrêter la BD et de se reconvertir dans le cinéma. Après le très joli Poulet Aux Prunes (2011), elle revient avec un film produit et réalisé aux Etats-Unis: The Voices. Avec ce film, Marjane Satrapi s’attaque à la comédie noire et gore, mâtiné d’un léger parfum de fantastique. Et elle s’en tire plutôt pas mal.

Le film oscille constamment entre un humour décalé rose-bonbon et des situations tordues et sanglantes. Le film garde ce ton du début à la fin. En bref, The Voices, vu son sujet, reste un film assez léger et aérien. Curieux paradoxe! Mais le parti-pris est intéressant. On pénètre facilement dans l’esprit dérangé de Jerry. Dès qu’il ne prend plus ses cachets, il vit dans une réalité parallèle peuplée d’animaux  qui parlent et où la femme qu’il aime en secret est un ange avec des papillons qui lui volent autour. Cette réalité est plus colorée que le réel. Ce dernier est filmé de façon plus terne et réaliste. On soulignera l’excellent travail du directeur de la photographie Maxime Alexandre (Haute Tension, Otage, La Colline A Des Yeux). Marjane Satrapi s’avère être une réalisatrice douée. Sa mise en scène est classique et élégante. Elle sait composer son cadre (son passé d’illustratrice se retrouve à ce niveau). Ses mouvements de caméra sont fluides. Des scènes comme l’accident de voiture, la poursuite dans la forêt ou la découverte du secret de Jerry par une de ses collègues, dénotent un savoir-faire indéniable et s’inscrivent dans le genre du film à suspense de façon naturelle. On pourra regretter que la réalisation demeure un peu trop sage par rapport à ce qui se passe à l’écran: des meurtres brutaux, des têtes décapitées qui parlent, des corps découpés dans des tupperwares,… Mais le film s’éloigne des balises du politiquement correct et nous offre un spectacle osé et insolent.

Mais le plus beau dans ce film (et le plus réussi), c’est l’émotion qu’il dégage. The Voices est un drame de la solitude. Celui d’un brave garçon perturbé qui veut juste qu’on l’accepte tel qu’il est et qu’on l’aime. Ce qui est gonflé ici, c’est que le brave garçon en question est un serial-killer en puissance. Là encore, le décalage est croustillant. On arrive à prendre en pitié ce monstre. La prestation de Ryan Reynolds est extraordinaire. Il joue son personnage comme un petit garçon perdu. Très pertinent quand on découvre son trauma enfantin, lors d’un flash-back intense et bouleversant. De plus, et là il faut voir ce film en VO, Ryan Reynolds assure lui-même le doublage du chien Boscoe et du chat Mr. Moustache. Les scènes de discussion entre Jerry et ses animaux sont hilarantes.  Boscoe a une grosse voix grave rassurante. C’est la bonne conscience de Jerry. Mr Moustache a une voix ironique et cassante avec un accent écossais des plus drôles. Et ce Moustache est un vrai salopard, il représente les pulsions homicides de Jerry. Pauvre Jerry qui, lorsqu’il prend ses pilules, découvre un monde terne…et aussi le taudis dans lequel il vit! Alors, que sans ses pilules, tout devient plus beau!

The Voices est un film qui ne rentre dans aucune case, un projet gonflé et assez frais. Il aurait pu être mieux maîtrisé par moments mais en l’état, c’est un film attachant. Le final est bouleversant. Et le générique de fin joyeux et entraînant. Sing a happy song!  Note: 14/20

The Voices, de Marjane Satrapi, avec Ryan Reynolds, Gemma Arterton, Anna Kendrick et Jacki Weaver, en salles depuis le 11 mars.

15 mars, 2015 à 10 h 39 min | Commentaires (0) | Permalien


Le port de l’angoisse

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Je sais pas vous, mais moi je m’angoisse souvent pour un rien. C’est terrible! La longue liste de tout ce qui m’angoisse fait peur à voir. Mon psy a jeté l’éponge depuis longtemps. Il s’est d’ailleurs suicidé en se mettant la tête dans son four. Mon cas était trop désespéré. Aucun autre praticien n’a accepté de me prendre en thérapie. Ils avaient trop peur de moi. Ici, je suis bien. J’ai une chambre individuelle (avec la télé) et des infirmières qui s’occupent de moi. Je peux faire une promenade une fois par jour. Il y a un joli parc. Je lis beaucoup de journaux. Des trucs genre Astrapi ou Femme Actuelle. Parce que les journaux d’actualité m’angoissaient. A la télé, il ne m’ont laissé qu’une chaîne: Gulli. Même les documentaires animaliers de RMC Découvertes m’angoissaient. Toute cette violence….

Le monde m’angoisse. Toutes ces guerres, tous ces massacres,… J’ai peur de mourir assassiné pour quelques euros ou de périr dans un attentat. Les gens autour de moi m’angoissent. J’ai l’impression que ce sont tous des fous homicides. A chaque fois que je vois un enfant, j’angoisse aussi. Que va-t-il devenir plus tard? Sera-t-il heureux? Va-t-il mourir vieux? Ou va-t-il foiré sa vie et mourir à 20 ans d’une overdose?

Et la montée de l’extrême droite, ça m’angoisse aussi. La crise économique m’angoisse. Le chômage m’angoisse. La nouvelle chanson des Enfoirés m’angoisse. La télé-réalité m’angoisse. Même le Président de la République m’angoisse. Et s’il devenait fou et appuyait sur le bouton atomique, précipitant le monde dans le chaos? A ce propos, M. Poutine m’angoisse aussi. Bachar El Hassad m’angoisse. La Corée du Nord m’angoisse. L’état islamique m’angoisse. Le racisme et l’homophobie m’angoissent. La pollution m’angoisse. Les épidémies m’angoissent. On est cerné! Comment voulez-vous que cela aille?!!

Et c’est pareil au quotidien! La fin d’un tube de dentifrice m’angoisse: il faut appuyer fort pendant 10 plombes, voire ouvrir un nouveau tube et perdre du temps à enlever le machin en plastique qui gêne le passage du produit dentaire et c’est comme ça qu’on arrive en retard au boulot. Les biscottes m’angoissent: et si elles se cassent, hein? La foule dans les transports en commun m’angoisse: vais-je avoir une place assise? Vais-je arriver à l’heure? Les toilettes publiques m’angoissent: seront-elles propres (la plupart du temps, non! Les gens sont vraiment des porcs!)? Seront-elles hors-service? Serrer la main des gens m’angoisse: attraperais-je la gastro? Faire la bise m’angoisse aussi: aurais-je un herpès? Le mauvais temps m’angoisse. Le beau temps m’angoisse. Faire la queue dans une file d’attente m’angoisse. Retirer du liquide au distributeur m’angoisse: le type derrière essaie-t-il de voir mon code? Traverser la rue m’angoisse : la voiture va-t-elle vraiment s’arrêter, même si le feu est rouge? Manger m’angoisse: vais-je tâcher mes vêtements? Vais-je avoir une indigestion? Les chiens m’angoissent: ils peuvent mordre!  Mon angoisse m’angoisse. Bref, tout m’angoisse.

Donc voilà, je porte mon angoisse comme un fardeau mais aussi comme un étendard. Après tout, c’est ce que je suis: un éternel angoissé. Je vous laisse. C’est bientôt l’heure de mes cachets. L’infirmière va passer. Mon dieu…et si elle m’oubliait? Ah, l’angoisse….

8 mars, 2015 à 10 h 27 min | Commentaires (0) | Permalien


AMERICAN SNIPER-Une histoire de violence

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Assassiné en 2013 par un marine perturbé à qui il tentait de venir en aide, Chris Kyle est le sniper le plus connu de l’armée américaine. Il a sauvé la vie de nombreux soldats américains lors de la deuxième guerre d’Irak et possède aussi le triste record du plus grand nombre de personnes abattus à son actif. Ce film est son histoire.

A 84 ans, Clint Eastwood est toujours au mieux de sa forme. Son film est une leçon de mise en scène et papy Clint met à l’amende tous ces jeunes réalisateurs qui font des films comme on fait un clip musical. Toutes les scènes se passant en Irak sont d’un réalisme saisissant. On est dans l’enfer irakien avec les soldats américains. Cette guerre urbaine est ici retranscrite avec brio. Nerveuse, précise, ample, la réalisation de Clint Eastwood reste cependant constamment lisible et efficace. Le conflit est filmé à hauteur d’homme. La violence n’est pas éludée. Le spectateur  est aussi stressé que les marines américains. A ce niveau-là, c’est du grand art! L’affrontement final est digne de Fort Alamo!

Mais c’est le traitement de l’histoire de Chris Kyle qui reste le moteur de l’œuvre. Eastwood n’en fait ni un salaud, ni un héros. Il montre les horreurs inhérentes à la guerre. Kyle est seul face à sa conscience quand certains dilemmes se posent à lui: tuer un enfant kamikaze ou sauver la vie de ses amis? Le sniper est seul, en hauteur (remarquable de constater que dès qu’il descend dans les rues irakiennes, il n’est plus un dieu de la mort mais un simple mortel vulnérable). Il a la mort au bout de son arme. C’est un artiste de la mort. Et Clint de s’interroger et d’interroger la conscience de son pays: pourquoi acclamer un homme qui a semé la mort? Qu’est-ce qui ne va pas dans cette société-là? Est-ce que Kyle mérite ses éloges? Oui car il a sauvé des vies…mais à quel prix? D’autres vies ont été prises et le personnage y a perdu son âme. La fascination de l’Amérique pour la violence et les héros violents est ici montrée du doigt. Mais Clint ne juge pas. Le problème est trop complexe pour faire un film moralisateur. Clint montre le mal. Il met le doigt où ça fait mal et nous laisse avec nos questions et nos doutes.

L’interprétation de Bradley Cooper est remarquable. Le comédien fait passer toute une gamme d’émotions à travers son regard: amour, courage, détermination, colère, rage, peur, angoisse, impuissance, dépression,…Cooper y trouve le rôle de sa vie. Et c’est le portrait de ce « héros » qui est le cœur du film. Le personnage présenté dans le film est un homme marqué par la violence, à l’image du pays où il est né. De son enfance, où son père lui apprend à tirer et lui inculque des valeurs réactionnaires sur la vie et les gens en passant par son entraînement à la dure et ses missions en Irak, Kyle était quasiment prédestiné à son destin. Sa vie serait dédiée à la mort et à la violence. L’homme aime sincèrement sa femme et ses deux enfants mais il demeure sans cesse ce guerrier, toujours sur le qui-vive, et paranoïaque. C’est bien sûr la parfaite métaphore des héros rentrés au bercail, des héros traumatisés, hantés par des atrocités dont ils ont été les témoins et les acteurs. La défense de valeurs patriotiques les a rendus inaptes à la vie civile. Eastwood fouille avec acuité le syndrome post-traumatique des vétérans. Kyle regarde la vie autour de lui comme s’il était toujours en guerre. La guerre est une drogue dure dont il est difficile de se débarrasser. Ses confrontations avec son frère lui-même marine traumatisé par le conflit et avec des mutilés de guerre , le conduiront vers l’apaisement. Et il sera, d’une façon ironique, rattrapé par la violence. Tué par un de ses frères d’armes qu’il essayait d’aider. Le mal est tapi en chacun de nous. On retrouve ici l’une des thématiques chères au réalisateur de Mystic River.

Seul bémol du film: le portrait de Chris Kyle a été quelque peu adouci. Dans son livre, ce dernier tenait des propos racistes et regrettaient de ne pas avoir tué plus de monde. Le Chris Kyle présenté dans le film n’est pas tout à fait le vrai Chris Kyle . Du coup, les images d’archive utilisées à la fin sont maladroites. Le film n’est pas un documentaire, c’est une fiction. Eastwood voulait juste montrer la ferveur autour de son anti-héros. Il aurait mieux valu finir avant ou procéder à une reconstitution, le film prenant quelques libertés avec la réalité.

Il faudra aussi, un jour prochain, montrer le conflit irakien du point de vue des Irakiens. C’est une guerre incroyablement complexe, le seul point de vue américain ne suffit plus. Eastwood essaie de réparer ceci avec le sort réservé à ceux qui collaborent avec les Américains (une scène insoutenable et forte) et le personnage du sniper syrien, Mustafa. Lui aussi assassin silencieux, père de famille. Un fantôme se déplaçant sur les toits. Son duel, à distance, avec Kyle est bien rendu. Si loin, si proches…  Note: 17/20

American Sniper, de Clint Eastwood, avec Bradley Cooper et Sienna Miller, en salles depuis le 18 février.

 

20 février, 2015 à 17 h 23 min | Commentaires (2) | Permalien


Mr MERCEDES-Seconde chance

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2010. Bill Hodges est un inspecteur de police à la retraite. Divorcé, ayant une fille qu’il n’a pas vu depuis deux ans, il vit seul dans son petit pavillon de banlieue. Hodges semble fatigué. Il passe ses journées sur son canapé, devant sa télé, à se gaver de cochonneries (aussi bien alimentaires que télévisuelles). Parfois, il prend son revolver avec lui et en caresse le manche, tout en ayant des humeurs mélancoliques. Mais un jour, il reçoit une étrange lettre. Elle est signée Le Tueur à la Mercedes. Ce dernier est un tueur de masse. Un an plus tôt, au volant d’une Mercedes, il a tué 8 personnes et en blessé d’autres, lors d’une foire à l’emploi, en leur fonçant dessus. Ce fut la dernière affaire de Bill Hodges. Le tueur ne fut jamais identifié et arrêté. Aujourd’hui, le Tueur à la Mercedes nargue Bill Hodges. Il semble vouloir le pousser au suicide, en le manipulant. Seulement, il a sous-estimé la force de caractère et la détermination de Bill Hodges qui va se mettre en chasse et retrouver plus qu’une rédemption,: une nouvelle raison de vivre.

Le nouveau roman de Stephen King est un roman noir. On y retrouve le style que King avait quand il signait les romans de son alter-ego Richard Bachman. On est ici en terrain connu: un vieux flic à la retraite pugnace, un psychopathe complètement taré, des flics dépassés et une noirceur à toute épreuve. Mr Mercedes n’est pas à ranger dans la catégorie des chefs-d’œuvre de King. Il lui manque un petit quelque chose par rapport à ceux-ci. Néanmoins, c’est un très bon roman qui se lit d’une traite.

Le prologue est, sans conteste, l’une des plus brillantes entrées en matière du romancier. A la fois terriblement émouvant et poignant et profondément horrible quant à sa conclusion. Lors d’une foire à l’emploi, un homme d’âge mûr se lie d’amitié avec une jeune mère célibataire accompagnée de son bébé. Ils recherchent tous les deux un emploi. Ils sont venus, ainsi que d’autres, dans la nuit pour être bien placés le lendemain matin. Il fait froid, il bruine. King nous montre, sans pathos, les effets dévastateurs de la crise. Il nous décrit avec humanité et bienveillance les espoirs et les craintes des sans-emplois. On est là avec eux….jusqu’à ce que l’horreur s’invite au bal. King n’ira pas jusqu’au bout, il préfère arrêter avant. Mais le choc est là. La tristesse aussi. Un petit coup de maître!

L’Amérique post-crise et de l’ère Obama est au cœur de ce roman. On y voit les effets dévastateurs de la crise en arrière plan: entreprises et emplois menacés, désespoir et pauvreté, contraste entre quartiers pauvres et riches. Ce petit air en sourdine reste présent tout du long.  King va choisir comme héros un homme simple mais usé. Cet homme est un petit retraité qui regarde la télé-réalité tout en la fustigeant. C’est le dernier divertissement pour les pauvres. En quelques pages, King enfonce cette abomination télévisuelle avec férocité et nous montre un esprit brillant complètement anesthésié par ces programmes. C’est une métaphore évidente de la classe populaire américaine. Le personnage de Bill Hodges est remarquable. Il nous est proche. C’est un excellent enquêteur mais aussi un homme bon et juste. Ce roman est l’histoire d’un homme au fond du trou qui se relève et se bat. Il rencontrera même l’amour en chemin! Il y aussi sa relation avec son jeune voisin noir de 17 ans, Jérôme Robinson. C’est une véritable amitié et une profonde estime qui les réunit. Seulement, faut pas trop pousser Bill Hodges comme le Tueur à la Mercedes va l’apprendre! Bon sang, on a même droit à une scène où le vieux flic corrige deux racketteurs qui emmerdaient un gamin. Jouissif!

Le portrait du Tueur à la Mercedes est glaçant car terriblement troublant et réaliste. King nous balance son identité au début du roman. On va suivre son parcours en parallèle de celui du héros. Il est issu d’un milieu populaire. Suite à une enfance traumatisante, il se met à haïr l’humanité en général. King ne lui donne aucune excuse. Il nous décrit son comportement et ses névroses avec un grand talent. C’est une plongée dans la folie totale. Cet homme est terriblement banal mais dangereux. C’est une bombe à retardement. Le suspense du livre va crescendo jusqu’à la fin, qui devient carrément stressante. Mais le pire, c’est qu’à un moment, King nous livre les pensées du tueur sur un évènement « culturel ». Le plus troublant….c’est qu’on pense la même chose que lui! King manie l’humour noir avec une grande habileté. Comme jamais, il sait magnifiquement retranscrire toutes les contradictions de la société américaine.

Alors oui, certains rebondissements sont attendus et la deuxième partie fait légèrement du surplace. Mais les personnages secondaires emportent l’adhésion. Janey est une femme quadragénaire qui va séduire Bill…et le lecteur. La romance entre deux personnes d’âge mûr est formidable. Le personnage de Jérôme est irrésistible et très drôle. La mère alcoolique du tueur est presque aussi effrayante que son fils. Et puis il y a Holly, une femme dépressive et limite aliénée, qui va devenir une héroïne en aidant Bill dans son enquête. Elle aussi a une revanche à prendre sur la vie. L’émotion tient une grande place dans ce roman.

A signaler que Mr Mercedes est le premier volet d’une trilogie. Vivement la suite!

Note: 15/20

Mr Mercedes, de Stephen King, 2014, 475 pages, Albin Michel

15 février, 2015 à 17 h 18 min | Commentaires (0) | Permalien


JUPITER: LE DESTIN DE L’UNIVERS-La folle histoire de l’espace

Jupiter face à son destin

Jupiter face à son destin

 

On ne présente plus Andy et Lana Waschowski, responsables de films comme Bound, la trilogie Matrix, Speed Racer et Cloud Atlas (en association avec le réalisateur allemand Tom Tikwer pour ce dernier). Leur ambition thématique et formelle, leur goût du cinéma risqué et anti-commercial, leur passion pour les concepts philosophiques existentialistes, leur sens du spectacle ont contribué à en faire des cinéastes précieux. Mais leurs deux derniers films, Speed Racer et Cloud Atlas, ont bu la tasse au box-office. Avec leur nouvel effort dans la SF, ils tentent de se refaire une santé. Vu les chiffres du box-office, c’est encore raté. La faute à une post-production houleuse et une promotion honteuse de la part d’un studio (Warner) qui ne croit plus au film, suite à un changement de direction. On se dirigeait vers la vision d’un chef d’œuvre maudit. Et la déception est cruelle…

Pourtant, le film est assez rafraîchissant et fun dans son esprit. C’est un film de gosse, naïf et sincère. Un film qui croit encore au romantisme et aux sentiments. Un film qui n’a pas peur d’aborder des thèmes comme l’inceste ou le clonage ou même l’eugénisme. Les Wachowski jonglent avec une imagerie sf parfois kitsch mais qui titille l’enfant qui est en nous. Globalement, le film est bien réalisé, les sfx et les décors sont prodigieux. On en prend plein les mirettes. L’humour alterne avec le drame puis avec l’action. Tout cela est rythmé et jamais vraiment ennuyeux (sauf vers la fin). Alors qu’est-ce qui ne fonctionne pas? Tout simplement le fait que les Wachowski ne font absolument rien de tout ça et semblent traiter leur univers par-dessus la jambe.

Côté scénario et personnages, c’est quasi zéro ambition. Cet univers et ces personnages auraient mérités d’être plus développés. Les Wachowski ne font que survoler tout ça pour tout boucler en 2 heures chrono. Pire, pour arriver à leur fin, ils se vautrent parfois dans le ridicule et bâclent des séquences entières. Au début du film, on est complètement largué. Il faut attendre près de trois quarts d’heure pour avoir des explications sur les forces en présence. Tout cela est bien nébuleux. On est censé trembler pour des personnages dont on ne sait rien (cf la scène où Channing Tatum échappe aux autres chasseurs de prime). Et puis, tant qu’on y est, certains personnages sont abandonnés en cours de route (cf les fameux chasseurs de prime qui retournent leurs vestes on ne sait pourquoi) voire inutiles (Sean Bean dont le personnage ne sert à RIEN). Des idées comme l’effacement de la mémoire et la reconstruction instantanée du décor passent pour des facilités scénaristiques vraiment embarrassantes…et ridicules!

Le film se déroule sur le schéma «  héroïne en danger/beau  gosse à la rescousse » sur toute sa durée! A chaque fois, on a l’impression de voir la même scène d’action! Bon, ces scènes d’action sont trépidantes mais elles souffrent d’un montage pas toujours très heureux (trop cut parfois) et finissent trop souvent dans un trop-plein numérique qui fatigue les yeux. Mais, il faut reconnaître qu’on ne s’y ennuie pas et qu’on y prend un certain plaisir. Malheureusement le film accumule les détails risibles comme ce pilote à tête d’éléphant ou cette jolie jeune femme aux grandes oreilles de lapin. On a envie de rire à chaque fois qu’on les voit! L’esprit de Mel Brooks n’est pas loin!

Et que dire des personnages principaux ? Une Mila Kunis qui balance entre étonnement et second degré assez lourd et un Channing Tatum pas super expressif qui peine à donner corps à un personnage déjà mal défini sur le papier (son côté loup? On va le faire renifler deux fois, lui coller des oreilles pointues et un bouc et basta!). Leur romance ressemble à du Twilight dans l’espace, c’est dire si on rigole. Dommage car les Wachowski nous livrent des plans magnifiques (les scènes de vol de Mila et Channing, la scène des abeilles).

Quant à la trame principale et au méchant, c’est foiré. Le méchant est tout raide, murmure quand il parle aux autres et semble se désintéresser de ce qui se passe. Cela tombe bien, nous aussi! Les rivalités entre les trois héritiers, l’Egide, l’impact sur les populations, tout cela est survolé et n’est jamais développé. Certaines scènes apparaissent comme ampoulées et donnent dans la parodie de péplum. Le face à face final entre l’héroïne et le bad guy est ennuyeux et devient lassant. Tout explose à l’écran et c’est tout. Quant à l’épilogue, c’est très joli, le dernier plan est magnifique; mais qui se contenterait de laver les chiottes alors qu’il règne sur une partie de l’univers, franchement?!!

En résumé, un spectacle parfois fun et débridé, mais vain, terriblement vain. 09/20 quand même. A noter, un superbe score de Michael Giacchino.

Jupiter Ascending, de Andy et Lana Waschowski, avec Channing Tatum, Mila Kunis et Sean Bean, en salles depuis le 4 février.

10 février, 2015 à 17 h 07 min | Commentaires (0) | Permalien


IMITATION GAME-Un homme d’exception

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Connaissez-vous Alan Turing? Non? Bon, c’est normal, il est sorti de l’ombre il y a seulement quelques années, plus de 50 ans après sa mort. Ce mathématicien anglais est l’homme qui a cassé le code Enigma des nazis durant la Seconde Guerre Mondiale et qui a inventé, pour ce faire, une machine précurseur des futurs ordinateurs. Alan Turing a donc sauvé des vies et bouleversé nos vies. Pourtant, sa mort fut solitaire (suicide) et il fut mis au banc de la société car il était homosexuel, chose très mal vue dans l’Angleterre de l’Après-Guerre.

Il y avait quelque chose d’excitant dans le projet de ce film: rendre hommage à un homme injustement calomnié et à qui notre civilisation est redevable. On était en droit d’attendre un grand film. Ce n’est pas le cas. Le film est bon, mais pas excellent. Il faut dire qu’il est parfois trop classique et sage dans sa mise en scène. Le réalisateur n’y injecte peut-être pas assez de mystère et de nuances. Néanmoins, le film est bien réalisé et agréable à l’œil. Bref, du cinéma classique et classieux. Du point de vue du scénario, certaines zones d’ombre du personnage sont laissées de côté et quelques libertés semblent avoir été prises. Bon, globalement, l’histoire est bien écrite. Elle est surtout remarquablement structurée, ce qui la rend passionnante à suivre.

Le film se déroule sur trois époques entre lesquelles il fait le va et vient: 1928 où l’on suit un jeune Alan Turing dans son pensionnat, la période 1939-1945 où il est engagé par l’Amirauté pour casser le code Enigma et 1951 où l’on suit la déchéance du personnage. Cette façon de raconter l’histoire est astucieuse car elle permet de mieux caractériser le personnage principal et de mieux le comprendre. Au début du film, on a affaire au petit génie arrogant et sociopathe de service, limite autiste. Et puis on se rend compte de la carapace que le personnage a bâtie pour se protéger du monde et de lui-même. Victime de brimades, hanté par un premier amour tragique, obligé de cacher sa sexualité (contre laquelle il essaye de lutter), le personnage devient vite une figure tragique. Il faut saluer l’extraordinaire performance de Benedict Cumberbatch qui incarne les différentes facettes de ce personnage avec talent et précision. Tour à tour agaçant et fragile, il prouve qu’il est l’un des meilleurs acteurs de sa génération. Son duo avec l’émouvante Keira Knightley est prodigieux. On assiste à une belle histoire d’amour/amitié entre deux personnes partageant la même sensibilité et…le même amour des mots croisés.

Le film est prenant dans sa partie Enigma. On doute constamment que Turing et son équipe arrivent à leurs fins. Il y a beaucoup d’humour dans les échanges entre les personnages. Mais le film délaisse parfois cette légèreté pour montrer des aspects plus sombres de cette recherche comme la manipulation du MI6 (avec un Mark Strong froid comme la mort) qui cherche à tromper les bolchéviques même si ce sont des alliés. Et puis, il y a le fait de devoir sacrifier quelques vies pour en sauver le plus grand nombre ou comment des mathématiciens et des cryptologues sont amenés à prendre une décision trop lourde pour eux lors d’une scène très forte sur le plan dramatique.

La dernière partie nous montre la vie honteuse et solitaire que mène un homme qui a pourtant conduit à la victoire de son pays. Alan Turing paye le fait d’être homosexuel. Cette fin est bouleversante et on se demande comment le gouvernement de Sa Majesté a pu faire une chose aussi abominable. Alan Turing n’a été gracié qu’en 2013 par la Reine, près de 60 ans après sa mort tragique. Mieux vaut tard que jamais…

Note: 14/20

The Imitation Game, de Morten Tyldum, avec Benedict Cumberbacht, Keira Knightley, Matthew Goode, Charles Dance et Mark Strong, en salles depuis le 28 janvier.

1 février, 2015 à 10 h 26 min | Commentaires (0) | Permalien


WHITECHAPEL-Du sang sur la Tamise

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Entre la fin août et la fin novembre 1888, cinq prostituées furent les malheureuses victimes de celui que la presse baptisa Jack l’Eventreur (Jack The Ripper). Toutes les cinq furent assassinées dans le quartier pauvre de Whitechapel, à Londres. D’autres crimes furent imputés à l’Eventreur mais ces cinq-là sont les seuls dont on soit sûr qu’ils étaient commis par le même assassin. Pourtant, il y eut peut-être un deuxième tueur en série, à la même époque, à Whitechapel. Il s’agit du Tueur au Torse (The Torso Killer). Il a fait au moins deux victimes, deux femmes dont on a retrouvé seulement les torses, amputés de tous leurs membres. L’une d’elles fut même retrouvée sur le chantier des nouveaux locaux de Scotland Yard. Comme Jack, il ne fut jamais attrapé. Mais son modus operandi était différent, ce qui fait dire aux spécialistes qu’il y avait bien deux tueurs.

La romancière Sarah Pinborough a choisi de se pencher sur le Tueur au Torse pour ce roman. Pendant qu’il enquête sur les meurtres de Jack l’Eventreur, le médecin légiste Thomas Bond va autopsier le corps de la première victime du Tueur au Torse. Il découvre, horrifié, l’existence d’un deuxième tueur. Veuf et insomniaque, le docteur Bond s’adonne à l’opium dans des fumeries de Whitechapel. C’est là qu’il va croiser le chemin d’un étrange homme en noir qui épie les drogués pendant qu’ils dérivent. Le docteur Bond va alors entamer un voyage vers l’horreur la plus totale…

Ce roman est un voyage au bout de la nuit. Sans retour. Il nous donne à contempler l’humanité dans de qu’elle peut avoir de plus effrayant. Sarah Pinborough donne vie au quartier de Whitechapel avec un réalisme saisissant. Tout sonne juste, que ce soit au niveau des décors ou des personnages. Son style est vif mais aussi lyrique et poétique par moments. Elle ne nous épargne aucune vision d’horreur. Tout cela sent la violence, le meurtre et le sexe facile dans les fragrances d’opium. La misère de Whitechapel est ici rendue avec une grande précision et une foule de détails. Et puis, il y a les descriptions des victimes des meurtres. Elles sont froides et ultra-réalistes. On ressent du dégoût et de la pitié. Et le pire c’est que l’auteur s’est basée sur la description de crimes réels. Elle n’a rien inventé. Glaçant…

C’est un roman écrit dans un style parfait. Et l’histoire? Tout simplement magistrale! Remarquablement construite, elle est très originale et on tourne les pages avec délectation. Le roman nous donne plusieurs points de vue: celui du docteur Bond (qui a réellement existé et enquêté sur l’Eventreur), l’inspecteur Moore, un étrange coiffeur polonais (que les ripperologues connaissent bien) souffrant d’hallucinations, une jeune servante dissimulant un lourd secret, et, via un journal intime datant de 1886, un jeune dandy anglais parti en Europe pour fuir un chagrin d’amour. Sans oublier, l’étrange homme en noir des fumeries d’opium… Tout ces gens se croisent dans une danse macabre des plus terribles. La mort semble suivre tous les protagonistes de ce roman. L’ambiance est gorgée de suspense. Mais elle est aussi poisseuse, sombre, sans aucun espoir. Le portrait du docteur Bond est remarquable. Traumatisé par la mort de son épouse, c’est une âme en peine qui se perd dans l’ombre de l’opium. Hanté et obsédé par toutes ces femmes assassinées, il se met en chasse pour leur rendre justice. Il va croiser le Mal absolu sur sa route. Le docteur Bond est un personnage complexe et terriblement attachant. Faillible et humain, tout simplement. C’est un témoin du mal. Bravo à Sarah Pinborough de l’avoir pris comme héros et de nous l’avoir fait si proche de nous.

Whitechapel est certes un thriller qui démarre comme une enquête classique. Mais il bascule dans le surnaturel en cours de route. En dire plus serait criminel mais vous serez surpris et effrayé. Jack l’Eventreur n’est qu’une ombre dans ce roman. On sent sa présence mais on ne le verra jamais. Sarah Pinborough s’intéresse au Tueur au Torse et à l’horreur sans nom qu’il cache. Ce livre n’est donc pas une énième thèse sur l’identité de Jack. Ce dernier n’est qu’une conséquence d’un mal beaucoup plus terrible….

Bref, un roman diabolique, original et sans concessions! Sarah Pinborough s’impose comme un auteur de grand talent. Sachez enfin qu’un deuxième tome sur cette histoire paraîtra bientôt. Les nuits seront longues et sans sommeil, blanches mais teintées de rouge sang… Note: 18/20

Whitechapel (Mayhem en anglais), 2013, de Sarah Pinborouh, l’Ombre de Bragelonne, 2014, 359 pages.

20 janvier, 2015 à 14 h 37 min | Commentaires (0) | Permalien


Horoscope 2015

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Bélier:  C’est votre année! La richesse, l’amour, le sexe, la santé, tout va vous réussir! Vous finirez 2015 multimillionnaire, avec des comptes en Suisse et aux Iles Caïman. Avec un peu de chance, vous éviterez la mise en examen d’un juge d’instruction trop curieux et vous échapperez aux 75 % prélevés par le dangereux gouvernement bolchévique de M. Valls. Vous clôturerez l’année, un verre de champagne à la main et de la coke plein les narines, sur votre yacht, surveillant les cours de la bourse sur votre tablette numérique dernier cri. Les enfants africains qui meurent d’Ebola, les SDF, les pauvres, les chômeurs, les guerres, tout ça n’aura aucune prise sur vous et vous vivrez une année faste et insouciante. Félicitations!

Taureau: Une année de défis à relever! Vous allez vous lancer dans les sports extrêmes, tel que le saut à l’élastique ou le windsurf ou le croquet. Soit tout se passera bien, soit vous décéderez d’un arrêt cardiaque, ou d’un accident. C’est vous qui voyez. Ceux d’entre vous qui se lanceront dans le rallye automobile, ne survivront pas au premier virage. Restez plutôt chez vous et comme disait Churchill: No sport!

Gémeaux: Une année de merde! C’est tellement horrible que je ne préfère pas rentrer dans les détails. Foutez-vous en l’air tout de suite, cela vaut mieux.

Cancer: Vous ne croyez pas en l’astrologie. Vous n’êtes pas un gogo comme ceux des autres signes. Vous êtes plus malins. Par conséquent, vous ne lisez même pas cet horoscope, ou alors pour vous marrer. Vous êtes un être supérieur, continuez ainsi et vivez heureux!

Lion:  La première moitié de l’année sera formidable ou détestable. La deuxième moitié sera détestable ou formidable.  L’année 2015 sera une année réussie ou ratée. Soit vous irez de succès en succès, soit d’échec en échec. Ou alors, vous alternerez un succès et un échec, un succès et un échec,… En amour, ce sera mieux qu’en boulot mais pire qu’en santé. Cette dernière pourra vite se dégrader ou non. Si vous êtes célibataire, vos chances de rencontrer l’âme sœur sont nulles mais aussi très nombreuses. En couple, vous restez ensemble ou vous vous séparez. Côté finances…Là, on ne voit rien, on ne peut pas être plus précis, désolé!

Vierge: Neptune entre dans votre maison. Accueillez-le bien. Il est parfois sale et bruyant mais si vous êtes gentils avec lui, il deviendra votre esclave sexuel. Ce n’est pas à négliger! Si vous êtes ascendant Capricorne, attention à la marche!

Balance: Vous continuerez à dénoncer les gens qui vous entourent. Le fisc, l’URSAFF et les forces de l’ordre continueront de recevoir vos lettres anonymes. Vous devriez changer votre façon de vivre pour 2015. Neptune étant en Vierge et les poubelles étant descendues, la conjoncture ne vous est plus favorable. Quelqu’un pourrait apprendre la vérité sur vous et vous dénoncez à vos victimes. Vous risquez de mourir assassiné et on ne retrouvera jamais votre corps. Changer d’orientation professionnelle! Adressez-vous à Pôle Emploi, ils vous aideront!

Scorpion: Vous allez entreprendre un grand voyage. Seul ou en couple, vous vous rendrez dans une contrée inconnue pour des raisons professionnelles. Un nouveau travail et de nouvelles responsabilités vous attendent. Votre vie en sera changée à jamais. Vous allez vous épanouir. 2015 est l’année où votre destin s’accomplit. Bienvenue dans la Légion Etrangère!

Sagittaire: Premier Décan: 2015  sera une année que vous traverserez sur un petit nuage. Faites attention à redescendre de temps en temps, on manque vite d’air en altitude…Les autres vous jalouseront. Ne les écoutez pas, mettez des boules Qiès. Et changez de déodorant, par pitié! Celui que vous mettez n’est pas très efficace!  Deuxième Décan: même chose que le Premier Décan mais vous, c’est de sous-vêtements dont vous devriez changer plus souvent. Troisième Décan: vous allez vous épanouir dans une nouvelle activité: le naturisme. Pas de problème de sous-vêtements donc! Par contre, ne négligez pas l’hygiène corporelle!

Capricorne: C’est pas simple à résumer…Vous êtes chiants les Capricornes, vous savez! Vous ne faites rien comme les autres. C’est toujours très compliqué avec vous. Vous êtes incapables de faire simple! On essaye de faire des efforts pour vous, mais non, il faut toujours que vous en rajoutiez, c’est plus fort que vous! Vous êtes trop complexes. Même votre horoscope est embrouillé et compliqué. J’en ai marre, je jette l’éponge, débrouillez-vous!

Verseau: Pour vous, 2015 vient après 2014 et avant 2016. Vous êtes comme les autres finalement…Choisissez un autre signe au hasard, son horoscope sera le vôtre! Meilleurs vœux quand même!

Poissons: On n’a plus le temps, désolé, revenez en 2016!

 

1 janvier, 2015 à 17 h 04 min | Commentaires (2) | Permalien


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